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Date : 20120516

Dossier : T-1356-11

Référence : 2012 CF 590

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 mai 2012

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

 

ENTRE :

 

ANDREW ORR

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE CHEF JAMES ALOOK ET LA PREMIÈRE NATION DE PEERLESS TROUT

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du Conseil de la Première Nation de Peerless Trout (le Conseil) de ne pas, en vertu de l’article 20.1 des Customary Election Regulations of the Peerless Trout First Nation, 2010 (le Règlement électoral), démettre de ses fonctions le chef James Alook pour conflit d’intérêts. Subsidiairement, la présente demande vise le fait que le Conseil n’a pas rendu de décision concernant la destitution du chef Alook. Le demandeur sollicite de la Cour une ordonnance déclarant que le Conseil a refusé d’exercer sa compétence, ainsi qu’une ordonnance destituant le chef Alook.

 

Faits

[2]               Le demandeur a, jusqu’au 10 juillet 2010, occupé par intérim la fonction de chef de la Première Nation de Peerless Trout (la PNPT). Il est également un des administrateurs de la Fifth Meridian Development Association (la FMDA) et de la Fifth Meridian Enterprises Ltd. (la FME). Ces deux entités avaient été constituées en sociétés sans but lucratif chargées d’exercer certaines fonctions et de mettre en œuvre certains programmes pour le compte de la collectivité jusqu’à ce que la PNPT soit reconnue en tant que Première Nation en 2010. Le 30 juin 2010, a eu lieu la première élection de la PNPT, et James Alook, un des défendeurs, a été élu chef. Deux candidats malheureux, Norman Okemow et Norman Gladue, ont contesté l’élection en appel, mais leurs recours ont été rejetés en juillet 2010.

 

[3]               Le demandeur affirme que le chef Alook est président de la FMDA, et qu’il était vice‑président de la FME avant d’être révoqué le 18 juillet 2011. Le demandeur soutient en outre qu’après son élection, le chef Alook a continué à gérer la FME en tant qu’entreprise commerciale, et ce, contrairement aux dispositions du Règlement électoral sur les conflits d’intérêts.

 

[4]               Le demandeur affirme que le chef Alook était, avec son épouse, un administrateur et actionnaire de l’Amber Oilfield Contracting Ltd. jusqu’au 9 mars 2011, date à laquelle son épouse est devenue l’unique actionnaire de l’entreprise. Le demandeur allègue par ailleurs qu’après son élection, le chef Alook a continué à exiger que des travaux soient confiés à l’Amber Oilfield Contracting Ltd., ce qui, là encore, constitue une violation des dispositions du Règlement électoral sur les conflits d’intérêts.

 

[5]               Le demandeur allègue en outre que le chef Alook a, en sa possession, des chèques de l’Athabasca Oil Sands Corporation et de Coastal Resources Limited qu’il refuse de remettre.

 

[6]               M. Okemow a déposé auprès du Conseil la plainte initiale concernant ce qu’il affirme être, de la part du chef Alook, un conflit d’intérêts, demandant que le chef Alook soit destitué de ses fonctions de chef. Une réunion publique a eu lieu en mars 2011 afin que soient examinées les allégations en question. Le Conseil a demandé aux membres de lui transmettre à cet égard des renseignements supplémentaires. Le Conseil a également sollicité l’avis de son conseiller juridique, et d’un avocat de l’extérieur.

 

[7]               Le Conseil a reçu, de M. Okemow, des renseignements supplémentaires, et du chef Alook, une réponse aux allégations formulées à son endroit.

 

[8]               Une autre réunion publique a eu lieu le 2 juin 2011 afin que soient examinées les allégations en question. Brian Pitcairn, gérant de la bande, atteste dans son affidavit que M. Okemow n’a pas pris la parole lors de cette réunion. D’autres membres, dont le demandeur, ont pris la parole et fait référence aux allégations. Selon les deux avis juridiques, dont il a été fait état lors de cette réunion, aucun élément de preuve ne vient étayer les allégations de conflit d’intérêts.

 

[9]               Lors de la réunion, le Conseil a annoncé qu’il attendrait encore deux semaines avant de se prononcer et que, dans l’intervalle, il accueillerait tout autre élément de preuve produit à l’appui des allégations.

