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Date : 20120511

Dossier: T-1446-11

Référence : 2012 CF 558

Montréal (Québec), le 11 mai 2012

En présence de monsieur le juge Boivin

 

ENTRE :

 

NOUREDDINE ZARI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision, rendue le 17 mai 2011, par un juge de la citoyenneté rejetant la demande de citoyenneté présentée par le demandeur, en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, ch C-29 (Loi). En vertu de l’alinéa 300c) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (Règles), les appels en matière de citoyenneté sont déposés à titre de demandes et sont assujettis aux articles 300 et suivants des Règles.

 

 

Les faits

 

[2]               M. Noureddine Zari (le demandeur) est citoyen du Maroc. Il se représente seul dans la présente cause.

 

[3]               Le demandeur a obtenu le statut de résident permanent le 9 juillet 2002 et est arrivé au Canada le 8 novembre 2005.

 

[4]               Le 12 janvier 2009, le demandeur a déposé une demande de citoyenneté dans laquelle il a déclaré avoir été présent au Canada 1159 jours et absent 301 jours durant la période exigée par la Loi.

 

[5]               Le demandeur a passé une entrevue avec un agent de citoyenneté le 1er juin 2010.

 

[6]               Dans une lettre datée du 19 juillet 2010, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a informé le demandeur que d’autres renseignements et documents, incluant un questionnaire de résidence, étaient requis pour traiter sa demande. Le demandeur a rempli le questionnaire sur la résidence et l’a envoyé avec ses documents à CIC le 30 juillet 2010.

 

[7]               Le 14 février 2011, le demandeur a comparu devant le juge de la citoyenneté pour son entrevue relative à sa demande de citoyenneté. Lors de l’audition, le juge de la citoyenneté a demandé des preuves supplémentaires du demandeur.

 

 

La décision portée en appel

 

[8]               Le juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur ne répondait pas aux exigences de l’alinéa 5(1)c) de la Loi, spécifiquement d’avoir totalisé au moins trois ans de résidence au Canada dans les quatre ans qui précèdent immédiatement la date de sa demande, soit du 12 janvier 2005 au 12 janvier 2009. S’appuyant sur l’affaire Pourghasemi (Re), 62 FTR 122, [1993] ACF no 232 [Pourghasemi], le juge de la citoyenneté a déterminé que la présence physique du demandeur au Canada n’était pas suffisamment établie par les documents et les preuves supplémentaires fournis par le demandeur au soutien de sa demande.

 

[9]               Le juge de la citoyenneté a noté que conformément au paragraphe 15(1) de la Loi, il avait examiné s’il y avait lieu de recommander l’exercice des pouvoirs discrétionnaires prévus au paragraphe 5(4) de la Loi, accordant le gouverneur en conseil le pouvoir d’ordonner au ministre d’attribuer la citoyenneté à toute personne en vue de remédier à des situations particulières et exceptionnelles de détresse ou de récompenser des services d’une valeur exceptionnelle rendus au Canada. Toutefois, le juge de la citoyenneté a conclu qu’il ne voyait aucune raison d’adresser une telle recommandation au ministre puisque le demandeur n’a soumis aucun élément de preuve à cet égard.

 

La question en litige

 

[10]           La Cour est d’avis que la seule question en litige est la suivante :

Le juge de citoyenneté a-t-il erré en concluant que le demandeur ne rencontrait pas les exigences de l’alinéa 5(1)c) de la Loi ?

La législation pertinente

 

[11]           Lalinéa 5(1)c) de la Loi prévoit :

Attribution de la citoyenneté

 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

[…]

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.

 

Grant of citizenship

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

[...]

 

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

 

[12]           Le paragraphe 14(5) de la Loi énonce le suivant :

Appel

 

14. (5) Le ministre et le demandeur peuvent interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté en déposant un avis d'appel au greffe de la Cour dans les soixante jours suivant la date, selon le cas :

 

 

a) de l'approbation de la demande;

 

 

b) de la communication, par courrier ou tout autre moyen, de la décision de rejet.

 

            ...

Appeal

 

14. (5) The Minister or the applicant may appeal to the Court from the decision of the citizenship judge under subsection (2) by filing a notice of appeal in the Registry of the Court within sixty days after the day on which

 

(a) the citizenship judge approved the application under subsection (2); or

 

(b) notice was mailed or otherwise given under subsection (3) with respect to the application.

[...]

