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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120619


Dossier : IMM-5978-11

Référence : 2012 CF 783

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 juin 2012

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

 

MARK ANTHONY BELL

 

 

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 5 août 2011 (la décision), qui a rejeté l’appel du demandeur et annulé un sursis de son expulsion.

CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Jamaïque et un résident permanent du Canada âgé de 43 ans. Il a obtenu le droit d’établissement au Canada en 1983, à l’âge de 14 ans, après que son père l’eut parrainé.

[3]               Le demandeur a été déclaré coupable de trafic de stupéfiants en violation du paragraphe 4(1) de l’ancienne Loi sur les stupéfiants en 1990. Après sa déclaration de culpabilité, un agent d’immigration a établi un rapport contre lui en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi sur l’immigration, LRC 1985, c I-2 (la Loi sur l’immigration). Le demandeur a ensuite été convoqué à une enquête prévue au paragraphe 27(3) de la Loi sur l’immigration. À la suite de l’enquête, la Section de l’immigration (la SI) a conclu que le demandeur était non admissible en vertu de l’alinéa 27(1)d) de la Loi sur l’immigration. La SI a pris une mesure d’expulsion contre lui en vertu du paragraphe 32(2) de la Loi sur l’immigration (la mesure d’expulsion).

[4]               Le demandeur a interjeté appel de la mesure d’expulsion auprès de la SAI et, le 30 juillet 1999, la SAI a conclu que la mesure d’expulsion était valide en droit (l’audience de 1999). Le demandeur était représenté par un conseil (Ounapuu) à l’audience de 1999. Après l’audience, la SAI a également sursis à la mesure d’expulsion pour une période de trois ans sous réserve de certaines conditions. La SAI a ordonné au demandeur de communiquer un rapport à tous les six mois et de fournir des renseignements au sujet de son emploi, de ses conditions de vie et de son état matrimonial. Il lui a également été ordonné de signaler toute déclaration de culpabilité au pénal, tout changement d’adresse, tout changement dans son état matrimonial et tout changement concernant toute union de fait. La SAI a également interdit au demandeur de posséder des armes et de consommer ou vendre illégalement de la drogue, et elle lui a ordonné de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir bonne conduite. Enfin, elle a ordonné un réexamen oral de la mesure d’expulsion le 19 mai 2000 et un réexamen oral du sursis le 30 juin 2002.

[5]               Lors du réexamen du 19 mai 2000 (le réexamen de 2000) – lors duquel le demandeur se représentait lui-même – la SAI a conclu que le demandeur avait manqué à plusieurs conditions de son sursis. Le demandeur avait communiqué un rapport en retard, il avait exagéré ses accomplissements académiques, il avait été déclaré coupable de deux infractions à la circulation et il avait plusieurs amendes impayées pour des infractions à la circulation. La SAI a admis que le demandeur avait fait d’importants progrès pour se réadapter, mais elle a conclu qu’il avait encore du chemin à faire. Elle a ordonné le maintien du sursis au renvoi pour une période de deux ans avec certaines modifications. En plus des conditions antérieures, la SAI a ordonné au demandeur d’obtenir des renseignements détaillés au sujet de ses amendes impayées et de présenter à la SAI un calendrier de paiement de ces amendes. Elle lui a également ordonné de ne pas conduire pendant que son permis de conduire était suspendu et de signaler toute déclaration de culpabilité au pénal et toute condition de libération conditionnelle. Elle a fixé une autre audience de réexamen du cas du demandeur au 30 juillet 2002.

