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Date : 20120605

Dossier : IMM‑5113‑11

Référence : 2012 CF 693

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2012

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

SOOK JUNG

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Madame Jung sollicite le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle l’agente O. Dumitru (l’agente) a conclu, le 18 juillet 2011, qu’elle n’était pas une enfant à charge de Mme Gyoun Ja Moon (ou la mère de Mme Jung) au sens de l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [RIPR], et qu’elle ne pouvait être visée par la demande de résidence permanente de Mme Moon en application du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

II.        Les faits

 

[3]               Madame Jung est une citoyenne de la Corée du Sud âgée de 24 ans.

 

[4]               Sa mère, Mme Moon, s’est mariée à M. Suk Nam Cho, le 11 janvier 2005. M. Cho est un résident permanent du Canada.

 

[5]               En mars 2005, Mme Jung et sa mère sont arrivées au Canada à titre de visiteurs.

 

[6]               Le 5 août 2009, Mme Moon a présenté une demande de visa de résident permanent au Canada au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait. Elle a inscrit Mme Jung comme enfant à charge.

 

[7]               En mai 2011, l’avocat de Mme Jung a fait parvenir à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) des observations dans lesquelles il était précisé que Mme Jung était financièrement dépendante de ses parents parce qu’elle n’était pas en mesure de travailler à temps plein en raison d’une dépression.

 

[8]               Le 18 juillet 2011, l’agente a conclu, à l’issue d’un examen approfondi de la demande de résidence permanente de Mme Moon, que Mme Jung ne répondait pas à la définition d’« enfant à charge » énoncée à l’article 2 du RIPR et qu’elle était par conséquent exclue de la demande de sa mère.

 

III.       Dispositions législatives et réglementaires applicables

 

[9]               L’article 2 du RIPR et le paragraphe 25(1) de la LIPR prévoient ce qui suit :

 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

 

[. . . ]

 

« enfant à charge »

“dependant child”

« enfant à charge » L’enfant qui :

 

a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre de ses parents :

 

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

 

 

 

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

 

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

 

(i) il est âgé de moins de vingt‑deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

 

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt‑deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

 

 

 

 

 

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui‑ci,

 

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

 

(iii) il est âgé de vingt‑deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt‑deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

 

2. The definitions in this section apply in these Regulations.

 

. . .

 

“dependent child”

« enfant à charge »

“dependent child”, in respect of a parent, means a child who

 

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

 

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common‑law partner of the parent, or

 

(ii) is the adopted child of the parent; and

 

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

 

(i) is less than 22 years of age and not a spouse or common‑law partner,

 

 

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 — or if the child became a spouse or common‑law partner before the age of 22, since becoming a spouse or common‑law partner — and, since before the age of 22 or since becoming a spouse or common‑law partner, as the case may be, has been a student

 

(A) continuously enrolled in and attending a post‑secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

 

 

 

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full‑time basis, or

 

(iii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 and is unable to be financially self‑supporting due to a physical or mental condition.

 

 (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

 

IV.       Question en litige et norme de contrôle

 

A.                La question en litige

 

·                     La décision de l’agente quant à l’exclusion de Mme Jung de la demande de résidence permanente de sa mère au Canada est‑elle raisonnable?

 

B.                 Norme de contrôle

 

[10]           La question de savoir si Mme Jung est une enfant à charge au sens de l’article 2 du RIPR est une question mixte de fait et droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Nawfal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 464, au paragraphe 13).

 

[11]           Dans l’examen de la décision de l’agente, la Cour doit donc s’intéresser « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

 

V.        Observations des parties

 

A.                Les observations de Mme Jung

 

[12]           L’agente a tiré les conclusions suivantes :

1.         Mme Jung n’était pas étudiante à temps plein à la date pertinente;

2.         Il n’existe aucun élément de preuve selon lequel Mme Jung a cherché à obtenir des soins médicaux plus poussés en vue de soigner sa dépression. Mme Jung fait valoir que le fait qu’elle ait ou non fréquenté l’école à temps plein n’est pas pertinent pour l’application du RIPR. Elle prétend que la définition d’« enfant à charge » au sous‑alinéa 2b)(iii) n’exige pas d’un demandeur qu’il fréquente un établissement d’enseignement à temps plein au moment de présenter une demande de résidence permanente.

