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Date : 20120605

Dossier : IMM‑8310‑11

Référence : 2012CF 685

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2012

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

SATWINDER PAL SINGH GREWAL RAJINDER KAUR GREWAL

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               Il est bien établi en droit que les conclusions de fait d’un agent d’examen des risques avant renvoi [ERAR] commandent la déférence. La Cour a d’ailleurs déclaré ce qui suit dans Abdollahzadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1310 :

[29]      J’ajoute, comme il a été mentionné dans l’arrêt Colindres, supra, dans des circonstances s’apparentant au présent cas, que le fait que la demanderesse soit en désaccord avec les conclusions de l’agent d’ERAR ne rend pas la décision de l’agent d’ERAR déraisonnable. À mon avis, la demanderesse dans ses soumissions demande en réalité à la Cour de substituer son appréciation de la preuve à celle faite par l’agent. Ceci n’est pas le rôle de la Cour à cette étape‑ci de l’historique du dossier de la demanderesse (Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] ACF no 1592, 2006 CF 1274, au paragraphe 17; Maruthapillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 761, au paragraphe 13).

 

II. Procédure judiciaire

[2]               La Cour est saisie d’une demande fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], visant à obtenir le contrôle judiciaire d’une décision datée du 30 septembre 2011 rejetant la demande d’ERAR des demandeurs.

 

III. Contexte

[3]               Monsieur Satwinder Pal Singh Grewal et son épouse, Mme Rajinder Kaur Grewal, sont des citoyens de l’Inde.

 

[4]               Les demandeurs sont entrés au Canada en octobre 2008 pour rendre visite à leur fils qui étudie à l’Université de Windsor. Ils ont demandé l’asile le 13 février 2009, alléguant être exposés à une menace de la part de la police et des autorités indiennes et des militants sikhs en raison de l’appui de M. Grewal au Parti du Congrès.

 

[5]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a rejeté leur demande en janvier 2011 parce qu’elle a estimé qu’ils pouvaient bénéficier d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Delhi. La Cour a refusé d’autoriser la demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Commission.

 

[6]               Les demandeurs ont présenté une demande d’ERAR en juillet 2011.

 

IV. Décision visée par le contrôle judiciaire

[7]               L’agent a analysé la preuve fournie par les demandeurs à l’appui de leur demande d’ERAR. Cette preuve était composée des formulaires de renseignements personnels [FRP] des demandeurs et de trois lettres; une de la belle‑sœur du demandeur, Mme Manjit Kaur, une de l’avocat P.L. Sharma et une d’un conseiller, le sarpanch Nachhattar Singh. Les demandeurs ont également versé en preuve un article de presse traduit en anglais.

 

[8]               L’agent était d’avis que ni les FRP ni les documents de la Commission se rapportant aux conditions dans le pays ne constituaient de la nouvelle preuve. L’agent a accordé peu de valeur probante aux trois lettres parce qu’elles présentaient des contradictions. Il a estimé qu’il y manquait des éléments essentiels. L’agent a conclu que les trois lettres avaient été rédigées dans le seul but d’appuyer la demande d’ERAR.

 

[9]               L’agent a jugé que l’article de presse n’établissait pas l’existence d’un risque personnalisé pour les demandeurs. L’agent n’a accordé aucun poids à l’allégation selon laquelle M. Satwinder Pal Singh Grewal est recherché par la police parce qu’elle n’était corroborée par aucun élément de preuve. Il a souligné que le plus jeune fils des demandeurs et d’autres membres de la famille vivent en Inde.

 

[10]           L’agent a analysé la situation qui règne en Inde et conclu que [traduction] « des progrès ont été faits pour régler le problème de la corruption et de l’impunité au sein de la force policière, du gouvernement et de l’appareil judiciaire » (décision d’ERAR, à la page 7).

 

[11]           L’agent était d’avis que les demandeurs peuvent bénéficier d’une PRI à Delhi.

 

V. Question en litige

[12]           La décision de l’agent est‑elle raisonnable?