[6]               La SAI a réexaminé de nouveau la mesure d’expulsion le 28 février 2003 (l’audience de 2003). Le demandeur était représenté par un conseil (Jackman) à cette audience. Après cette audience, la SAI a conclu que le demandeur avait de nouveau manqué aux conditions du sursis. Elle a conclu qu’il avait omis de signaler une accusation et une déclaration de culpabilité en vertu du Code de la route, LRO 1990 c H-8. Il avait également omis de signaler deux accusations de méfait, bien que la SAI ait noté qu’il avait par la suite corrigé cette omission dans un rapport subséquent. La SAI a également constaté que le demandeur n’avait pas présenté de calendrier de paiement de ses amendes pour des infractions à la circulation et n’avait fait aucun paiement à cet égard, comme il lui avait été ordonné de le faire. Elle a également conclu que le demandeur avait conduit alors que son permis de conduire était suspendu, en violation des conditions qui lui avaient été imposées au terme de l’audience précédente. Elle a prolongé le sursis pour une période additionnelle de deux ans, en notant que le demandeur risquait d’être renvoyé s’il ne respectait pas les conditions qui lui étaient imposées.

[7]               Le demandeur a comparu devant la SAI une quatrième fois le 25 juillet 2005 (l’audience de 2005), lors d’une audience au cours de laquelle il était également représenté par un conseil (Green). Au cours de la période entre l’audience de 2003 et l’audience de 2005, le demandeur avait été accusé de deux chefs de voies de fait et de deux chefs de menaces de voies de fait. Il avait été remis en liberté sous caution, mais il avait été accusé et déclaré coupable de trois chefs de violation d’un engagement; la SAI a conclu qu’il s’agissait-là d’un manquement à la condition de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir bonne conduite. Elle a regardé d’un mauvais œil les manquements du demandeur aux conditions de son sursis, mais elle a conclu qu’il ne devrait pas être renvoyé du Canada. Elle a insisté dans ses motifs pour dire qu’il y avait une limite à la conduite qu’elle tolérerait, en avertissant le demandeur que s’il manquait encore aux conditions qui lui étaient imposées, cela indiquerait qu’on ne pouvait pas lui faire confiance. La SAI a prolongé le sursis pour une autre période de deux ans sous réserve de conditions similaires à celles qu’elle avait imposées auparavant. Cependant, elle a exigé que le demandeur se présente en personne avec des rapports écrits tous les six mois.

[8]               La cinquième comparution du demandeur devant la SAI a eu lieu le 2 mai 2008 (l’audience de 2008). Le demandeur était de nouveau représenté par un conseil (Baqi). Cette audience avait été convoquée pour examiner la révocation du sursis, mais les conseils du demandeur et du défendeur ont recommandé conjointement que le sursis soit prolongé pour une autre année afin que le demandeur puisse répondre à de nouvelles accusations au criminel. La SAI a prolongé le sursis du demandeur sous réserve de la condition que le demandeur fasse des efforts importants pour payer ses amendes impayées.

[9]               Le demandeur a comparu de nouveau devant la SAI le 26 novembre 2009, sans conseil (l’audience de 2009). La SAI a prolongé son sursis pour une période d’un an aux mêmes conditions et a recommandé un réexamen le 26 novembre 2010.

[10]           La SAI a envoyé au demandeur un avis de reprise de l’appel conformément au paragraphe 68(3) de la Loi et au paragraphe 26(3) des Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230 (les Règles de la SAI). Cet avis exigeait que le demandeur indique s’il s’était conformé aux conditions de son sursis. Le demandeur a informé la SAI le 29 août 2010 qu’il ne s’était pas conformé aux conditions parce qu’il avait de nouveau omis de se conformer à un engagement. Le 23 décembre 2010, le défendeur a communiqué ses éléments de preuve au demandeur qui indiquaient des accusations en instance contre lui et le montant en souffrance des amendes qui lui avaient été imposées. Le défendeur a demandé un réexamen oral du sursis du demandeur, et la SAI a donc fixé une audience au 25 mars 2011, et elle a avisé le demandeur de cette audience le 25 janvier 2011.

[11]           Le 31 mars 2011, la SAI a avisé le demandeur qu’elle avait fixé une autre audience au 28 juin 2011 (l’audience de 2011). Le demandeur n’était pas représenté à cette audience, au terme de laquelle a été rendue la décision qui fait l’objet du présent contrôle.

