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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120605

Dossier : IMM-7317-11

Référence : 2012 CF 690

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

SYLVIA MAY MARTIN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Sylvia May Martin, conteste le rejet de la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qu’elle a présentée en application du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

 

I.          Le contexte

 

[2]               La demanderesse, une citoyenne de la Jamaïque, vit au Canada depuis janvier 1992. Elle est mère de trois enfants nés au Canada et âgés de 15, 16 et 18 ans.

 

[3]               Il s’agit de sa deuxième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La première a été rejetée en 2005, tandis que la plus récente, qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire, a été rejetée en 2011.

 

[4]               Lorsqu’il a rendu sa décision défavorable, l’agent d’immigration (l’agent) a conclu qu’il n’y avait aucune preuve objective étayant les allégations selon lesquelles la demanderesse a été victime de violence de la part de son ancien conjoint et que ce dernier a juré de la tuer. De plus, la preuve objective était insuffisante pour établir que la demanderesse avait présenté des éléments de preuve clairs et convaincants du fait qu’elle ne pourrait se prévaloir de la protection de l’État en Jamaïque. Comme l’a conclu l’agent, [traduction] « la demanderesse ne donne pratiquement aucun détail sur la violence alléguée, sur ses tentatives pour obtenir la protection de l’État ou sur la présumée menace constante que son ancien conjoint fait peser sur elle ».

 

[5]               L’agent a en outre signalé que la demanderesse n’avait fourni que [traduction] « fort peu de précisions » quant à son établissement au Canada. Elle n’a fait état d’aucun emploi avant 1999. Aucune lettre ni aucun document touchant son travail bénévole n’ont été produits depuis 2009. Bien que, selon certains renseignements, la demanderesse ait compté sur le soutien financier du père de ses enfants et sur celui de l’église, l’agent a mentionné qu’aucune précision n’a été offerte sur ce point. Malgré les observations formulées par l’avocat de la demanderesse voulant qu’elle soit la principale personne à s’occuper des enfants, la preuve objective était insuffisante pour établir qu’elle remplissait également ce rôle sur le plan financier.

 

[6]               L’intérêt supérieur des enfants de la demanderesse a été examiné à la lumière de lettres dans lesquelles ils demandaient que leur mère demeure au Canada. L’agent a reconnu que la situation serait difficile pour les enfants et qu’une mère joue un rôle important dans ce contexte. Néanmoins, il a été mentionné que les enfants ont leur père, deux demi-sœurs et trois tantes au Canada. L’agent a conclu qu’ils ne seraient pas [traduction] « privés de ressources financières ou d’amour et de soutien familiaux si leur mère retournait en Jamaïque et présentait une demande de résidence permanente selon le processus habituel ».

 

[7]               L’agent a, au bout du compte, tiré la conclusion suivante : [traduction] « Je ne suis pas d’avis que les difficultés occasionnées par l’obligation d’obtenir un visa de résident permanent à l’extérieur du Canada seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives et, à cet égard, que des motifs d’ordre humanitaire justifient l’octroi de la dispense ».

 

II.        La question en litige

 

[8]               La Cour doit déterminer si l’agent a commis une erreur lorsqu’il a examiné l’intérêt supérieur des enfants de la demanderesse.

 


III.       La norme de contrôle

 

[9]               Il convient de faire preuve de retenue à l’égard des décisions relatives à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et celles‑ci doivent être examinées selon la norme de la raisonnabilité (Garas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1247, [2010] ACF no 1559, au par. 22; Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, 2008 CarswellNat 1565, au par. 11; Inneh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 108, 2009 CarswellNat 239, au par. 13).

 

[10]           La raisonnabilité tient à l’existence d’une justification de la décision ainsi qu’à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ou, en d’autres termes, la décision doit appartenir aux issues possibles acceptables (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au par. 47).

