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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120606

Dossier : IMM-7228-11

Référence : 2012 CF 696

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

BERZUNZA LOPEZ,

RICARDO RAMIREZ RODAS,

RAQUEL OLIVIA BERZUNZA RAMIREZ, LUIS IGNACIO BERZUNZA RAMIREZ, GABRIEL BERZUNZA RAMIREZ, ALEXIA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant le refus d’un agent d’immigration (l’agent), daté du 7 septembre 2011, d’accorder une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire relativement à une demande de résidence permanente suivant le paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

 

[2]               Après avoir examiné les observations formulées par les demandeurs, je ne suis pas disposé à accueillir la demande et à annuler la décision de l’agent.

 

I.          Le contexte

 

[3]               Ricardo Berzunza Lopez et sa conjointe de fait, Raquel Olivia Ramirez Rodas, ainsi que leurs trois enfants, Alexia Berzunza Ramirez, Gabriel Berzunza Ramirez et Luis Ignacio Berzunza Ramirez (collectivement, les demandeurs), ont quitté le Mexique et sont arrivés au Canada en 2007. Le demandeur principal était déjà venu au Canada à titre de visiteur en 1999, mais il avait fait l’objet d’une mesure de renvoi en 2003 pour avoir indûment prolongé son séjour.

 

[4]               La demande d’asile des demandeurs a été rejetée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Le 29 décembre 2010, la Cour a rejeté la demande d’autorisation en vue du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[5]               Des demandes subséquentes d’examen des risques avant renvoi (ERAR) et d’examen des motifs d’ordre humanitaire ont également été rejetées. Cependant, le 7 novembre 2011, un sursis d’exécution de la mesure de renvoi a été accordé aux demandeurs dans l’affaire IMM‑7227‑11 (par le juge Douglas Campbell), mais uniquement pour permettre la poursuite de la présente demande de contrôle judiciaire visant la décision de l’agent relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

II.        La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

 

[6]               L’agent était d’avis que les demandeurs n’avaient pas présenté d’éléments de preuve permettant de conclure que leur retour au Mexique constituerait une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive.

 

[7]               Les risques décrits se fondaient sur les mêmes assertions que celles formulées par les demandeurs dans leur demande d’asile, à savoir qu’ils risquaient d’être la cible d’un homme violent. Les documents produits portaient sur les conditions auxquelles la population en général devait faire face et il n’y avait aucune preuve objective [traduction] « permettant de conclure que leur situation au Mexique s’apparente à celle des personnes qui subiraient des difficultés si elles devaient retourner dans ce pays ».

 

[8]               Lorsqu’il s’est penché sur l’intérêt supérieur des enfants et sur les difficultés liées à leur départ du Canada, l’agent a signalé que la preuve n’établissait nullement qu’il leur serait impossible de poursuivre leurs études et leurs activités parascolaires au Mexique ou que le fils aîné ne recevrait pas au Mexique de traitement médical pour son trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA).

 

[9]               Quant à l’établissement des demandeurs au Canada, l’agent a examiné divers facteurs, comme la présence de membres de leur famille immédiate, des lettres d’amis et de collègues, l’emploi et des lettres d’organismes auprès desquels ils avaient été bénévoles dans le passé. L’agent a tenu les propos suivants :

[traduction] Les demandeurs se sont trouvé du travail au Canada. Bien que digne de mention, j’estime que ce facteur à lui seul ne permet pas de conclure qu’ils se sont intégrés à la société canadienne à un degré tel que leur départ du Canada entraînerait une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive ou que la difficulté qui en découlerait n’est pas envisagée par la Loi.

 

[…]

 

Ils ont présenté des lettres d’organismes pour lesquels ils ont fait du bénévolat. Comme il est mentionné plus haut, ils ont en outre produit de nombreuses lettres d’appui de collègues, d’amis et de parents. Ces lettres précisent toutes que les demandeurs apportent une contribution appréciée à la collectivité canadienne et qu’ils souhaitent et espèrent que la famille sera autorisée à demeurer au Canada et qu’elle ne sera pas obligée de retourner au Mexique.

 

La présente évaluation ne vise pas la question de savoir si les demandeurs apportent une contribution appréciée à la société canadienne, mais bien si leur renvoi au Mexique équivaudrait à une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive. La preuve dont je dispose ne me donne pas à croire que le fait de mettre un terme aux relations que les demandeurs ont établies au Canada constituerait une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive.

 

[10]           Enfin, l’agent a signalé que les documents présentés ne permettaient pas de conclure que les demandeurs auraient des problèmes à se réadapter à la société mexicaine puisqu’ils [traduction] « ont été indépendants et autonomes par le passé et qu’ils connaissent bien la culture mexicaine de sorte que leur réintégration au Mexique serait minime ».

 

III.       Les questions en litige

 

[11]           Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

 

a)         L’agent a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a évalué l’établissement des demandeurs au Canada?

 

b)         L’agent a‑t‑il donné des motifs passe‑partout pour justifier le rejet de la demande?

 

IV.       La norme de contrôle

 

[12]           Les décisions discrétionnaires relatives à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire doivent être contrôlées au moyen de la norme de la décision raisonnable en fonction de leur justification, de la transparence et de l’intelligibilité du processus suivi, ainsi que de l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables (Zambrano c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 481, [2008] ACF no 601, au par. 31; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au par. 47).

 

[13]           Par contre, les questions liées à l’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au par. 43).

 

V.        Analyse

 

A.        L’agent a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a évalué l’établissement des demandeurs au Canada?