[12]           Après l’audience de 2011, la SAI a examiné les observations respectives du demandeur et du défendeur. Le 5 août 2011, la SAI a rejeté l’appel du demandeur et a révoqué le sursis de son renvoi. Il n’y a actuellement aucun sursis en vigueur pour empêcher le renvoi du demandeur du Canada.

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

            Demande d’ajournement

 

[13]           À l’audience de 2011, le demandeur a demandé à la SAI de reporter l’audience à une date ultérieure afin qu’il puisse engager un conseil pour le représenter dans le cadre de cette instance. Cette demande a été rejetée. La SAI a examiné l’article 48 des Règles de la SAI et la directive no 6 du président – Mise au rôle et changement de la date ou de l’heure d’une procédure (la directive no 6), et elle a conclu que le demandeur avait eu amplement le temps de se préparer en vue de l’audience et qu’il était au courant de son obligation de le faire. Il avait été avisé de l’audience de 2011 le 31 mars 2011, mais il n’avait fait aucune démarche pour trouver ou engager un conseil, et il avait dit qu’il avait parlé pour la dernière fois de son appel à un avocat environ un an avant l’audience de 2011.

[14]           La SAI a également noté qu’il y avait plusieurs accusations au criminel en instance contre le demandeur, notamment des accusations de trafic d’une substance désignée au titre de l’alinéa 5(3)a) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19 (la LRCDAS). Le demandeur a été incapable de dire à la SAI quand son procès serait instruit, mais le dossier certifié du tribunal (le DCT) indique qu’il était fixé au 15 juin 2011 – deux semaines avant l’audience de 2011. La SAI a également noté que le demandeur avait été cité à procès au titre d’autres accusations portées en vertu de la LRCDAS et du Code de la route. Le demandeur a dit que son ancienne conseil lui avait dit qu’il faudrait qu’il soit disposé des accusations pendantes contre lui avant que la SAI puisse disposer de son sursis, mais la SAI a conclu que son réexamen du sursis du demandeur n’était pas lié à ces accusations.

[15]           La SAI a estimé qu’il n’était pas approprié d’ajourner l’audience de 2011 à cause d’autres instances, en notant que le demandeur disposait d’un droit d’appel à la SAI avant renvoi. La SAI a estimé que la situation du demandeur était une affaire grave sur laquelle elle devait statuer le plus tôt possible. Elle a également affirmé qu’un acquittement n’aurait aucune incidence sur sa décision de prolonger le sursis. En outre, si le demandeur était déclaré coupable en vertu du paragraphe 5(3) de la LRCDAS, le paragraphe 68(4) de la Loi entraînerait la révocation de plein droit de tout sursis de renvoi.

[16]           En outre, la SAI a conclu que le demandeur avait comparu sans être représenté devant la SAI dans le passé et qu’un ajournement serait préjudiciable au défendeur. Elle a estimé que le défendeur avait un intérêt à ce qu’une décision soit rendue rapidement. Elle a noté que l’appel du demandeur était inscrit à son rôle depuis 1999 et que le demandeur n’avait cessé de comparaître devant la SAI uniquement parce qu’il n’avait cessé de manquer aux conditions auxquelles il était assujetti.

Analyse

[17]           La SAI a examiné l’historique de la mesure d’expulsion prise contre le demandeur et des procédures devant elle avant d’examiner le bien-fondé de l’appel du demandeur.

[18]           La SAI a affirmé que le fardeau de démontrer que la prise de mesures spéciales était justifiée incombait au demandeur. Elle a également noté qu’elle devait tenir compte de l’intérêt supérieur de tout enfant touché par la décision ainsi que des facteurs énoncés par la SAI dans la décision Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4, et confirmés par la Cour suprême dans l’arrêt Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3. Parmi les facteurs Ribic, la SAI a souligné la gravité des infractions ayant mené à la mesure d’expulsion, la possibilité de réadaptation, le temps passé au Canada et les difficultés que causerait un renvoi du Canada. La SAI a également noté qu’elle pouvait tenir compte de toute autre circonstance inhabituelle.

