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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120605

Dossier : IMM-7806-11

Référence : 2012 CF 691

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

NGOZI CHIMNERE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Ngozi Chimnere (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d’immigration (l’agent) a rejeté sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie du regroupement familial, en vertu du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), parce que son mariage avec le répondant, Michael Chimnere, n’était pas authentique et visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège d’immigration.

 

I.          Contexte

 

[2]               Le 31 août 2009, Michael Chimnere a été admis au Canada en tant que réfugié au sens de la Convention du fait de sa participation aux activités d’un groupe revendiquant l’autodétermination du peuple ibo et du peuple du delta du Niger, au Nigeria.

 

[3]               Le 31 octobre 2009, il a également demandé le statut de résident permanent. Dans le cadre de sa demande, il a fourni des renseignements concernant sa famille, en mentionnant notamment la demanderesse et leurs deux fils, Obinna et Okechukwu. Michael Chimnere a d’abord demandé que seule sa demande soit traitée parce qu’il n’avait pas suffisamment d’argent pour payer les frais pour eux.

 

[4]               Le 31 décembre 2009, toutefois, il a produit les documents et payé les frais exigés pour les membres de sa famille parce que quelqu’un lui a fourni l’argent supplémentaire dont il avait besoin pour le faire.

 

[5]               Le 14 décembre 2010, la demanderesse a été questionnée par des agents canadiens concernant certains problèmes ressortant des documents fournis à l’appui de la demande. Par avis daté du même jour, la demanderesse et Michael Chimnere ont été informés de la décision de l’agent.

 

[6]               L’agent a conclu que la demanderesse ne pouvait se voir accorder le statut de résidente permanente sur le fondement de son mariage avec Michael Chimnere en raison de l’application du paragraphe 4(1) du Règlement. L’agent a conclu comme suit :

[Traduction]

Compte tenu de l’entrevue que nous avons eue avec vous dans nos bureaux et après avoir examiné les documents produits, je ne suis pas convaincu que votre relation avec le répondant est authentique. Au cours de l’entrevue, vous avez été informée de ces réserves, mais vous n’avez pas été en mesure de me convaincre que ces réserves n’étaient pas fondées. Par conséquent, je ne crois pas que votre relation ne visait pas à obtenir à l’admission au Canada. Par conséquent, aux fins de l’application des dispositions réglementaires, vous n’êtes pas considérée comme une personne faisant partie de la catégorie du regroupement familial.

 

[7]               Conformément à cette conclusion, le système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI) indique ce qui suit :

[Traduction]

AVEZ‑VOUS LE CERTIFICAT DE MARIAGE? LA DP FOURNIT UNE DÉCLARATION SOUS SERMENT DATÉE DU 15 JUIN 2010 DE L’ÉTAT D’ABJA, AU NIGERIA.

ELLE FOURNIT AUSSI UN FORMULAIRE C NO 07721, CERTIFICATION D’ENREGISTREMENT DE MARIAGE, DÉLIVRÉ PAR « ABIA STATE GOVT OF NIGERIA ».

LE DOCUMENT A ÉTÉ DÉLIVRÉ RÉCEMMENT, LA DATE N’A PU ÊTRE ÉTABLIE.

 

[…]

 

CERTIFICATS DE BAPTÊME DES FILS, OBINNA ET OKECHUKWU, DE L’ÉGLISE MÉTHODISTE D’UZGOKOLI, DATÉS RESPECTIVEMENT DU 12 JUILLET 1990 ET DU 5 AVRIL 1992. LES DEUX SEMBLENT AVOIR ÉTÉ DÉLIVRÉS RÉCEMMENT; MÊME ÉCRITURE ET MÊME ENCRE.

 

[…]

 

LES DEUX ENFANTS À CHARGE SEMBLENT BEAUCOUP PLUS ÂGÉS QUE CE QUI EST DÉCLARÉ. EN OUTRE, LA DP N’A PAS ÉTÉ EN MESURE DANS LA DISCUSSION OU AVEC L’AIDE DES DOCUMENTS DE DÉMONTRER QU’ELLE EST VRAIMENT MARIÉE AU CONJOINT RC.

LA DP A AFFIRMÉ QUE LES ORIGINAUX AVAIENT ÉTÉ ENDOMMAGÉS PARCE QU’ILS AVAIENT ÉTÉ RANGÉS SOUS LEUR LIT ET QU’AUCUN D’EUX N’ÉTAIT RÉCUPÉRABLE.

LA RELATION MATRIMONIALE N’A PAS ÉTÉ ÉTABLIE. DEMANDE REFUSÉE.

 

II.        Questions en litige

 

[8]               La principale question soulevée est de savoir si les conclusions tirées par l’agent concernant le mariage de la demanderesse étaient raisonnables.

 

III.       Norme de contrôle applicable

 

[9]               Sur le plan des conclusions factuelles, la question de savoir si le mariage est authentique ou s’il visait l’acquisition d’un statut commande la déférence dans l’application de la norme de la décision raisonnable (voir Searles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 996, [2009] ACF no 1299, au paragraphe 10; Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 417, [2010] ACF no 482, au paragraphe 14; Yadav c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 140, [2010] ACF no 353, au paragraphe 50).

