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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120607


Dossiers : IMM-4095-11

IMM-4096-11

 

Référence : 2012 CF 708

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2012

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

Dossier : IMM-4095-11

ENTRE :

 

FATAI AYINLA ADETUNJI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeurs

 

Dossier : IMM-4096-11

ENTRE :

 

FATAI AYINLA ADETUNJI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit de deux demandes de contrôle judiciaire distinctes que le même demandeur a présentées à l’égard de deux décisions rendues par l’agente Valérie Choinière le 3 mai 2011. Dans la première décision, l’agente a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi du demandeur (demande ERAR). Dans la seconde, l’agente a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire du demandeur (demande CH).

 

1. Les faits

[2]               Le demandeur, M. Fatai Ayinla Adetunji, est un citoyen du Nigeria né le 6 avril 1965. Il a trois enfants : deux d’une ex-épouse qui vit aux États-Unis et un qu’il a eu avec son épouse actuelle. L’épouse du demandeur a elle-même quatre enfants issus d’une relation antérieure.

 

[3]               Avant d’arriver au Canada le 30 août 2007, le demandeur a vécu aux États-Unis de 1990 à 2006, où il détenait le statut de résident permanent. Après avoir été déclaré coupable d’une série d’infractions criminelles, notamment de fraude, de falsification de documents et de violence familiale, et passé plusieurs années dans un établissement correctionnel des États-Unis, il a perdu son statut de résident permanent et a été expulsé au Nigeria en décembre 2006.

 

[4]               Lorsque le demandeur est arrivé au Nigeria, son père était atteint d’une maladie en phase terminale et est décédé onze jours plus tard. Selon le demandeur, sa belle-mère (la seconde épouse de son père) avait empoisonné son père dans l’espoir d’obtenir l’héritage. Son père lui aurait dit, peu avant sa mort, qu’il croyait que son épouse l’avait empoisonné.

[5]               Le demandeur a soutenu que sa belle-mère aurait menacé de le tuer s’il retournait à la maison. Elle a fait savoir qu’elle engagerait des personnes pour le trouver et le tuer après qu’il eut quitté Lagos pour aller vivre dans une autre ville du Nigeria (Port Harcourt). En conséquence, avec l’aide d’un ami, le demandeur a acheté un billet d’avion pour le Canada, où il a demandé l’asile à son arrivée.

 

[6]               En septembre 2007, un rapport d’interdiction de territoire fondé sur l’article 4 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], a été établi à l’encontre du demandeur, dont la demande a été renvoyée à la Section de la protection des réfugiés (SPR); une mesure d’expulsion a subséquemment été prise contre le demandeur, qui a été libéré sous condition par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

 

[7]               En octobre 2009, le demandeur a déposé une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

 

[8]               En mai 2010, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur. Étant donné que la SPR a jugé que les infractions criminelles dont le demandeur avait été déclaré coupable et pour lesquelles il avait été puni aux États-Unis étaient des crimes graves de droit commun, elle a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié en application de l’article 98 de la LIPR. La SPR ne s’est nullement prononcée sur les facteurs d’inclusion afférents à la demande du demandeur. En septembre 2010, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation que le demandeur avait présentée à l’encontre de cette décision.

 

[9]               Le demandeur s’est vu offrir un ERAR. Le 22 mars 2011, il a déposé sa demande ERAR, puis des observations écrites et des documents à l’appui. Le 3 mai 2011, la demande ERAR et la demande CH ont toutes deux été rejetées.

 

[10]           Le 21 juin 2011, le demandeur a déposé une demande d’autorisation à l’encontre des deux décisions défavorables rendues au sujet de la demande ERAR et de la demande CH et, le 12 juillet 2011, la Cour a fait droit à la demande du demandeur en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce que la demande d’autorisation relative à la décision ERAR soit tranchée.

 

2. Les décisions attaquées

            - La décision CH

[11]           L’agente a souligné que le demandeur avait passé un peu plus de trois ans au Canada, ce qui est une période relativement courte en ce qui concerne le processus d’immigration. Le demandeur s’exprime aisément dans l’une des langues officielles, l’anglais, et il a créé des liens dans son milieu de vie. Par ailleurs, le demandeur n’a pas de frères et soeurs ou de parents vivant au Nigeria. L’agente a également attribué une grande valeur probante à la volonté de l’épouse du demandeur de parrainer la demande de résidence permanente de celui-ci. Elle a aussi accordé passablement d’importance au fait que le demandeur a un emploi stable et subvient financièrement aux besoins de sa famille pendant que son épouse poursuit des études en vue d’obtenir son diplôme d’infirmière.