L’infraction ayant mené à la mesure d’expulsion

[19]           La SAI a estimé que les déclarations de culpabilité du demandeur, notamment au titre de l’infraction qui l’avait initialement fait porter à l’attention des autorités de l’immigration, militaient contre la prise de mesures spéciales. La SAI a noté que le demandeur avait été déclaré coupable de trafic de marijuana, et elle a estimé qu’il s’agissait d’une infraction grave puisque passible d’une peine maximale d’emprisonnement à vie. La SAI a également noté que le demandeur avait été déclaré coupable d’agression armée, de possession d’une arme prohibée et d’entrave à un agent de la paix. Il avait également été déclaré coupable de plusieurs infractions en vertu du Code de la route au titre desquelles il avait plus de 2 000 $ d’amendes impayées. Il avait en outre admis ne pas avoir déclaré des revenus aux responsables du programme Ontario au travail malgré son obligation de le faire. La SAI a également conclu que le demandeur avait manqué à une condition de son sursis parce qu’il ne s’était pas acquitté de son obligation de déclarer des revenus et de signaler des accusations de possession d’une substance désignée au défendeur.

Perspectives de réadaptation

[20]           La SAI a également conclu que les perspectives de réadaptation du demandeur étaient minimes et ne militaient pas en faveur de la prolongation de son séjour au Canada. La SAI a estimé que le demandeur avait fait peu d’efforts pour se réadapter, en notant qu’il avait continué d’accumuler des déclarations de culpabilité au criminel et des manquements aux conditions de son sursis. La SAI a estimé que le degré d’inobservation de ses conditions par le demandeur était important, compte tenu de son défaut de signaler de nouvelles accusations, de sa consommation de drogue et de l’augmentation du nombre de ses amendes pour des infractions à la circulation. Elle a cité sa décision antérieure, dans laquelle elle avait affirmé :

[Le demandeur] doit comprendre qu’il ne peut continuer à abuser allégrement du système qui lui a à répétition accordé une nouvelle chance de rester au Canada. [La SAI] estime sérieusement que, s’il contrevient encore aux conditions de son sursis, [le demandeur] devra être renvoyé, peu importe qu’il constitue une menace immédiate à la société canadienne ou non.

 

[21]           La SAI a affirmé que la réadaptation était démontrée par l’absence de criminalité et la démonstration de respect pour le Canada et ses lois. La SAI a estimé que le demandeur avait systématiquement démontré une méconnaissance des conditions de son sursis en continuant à participer à des activités criminelles et à commettre des infractions au Code de la route.

 

Établissement

[22]           La SAI a estimé que le demandeur n’était pas bien établi au Canada. Elle a examiné les changements qui étaient survenus dans sa vie au cours des années qu’il avait passées ici. À l’époque où la mesure d’expulsion avait été prise contre lui, le demandeur avait une épouse, des enfants et un emploi, mais il n’avait plus rien de tout cela. Il n’avait produit aucune lettre de soutien, et aucune de ses connaissances n’avait assisté à l’audience de 2011. La SAI a estimé que le demandeur n’avait aucun antécédent récent en matière d’emploi qui soit digne de mention, bien qu’il ait dit qu’il avait certains revenus comptants non déclarés. Il n’avait non plus aucune intention de travailler, si ce n’est en faisant des boulots payés au comptant et en comptant pour le reste sur l’aide sociale. Le demandeur avait peu de biens, mais il n’avait aucune dette mis à part ses amendes pour des infractions à la circulation.

Intérêt supérieur des enfants

[23]           La SAI a également estimé que le renvoi du demandeur n’aurait pas d’incidences défavorables importantes sur ses enfants et que leurs intérêts ne militaient pas en faveur de la prolongation du sursis du demandeur. La SAI a noté que le demandeur avait peu de contacts avec les mères de ses cinq enfants. Bien qu’il ait dit qu’il fournissait une aide financière à ses enfants quand cela lui était demandé, il avait été incapable d’expliquer comment il y était parvenu alors qu’il dépendait de l’aide sociale. La SAI a conclu que toute aide financière qu’il fournissait à ses enfants était limitée et n’était pas essentielle à leur bien-être.