 

[14]           Les demandeurs affirment que l’agent n’a pas analysé de façon appropriée la preuve produite quant à leur établissement au Canada. Ils soutiennent que l’agent a écarté certains faits, dont leur bon dossier civil, l’emploi du demandeur principal et les efforts déployés pour établir une entreprise, les liens avec les membres de leur famille au Canada et les lettres à l’appui de l’intégration de la famille au sein de la société canadienne. Les demandeurs font valoir avec insistance qu’il ressort d’un examen approprié de ces facteurs qu’ils ont atteint un degré d’établissement inhabituel (voir Raudales c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 385, [2003] ACF no 532; Laban c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 661, [2008] ACF no 819). L’agent a tout simplement appliqué une norme trop rigoureuse (voir Kim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1461, [2004] ACF no 1768, au par. 28).

 

[15]           Je ne puis souscrire à la thèse avancée par les demandeurs. Il est facile de distinguer les faits de Raudales et de Laban, précitées, de ceux dont je suis saisi. En l’espèce, l’ensemble des circonstances particulières invoquées par les demandeurs ont été examinées d’une façon relativement détaillée dans le cadre de l’analyse concernant l’établissement effectuée par l’agent. La décision de ce dernier touchant la question de l’établissement ressemble davantage à celle récemment confirmée par le juge Richard Mosley dans Ramaischrand c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 441, [2011] ACF no 551, au paragraphe 10, parce que l’agent avait clairement examiné la situation personnelle des demandeurs.

 

[16]           À titre d’exemple, l’agent a tenu compte de la preuve relative à l’emploi et aux activités commerciales du demandeur principal, mais il a conclu que [traduction] « ce facteur à lui seul ne permet pas de conclure qu’ils [les demandeurs] se sont intégrés à la société canadienne à un degré tel que leur départ du Canada entraînerait une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive ». L’agent a explicitement reconnu que la lettre de l’employeur du demandeur principal étayait le fait que ce dernier [traduction] « est un employé apprécié et un membre extrêmement important de l’entreprise », mais il a néanmoins conclu que ce document ne laissait pas entendre que [traduction] « la société ne pourra être exploitée ou qu’elle subira un préjudice financier si les demandeurs retournent au Mexique ». Ce n’est pas la seule conclusion qui pouvait être tirée, mais elle fait partie des issues possibles.

 

[17]           De même, lorsqu’il a renvoyé aux lettres des collègues, amis et parents, l’agent a fait remarquer que [traduction] « [l]a présente évaluation ne vise pas la question de savoir si les demandeurs apportent une contribution appréciée à la société canadienne, mais bien si leur renvoi au Mexique équivaudrait à une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive ».

 

[18]           Même si les demandeurs auraient préféré qu’un plus grand poids soit accordé à ces circonstances, il ne s’ensuit pas que l’agent, qui a spécifiquement examiné la preuve telle qu’elle a été présentée, a suivi une approche déraisonnable. Dans Mirza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 50, [2011] ACF no 259, au paragraphe 18, le juge Michel Shore a insisté sur le fait que, « [d]ans la mesure où l’agent d’immigration s’est penché sur les facteurs pertinents de l’affaire au regard des motifs d’ordre humanitaire, la Cour n’a pas à revenir sur le poids que l’agent d’immigration a attribué aux divers facteurs, et ce, même si elle ne leur aurait pas accordé le même poids ».

 

[19]           La norme applicable dans le cadre de l’évaluation d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est tout naturellement rigoureuse. L’agent a, à juste titre, mis l’accent sur le degré de difficulté qu’entraînerait le renvoi des demandeurs au Mexique et sur la question de savoir si ce degré de difficulté équivaudrait à ce qui serait considéré comme inhabituel et injustifié ou excessif.

 

[20]           Pour tirer une conclusion favorable aux demandeurs, il faudrait que les difficultés soient « autres que celles qui découlent du fait que l’on demande à une personne de partir une fois qu’elle est au pays depuis un certain temps », et le « fait qu’une personne quitterait des amis, et peut‑être des membres de la famille, un emploi ou une résidence ne suffirait pas nécessairement pour justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire en question » (voir Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1906, 10 Imm LR (3d) 1206, au par. 12).

 

[21]           En outre, je signale que les observations formulées par les demandeurs ne portent que sur l’analyse concernant l’établissement effectuée par l’agent alors qu’il ne s’agit que de l’un des nombreux facteurs devant être appréciés dans le cadre d’une décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (voir, par exemple, Irmie, précitée, au par. 20).

 

B.        L’agent a‑t‑il donné des motifs passe‑partout pour justifier le refus de la demande?

 

[22]           Je ne retiens pas non plus les allégations des demandeurs voulant que l’agent ait simplement donné des motifs passe‑partout pour étayer son refus et qu’il ait donc fait fi des circonstances propres à leur cas. Les passages analogues repérés dans une autre décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ont trait à des principes et un raisonnement juridiques plus larges. Je dois convenir avec le défendeur qu’il ressort clairement de l’ensemble de cette décision que l’agent s’est penché sur la preuve que lui ont présentée les demandeurs, qu’il a examiné les facteurs pertinents et qu’il a tiré des conclusions raisonnables.

 

VI.       Conclusion

 

[23]           Conformément aux présents motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-7228-11

 

INTITULÉ :                                                  RICARDO BERZUNZA LOPEZ ET AL c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 1er mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 6 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Monika Choudhury

 

                            POUR LES DEMANDEURS

Catherine Vasilaros

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Monika Choudhury

Avocate

Toronto (Ontario)

 

                            POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

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