 

[12]           Cependant, l’agente a souligné que le demandeur n’avait fourni aucune explication au sujet des raisons pour lesquelles il ne peut trouver d’autres solutions de rechange, notamment obtenir un emploi rémunérateur au Nigeria ou prendre des mesures pour que le père des quatre enfants de son épouse contribue au bien-être financier de ceux-ci.

 

[13]           L’agente a reconnu que le fils du demandeur est âgé de deux ans et a besoin des soins de ses deux parents. En ce qui concerne ses deux enfants qui vivent aux États-Unis, le demandeur n’a fourni aucun renseignement sur leurs besoins financiers ou sur la façon dont son retour au Nigeria toucherait la relation qu’il a avec eux. Quant aux enfants de l’épouse du demandeur, l’agente a fait remarquer qu’ils connaissent celui-ci depuis moins d’un an, étant donné qu’ils sont arrivés au Canada le 25 août 2010. De plus, en raison de l’âge de ces enfants – le plus jeune étant âgé de 16 ans – et du fait qu’ils sont relativement autonomes, l’agente a accordé une importance minime à la relation qu’ils ont avec le demandeur.

 

[14]           Enfin, l’agente a attribué beaucoup d’importance aux infractions criminelles dont le demandeur avait été déclaré coupable aux États-Unis, soit des infractions de violence familiale et de fraude par carte de crédit. Dans ce dernier cas, l’agente estime qu’il s’agit d’une infraction grave, eu égard à la nature répétitive des activités criminelles du demandeur et au fait que celui‑ci a utilisé de nombreuses identités pour commettre ces crimes.

 

[15]           En ce qui concerne le risque inhérent au retour du demandeur au Nigeria, l’agente a simplement réitéré l’analyse qui avait été faite aux fins de la décision ERAR et a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve établissant que le demandeur serait exposé à un risque personnalisé à son retour au Nigeria.

 

            - La décision ERAR

[16]           La décision ERAR a été prise en application du paragraphe 112(3) de la LIPR, étant donné que le demandeur a présenté une demande d’asile qui a été rejetée conformément à la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. En conséquence, seuls les éléments énoncés à l’article 97 de la LIPR pouvaient être pris en compte, comme le prévoit l’alinéa 113d) de la LIPR.

 

[17]           L’agente ERAR a débuté son analyse en résumant le fardeau de preuve qui incombe au demandeur. Elle a ensuite mentionné tous les documents que le demandeur avait fournis au soutien de sa demande ERAR ainsi que d’autres éléments de preuve liés au risque qu’il avait présentés à l’égard de sa demande CH.

 

[18]           L’analyse de l’agente ERAR comporte deux volets. D’abord, l’agente a examiné et soupesé chacun des documents personnels que le demandeur a produits et a conclu que, dans l’ensemble, la preuve n’établissait pas selon la prépondérance des probabilités que le demandeur serait personnellement en danger dans son pays d’origine. En ce qui a trait au Medical Certificate of Cause of Death (certificat de cause du décès) concernant le père du demandeur, selon lequel la première cause du décès est un [traduction] « choc majeur » et la seconde, un [traduction] « empoisonnement alimentaire », l’agente s’est fondée sur un site web publiquement accessible concernant la santé et la médecine et a fait remarquer que l’empoisonnement alimentaire peut être provoqué par des produits chimiques ainsi que par des virus, bactéries et parasites. L’agente a également souligné qu’il n’était pas précisé dans le certificat que le décès avait été causé par un acte criminel. De plus, elle a accordé une faible valeur probante au certificat de cause du décès concernant la mère du demandeur, parce que ce document n’était pas suffisamment détaillé pour appuyer l’allégation de celui-ci selon laquelle sa vie serait en danger s’il retournait au Nigeria. Quant aux Certificates of Occupancy (certificats d’occupation), l’agente a mentionné que ces documents montraient simplement que le père du demandeur avait deux propriétés en 2005 et en 2000. Enfin, une importance minime a été attribuée à la lettre manuscrite fournie par Olufemi Oketadi selon laquelle la belle-mère du demandeur tuerait celui-ci afin d’obtenir l’héritage, parce que le demandeur n’a jamais expliqué les liens qu’il avait avec l’auteur de cette lettre.