Établissement et difficultés

[24]           La SAI a également estimé que, même si le demandeur s’ennuierait de sa famille au Canada s’il était renvoyé, ces difficultés émotionnelles ne militaient que de façon négligeable en faveur du demandeur. La SAI a noté que le demandeur vivait au Canada depuis 28 ans mais que la culture en Jamaïque lui était également familière.

[25]           La SAI a estimé que l’absence d’établissement important du demandeur au Canada et son inobservation continue des ordonnances de la SAI et des conditions de son sursis militaient contre l’accueil de son appel. Son incapacité continue à se conformer à des conditions militait également contre le maintien de son sursis. La SAI a conclu que la prolongation du séjour du demandeur au Canada ne servirait aucune fin, qu’il n’y avait aucun espoir que son comportement change et qu’elle ne croyait pas qu’il était capable de se conformer aux conditions de son sursis.

Considérations d’ordre humanitaire

[26]           Le cas soulevait des considérations d’ordre humanitaire, mais la SAI a estimé que ces considérations ne l’emportaient pas sur d’autres aspects négatifs. Le demandeur n’avait pas réussi à établir que les membres de sa famille éprouveraient des difficultés s’il était renvoyé, et l’intérêt supérieur de ses enfants ne militait pas en faveur de l’octroi d’une autre prolongation. La SAI a estimé que le demandeur avait continué à faire fi des autorités à d’autres niveaux du gouvernement. Il ne s’était pas enquis quant à un plan de paiement de ses amendes pour des infractions à la circulation et il n’avait pas déclaré des revenus comptants au programme Ontario au travail.

Conclusion

[27]           La SAI a conclu que le demandeur n’avait pas établi de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. Elle a conclu que la prolongation de son séjour serait pour lui une invitation à échouer de nouveau et que les éléments de preuve ne révélaient pas de motifs justifiant une telle prolongation. La SAI a donc rejeté l’appel du demandeur et a révoqué le sursis de son renvoi.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[28]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables dans la présente instance :

66. Il est statué sur l’appel comme il suit :

 

 

 

 

a) il y fait droit conformément à l’article 67;

 

 

b) il est sursis à la mesure de renvoi conformément

à l’article 68;

c) il est rejeté conformément à l’article 69.

 

[…]

 

68. (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

 

 

(2) La section impose les conditions prévues par règlement et celles qu’elle estime indiquées,

celles imposées par la Section de l’immigration étant alors annulées; les conditions non réglementaires peuvent être modifiées ou levées; le sursis est révocable d’office ou sur demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(3) Par la suite, l’appel peut, sur demande ou d’office, être repris et il en est disposé au titre de la présente section.

 

66. After considering the appeal of a decision,

the Immigration Appeal Division shall

 

 

(a) allow the appeal in accordance with section

67;

(b) stay the removal order in accordance with section 68; or

 

(c) dismiss the appeal in accordance with section 69.

 

[…]

 

68. (1) To stay a removal order, the Immigration Appeal Division must be satisfied, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, that sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

(2) Where the Immigration Appeal Division stays the removal order

 

(a) it shall impose any condition that is prescribed and may impose any condition that it considers necessary;

 

 

 

(b) all conditions imposed by the Immigration Division are cancelled;

 

(c) it may vary or cancel any non-prescribed condition imposed under paragraph (a); and

 

(d) it may cancel the stay, on application or on its own initiative.


(3) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order, it may at any time, on application or on its own initiative, reconsider the appeal under this Division.

 

 

 

 

[29]           Les dispositions suivantes des Règles de la SAI sont également applicables dans la présente affaire :

43. (1) Toute demande est faite sans délai par écrit sauf si :

 

 

a) les présentes règles indiquent le contraire;

 

b) la Section permet qu’elle soit faite oralement pendant une procédure après qu’elle ait considéré tout élément pertinent,

notamment le fait que la partie

n’aurait pu, malgré des efforts raisonnables, le faire par écrit avant la procédure.

