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Date : 20120606

Dossier : IMM‑4903‑11

Référence : 2012 CF 699

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2012

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

BRIDGET MUGWAGWA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               Madame Bridget Mugwagwa, une citoyenne du Zimbabwe, a présenté une demande d’asile au Canada fondée sur sa crainte d’être persécutée, principalement pour des motifs politiques. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande, principalement parce qu’il n’a pas cru qu’elle craint vraiment d’être persécutée au Zimbabwe, étant donné qu’elle y est retournée à deux reprises après son départ pour les États‑Unis et qu’elle n’a pas demandé l’asile pendant son séjour aux États‑Unis. Par conséquent, elle ne satisfaisait pas à la définition de réfugié au sens de la Convention énoncée à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] (voir en annexe les dispositions législatives citées). Il a également conclu que les risques auxquels Mme Mugwagwa était exposée au Zimbabwe étaient généralisés et partagés par le reste de la population, et qu’elle n’était pas visée par l’article 97 de la LIPR.

 

[2]               Mme Mugwagwa soutient que la conclusion de la Commission était déraisonnable, la Commission n’ayant pas considéré les explications qu’elle a fournies quant à son retour au Zimbabwe et à sa décision de ne pas avoir demandé l’asile aux États‑Unis. Qui plus est, elle n’a pas tenu compte des éléments de preuve en lien avec les mauvais traitements subis par son père et son frère lorsqu’elle a conclu qu’elle n’était pas exposée personnellement à un risque au Zimbabwe. Elle me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner à un tribunal différent de la Commission de procéder à un nouvel examen de sa demande d’asile.

 

[3]               Je ne vois aucun motif justifiant l’annulation de la décision de la Commission et je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. La conclusion de la Commission relativement au manque de crainte subjective de la part de Mme Mugwagwa était raisonnable à la lumière des éléments des preuves sousmis. Il en va de même pour ce qui est de la conclusion de la Commission voulant que le risque auquel Mme Mugwagwa est exposée au Zimbabwe soit généralisé.

 

[4]               Les questions en litige sont les suivantes :

 

            1.         La conclusion de la Commission selon laquelle Mme Mugwagwa n’éprouvait pas une crainte subjective de persécution au Zimbabwe était‑elle déraisonnable?

            2.         L’évaluation de la Commission quant au risque auquel est exposée Mme Mugwagwa était‑elle déraisonnable?

 

II.        Contexte factuel

 

[5]               Mme Mugwagwa était membre du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) – Tsvangira depuis 2004. Elle a assisté à des réunions et participé au recrutement de nouveaux membres dans les régions rurales. En juin 2004, elle a été agressée par un groupe rival de jeunes du ZANU‑PF et a dû se cacher pour éviter de subir d’autres mauvais traitements.

 

[6]               La famille de Mme Mugwagwa a également eu des problèmes en raison de son association avec le MDC. Le père a été battu et détenu. Après sa libération, il s’est caché. Le frère a également été agressé par des membres du ZANU‑PF, puis a été harcelé et détenu par la police.

 

[7]               En 2006, Mme Mugwagwa a déménagé aux États‑Unis pour travailler comme employée de maison. Plus tard, avant sa disparition, son père a affirmé que les membres du ZANU‑PF étaient en colère parce qu’elle appuyait financièrement le MDC grâce à son revenu des États‑Unis.

 

[8]               Mme Mugwagwa a quitté les États‑Unis et est retournée à deux reprises au Zimbabwe. Elle y est demeurée pendant un mois en 2007, étant donné l’expiration de son visa de travail aux États‑Unis. Elle est retournée de nouveau dans son pays en 2008 lorsque son employeur n’avait plus les moyens de la rémunérer. En 2009, elle a quitté les États‑Unis pour venir au Canada, où elle a revendiqué le statut de réfugié.

 

III.       La décision de la Commission

 

[9]               La principale conclusion de la Commission était que la crainte de persécution de Mme Mugwagwa au Zimbabwe n’était pas véritable. Si elle avait vraiment craint d’être persécutée, elle ne serait pas retournée au Zimbabwe à deux reprises après avoir déménagé aux États‑Unis. Qui plus est, elle n’a pas été victime de persécution au cours de ses visites, bien qu’elle ait continué d’assister aux réunions du MDC pendant son séjour au pays.