 

[19]           En second lieu, l’agente ERAR a examiné et évalué le risque invoqué dans le contexte de la situation qui règne au Nigeria d’après la preuve documentaire objective. L’agente n’a pas nié que plusieurs problèmes existaient au Nigeria, notamment des problèmes de corruption majeurs au sein des forces policières du pays. Cependant, il incombait au demandeur de démontrer l’existence d’un risque personnalisé et l’agente a souligné que le demandeur n’avait pas réussi à établir le lien entre sa propre situation et la situation qui règne au pays.

 

[20]           L’agente a ajouté que le demandeur avait demandé d’être convoqué à une audience, mais elle a conclu que ce n’était pas nécessaire en l’espèce, parce que la preuve du demandeur ne soulevait aucune question de crédibilité majeure.

 

3. Les questions en litige

[21]           Le demandeur a soulevé plusieurs questions, dont certaines concernent les deux demandes et d’autres se rapportent davantage à la demande CH. Les questions communes peuvent être résumées comme suit :

a)   L’agente a-t-elle violé les principes d’équité procédurale :

-  en refusant d’accorder au demandeur la possibilité de se faire entendre à une audience?

-  en se fondant sur des éléments de preuve extrinsèques?

b)   L’agente a-t-elle commis une erreur lors de l’évaluation du risque inhérent au retour du demandeur au Nigeria?

 

De plus, le demandeur a soulevé les deux questions précises suivantes au sujet de la décision CH :

c)   L’agente a-t-elle commis une erreur en n’analysant pas adéquatement l’intérêt supérieur des enfants?

 

d)   L’agente a-t-elle commis une erreur au cours de son évaluation des différents facteurs que le demandeur a invoqués au soutien de sa demande?

 

4. Analyse

[22]           Les questions de fait, comme l’évaluation de la preuve par un tribunal administratif, doivent être examinées au regard de la norme de la décision raisonnable. La détermination du risque inhérent au retour vers un pays donné dépend en grande partie des faits. Il en va de même pour l’évaluation que nécessite une demande CH, l’agente devant examiner la situation propre au demandeur pour décider si celui-ci serait exposé à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées s’il devait présenter sa demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada. Effectivement, la norme de la décision raisonnable a constamment été appliquée lors du contrôle des décisions ERAR et CH (voir, par exemple, Hnatusko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 18, (disponible sur CanLII), aux paragraphes 25 et 26; Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 18, [2010] 1 RCF 360). En conséquence, ces décisions appellent un degré de déférence élevé. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, [Dunsmuir], au paragraphe 47, « le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[23]           Par ailleurs, les questions d’équité procédurale commandent une norme de contrôle plus exigeante. Pour ces questions, il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers l’auteur de la décision, car soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation (Canada (Procureur général) c Sketchley, 2005 CAF 404, [2006] 3 RCF 392, au paragraphe 53). 

 

[24]           Cela étant dit, une controverse existe dans la jurisprudence de la Cour fédérale au sujet de la norme de contrôle à appliquer lors de la révision de la décision d’un agent de ne pas convoquer d’audience, notamment dans le contexte d’une décision ERAR. Dans certains cas, la Cour a appliqué la norme de la décision correcte, parce que l’affaire a été considérée essentiellement comme une question d’équité procédurale (voir, par exemple, Hurtado Prieto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1435 (disponible sur CanLII); Sen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1435 (disponible sur CanLII)). En revanche, la norme de la décision raisonnable a été appliquée dans d’autres cas, au motif que l’examen de la pertinence de tenir une audience à la lumière du contexte particulier d’un dossier donne lieu à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qui commande la déférence (voir, par exemple, Puerta c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 464 (disponible sur CanLII); Marte c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 930, 374 FTR 160 [Marte]; Mosavat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 647 (disponible sur CanLII) [Mosavat]). Je souscris à cette dernière position, du moins lorsque la Cour révise une décision ERAR.