[…]

 

48. (1) Toute partie peut demander à la Section de changer la date ou l’heure d’une procédure.

 

(2) La partie :

 

a) fait sa demande selon la règle 43, mais n’a pas à y joindre d’affidavit ou de déclaration solennelle;

 

b) indique dans sa demande au moins six dates, comprises dans la période fixée par la Section, auxquelles elle est disponible pour commencer ou poursuivre la procédure.

 

(3) Dans le cas où les destinataires reçoivent la demande deux jours ouvrables

ou moins avant la procédure, la partie doit se présenter à la procédure et faire sa demande

oralement.

 

(4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment:

 

a) dans le cas où elle a fixé la date et l’heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

 

b) le moment auquel la demande a été faite;

 

 

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

 

d) les efforts qu’elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

 

e) dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice;

 

f) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil;

 

g) tout report antérieur et sa justification;

 

h) si la date et l’heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

 

i) si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable;

 

j) la nature et la complexité de l’affaire.

 

43. (1) An application must be made in writing and without delay unless

 

(a) these Rules provide otherwise; or

 

(b) the Division allows it to be made orally at a proceeding after considering any relevant factors, including whether the party with reasonable effort could have made the application in writing before the proceeding.

 

[…]

 

48. (1) A party may make an application to the Division to change the date or time of a proceeding.

 

(2) The party must

 

(a) follow rule 43, but is not required to give evidence in an affidavit or statutory declaration; and

 

(b) give at least six dates, within the period specified by the Division, on which the party is available to start or continue the proceeding.

 

 

(3) If the party’s application is received by the recipients two working days or less before the date of a proceeding, the party

must appear at the proceeding and make the request orally.

 

 

(4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

 

 

 

(a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

 

(b) when the party made the application;

 

 

(c) the time the party has had to prepare for the proceeding;

 

(d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

 

(e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party’s arguments, the ability

of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

 

 

(f) the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

 

(g) any previous delays and the reasons for them;

 

(h) whether the time and date fixed for the proceeding were peremptory;

 

(i) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings; and

 

(j) the nature and complexity of the matter to be heard.

 

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[30]           Le demandeur soulève les questions suivantes dans la présente demande :

a.                   La SAI a-t-elle violé le droit du demandeur à l’équité procédurale en ne lui accordant pas un ajournement?

b.                  La décision de la SAI de ne pas accorder un ajournement était-elle déraisonnable?

 

NORME DE CONTRÔLE

[31]           La Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, a affirmé qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à l’analyse relative à la norme de contrôle. Plutôt, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise présentée à la cour est bien établie par la jurisprudence, la cour de contrôle peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs applicables pour l’analyse relative à la norme de contrôle.

[32]           La question de savoir si la SAI a privé le demandeur de son droit à un conseil est une question d’équité procédurale (voir Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 22, au paragraphe 29). Dans l’arrêt S.C.F.P. c Ontario (Canadian Region), 2003 CSC 29 (QL), la Cour suprême du Canada a statué au paragraphe 100 qu’« [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». La Cour suprême du Canada a également statué dans le même arrêt que lorsqu’un décideur agit à l’encontre de l’expectative légitime d’une partie, la cour de contrôle peut accorder une réparation procédurale (voir le paragraphe 131). En outre, dans l’arrêt Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, la Cour d’appel fédérale a statué que « [l]a question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation. » La norme de contrôle applicable à la première question est celle de la décision correcte.

[33]           Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Fox, 2009 CF 987, le juge Yves de Montigny a statué que la norme de contrôle applicable à la décision de la SAI d’accorder un ajournement est celle de la décision raisonnable (au paragraphe 35). En outre, lorsqu’elle décide s’il y a lieu d’accorder un ajournement, la SAI doit pondérer les facteurs énoncés au paragraphe 48(4) des Règles de la SAI. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit généralement susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 51). La norme de contrôle applicable à la deuxième question est celle de la décision raisonnable.

