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Date : 20120525

Dossier : IMM‑8301‑11

Référence : 2012 CF 635

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2012

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

DEVINDER SANDHU ET

PARVINDER SANDHU

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs, M. Devinder Sandhu et M. Parvinder Sandhu, sont des consultants en immigration qui fournissent des services en matière d’immigration. Ils sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision (la décision) d’une membre du Conseil de discipline de la Société canadienne des consultants en immigration (la membre), communiquée aux demandeurs le 1er novembre 2011. Dans sa décision, la membre a conclu que la Société canadienne des consultants en immigration (la Société ou la défenderesse) a compétence pour poursuivre des procédures disciplinaires à l’égard des demandeurs, en dépit des modifications législatives apportées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [LIPR] et au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement], aux termes desquelles la Société a cessé d’être l’autorité fédérale de réglementation des consultants en immigration. Les demandeurs sont ou étaient des membres de la Société.

 

[2]               Dans la présente demande, les demandeurs cherchent à obtenir les réparations suivantes :

 

1.                  un bref de certiorari annulant la décision de la membre selon laquelle la Société continue d’avoir compétence aux termes de l’article 13.1 du Règlement;

 

2.                  un bref de prohibition interdisant à la défenderesse d’intenter toute autre action relativement aux présentes questions ou à toute question aux termes de l’article 13.1 du Règlement;

 

3.                  une déclaration selon laquelle la Société n’a pas compétence sur les présentes questions;

 

4.                  les dépens de la présente instance.

 

[3]               La question préliminaire et, à mon avis, qui scelle le sort de l’affaire est celle de savoir si la Société est un « office fédéral » au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 [la Loi sur les CF]. Si la Société ne répond pas à la définition d’« office », la Cour n’a tout simplement pas compétence pour statuer sur la présente affaire.

 

[4]               La compétence de la Cour fédérale se limite au contrôle des actions et décisions des tribunaux qui répondent à la définition d’« office fédéral ». Ce terme est défini à l’article 2 de la Loi sur les CF.

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

“federal board, commission or other tribunal” means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867

 

[5]               Il ne fait pas de doute que la Cour avait compétence pour procéder au contrôle judiciaire d’une décision de la Société lorsque celle‑ci était l’organisation expressément mentionnée dans le Règlement. Dans Onuschak c Société canadienne de l’immigration, 2009 CF 1135 au paragraphe 24, 357 FTR 22 [Onuschak], le juge Harrington explique que :

Il ne fait guère de doute que la Cour aurait compétence pour procéder au contrôle judiciaire d’une décision de la Société qui priverait Mme Onuschak de son statut de membre ou qui révoquerait celui‑ci. Une telle décision aurait pour effet d’empêcher Mme Onuschak de représenter des clients contre rémunération dans le cadre de procédures en matière d’immigration au niveau fédéral. Le pouvoir de la Société à cet égard lui est conféré par l’article 91 de la LIPR et l’article 13.1 du RIPR. De toute évidence, lorsqu’elle exerce ce pouvoir, la Société « exer[ce] […] une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale » – elle est donc un office fédéral à ces fins.

 

[6]               Cependant, le mandat de la Société a changé le 30 juin 2011, date de l’entrée en vigueur des modifications à la LIPR qui ont révoqué le statut de la Société comme autorité de réglementation et l’ont conféré au Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada. Par conséquent, avant le 30 juin 2011, la Société était l’organisme d’autoréglementation des consultants en immigration du Canada désigné aux termes du paragraphe 91(5) de la LIPR et de l’article 13.1 du Règlement. À ce titre, les demandeurs étaient tenus d’être membres de la Société pour représenter des personnes relativement à toute question soulevée en vertu de la LIPR ou du Règlement. Après le 30 juin 2011, la Société n’était plus l’autorité de réglementation désignée en vertu de la LIPR.

 

[7]               Il importe de signaler que, dans les modifications apportées à la LIPR et au Règlement, le législateur n’a donné ni directive, ni dispositions transitoires en ce qui a trait aux procédures disciplinaires introduites en vertu du régime en vigueur avant le 30 juin.

 

[8]               Les procédures visant les demandeurs chevauchent la période au cours de laquelle il y a eu les modifications législatives. En décembre 2010, le Conseil de discipline de la Société a intenté des procédures contre les demandeurs. Une conférence préparatoire à l’audience a eu lieu le 25 février 2011, mais a été reportée et s’est terminée en mai 2011. La seconde conférence préparatoire à l’audience a eu lieu le 31 août 2011. À cette conférence, l’avocat des demandeurs a demandé que l’affaire soit ajournée pour qu’il soit statué sur la question de savoir si la Société continuait d’avoir compétence pour statuer sur l’affaire, étant donné qu’elle n’était plus l’autorité de réglementation désignée pour les consultants en immigration. Par conséquent, quoique les procédures intentées contre les demandeurs l’aient été alors que la Société était l’autorité de réglementation des consultants en immigration, elles se sont poursuivies après l’entrée en vigueur des modifications législatives aux termes desquelles la Société a cessé d’être l’autorité de réglementation des consultants en immigration.

