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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120522

Dossier : IMM-871-11

Référence : 2012 CF 614

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 mai 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

IRINA GRISCENKO

 

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

 

 

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Irina Griscenko, conteste le refus de sa demande de visa de résident permanent dans la catégorie des travailleurs autonomes par un agent des visas (l’agent) à l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne, dans une lettre datée du 13 janvier 2011. L’agent a conclu qu’elle ne satisfaisait pas à la définition de « travailleur autonome » prévue au paragraphe 88(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).

 

[2]               Pour les motifs énoncés ci‑après, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

I.          Contexte

 

[3]               La demanderesse, qui est une ressortissante de la Lettonie, réside au Canada depuis le 28 septembre 2010. Elle a un permis de travail temporaire et travaille à temps plein à titre de professeure d’art dramatique russe à la Discovery Academy 5.3.4 Guide réel à Toronto.

 

[4]               Le 5 octobre 2010, la demanderesse a rempli une demande mise à jour de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs autonomes. Elle a fondé sa demande sur une expérience de dix ans en chorégraphie dramatique, régie, art dramatique, mise en scène et enseignement du théâtre russe et letton. Elle a précisé que cette expérience avait été acquise et reconnue à l’échelle internationale grâce à sa participation à des festivals et l’obtention de divers diplômes et témoignages de reconnaissance.

 

[5]               À la suite d’un examen préliminaire de sa demande, l’agent a demandé des renseignements supplémentaires se rapportant à son intention et à sa capacité de contribuer de manière importante au Canada. Plus précisément, la demande ne précisait pas ses heures de travail, ses méthodes pédagogiques, le nombre d’enfants par groupe ou les dispositions prises avec son employeur concernant l’utilisation des installations d’enseignement pour des cours et des ateliers.

 

[6]               En réponse à la demande de précisions, la demanderesse a notamment fourni une lettre de la Discovery Academy indiquant qu’elle pourrait utiliser les installations pour donner des cours en dehors des heures normales d’ouverture, en vertu d’une disposition de partage des coûts.

 

[7]               L’agent a tout de même conclu que la demanderesse ne répondait pas à la définition de « travailleur autonome » en vertu du Règlement parce qu’elle avait travaillé pour la Ventspils House of Arts, en Lettonie, à titre de professeure d’art dramatique russe de 1993 à 2010, et qu’elle travaillait à temps plein à la Discovery Academy au Canada.

 

[8]               De plus, son expérience dans l’organisation d’événements théâtraux et de festivals culturels en Lettonie n’a pas été considérée comme étant à l’échelle internationale étant donné que cela concerne [Traduction] « des personnes qui sont connues à l’échelle internationale et qui se sont produites au plus haut niveau de leur discipline ». Au contraire, l’expérience de la demanderesse a été considérée comme uniquement de nature locale. Les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) de l’agent renvoient à une recherche sur Google au moyen du nom de la demanderesse et dont le seul résultat est une mention dans un forum de discussion de Toronto.

 

II.        Question en litige

 

[9]               L’unique question en litige pour la Cour est la suivante :

L’agent a‑t‑il commis une erreur en refusant la résidence permanente à la demanderesse à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes?

 

III.       Norme de contrôle

 

[10]           La décision d’un agent concernant une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes est contrôlée selon la norme de la raisonnabilité (Kim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1291, [2008] ACF no 1644, au paragraphe 18; Ding c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 764, [2010] ACF no 934, au paragraphe 8).

 

[11]           Selon cette norme, la Cour ne devrait intervenir que si la décision de l’agent ne démontre pas une justification, une transparence et une intelligibilité ou n’appartient pas aux issues possibles acceptables (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47). La cour de révision ne peut pas substituer l’issue qui serait à son avis préférable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] ACS no 12, au paragraphe 59).

 

IV.       Analyse

 

[12]           En vertu du paragraphe 100(2) du Règlement, l’étranger qui fait une demande à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes doit répondre à la définition énoncée au paragraphe 88(1). Un « travailleur autonome » est un étranger qui a l’« expérience utile » et qui a l’intention et est en mesure de créer son propre emploi au Canada et de contribuer de manière importante à des activités économiques déterminées au Canada. Le Règlement entend par « expérience utile » :

« expérience utile »

 

 

a) S’agissant d’un travailleur autonome autre qu’un travailleur autonome sélectionné par une province, s’entend de l’expérience d’une durée d’au moins deux ans au cours de la période commençant cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent est faite et prenant fin à la date où il est statué sur celle-ci, composée :