 

[10]           M. Pitcairn atteste par affidavit qu’aucun autre élément de preuve n’a été reçu, ni au cours des deux semaines en question, ni depuis. Selon M. Pitcairn, le Conseil n’a pas encore pris de décision concernant l’allégation formulée par M. Okemow.

 

[11]           Dans son mémoire des faits et de droit, le demandeur affirme que d’autres éléments de preuve ont bien été présentés au Conseil; plus particulièrement, celui-ci s’est vu signifier sa première demande de contrôle judiciaire (T-959-11), ainsi que deux affidavits produits à l’appui. Le demandeur n’atteste cependant pas dans son affidavit qu’il en a été ainsi. M. Pitcairn reconnaît que l’avis de demande a été reçu, ainsi qu’un affidavit du demandeur. Il précise, cependant, que le 9 juin 2011, le Conseil a reçu au sujet de la demande T-959-11 un avis de désistement.

 

[12]           Dans son mémoire, le demandeur affirme que la demande de contrôle judiciaire initiale a été retirée, car elle avait été déposée avant la fin de la période de deux semaines prévue pour la réception de renseignements supplémentaires. Le demandeur a déposé la présente demande après l’expiration de cette période.

 

Questions en litige

[13]           Les défendeurs ont, à titre préliminaire, contesté la production en preuve de l’affidavit de Andrew Orr déposé dans le cadre de la demande T-959-11, dont le demandeur s’était désisté, faisant valoir que l’affidavit en question n’a pas été régulièrement produit dans le cadre de la demande dont la Cour est saisie en l’espèce.

 

[14]           Les questions de fond peuvent être formulées en ces termes :

a)   La Cour a‑t‑elle compétence pour ordonner la destitution du chef Alook?

b)   Les conditions sont-elles réunies pour que la Cour ordonne au Conseil d’examiner s’il y a lieu ou non de destituer le chef Alook?

 

Analyse

[15]           Théoriquement, les défendeurs ont raison de dire que l’affidavit de Andrew Orr, produit dans le cadre de la demande T-959-11, dont le demandeur s’est désisté, n’a pas été produit dans le cadre de la présente demande et qu’il ne devrait par conséquent pas en être tenu compte. L’article 306 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, régit la manière dont la preuve doit être présentée dans le cadre d’une demande et, selon cette disposition :

Dans les trente jours suivant la délivrance de l’avis de demande, le demandeur signifie les affidavits et pièces documentaires qu’il entend utiliser à l’appui de la demande et dépose la preuve de signification.

 

 

[16]           La raison d’être de cette règle voulant que les éléments de preuve soient soumis à la Cour par affidavit, est que la partie adverse doit être en mesure de contre-interroger. C’est pourquoi les éléments de preuve produits dans le cadre d’une demande ne sauraient être transférés à une autre demande, même si les parties sont les mêmes dans les deux cas (voir Kahnapace c Canada (Procureur général), 2010 CAF 70, 402 NR 61; Tekyi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 90 FTR 300, au paragraphe 13, 53 ACWS (3d) 836; Central Trust Co c 103702 Canada, [1981] AJ no 1328 (ABQB) (QL)).

 

[17]           Quoi qu’il en soit, l’avocate du demandeur a indiqué à l’audience que si l’affidavit en question a été intégré au dossier du demandeur, c’est simplement afin de montrer qu’il a été signifié au chef Alook et au Conseil, et que les renseignements qu’il contient ont bien été reçus durant la période de deux semaines fixée par le Conseil pour l’envoi de tout renseignement supplémentaire concernant les allégations de M. Okemow. La Cour est donc disposée à prendre l’affidavit en compte à cette fin limitée, et non comme une preuve de la véracité des allégations qu’il contient.

 

a) La Cour a‑t‑elle compétence pour ordonner la destitution du chef Alook?

[18]           L’avocat des défendeurs soutient que la Cour n’a pas compétence pour ordonner que le chef Alook soit, comme le souhaite le demandeur, démis en plein mandat de ses fonctions électives. Selon l’article 20 du Règlement électoral, la question de savoir s’il y a lieu ou non de destituer un membre du Conseil ou le chef de la Première Nation est laissée à l’appréciation du Conseil.

 

[19]           Selon la disposition pertinente de l’article 20 du Règlement électoral :

[traduction]
La destitution d’un chef ou d’un conseiller sera décidée par le Conseil en fonction des motifs suivants :

[…]

e) Manquement aux lignes directrices sur les conflits d’intérêts, applicables au chef et au Conseil, tel que prévu à l’annexe « C ».