 

[25]           Les demandes ERAR sont généralement évaluées sur la base des observations écrites et de la preuve documentaire du demandeur. L’alinéa 113b) de la LIPR énonce clairement qu’une audience doit être tenue dans des circonstances exceptionnelles et prévoit qu’un agent peut tenir une audience s’il estime que cette audience est requise compte tenu des facteurs réglementaires :

Examen de la demande

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

Consideration of application

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

 

 

[26]           L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [Règlement], énonce les facteurs à prendre en compte pour décider si une audience est nécessaire :

Facteurs pour la tenue d’une audience

 

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

Hearing — prescribed factors

 

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

[27]           Selon ces dispositions, la décision de tenir une audience n’est pas prise de façon abstraite, suivant l’interprétation que donne chaque agent aux exigences liées à l’équité procédurale. Bien au contraire, l’agent tranche cette question en appliquant les facteurs prescrits à l’article 167 du Règlement aux faits de la cause dont il est saisi. En conséquence, il s’agit indéniablement d’une question mixte de faits et de droit que l’agent ERAR est habilité à trancher. En conséquence, je suis d’avis que la décision de tenir ou de ne pas tenir d’audience, du moins dans le contexte d’un ERAR, commande la déférence et est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

 

[28]           Sur la foi de ces brèves remarques concernant les normes de contrôle applicables, j’examine maintenant les questions de fond soulevées dans les présentes demandes.

 

a) L’agente a-t-elle violé les principes d’équité procédurale :

-  en refusant d’accorder une audience au demandeur?

-  en se fondant sur des éléments de preuve extrinsèques?

 

[29]           L’avocate du demandeur a soutenu qu’en concluant qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve appuyant les allégations du demandeur au sujet de l’existence d’un risque personnalisé à son retour au Nigeria, l’agente a tiré une conclusion voilée au sujet de la crédibilité. En conséquence, elle a fait valoir que l’agente avait commis une erreur en refusant d’accorder une audience au demandeur et que ce refus constituait un manquement à l’équité procédurale.

 

[30]           Tel qu’il est mentionné plus haut, les demandes ERAR sont généralement évaluées sur la base des observations écrites et de la preuve documentaire du demandeur. Une audience sera nécessaire uniquement si tous les facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement sont établis (décision Mosavat, susmentionnée, au paragraphe 11; décision Marte, susmentionnée, aux paragraphes 48 et 51). Dans la présente affaire, je ne doute nullement du fait que l’intention de la belle-mère du demandeur de tuer pour obtenir l’héritage constitue un élément sérieux et central de la demande ERAR qui appuierait la crainte de celui-ci de retourner au Nigeria et du fait que, si cette preuve était acceptée, elle justifierait l’octroi de la demande de protection conformément aux alinéas 167b) et c) du Règlement.

 

[31]           La seule question à trancher est donc de savoir si la décision par laquelle l’agente a rejeté la demande ERAR du demandeur était fondée sur la crédibilité de celui-ci ou plutôt sur le fait qu’il n’avait pas présenté une preuve suffisante pour permettre de conclure qu’il serait personnellement exposé à un risque. Ces notions sont bien différentes et il est bien reconnu en droit que la Cour doit regarder au-delà des mots d’une décision pour savoir si elle est fondée sur le caractère satisfaisant de la preuve ou s’il s’agit d’une décision en matière de crédibilité. Comme la Cour fédérale l’a récemment souligné dans Herman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 629 (disponible sur CanLII), aux paragraphes 15 à 19, les conclusions de preuve insuffisante ne peuvent pas toutes être considérées comme des conclusions défavorables quant à la crédibilité de la part d’un agent ERAR. Il existe une différence, bien qu’elle soit parfois ténue, entre le fait de ne pas croire un demandeur et de dire qu’il ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve selon la prépondérance des probabilités.

 

[32]           Dans Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, 170 ACWS (3d) 397 [Ferguson], le juge Zinn a décidé qu’il est loisible au juge des faits d’évaluer la valeur probante de la preuve sans en examiner la crédibilité. En d’autres termes, il y a une différence entre le fait de conclure que le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve et de dire que les allégations du demandeur en question ne sont pas crédibles. Il en est ainsi parce que le demandeur doit s’acquitter d’un fardeau et que la preuve qu’il présente ne satisfait pas nécessairement à la norme prescrite par la loi, quelle que soit la crédibilité :

Il est loisible au juge des faits, lorsqu’il examine la preuve, de passer directement à une évaluation du poids ou de la valeur probante de la preuve, sans tenir compte de la question de la crédibilité. Cela arrive nécessairement lorsque le juge des faits estime que la réponse à la première question n’est pas essentielle parce que la preuve ne se verra accorder que peu, voire aucun poids, même si elle était considérée comme étant une preuve fiable. Par exemple, la preuve des tiers qui n’ont pas les moyens de vérifier de façon indépendante les faits au sujet desquels ils témoignent se verra probablement accorder peu de poids, qu’elle soit crédible ou non.