 

 

La norme de contrôle applicable

 

[13]           La décision du juge de la citoyenneté est révisable selon la norme de la décision raisonnable (voir Pourzand c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 395 au para 19, [2008] ACF no 485; Yan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 1153 au para 15, [2009] ACF no 1438 ; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Saad, 2011 CF 1508 au para 9, [2011] ACF no 1801). Cette Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47, [2008] 1 RCS 190).

 

L’analyse

 

[14]           La Cour rappelle que la période en cause dans la présente affaire se situe entre le 12 janvier 2005 et le 12 janvier 2009.

 

[15]           En l’espèce, malgré les nombreux documents soumis par le demandeur, le juge de la citoyenneté a conclu qu’il y avait des lacunes dans la preuve du demandeur. Par conséquent, en appliquant le critère strict de résidence physique selon l’affaire Pourghasemi, le juge de la citoyenneté a déterminé que le demandeur n’avait pas établi qu’il avait satisfait les critères de résidence énoncés à l’alinéa 5(1)c) de la Loi, plus particulièrement, que le demandeur est demeuré au Canada pour une période minimale de 1095 jours.

 

[16]           Le demandeur allègue que la décision du juge de la citoyenneté est une décision erronée en fait et en droit. Le demandeur prétend qu’il a respecté les conditions pour l’obtention de sa citoyenneté canadienne. Il soutient qu’il a fourni tous les documents en ordre chronologique depuis son arrivée au Canada jusqu’à la date de dépôt de sa demande. Le demandeur affirme de plus que les documents soumis reflètent sa présence physique au Canada pour une période de trois (3) ans au cours des quatre (4) dernières années précédant la date de sa demande. Plus particulièrement, le demandeur fait référence aux preuves suivantes :

 

  • Il a travaillé au HUNT Personnel du [sic] 7 décembre 2005 ;
  • Du 16 janvier 2006 jusqu’au 21 juin 2006, il a suivi des cours d’anglais ;
  • Du 20 février au 17 mars 2006, il a fait une formation de recherche d’emploi ;
  • Du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2007, il a reçu de la prestation de la sécurité de revenu et il a été obligé de se présenter en personne à la banque avec deux pièces d’identité afin d’encaisser le chèque de prestation, ce qui démontre son existence physique au Canada durant toute cette période ;
  • En juin 2007, il a loué un appartement au 7595 Viau pour une période de 12 mois ;
  • Du 11 octobre 2007 au 6 décembre 2007, il a travaillé à ADP « Fondation Doctor of Québec » ;
  • Du 10 décembre 2007 jusqu’au 15 janvier 2009, il a reçu des paiements de la CSST suite à un accident et il a été obligé de se présenter en personne à la banque avec deux pièces d’identité afin d’encaisser le chèque de prestation, ce qui démontre son existence physique au Canada durant toute cette période ;
  • Pendant l’année 2008, il a fait des visites auprès de la clinique de réadaptation en moyenne de deux fois par semaine.

 

[17]           À la lumière des représentations des parties et de la preuve au dossier, la Cour ne peut accepter les arguments du demandeur. La Cour rappelle que le fardeau de prouver sa résidence physique au Canada repose sur le demandeur (Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 763, [2008] ACF no 964) et ce dernier a eu l’occasion de présenter des preuves supplémentaires. Or, comme l’a raisonnablement souligné le juge de la citoyenneté, la preuve soumise par le demandeur comporte plusieurs anomalies au nombre desquelles : un seul bail a été soumis et il ne couvre que la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 (Dossier du défendeur, p. 58); ce bail ne comporte pas la signature du demandeur et de façon aussi importante, il n’est pas daté (Dossier du défendeur, p. 61) ; le demandeur a omis de déclarer son absence du 12 janvier 2005 au 08 novembre 2005 dans son questionnaire sur la résidence (Dossier du Tribunal, p. 26) ; les autres pièces aux dossiers telles la facture d’Hydro Québec, les prestations de CSST (Dossier du Tribunal, pp. 189, 214) ainsi que l’emploi chez Hunt et les cours d’anglais ne couvrent que des périodes particulières, limitées dans le temps et de courte durée qui ne représentent pas toute la période requise.

 

[18]           Le demandeur n’a pas convaincu cette Cour que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en décidant que le demandeur n’a pu établir par une preuve satisfaisante et cohérente sa présence physique au Canada pendant la période requise.

 

[19]           La Cour constate que cette décision est raisonnable et peut se justifier au regard des faits et du droit et elle appartient aux issues acceptables (Dunsmuir, ci-dessus).

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté.

 

 

 

 

« Richard Boivin »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1446-11

 

INTITULÉ :                                       NOUREDDINE ZARI  et   MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 7 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                      le 11 mai 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Noureddine Zari

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Andrea Shahin

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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