 

 

[20]           L’annexe C prévoit notamment que :

 

[traduction]

 

Les membres du Conseil ne doivent, de manière directe ou indirecte, exercer aucune activité personnelle ou commerciale qui serait en concurrence ou en conflit avec les intérêts de la Première Nation de Peerless Trout (ci-après « la Nation ») ou qui nuirait à leur capacité à servir les intérêts de la Nation. Ces activités comprennent notamment :

 

[…]

 

2. AVANTAGES PERSONNELS

 

Les membres du Conseil ne prendront aucune décision, et n’exerceront pas leurs fonctions ou leurs compétences dans le but de se procurer des avantages extraordinaires pour eux‑mêmes ou pour des membres de leur famille immédiate.

 

[…]

 

4. ACTIVITÉ DE NATURE COMMERCIALE

 

a) Les membres du Conseil devront, par écrit, et dans les plus brefs délais divulguer au Conseil la nature de tout emploi ou de tout intérêt commercial extérieur.

 

b) Un chef ou un conseiller ne doit rien faire qui l’empêche de consacrer pleinement ses efforts à l’exercice de ses fonctions de chef ou de conseiller et, dans le cas contraire, il sera considéré comme étant en conflit d’intérêts à moins que son comportement soit jugé nécessaire pour des raisons de santé ou pour des motifs d’ordre personnel ou familial.

 

c) Il est attendu de chaque membre du Conseil qu’il se consacre à temps plein à ses fonctions et qu’il ne prenne part à aucune activité commerciale extérieure durant la durée de son mandat.

 

d) PRÊTS, CADEAUX ET INVITATIONS

 

e) Les membres du Conseil doivent, dans le cadre d’une opération commerciale, être à l’abri de tout reproche et de toute objection. Ils ne doivent pas se laisser mettre dans une situation où leurs décisions pourraient sembler être indûment influencées par des considérations d’ordre personnel.

 

f) Les membres du Conseil ne devront accepter aucun cadeau extraordinaire, prêt personnel ou autre avantage particulier, que ce soit d’un autre membre du Conseil ou d’un individu, d’une entreprise ou d’une organisation faisant affaire avec la Nation.

 

g) Tout membre du Conseil à qui l’on offre ou qui reçoit un paiement ou un cadeau ayant plus qu’une valeur symbolique, doit le refuser ou le rendre avec tact et dignité, en faisant savoir au donateur qu’il existe une politique qui lui interdit d’accepter.

 

h) Les membres du Conseil ne doivent, pendant la durée de leur mandat, recevoir aucun prêt de la Nation ou de l’une des entités qui en émane.

 

 

[21]           Je suis d’accord avec les défendeurs que la Cour n’a pas à s’arroger le rôle du Conseil. Il ressort clairement du paragraphe 20(1) du Règlement électoral que c’est au Conseil qu’il appartient de décider si le chef ou l’un des conseillers a enfreint les lignes directrices sur les conflits d’intérêts. Le paragraphe 20(2) confère en outre au Conseil le pouvoir discrétionnaire absolu et sans réserve de décider s’il y a lieu ou non de destituer un membre du Conseil, même dans l’hypothèse où les événements ou agissements justifiant une telle destitution sont confirmés. Cette disposition prévoit catégoriquement que [traduction] « [u]ne fois confirmés les motifs de destitution, le Conseil peut par résolution démettre de ses fonctions le chef ou un conseiller ». [Non souligné dans l’original.] Il serait tout à fait inapproprié de la part de la Cour de se substituer au Conseil et de se prononcer sur la destitution du chef avant même que le Conseil ait rendu sa propre décision (voir, par analogie, Bruno c Nation crie de Samson, 2006 CAF 249, au paragraphe 23, 149 ACWS (3d) 810).

 

[22]           Il en va de même de la compétence qu’a la Cour de délivrer un bref de quo warranto en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7. D’abord, une certaine jurisprudence permet d’affirmer qu’il n’y a pas lieu de décerner un bref de quo warranto dans les cas où il est reproché à un élu d’être, après son entrée en fonction, en conflit d’intérêts par rapport à ses attributions (voir, par exemple, Bruce c Reynatt, [1979] 2 CF 697, au paragraphe 14, 104 DLR (3d) 11 (CF 1re inst); Bird c Salt River First Nation, 2009 FC 25, au paragraphe 13, 93 Admin LR (4th) 90).