 

Décision Ferguson, susmentionnée, au paragraphe 26.

 

 

[33]           C’est précisément ce qu’a fait l’agente ERAR dans la présente affaire. Il appert d’une lecture attentive des motifs de sa décision qu’elle a tiré des conclusions concernant la valeur probante et le caractère suffisant des éléments de preuve. Elle a accordé une valeur probante minime au certificat de cause du décès du père du demandeur parce que l’empoisonnement alimentaire, qui est mentionné à titre de cause secondaire du décès, peut être provoqué par des produits chimiques ainsi que des virus, bactéries ou parasites. En conséquence, cette mention n’est pas suffisante pour établir que le père du demandeur a été empoisonné par la belle-mère de celui-ci. Dans la même veine, l’agente a conclu que le certificat de cause du décès de la mère du demandeur est insuffisant pour appuyer l’allégation de celui-ci selon laquelle sa vie serait en danger s’il devait retourner au Nigeria. Enfin, elle a accordé une faible valeur probante aux deux certificats d’occupation, parce qu’ils établissent simplement que le père du demandeur a été propriétaire des deux propriétés en question, ainsi qu’à la lettre manuscrite d’un dénommé Olufemi Oketadi, parce que le lien entre le demandeur et cette personne n’a pas été établi.

 

[34]           Aucune de ces conclusions ne peut être considérée comme une conclusion « voilée » au sujet de la crédibilité, comme c’était le cas dans Begashaw c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1167, 354 FTR 296. Il appert clairement tant du texte de la décision que du sens général de celle-ci que l’agente a rejeté la demande du demandeur parce qu’elle a conclu que la preuve qu’il avait présentée était insuffisante pour appuyer l’interprétation qu’il donnait aux événements survenus dans son pays et n’établissait donc pas selon la prépondérance des probabilités qu’il serait exposé à un risque à son retour au Nigeria.

 

[35]           Étant donné que le premier facteur mentionné à l’article 167 du Règlement n’avait pas été établi, il n’était pas nécessaire de convoquer une audience dans la présente affaire. Que la décision de l’agente ERAR soit révisée au regard de la norme de la décision correcte ou de la décision raisonnable, la Cour n’a aucune raison d’intervenir quant à cet aspect de la décision.

 

[36]           Le même raisonnement s’applique avec autant de force dans le contexte de la décision CH. Encore là, l’agente n’a pas mis en doute la crédibilité du demandeur, mais s’est plutôt interrogée sur la valeur probante et sur le caractère suffisant de la preuve présentée à l’appui de son allégation selon laquelle il était ciblé par sa belle-mère. Les décisions CH sont généralement évaluées sur la base des observations écrites et de la preuve documentaire du demandeur et il n’y a même pas une disposition équivalant à l’alinéa 113b) de la LIPR qui accorde aux agents le pouvoir discrétionnaire de tenir une audience lorsque certains facteurs sont établis. Dans la présente affaire, le demandeur a bénéficié d’une possibilité raisonnable de participer de façon significative au processus de décision pour la demande CH et il n’y avait aucune raison pour laquelle l’agente aurait été tenue d’interroger le demandeur, dont la crédibilité n’était pas en jeu.

 

[37]           En ce qui a trait à l’autre manquement à l’équité procédurale qui résulterait du fait que l’agente s’est fondée sur des éléments de preuve extrinsèques au sujet des causes de l’empoisonnement alimentaire sans divulguer correctement les renseignements pertinents et sans donner au demandeur la possibilité de répondre, je suis également d’avis que cet argument devrait être rejeté. D’abord, il me semble qu’il est un peu exagéré de qualifier d’élément de preuve extrinsèque la définition de « food poisoning » (empoisonnement alimentaire) figurant dans un dictionnaire. Cette définition n’a rien à voir avec le type de renseignements dont l’emploi a été jugé défavorable au demandeur dans des affaires comme Muliadi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 2 CF 205 (disponible sur QL) (CAF), et Haghighi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 407 (disponible sur CanLII) (C.A.F.). Dans ces deux décisions, les renseignements en cause se composaient de renseignements obtenus d’une partie externe ainsi que de rapports internes du ministère qui ont été invoqués au soutien de décisions discrétionnaires. Dans la présente affaire, les renseignements se limitent à une simple vérification de terminologie et les termes provenaient directement de la preuve documentaire du demandeur lui-même.