 

[13]           Mme Jung soutient que si la décision de l’agent est fondée sur des facteurs non pertinents, elle doit faire l’objet d’un contrôle (voir Guo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] ACF no 1197).

 

[14]           Mme Jung fait observer que la décision de l’agente était fondée sur des facteurs non pertinents, à savoir si elle avait cherché à obtenir des soins médicaux plus poussés en vue de soigner sa dépression. Elle souligne que la preuve d’un tel traitement médical peut se révéler pertinente pour déterminer si la dépendance financière d’un demandeur est attribuable à son état de santé mentale. Toutefois, la nécessité d’un traitement peut raisonnablement s’inférer du fait que la dépression influe sur la capacité de Mme Jung de travailler à temps plein. Par conséquent, aucune autre preuve médicale n’était exigée en l’espèce.

 

[15]           Mme Jung conclut ses observations en soutenant que l’agente a mal exercé son pouvoir discrétionnaire en accordant trop d’importance au fait qu’elle n’a pas cherché à obtenir des soins médicaux. Elle prétend que l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle en excluant le rapport du Dr Choe.

 

[16]           À l’audience, l’avocat de Mme Jung a soulevé des questions sur l’évaluation faite par l’agente de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (CH) présentée par la demanderesse, même si ces questions ne faisaient pas partie de ses observations écrites.

 

B.                 Les observations du défendeur

 

[17]           Le défendeur affirme que la décision de l’agente était raisonnable puisque Mme Jung n’a pas présenté de preuve convaincante démontrant qu’elle faisait partie de l’une des catégories énoncées à l’article 2 du RIPR.

 

[18]           Le défendeur a indiqué au tribunal que lorsque Mme Jung a rempli sa demande en août 2009, elle a répondu par la négative à la question no 6, à savoir si elle souffrait d’une maladie mentale ou de troubles physiques graves (voir page 238, dossier certifié du tribunal). Il a également fait valoir que, dans une lettre en date du 6 août 2009, l’avocat de Mme Jung ne fait aucunement mention de l’état de santé mentale de sa cliente, mais qu’il insiste sur ses réalisations artistiques scolaires. Enfin, il soutient que les troubles de santé mentale de Mme Jung n’ont été soulevés qu’en mai 2011, alors que le rapport du Dr Choe a été déposé en preuve.

 

[19]           En outre, le défendeur fait valoir que Mme Jung a déclaré que, parce qu’elle n’avait pas le statut d’immigrant, elle ne pouvait pas poursuivre ses études postsecondaires au Canada. C’est pourquoi elle a sombré dans une dépression. Or, le défendeur estime que la définition d’« enfant à charge » figurant au RIPR ne vise pas à remédier à la dépression d’un enfant majeur en lui offrant la possibilité de poursuivre des études postsecondaires au Canada. Le règlement reconnaît plutôt que, dans certaines circonstances, c’est l’état de santé physique ou mentale d’un enfant qui fait en sorte qu’il est dépendant de ses parents.

 

[20]           En réponse aux observations de Mme Jung, le défendeur soutient que l’agente n’a pas mal exercé son pouvoir discrétionnaire en accordant trop d’importance au fait que Mme Jung n’a pas cherché à obtenir des soins médicaux plus poussés. Au contraire, il était raisonnable pour l’agente de conclure que Mme Jung n’avait pas présenté de suffisamment d’éléments de preuve convaincants pour étayer sa demande.

 

[21]           L’avocat du défendeur a également soulevé la question de l’absence d’allégations portant sur l’évaluation de la demande CH de Mme Jung dans les observations écrites de son avocat.