 

VI. Dispositions législatives et réglementaires pertinentes

[13]           Les dispositions pertinentes de la LIPR sont rédigées comme suit :

Examen de la demande

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

Consideration of application

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

[14]           Les dispositions pertinentes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement], sont rédigées comme suit :

Facteurs pour la tenue d’une audience

 

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci‑après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

Hearing — prescribed factors

 

167.      For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

VII. Thèses des parties

[15]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a fait erreur en concluant que les lettres se contredisaient. Ils avancent également que l’agent aurait dû tenir une audience pour leur donner la possibilité de dissiper les doutes qu’il avait, comme le prévoit le Règlement. Ils prétendent de plus que c’est à tort qu’il a conclu à l’existence d’une PRI.

 

[16]           Le défendeur fait valoir que la crédibilité n’était pas une question centrale qui justifiait la tenue d’une audience. Il ajoute que l’agent a bien soupesé la preuve soumise par les demandeurs. Finalement, il soutient que l’agent a correctement appliqué le critère relatif à la PRI.

 

VIII. Analyse

[17]           La norme de contrôle applicable à la décision d’un agent d’ERAR concernant l’appréciation des faits est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

 

[18]           Il est bien établi en droit que la tenue d’une audience est exceptionnelle et n’est justifiée que lorsque tous les facteurs énoncés au paragraphe 167(1) du Règlement sont réunis (Mutate Andrade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1074).

 

[19]           Dans la présente affaire, il est évident que l’agent n’a pas mis en cause la crédibilité des demandeurs; la question centrale était plutôt la valeur probante de la nouvelle preuve soumise par les demandeurs. La condition prévue à l’alinéa 167(1)a) du Règlement n’était pas remplie; par conséquent, la tenue d’une audience n’était pas requise.

 

[20]           Dans Ferguson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067, la Cour a déclaré ce qui suit :

[33]      Le poids que le juge des faits accorde à la preuve présentée dans une instance ne relève pas de la science. Différentes personnes peuvent accorder un poids différent à la preuve, mais l’évaluation du poids de la preuve devrait entrer à l’intérieur de certains paramètres raisonnables. La retenue s’impose lorsque les agents d’ERAR évaluent la valeur probante de la preuve dont ils disposent. Si leur évaluation entre dans les paramètres de la raisonnabilité, elle ne devrait pas être modifiée. Selon moi, le poids accordé à la déclaration de l’avocate dans la présente affaire entre dans ces paramètres.

 

[21]           Dans la présente affaire, l’absence de renseignements pertinents dans les lettres versées en preuve a amené l’agent à conclure, comme il était habilité à le faire, que ces lettres ne permettaient pas d’établir la crainte alléguée du demandeur à l’égard de la police, des autorités et des militants sikhs (Pina Gaete c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 744). Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve.

 

[22]           En ce qui a trait à la conclusion relative à l’existence d’une PRI à Delhi, les demandeurs n’ont pas démontré que l’agent avait fait erreur. La Cour constate que l’agent n’a pas analysé la question de savoir si les demandeurs bénéficiaient d’une PRI. Par ailleurs, sa conclusion concernant la PRI est la suivante :

[traduction]

De plus, le cas advenant qu’ils ne souhaitent pas retourner au Punjab, j’estime que la nouvelle preuve présentée est insuffisante pour m’amener à une conclusion différente de celle de la SPR, à savoir qu’il existe une possibilité de refuge intérieur pour les demandeurs à Delhi.

 

(Décision d’ERAR, à la page 9.)

 

[23]           Néanmoins, cette conclusion est raisonnable, compte tenu de l’analyse qu’il a faite des conditions en Inde. Compte tenu de cette analyse, c’est à bon droit qu’il a conclu que les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque personnalisé en Inde. Par conséquent, il n’était pas nécessaire qu’il examine la question de la PRI.

 

IX. Conclusion

[24]           Pour les motifs exposés précédemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8310‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  SATWINDER PAL SINGH GREWAL
RAJINDER KAUR GREWAL c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 30 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 5 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nimanthika Kaneira

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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