 

[38]           Il s’agit de savoir, non pas si le demandeur avait accès au document attaqué, mais plutôt s’il avait accès aux renseignements contenus dans ce document et s’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’il connaisse les renseignements en question (voir Jiminez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1078 (disponible sur CanLII), aux paragraphes 17 à 19; Stephenson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 932 (disponible sur CanLII), aux paragraphes 38 et 39). En conséquence, la question pertinente est de savoir si le demandeur était au courant des renseignements que l’agente ERAR a trouvés au sujet du sens de l’expression « food poisoning » et s’il aurait été difficile ou non de trouver les renseignements en question.

 

[39]           Dans les circonstances de la présente affaire, il faut répondre aux deux questions par l’affirmative. Le demandeur connaissait ou aurait dû connaître le sens de l’expression « food poisoning » mentionnée dans le certificat médical dont il s’est servi pour alléguer que son père avait été empoisonné par sa belle-mère. Les renseignements étaient publiquement accessibles et le demandeur aurait dû savoir qu’un agent diligent chercherait à déterminer le sens des termes qu’un médecin a employés pour décrire les causes du décès dans le certificat médical que le demandeur a choisi de soumettre en preuve. Effectivement, les renseignements sur lesquels l’agente s’est fondée pour déterminer le sens des mots « food poisoning » peuvent être considérés comme des connaissances courantes et il est difficile de savoir ce que le demandeur aurait pu dire au cours d’une entrevue visant à contester les renseignements que l’agente a trouvés sur un site web consacré à la médecine et à la santé. Les exigences en matière de divulgation visent à donner la possibilité de corriger des malentendus, des inexactitudes, des erreurs ou des omissions dont la communication risque de causer un préjudice. Dans son dossier, le demandeur ne formule pas le moindre commentaire au sujet de la réponse qu’il aurait pu donner pour décrire le sens de l’expression « food poisoning » s’il avait eu la possibilité de le faire.

 

[40]           Eu égard à ce qui précède, le demandeur n’a établi aucun manquement à l’équité procédurale de la part de l’agente et l’intervention de la Cour en l’espèce n’est pas justifiée. Je reconnais que cette conclusion semble contredire celle de mon collègue, le juge Harrington, qui a accueilli la requête en sursis du demandeur au motif que celui-ci aurait dû être interrogé, étant donné que sa crédibilité avait été attaquée. Cependant, il est bien reconnu en droit que le critère préliminaire de l’existence d’une question sérieuse à trancher aux fins d’une requête en sursis est moins exigeant que la norme de l’argument défendable dans le contexte d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire et beaucoup moins élevé que celui qui s’applique dans une demande de contrôle judiciaire (voir, par exemple, Maximenko c Canada (Procureur général), 2004 CF 504, au paragraphe 26, 130 ACWS (3d) 358; Gray c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 42, au paragraphe 13, 128 ACWS (3d) 778; Win c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 398, au paragraphe17, 166 ACWS (3d) 299; Echeverry c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 497, aux paragraphes 13 et 14, 157 ACWS (3d) 596). En conséquence, la présente ordonnance par laquelle la Cour accorde un sursis ne signifie pas automatiquement que le demandeur a soulevé un argument défendable et ne s’apparente nullement à une conclusion portant que la demande devrait être accueillie au fond.

 

[41]           De plus, il faut se rappeler que le demandeur n’avait pas mis en état sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire et que le défendeur n’avait pas produit son mémoire lorsque le juge des requêtes a rendu son ordonnance de sursis. Le juge saisi de la demande est beaucoup mieux placé pour évaluer les questions de fond soulevées par le demandeur, étant donné qu’il a eu accès à l’ensemble du dossier ainsi que des observations orales et écrites des deux parties. Pour toutes ces raisons, il est évident que le juge saisi de la demande ne peut être lié par la décision rendue par le juge des requêtes.