 

IV.       Analyse

 

[11]           La demanderesse avance que l’agent a commis une erreur parce qu’il n’a pas été réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de ses enfants (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 1999 CarswellNat 1124, au par. 75). Elle conteste le fait que l’agent a renvoyé à ses documents pour affirmer qu’elle réside avec le père des enfants alors qu’ils ne cohabitent pas et qu’elle compte sur lui pour du soutien financier. Cela laisse entendre qu’il existe entre le père et ses enfants un lien qui n’est pas étayé par les lettres de ces derniers.

 

[12]           Elle conteste en outre l’affirmation selon laquelle ses enfants ne seraient pas [traduction] « privés de ressources financières ou d’amour et de soutien familiaux si leur mère retournait en Jamaïque et présentait une demande de résidence permanente selon le processus habituel » parce qu’ils ont leur père, des demi‑sœurs et des tantes au Canada. Elle reçoit de temps à autre des versements de pension alimentaire de la part du père des enfants et la preuve ne permettait pas de conclure que d’autres membres de la famille seraient en mesure de subvenir aux besoins des enfants. La conclusion selon laquelle son renvoi ne causerait aucune difficulté est donc déraisonnable.

 

[13]           Même si je reconnais que l’agent doit être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant, le cas échéant, je ne vois pas en quoi l’examen de cette question par l’agent en l’espèce comporte des lacunes.

 

[14]           Je dois convenir avec le défendeur que la contestation de la demanderesse vise principalement le poids accordé aux divers aspects de l’intérêt supérieur des enfants. L’agent a tenu compte des lettres dans lesquelles les enfants demandaient que leur mère ne soit pas renvoyée parce que cela serait difficile pour eux. Il a reconnu expressément le rôle important que joue leur mère. Parallèlement, ce fait a été soupesé en regard de la présence de membres de la famille au Canada pour veiller à ce que les enfants ne soient pas [traduction] « privés de ressources financières ou d’amour et de soutien familiaux si leur mère retournait en Jamaïque ».

 

[15]           Cette approche était raisonnable dans les circonstances. Bien que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue un facteur important auquel il convient d’attribuer un poids considérable lorsqu’on évalue le degré de difficulté, il ne s’agit pas d’un élément nécessairement déterminant (Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, 2002 CarswellNat 746; Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, 2002 CarswellNat 3444, au par. 6).

 

[16]           Comme l’a récemment confirmé la Cour d’appel fédérale dans Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2009] ACF no 713, au paragraphe 24, il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau les différents facteurs à cet égard puisque, « [l]a plupart du temps, il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de résider avec ses parents au Canada, mais ce facteur n’est qu’un de ceux dont il y a lieu de tenir compte ».

 

[17]           De plus, la preuve contradictoire touchant la nature exacte des arrangements pris avec le père des enfants sur le plan du logement et du soutien financier n’a pas pour effet de miner la conclusion plus large tirée par l’agent. Il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour conclure de façon raisonnable que les enfants ne seraient pas privés de soutien au Canada – puisque des membres de la famille étaient présents à divers degrés – si leur mère devait retourner en Jamaïque pour présenter une demande de résidence permanente en suivant le processus habituel.

 

[18]           D’une manière générale, l’agent était préoccupé par le fait que la demanderesse avait omis de fournir avec sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire des renseignements suffisants pour établir l’existence de difficultés qui seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives. La preuve relative à l’intérêt supérieur des enfants présentée en l’espèce ne suffisait pas à dissiper ces préoccupations.

 

V.        Conclusion

 

[19]           Comme l’examen de l’intérêt supérieur des enfants effectué par l’agent était raisonnable, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-7317-11

 

INTITULÉ :                                                  SYLVIA MAY MARTIN c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 30 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 5 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Adetayo G. Akinyemi

 

                            POUR LA DEMANDERESSE

Neal Samson

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Adetayo G. Akinyemi

Avocat

North York (Ontario)

 

                            POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

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