 

(i) relativement à des activités culturelles :

 

(A) soit de deux périodes d’un an d’expérience dans un travail autonome relatif à des activités culturelles,

 

(B) soit de deux périodes d’un an d’expérience dans la participation à des activités culturelles à l’échelle internationale,

 

(C) soit d’un an d’expérience au titre de la division (A) et d’un an d’expérience au titre de la division (B),

 

 

 

[…]

 

“relevant experience”, in respect of

 

(a) a self-employed person, other than a self-employed person selected by a province, means a minimum of two years of experience, during the period beginning five years before the date of application for a permanent resident visa and ending on the day a determination is made in respect of the application, consisting of

 

 

(i) in respect of cultural activities,

 

(A) two one-year periods of experience in self-employment in cultural activities,

 

 

 

(B) two one-year periods of experience in participation at a world class level in cultural activities, or

 

 

(C) a combination of a one-year period of experience described in clause (A) and a one-year period of experience described in clause (B),

 

[…]

 

 

[13]           La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur en la pénalisant pour son absence d’expérience à titre de travailleuse autonome. Elle a établi qu’elle pourrait utiliser les installations de l’école où elle travaille, qu’elle touche un salaire horaire et qu’elle possède une expérience du domaine. Invoquant une jurisprudence précédente se rapportant à la définition de « travailleur autonome », la demanderesse signale que l’agent a accordé une importance exagérée à son manque d’expérience à titre de professeur autonome d’art dramatique (voir par exemple Yang c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 27 F.T.R. 74, [1989] ACF no 218; Grube c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 118 FTR 163, [1996] ACF no 1089, au paragraphe 25; Leung c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1293, [2001] ACF no 1789, aux paragraphes 10 et 11).

 

[14]           Le défendeur soutient que l’agent a pris en considération l’ensemble de la preuve, signalant que la demanderesse n’avait fourni aucune information concernant le nombre prévu d’élèves qu’elle pourrait attirer ou le nombre nécessaire pour rentabiliser son entreprise. Il signale que la situation de la demanderesse ressemble à celle décrite dans Kim, précitée, où le juge Michel Beaudry a confirmé la décision d’un agent ayant conclu que le demandeur n’avait pas fourni un plan d’affaires adéquat.

 

[15]           Bien que je reconnaisse que le plan d’affaires de la demanderesse est légèrement plus étoffé que dans Kim, précitée, il était raisonnablement loisible à l’agent de faire des commentaires sur son expérience à titre d’employée à temps plein comparativement à celle d’une personne qui travaille à son compte. Cela correspond aux éléments de preuve dont disposait l’agent, mais aussi à la définition d’« expérience utile » énoncée dans le Règlement en vigueur.

 

[16]           De plus, il ne faut pas examiner cette conclusion isolément. L’agent a aussi noté l’absence d’expérience à l’ « échelle internationale » parce que l’expérience de la demanderesse était de portée locale.

 

[17]           La demanderesse soutient que rien dans la définition d’« expérience utile » ou dans les documents stratégiques connexes n’établit de distinction entre la « reconnaissance à l’échelle internationale » et la reconnaissance internationale, comme l’a sous-entendu l’agent. La demanderesse a participé à divers festivals internationaux, et son nom ressort dans les recherches faites sur Google en russe et letton.

 

[18]           Cependant, je ne vois rien dans l’interprétation de l’agent qui ne soit pas suffisamment justifié, transparent et intelligible. J’accepte les observations du défendeur voulant que l’expression « à l’échelle internationale » entraîne logiquement une comparaison entre les personnes reconnues comme des chefs de file sur la scène internationale d’une discipline donnée et la demanderesse. Que celle‑ci ait une expérience transcendant les frontières ou entraînant une renommée à l’échelle locale ne veut pas nécessairement dire qu’elle se soit produite à l’« échelle internationale », comme l’exige le Règlement. Il est loisible à l’agent d’apprécier la preuve de cette façon.

 

V.        Conclusion

 

[19]           L’agent a raisonnablement conclu que la demanderesse ne répondait pas à la définition de travailleur autonome et qu’elle n’avait donc pas droit au statut de résidente permanente.

 

[20]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE            que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-871-11

 

INTITULÉ :                                      GRISCENKO c MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 5 AVRIL 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     LE 22 MAI 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mary Lam

 

POUR LA DEMANDERESSE

Michael Butterfield

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER :

 

Cecil L. Rotenberg, c.r.

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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