 

b) L’agente a-t-elle commis une erreur lors de l’évaluation du risque inhérent au retour au Nigeria?

 

[42]           Le demandeur a soutenu que l’agente ERAR avait fixé des exigences trop élevées en ce qui a trait à la qualité et à la quantité des éléments de preuve qu’il devait présenter pour établir ses allégations liées au risque. Il a également reproché à l’agente ERAR d’avoir adopté une vision compartimentée lorsqu’elle a évalué séparément chaque document personnel qu’il a présenté. Après avoir lu attentivement les motifs de la décision de l’agente, je suis d’avis qu’aucune de ces allégations n’est fondée.

 

[43]           Lorsqu’elle a rejeté la demande de protection, l’agente ERAR a décidé que la preuve présentée par le demandeur, examinée de façon tant globale que séparée, était insuffisante pour lui permettre de s’acquitter du fardeau qu’il avait d’établir qu’il serait personnellement exposé à un risque s’il retournait au Nigeria. L’agente a évalué les documents personnels que le demandeur a présentés et a fourni des motifs détaillés et convaincants à l’appui des conclusions qu’elle a tirées. En bout de ligne, elle a conclu que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour étayer sa propre interprétation des faits concernant les événements survenus dans son pays. Il était tout à fait loisible à l’agente ERAR de tirer ces conclusions.

 

[44]           Le demandeur a souligné qu’il n’acceptait pas la façon dont l’agente ERAR avait évalué ses éléments de preuve, affirmant que des conclusions différentes auraient pu être tirées. Cela ne suffit pas. Lorsqu’elles révisent une décision au regard de la norme de la décision raisonnable, les cours de justice doivent faire preuve de déférence et ne peuvent substituer leur propre évaluation de la solution qui convient. En d’autres termes, la question est de savoir, non pas si la Cour en l’espèce en serait arrivée à la même conclusion que la Commission, mais plutôt si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, jugement précité au paragraphe 47).

 

[45]           Quant à la situation qui règne au pays, il était loisible à l’agente ERAR de conclure que le demandeur n’avait établi aucun lien entre sa situation personnelle et la situation du Nigeria. Le demandeur ne conteste pas cette conclusion.

 

[46]           En dernier lieu, le demandeur invoque la présomption de véracité dont bénéficient ses allégations (voir Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 (disponible sur QL) (C.A.F.)). D’abord, cette présomption est réfutable lorsque la preuve corroborante est insuffisante ou incomplète. De plus, la présomption ne s’applique qu’aux allégations faites sous serment. Dans la présente affaire, le demandeur n’a présenté aucun affidavit ou témoignage sous serment pour établir ses allégations. Les réponses que le demandeur d’asile a fournies sur son formulaire de renseignements personnels ne constituent pas des déclarations faites sous serment.

 

[47]           Pour toutes les raisons susmentionnées, je suis d’avis que la décision de l’agente était raisonnable et ne justifie pas l’intervention de la Cour en l’espèce.

 

c) L’agente a-t-elle commis une erreur en n’analysant pas adéquatement l’intérêt supérieur des enfants?

 

[48]           Le demandeur reproche à l’agente de ne pas avoir évalué adéquatement l’intérêt supérieur des enfants, parce qu’elle n’a pas examiné les difficultés économiques auxquelles ceux-ci devraient faire face si le demandeur, qui est leur seul soutien financier, devait retourner au Nigeria. De plus, il a fait valoir que les conclusions de l’agente selon lesquelles les enfants de l’épouse du demandeur sont autonomes en raison de leur âge et de la nature récente de leur relation avec le demandeur sont fondées sur une simple hypothèse. Le demandeur a ajouté que l’agente avait commis une erreur en omettant de tenir compte de la preuve établissant l’interaction qu’il avait avec ces enfants avant même leur arrivée au Canada.