 

VI.       Analyse

 

·                     La décision de l’agente quant à l’exclusion de Mme Jung de la demande de résidence permanente de sa mère au Canada est‑elle raisonnable?

 

[22]           La Cour conclut que la façon dont l’agente a traité la demande de résidence permanente de Mme Jung était raisonnable.

 

[23]           L’agente a conclu que Mme Jung n’avait présenté aucune preuve qu’elle [traduction] « étudiait à temps plein à la date pertinente » (voir la décision et les motifs de l’agente à la page 19 du dossier du tribunal). Elle a également déclaré [traduction] « qu’un avis du médecin de famille a été fourni. Toutefois, aucune lettre d’un spécialiste n’atteste que Sook Jung a fait l’objet de soins médicaux plus poussés » (voir la décision et les motifs de l’agente à la page 19 du dossier du tribunal).

 

[24]           Étant donné la réponse négative de Mme Jung à la question figurant dans sa demande écrite, à savoir si elle souffrait d’une maladie mentale ou de troubles physiques, et ses déclarations axées principalement sur ses talents artistiques et sur les offres de différentes universités, l’agente a pris en considération tous les facteurs pertinents pour parvenir à décision. Elle a examiné avec soin tous les éléments de preuve qui auraient pu démontrer que Mme Jung appartenait à l’une des catégories de la définition d’« enfant à charge ».

 

[25]           Le sous‑alinéa 2b)(iii) du RIPR prévoit qu’un « enfant à charge », par rapport à l’un ou l’autre de ses parents, est « un enfant qui (iii) est âgé de vingt‑deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt‑deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental ».

 

[26]           Pour ce qui est de l’état mental de Mme Jung, la Cour estime qu’il était raisonnable pour l’agente de mentionner qu’aucune lettre de spécialiste n’attestait que Mme Jung faisait l’objet de traitements médicaux plus poussés, puisque ce motif n’a été invoqué au soutien de sa demande de statut que beaucoup plus tard et qu’il n’était étayé que par une lettre du Dr S. Choe.

 

[27]           En mai 2011, le Dr S. Choe a écrit : [traduction] « Je traite Mademoiselle Sook Jung depuis 2005. Elle a fait une dépression et est demeurée à la maison pendant deux ans. Elle a commencé à être dépressive lorsqu’une école locale a refusé sa demande d’admission pour des raisons liées à son visa. Elle a eu de la difficulté à trouver un emploi à cause de sa dépression. » (voir la lettre du Dr Choe, à la page 43 du dossier de la demanderesse)

 

[28]           L’agente n’a pas mal exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a évalué la preuve visant à étayer l’existence de cet autre motif pour lequel la demanderesse devrait être considérée comme une enfant à charge. Cela est d’autant plus vrai si on considère que Mme Jung avait travaillé à temps partiel. Il était loisible et raisonnable pour l’agente de tenir compte de l’absence de preuve convaincante établissant que Mme Jung remplissait les conditions lui permettant d’être considérée comme une enfant à charge au sens de l’article 2 du RIPR.

 

[29]           Dans l’arrêt Jang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 312, au paragraphe 12, la Cour d’appel fédérale a conclu que « [l]es demandes d’admission au Canada à titre d’immigrant sont assujetties à la décision discrétionnaire d’un agent des visas qui doit tenir compte de certains critères prévus par la loi pour prendre sa décision. Lorsque ce pouvoir conféré par la loi a été exercé de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle et que la décision n’a pas été fondée sur des considérations non pertinentes ou étrangères à l’objet de la législation, les tribunaux ne devraient pas intervenir ».

 

[30]           Enfin, en ce qui a trait au traitement de la demande CH de Mme Jung, la Cour n’examinera pas les observations faites par son avocat, lesquelles ne respectent pas les Règles de cette Cour.

 

[31]           Pour les motifs susmentionnés, la Cour rejette la présente demande de contrôle judiciaire et confirme la décision de l’agente.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5113‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  SOOK JUNG c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 19 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 5 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Brodzky

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Charles J. Jubenville

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Petrykanyn Cullen

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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