 

[9]               Dans sa décision, la membre a conclu que la Société conservait la compétence pour poursuivre les procédures disciplinaires à l’encontre des demandeurs et a recommandé la tenue d’une nouvelle conférence préparatoire. Pour parvenir à cette conclusion, la membre a estimé que [traduction] « la révocation » de la désignation de la Société comme autorité de réglementation ne touchait pas [traduction] « l’obligation ou la responsabilité » qui incombait aux demandeurs en vertu de la législation abrogée. En d’autres mots, la membre a conclu que [traduction] « les modifications législatives du mois de juillet de la présente année n’ont pas modifié la situation des procédures disciplinaires intentées avant juillet » et, en conséquence, que [traduction] « la procédure disciplinaire peut se poursuivre comme si la disposition législative n’avait pas été abrogée » (non souligné dans l’original). En faisant expressément référence à l’affaire dont elle était saisie, la membre a indiqué que les procédures disciplinaires avaient été [traduction] « commencées bien avant les modifications législatives ».

 

[10]           La déclaration de la  membre selon laquelle les procédures disciplinaires peuvent se poursuivre peut être interprétée, quand on la lit isolément, comme si la membre concluait que la Société conservait la compétence en vertu de la LIPR pour prendre des mesures disciplinaires à l’égard de ses membres. Cela n’est bien sûr pas le cas. Contrairement à la déclaration de la membre, [traduction] « la révocation » de la désignation de la Société comme autorité de réglementation touche sans le moindre doute les obligations et les responsabilités des demandeurs en ce qui a trait à la LIPR. Quoique l’organisation puisse continuer des procédures disciplinaires en vertu de ses ententes contractuelles avec ses membres ou de ses règlements administratifs, elle ne peut plus se présenter comme l’autorité de réglementation désignée dans la LIPR, ce qui a été clairement reconnu par l’avocat de la Société durant la plaidoirie. Après le 30 juin 2011, la Société n’exerçait plus une compétence ou des pouvoirs en vertu de la LIPR, pour la simple raison que la LIPR ne lui conférait plus de pouvoir. Le fait que l’appartenance à l’organisation découlait initialement du pouvoir conféré à la Société par l’article 91 de la LIPR et l’article 13.1 du Règlement ne donne pas lieu à un lien législatif continu après l’entrée en vigueur des modifications à la LIPR. Il s’ensuit que, à la date de la décision, la Société n’avait pas compétence comme office fédéral.

 

[11]           La question demeure de savoir si la membre était censée exercer une compétence en vertu des pouvoirs antérieurement conférés à la Société par la LIPR. En dépit du libellé de la déclaration de la membre, je ne crois pas que tel était bien le cas. À la suite de ses commentaires sur la LIPR, la membre a poursuivi ses remarques en faisant référence à la qualité inchangée de la Société comme personne morale de droit privé. La membre indique que, à titre de membres en règle au moment où les procédures disciplinaires ont été intentées, les demandeurs demeuraient assujettis à ses règles et règlements, ce qui comprenait le fait de demeurer assujettis à la compétence du conseil de discipline. Enfin, la membre cite la décision de notre Cour Fridriksdottir c Société canadienne de consultants en immigration, 2011 CF 910, 100 Imm LR (3d) 213, et fait remarquer que cette décision ne [traduction] « limitait [pas] nécessairement la fonction et les pouvoirs [de la Société] à titre de personne morale ». La membre explique clairement que son pouvoir découle de l’appartenance des demandeurs à la Société.

 

[12]           L’avocat de la Société a expliqué très clairement que la Société comprenait et acceptait ne plus être l’autorité de réglementation des consultants en immigration aux termes de la LIPR ou du Règlement. En d’autres mots, la Société ne se présente plus comme l’autorité de réglementation désignée par la LIPR et ne prétend plus être cette autorité. La Société reconnaît que, dans le cadre de sa relation contractuelle actuelle avec ses membres, toute action visant à faire exécuter ses droits et obligations relève de la compétence d’une cour supérieure provinciale.

 

[13]           À mon avis, la Société, en raison des modifications à la législation, n’est plus un office fédéral. En continuant les audiences disciplinaires des demandeurs, la Société n’exerce pas et ne prétend pas exercer une compétence ou des pouvoirs conférés en vertu d’une loi du Parlement. La Cour fédérale n’a pas compétence pour statuer sur la présente affaire ou pour accorder une quelconque réparation aux demandeurs.

 

[14]           Les demandeurs ont demandé que je certifie la question suivante en l’espèce :

[traduction] La Société conserve‑t‑elle sa compétence en vertu de l’article 91 de la LIPR pour prendre des mesures disciplinaires à l’égard de ses anciens membres?

 

[15]           Si je n’ai aucune compétence pour statuer sur la présente demande de contrôle judiciaire, il s’ensuit que je n’ai pas compétence pour certifier une question de portée générale. Quoi qu’il en soit, comme la Société l’a concédé, le mandat de la société de prendre des mesures disciplinaires à l’égard de ses membres (ou anciens membres) ne découle plus des dispositions de la LIPR; il s’agit plutôt d’une question de droit privé. Étant donné cette admission de la Société, les faits de l’espèce ne soulèvent pas cette question.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8301‑11

 

INTITULÉ :                                                  DEVINDER SANDHU ET

                                                                        PARVINDER SANDHU c

                                                                        LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 16 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 25 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Visha Sukdeo

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

Service d’assistance judiciaire, conseils juridiques et service de contentieux en matière d’immigration

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Société canadienne des consultants en immigration

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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