 

[23]           Ajoutons que l’élection du chef Alook a été contestée dans le cadre de deux appels formés conformément aux dispositions du Règlement électoral, et que ces deux appels ont été rejetés en juillet 2010. Personne ne fait valoir devant la Cour que le chef Alook n’avait pas qualité pour se porter candidat aux fonctions de chef lors de l’élection de juin 2010, et aucune preuve n’a été produite à l’appui d’une telle allégation.

 

[24]           Plus important encore, il est bien établi qu’on ne saurait, par l’obtention d’un bref de quo warranto, contester une élection lorsque la loi offre un autre recours, comme c’est le cas du Règlement électoral (voir Jock c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1991] 2 CF 355, aux paragraphes 63 à 66 (CF 1re inst) (QL)).

 

[25]           Et, enfin, la Cour estime que, ainsi que le font valoir les défendeurs, elle ne saurait, en décernant un bref de mandamus (à supposer que les conditions auxquelles est soumise la délivrance d’un tel bref soient réunies, question qui sera abordée au paragraphe suivant), dicter l’issue d’une décision qui relève du pouvoir discrétionnaire du Conseil (Kahlon c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 3 CF 386, au paragraphe 3 (CAF) (QL); Saint-Brieux (Ville) c Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2010 CF 427, au paragraphe 57, 370 FTR 8). La Cour considère que, conformément à l’article 20 du Règlement électoral, la décision de destituer ou non le chef Alook continue à relever du pouvoir discrétionnaire du Conseil, même dans l’hypothèse où celui-ci retiendrait les allégations de conflit d’intérêts. C’est dire que même si les faits allégués par le demandeur sont vrais et qu’il est reconnu qu’ils constituent effectivement un conflit d’intérêts, le demandeur ne peut pas obtenir de la Cour la mesure qu’il sollicite.

 

b) Les conditions sont-elles réunies pour que la Cour ordonne au Conseil d’examiner s’il y a lieu ou non de destituer le chef Alook?

[26]           Un bref de mandamus constitue une mesure à la fois extraordinaire et discrétionnaire et la Cour d’appel fédérale a eu l’occasion de préciser les conditions qui doivent être réunies avant que la Cour puisse décerner un bref de mandamus :

 

1.         Il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public :

 

2.         L’obligation doit exister envers le requérant : […]

 

3.         Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment :

 

a)         le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation; […]

 

b)         il y a eu (i) une demande d’exécution de l’obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n’ait été rejetée sur-le-champ, et (iii) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable; […]

 

4.         Lorsque l’obligation dont on demande l’exécution forcée est discrétionnaire, les règles suivantes s’appliquent :

 

a)         le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire ne doit pas agir d’une manière qui puisse être qualifiée d’« injuste », d’« oppressive » ou qui dénote une « irrégularité flagrante » ou la « mauvaise foi »;

 

b)         un mandamus ne peut être accordé si le pouvoir discrétionnaire du décideur est « illimité », « absolu » ou « facultatif »;

 

c)         le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire « limité » doit agir en se fondant sur des considérations « pertinentes » par opposition à des considérations « non pertinentes »;

 

d)         un mandamus ne peut être accordé pour orienter l’exercice d’un « pouvoir discrétionnaire limité » dans un sens donné;

 

e)         un mandamus ne peut être accordé que lorsque le pouvoir discrétionnaire du décideur est « épuisé », c’est-à-dire que le requérant a un droit acquis à l’exécution de l’obligation. […]

 

5.         Le requérant n’a aucun autre recours : […]

 

6.         L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique : […]

 

7.         Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé : […]

 

8.         Compte tenu de la « balance des inconvénients », une ordonnance de mandamus devrait (ou ne devrait pas) être rendue.

 

Apotex c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742, au paragraphe 45 (CAF) (QL) [Apotex]

 

 

[27]           Les défendeurs reconnaissent qu’il est du devoir du Conseil d’examiner la question de savoir s’il devrait ou non exercer son pouvoir discrétionnaire et démettre de ses fonctions un chef ou un membre du Conseil si un membre a officiellement présenté une demande en ce sens.

 

[28]           Dans leur mémoire, les défendeurs soutiennent que dans cette affaire l’obligation du Conseil n’est pas envers le demandeur, mais envers M. Okemow, puisque c’est lui qui a déposé la plainte initiale alléguant un conflit d’intérêts. À l’audience, cependant, l’avocat des défendeurs est quelque peu revenu sur cette position, à juste titre me semble-t-il.