 

[49]           Pour déterminer l’intérêt supérieur des enfants, l’agente doit être « réceptive, attentive et sensible » à cet intérêt et y accorder un poids considérable (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (disponible sur CanLII)). Dans le cadre de ce processus, l’agente doit soupeser le degré de difficulté auquel feraient face les enfants en cas de renvoi du parent du Canada (Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 CF 555). Cela étant dit, la prise en compte de l’intérêt supérieur d’un enfant ne mène pas inévitablement à la conclusion que le parent et l’enfant devraient rester au Canada (Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358; Persaud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1369, 134 ACWS (3d) 685). De plus, dans Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 RCF 635, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il appartenait au demandeur de présenter des éléments de preuve convaincants au sujet de tous les aspects de sa demande CH, notamment en ce qui a trait aux facteurs liés à l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[50]           Je crois que l’agente a accordé une grande attention à l’intérêt des enfants. Elle a conclu que le fils du demandeur, âgé de deux ans, bénéficierait de la présence de son père et que celui-ci subvenait aux besoins financiers de sa famille. Néanmoins, lorsqu’elle a soupesé l’ensemble de la preuve sur cette question, l’agente a examiné les répercussions du renvoi du demandeur sur le bien-être financier de la famille et a fait remarquer que le demandeur n’avait pas fourni de renseignements sur les solutions de rechange possibles; ainsi, il n’a pas mentionné qu’il pourrait aider sa famille depuis le Nigeria ou que le père des enfants de son épouse pourrait subvenir aux besoins de ceux-ci.

 

[51]           Quant aux enfants de l’épouse du demandeur, contrairement à ce que le demandeur affirme, je ne crois pas que les remarques de l’agente au sujet de la nature récente de la relation qu’il a avec eux et au sujet de leur autonomie reposent sur une hypothèse. Lorsque la décision a été rendue, deux de ces enfants étaient des adultes, tandis que les deux autres étaient âgés de près de vingt ans. Il est bien évident que, comparativement au fils âgé de deux ans du demandeur, ces enfants sont beaucoup plus autonomes, de sorte que le renvoi du demandeur aura moins de répercussions pour eux, que ce soit sur le plan financier ou émotif.

 

[52]           En bout de ligne, l’agente a conclu que la preuve du demandeur au sujet de l’intérêt supérieur des enfants était insuffisante pour plusieurs raisons. Même s’il est compréhensible que le demandeur soit insatisfait de l’importance accordée aux éléments qu’il a fournis, il n’y a pas lieu de dire que l’agente a ignoré l’intérêt supérieur des enfants. J’en arrive à la conclusion qu’elle n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle sur ce point.

 

d) L’agente a-t-elle commis une erreur au cours de son évaluation des différents facteurs que le demandeur a invoqués au soutien de sa demande?

 

[53]           En dernier lieu, le demandeur reconnaît que l’agente n’a pas ignoré les éléments positifs de sa demande, mais il estime qu’elle ne leur a pas accordé suffisamment d’importance pour compenser les répercussions défavorables découlant de sa grande criminalité. Malheureusement pour le demandeur, cet argument revient à demander à la Cour de soupeser à nouveau la preuve dont l’agente a été saisie.

 

[54]           Il est bien reconnu que le poids à attribuer aux différents facteurs lors de l’évaluation de la situation d’un demandeur relève d’une décision discrétionnaire qui est donc assujettie à un degré élevé de déférence de la part de la Cour fédérale. Effectivement, un examen relatif à des considérations d’ordre humanitaire permet à l’intéressé de disposer d’un examen spécial et additionnel en vue de le dispenser de l’application, sinon universelle, des lois sur l’immigration canadiennes. La décision de ne pas accorder l’exemption prévue au paragraphe 25(1) de la LIPR n’enlève aucun droit au demandeur, qui peut encore demander la résidence permanente depuis l’extérieur du Canada, conformément aux exigences habituelles de la législation canadienne en matière d’immigration.

 

[55]           Compte tenu de ces principes, je suis d’avis, après avoir analysé attentivement la décision de l’agente, que les arguments du demandeur sont insuffisants pour attaquer la décision CH.

5. Conclusion

[56]           Pour tous les motifs exposés ci-dessus, les présentes demandes de contrôle judiciaire devraient être rejetées. Les avocates n’ont proposé aucune question à faire certifier et aucune ne se pose en l’espèce.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que les présentes demandes de contrôle judiciaire sont rejetées. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.



COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                 IMM-4095-11 et IMM-4096-11

 

INTITULÉ :                                                 IMM-4095-11, FATAI AYINLA ADETUNJI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET AL

 

                                                                       IMM-4096-11, FATAI AYINLA ADETUNJI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                         Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                        Le 18 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                       LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                                Le 7 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Annick Legault

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Catherine Brisebois

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Annick Legault

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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