 

[10]           En outre, Mme Mugwagwa n’a pas tenté de demander l’asile aux États‑Unis. Bien qu’elle ait précisé que les frais juridiques étaient élevés et que son employeur l’avait dissuadée de présenter une demande, ces explications ne cadraient pas avec une véritable crainte de persécution au Zimbabwe.

 

[11]           La Commission a conclu par la suite que Mme Mugwagwa n’était pas exposée personnellement à un risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités au Zimbabwe. Les risques qu’elle courait étaient généralisés et partagés par le reste de la population. Quoi qu’il en soit, la preuve qu’elle a présentée quant à ses expériences au Zimbabwe, tant avant qu’après ses séjours aux États‑Unis, ne permettait pas de conclure à l’existence d’un risque sérieux.

 

IV.       Première question en litige – La conclusion de la Commission selon laquelle Mme Mugwagwa n’éprouvait pas une crainte subjective de persécution au Zimbabwe était‑elle déraisonnable?

 

[12]           Mme Mugwagwa soutient que la Commission a écarté ses explications valides quant au fait de ne pas avoir demandé l’asile aux États‑Unis. Elle a déclaré que son permis de travail était échu aux États‑Unis, que son employeur s’opposait à ce qu’elle présente une demande d’asile et qu’elle n’avait pas les moyens de retenir les services d’un avocat pour présenter sa demande d’asile, et que son employeur n’était pas en mesure de la rémunérer. En outre, la Commission n’a pas pris en considération le fait qu’elle s’était fait discrète durant ses deux séjours au Zimbabwe afin d’éviter les problèmes.

 

[13]           À mon avis, la conclusion de la Commission sur l’absence d’une crainte subjective n’était pas déraisonnable compte tenu de la preuve. Mme Mugwagwa a quitté les États‑Unis à deux reprises, n’a pas éprouvé de problèmes à son retour au Zimbabwe (bien qu’elle ait continué d’assister aux réunions du MDC), et elle n’a pas demandé l’asile aux États‑Unis alors qu’elle avait amplement l’occasion de le faire. Ses explications quant au fait de ne pas avoir demandé l’asile n’étaient pas convaincantes. Bien que les services d’un avocat puissent se révéler onéreux, Mme Mugwagwa n’a pas demandé l’aide juridique. Qui plus est, si elle avait vraiment craint d’être persécutée au Zimbabwe, les efforts de dissuasion de son employeur quant à sa demande d’asile aux États‑Unis ne l’auraient pas découragée.

 

V.        Deuxième question en litige – L’évaluation de la Commission quant au risque auquel est exposée Mme Mugwagwa était‑elle déraisonnable?

 

[14]           Mme Mugwagwa prétend que la Commission a fait fi des expériences vécues par son père et son frère lorsqu’elle a conclu que le risque auquel elle est exposée au Zimbabwe est non pas personnel, mais généralisé.

 

[15]           À mon avis, la conclusion de la Commission quant au fait que Mme Mugwagwa ne courait aucun risque sérieux ni personnel n’était pas déraisonnable eu égard à la preuve. Il ressort de celle‑ci que Mme Mugwagwa n’a pas fait de manière soutenue l’objet de mauvais traitements et ne présentait pas un intérêt particulier pour ses opposants du ZANU‑PF. Elle s’était fait discrète. Elle a affirmé qu’on ne lui avait pas vraiment fait de mal, bien qu’on lui ait parfois lancé des pierres. Les malheureuses expériences de son frère et de son père ne sont en soi suffisantes pour conclure qu’elle serait soumise au même traitement.

 

VI.       Conclusion et décision

 

[16]           Les conclusions de la Commission portant que la conduite de Mme Mugwagwa ne cadrait pas avec une crainte subjective de persécution et qu’il est peu probable qu’elle soit exposée à un risque sérieux de mauvais traitements au Zimbabwe n’étaient pas déraisonnables au vu de la preuve. Elles appartenaient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier et aucune n’est certifiée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 


Annexe A

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

Définition de « réfugié »

  96. A qualité de réfugié au sens de la Convention – le réfugié – la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

 

Personne à protéger

  97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes – sauf celles infligées au mépris des normes internationales – et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

  (2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Immigration and Refugee Protection Act, [IRPA] SC 2001, c 27

 

Convention refugee

  96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

Person in need of protection

  97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

  (2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4903‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  BRIDGET MUGWAGWA c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 16 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                 Le 6 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alla Kikinova

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Amy King

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Loebach

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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