 

[29]           Le Règlement électoral ne pose aucune exigence précise concernant la décision qu’il est demandé au Conseil de rendre, et les défendeurs n’ont produit aucune preuve d’une exigence procédurale à cet égard. M. Pitcairn a en outre, dans son affidavit, reconnu que des membres du Conseil, autre que M. Okemow, dont le demandeur, ont présenté, lors de la réunion du 2 juin 2011, des observations sur les allégations de conflit d’intérêts. Cela étant, la Cour ne saurait retenir l’argument voulant que le Conseil n’ait, à cet égard, aucune obligation envers le demandeur. Non seulement le demandeur est membre de la PNPT, mais il est également une partie intéressée qui a pris part au processus.

 

[30]           Pour ce qui est de la troisième condition, l’avocat des défendeurs rappelle que ce n’est que dans son mémoire des faits et du droit en date du 28 septembre 2011 que M. Orr précise, pour la première fois, que l’affidavit qu’il a déposé dans le cadre de la demande T-959-11, dont il s’est depuis désisté, constitue les renseignements supplémentaires que le Conseil avait sollicités lors de la réunion du 2 juin 2011. L’avocat des défendeurs soutient par ailleurs que même si le mémoire des faits et du droit du demandeur peut-être considéré, de la part de M. Orr, comme une demande qu’il aurait précédemment adressée au Conseil pour obtenir que celui-ci satisfasse à l’obligation qui lui incombe, cette demande n’avait pas encore été présentée lorsque le demandeur a, le 22 août 2011, déposé la présente demande de contrôle judiciaire. Cela étant, on ne saurait reprocher au Conseil d’avoir déraisonnablement tardé.

 

[31]           L’argument ne me paraît pas fondé. Selon l’affidavit de M. Pitcairn, le Conseil, à la fin de la réunion du 2 juin 2011, a annoncé qu’il attendrait deux semaines de plus avant de rendre sa décision et que dans ces deux semaines, il accueillerait tout autre élément de preuve présenté à l’appui des allégations de conflit d’intérêts. Il n’était donc pas nécessaire de demander à nouveau au Conseil de se prononcer, comme il était tenu de le faire, sur l’allégation formulée à l’encontre du chef Alook. Le demandeur et tous les autres membres de la PNPT étaient en droit d’obtenir une décision sur ce point, et la seule question qui se pose est par conséquent celle de savoir si un délai raisonnable a été laissé au Conseil pour accéder à la demande qui lui était présentée.

 

[32]           Il se peut que lorsque la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée, le 22 août 2011, le Conseil n’avait pas encore tardé déraisonnablement. Mais cela fait maintenant presqu’un an que le Conseil s’est engagé à décider si le chef Alook a enfreint les lignes directrices sur les conflits d’intérêts et, si c’est effectivement le cas, s’il devrait être démis de ses fonctions. Or, selon ce qu’en sait la Cour, aucune décision n’a encore été prise à cet égard. Cela étant, la délivrance d’un bref de mandamus se justifie nettement. L’avocat des défendeurs a d’ailleurs volontiers reconnu à l’audience que le Conseil n’a pas le pouvoir discrétionnaire de rendre ou non une décision, quelle qu’elle soit.

 

[33]           Je considère que toutes les autres conditions prévues par l’arrêt Apotex, précité, sont en l’espèce réunies et qu’il y a donc lieu de rendre une ordonnance de type mandamus enjoignant au Conseil de se prononcer sur les allégations de conflit d’intérêts formulées à l’encontre du chef Alook. Le Conseil devra, dans le mois suivant le prononcé du présent jugement, rendre une décision concernant la destitution de James Alook de ses fonctions de chef de la PNPT. Le demandeur aura droit aux dépens.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que, dans le mois qui suit le prononcé du présent jugement, le Conseil doit rendre une décision concernant la destitution de James Alook en tant que chef de la PNPT. Le demandeur a droit aux dépens.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1356-11

 

INTITULÉ :                                      ANDREW ORR c LE CHEF JAMES ALOOK ET LA PREMIÈRE NATION DE PEERLESS TROUT

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 14 décembre 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 16 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Priscilla Kennedy

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Rolf

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Davis, LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

 

 

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