 

[10]           Suivant cette norme, la Cour interviendra seulement si les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité ne sont pas respectés ou, en d’autres termes, si la décision n’appartient pas aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

IV.       Analyse

 

[11]           La demanderesse prétend que l’évaluation de l’agent était trop microscopique et conjecturale lorsqu’elle a écarté la preuve concernant le mariage de bonne foi. En particulier, elle conteste le fait que l’agent n’a pas accordé d’importance aux documents produits parce qu’ils semblaient avoir été délivrés récemment et que la date de leur rédaction n’était pas précisée. Selon la demanderesse, le fait que l’agent a cru qu’elle et ses fils semblaient plus âgés que ce qu’il avait été déclaré relevait également de la conjecture.

 

[12]           En toute déférence, j’estime que ces affirmations sont sans fondement. Il apparaît tout à fait raisonnable de la part de l’agent de soulever les problèmes qui ressortent des documents fournis, à savoir que la date du certificat de mariage ne pouvait être établie et que les certificats de baptême délivrés pour les enfants à charge semblaient l’avoir été récemment et avoir été écrits de la même main et avec la même encre. L’agent a simplement fait une remarque concernant leur âge à la lumière de ce qui avait été déclaré dans les documents pertinents.

 

[13]           La demanderesse s’est vu accorder la possibilité de justifier ces problèmes au cours de l’entrevue, mais l’agent n’était toujours pas convaincu de la nature de leur relation matrimoniale. En effet, pour la première fois durant l’entrevue, la demanderesse tente d’expliquer comment les originaux ont été endommagés, sauf que ses explications ont en fin de compte soulevé d’autres questions quant à la fiabilité de la preuve présentée à l’agent. Comme le défendeur le souligne, la demande était principalement fondée sur ces documents.

 

[14]           La jurisprudence invoquée par la demanderesse n’est que de peu d’utilité. Le juge Robert Barnes s’est interrogé sur l’importance accordée aux ambiguïtés ou aux détails insignifiants dans l’appréciation des liens matrimoniaux dans Tamber c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 951, [2008] ACF no 1183, au paragraphe 21; il s’agissait de circonstances particulières où beaucoup trop d’importance avait été accordée à des détails insignifiants relevés dans les témoignages. Par contre, dans la présente affaire, l’agent examinait des problèmes concernant des documents essentiels pour établir le mariage.

 

[15]           De même, l’observation de la demanderesse portant que l’agent s’est appuyé sur des préjugés pour apprécier l’âge n’est pas corroborée par le contexte dans lequel l’observation en question a été faite dans les notes du STIDI. L’âge apparent était un autre facteur à prendre en considération compte tenu des divers problèmes déjà cernés concernant les documents dont l’agent disposait. Il s’agit d’un scénario complètement différent de ceux décrits dans les décisions invoquées par la demanderesse dans son mémoire.

 

[16]           S’appuyant sur le guide opérationnel de Citoyenneté et Immigration Canada (OP-2, Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie du regroupement familial, 14 novembre 2006), la demanderesse laisse entendre qu’on aurait dû lui donner la possibilité de fournir une preuve génétique. Toutefois, je suis plutôt d’accord avec le défendeur pour dire que la preuve génétique n’établirait pas nécessairement l’authenticité du mariage, mais simplement s’il s’agit bien de leurs enfants. Je ne vois pas non plus la nécessité de tenir des entrevues personnelles avec le répondant et la demanderesse séparément pour établir s’ils se connaissent bien l’un et l’autre. Par contre, le guide opérationnel confirme qu’il peut arriver que des photos soient altérées ou que des documents soient frauduleux et que cela constitue une préoccupation pertinente pour l’agent chargé de rendre une décision comme en l’espèce.

 

[17]           Le défendeur souligne, et je suis d’accord avec lui, que les observations de la demanderesse tendent à déplacer le fardeau de preuve de manière à ce que l’agent établisse que le mariage était authentique. Le problème en l’espèce était que la demanderesse et son répondant dans le cadre de la demande n’ont pas réussi à fournir les documents ni à dissiper les réserves en répondant aux questions de façon à démontrer que leur mariage n’était pas visé par le paragraphe 4(1) du Règlement. La demanderesse n’a tout simplement pas réussi à convaincre l’agent, au cours de l’entrevue, que les réserves en question n’étaient pas fondées. Pourtant, il incombait à la demanderesse de le faire.

 

[18]           Compte tenu de la preuve présentée et des problèmes liés à celle‑ci, l’agent était justifié de douter que le mariage était authentique et ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut.

 

V.        Conclusion

 

[19]           Pour les motifs exposés précédemment, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7806-11

 

INTITULÉ :                                      NGOZI CHIMNERE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 30 AVRIL2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 5 JUIN 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dov Maierovitz

 

POUR LA DEMANDERESSE

Alex Kam

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler, Etienne LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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