[34]           Lors du contrôle d’une décision selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

ARGUMENTS

Le demandeur

            Manquement à l’équité procédurale

 

[35]           Le demandeur affirme qu’il avait une expectative légitime selon laquelle son audience serait ajournée afin qu’il puisse être disposé des accusations au criminel portées contre lui avant que son appel devant la SAI soit clos. Lorsque la SAI n’a pas répondu à cette expectative légitime, elle lui a refusé son droit à un conseil et a violé son droit à l’équité procédurale. Le demandeur souligne que la SAI avait ajourné l’audience du 25 mars 2011 afin qu’il puisse être disposé des accusations au criminel portées contre lui. L’ajournement que la SAI a accordé le 25 mars 2011 a créé une expectative légitime selon laquelle l’audience de 2011 serait également ajournée puisqu’il n’avait toujours pas été disposé des accusations au criminel portées contre le demandeur.

[36]           Dans les motifs qu’elle avait prononcés au terme de l’audience de 2008, la SAI avait affirmé :

Étant donné la nature sérieuse des nouvelles accusations criminelles, le tribunal juge que, vu l’ensemble des faits de la présente affaire, les observations conjointes des conseils ne sont pas déraisonnables. Par conséquent, le tribunal ordonne de maintenir le sursis de la mesure de renvoi pour une autre année et selon les conditions modifiées convenues entre l’appelant et son conseil.

 

[37]           L’expérience antérieure du demandeur devant la SAI avait fait naître chez lui une expectative légitime selon laquelle il ne serait pas disposé de son appel lors de l’audience de 2011. Étant donné cette expectative légitime, le demandeur n’avait pas engagé de conseil. Il note qu’il avait engagé un conseil dans le passé, et il invoque l’arrêt S.C.F.P., précité, où la Cour suprême du Canada a statué, au paragraphe 131 :

La rčgle de l’expectative légitime est « le prolongement des rčgles de justice naturelle et de l’équité procédurale » : Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.‑B.), [1991] 2 R.C.S. 525, p. 557. Elle s’attache ŕ la conduite d’un ministre ou d’une autre autorité publique dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire — y compris les pratiques établies, la conduite ou les affirmations qui peuvent ętre qualifiées de claires, nettes et explicites — qui a fait naître chez les plaignants (en l’espčce, les syndicats) l’expectative raisonnable qu’ils conserveront un avantage ou qu’ils seront consultés avant que soit rendue une décision contraire. Pour ętre « légitime », une telle expectative ne doit pas ętre incompatible avec une obligation imposée par la loi. Voir : Assoc. des résidents du Vieux St‑Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170; Baker, précité; Mont‑Sinaď, précité, par. 29; Brown et Evans, op. cit., par. 7:2431. Lorsque les conditions d’application de la rčgle sont remplies, la cour peut accorder une réparation procédurale convenable pour répondre ŕ l’expectative « légitime ».

 

[38]           Le demandeur affirme également que son ancienne conseil lui avait dit que l’audience de 2011 serait ajournée afin qu’il puisse être disposé des accusations au criminel portées contre lui. Ce fait, combiné à l’expérience antérieure du demandeur devant la SAI, avait créé une expectative légitime selon laquelle l’audience de 2011 serait ajournée. La SAI a violé le droit du demandeur à l’équité procédurale lorsqu’elle a trompé son expectative légitime.

Refus déraisonnable d’ajournement

[39]           Le rejet par la SAI de la demande d’ajournement du demandeur était déraisonnable parce que la SAI n’a pas tenu compte de la nature et de la complexité de l’affaire dont elle devait connaître. La SAI a affirmé dans ses motifs qu’elle avait tenu compte des facteurs énoncés à l’article 48 des Règles de la SAI et à la directive n6. Le demandeur note également que la SAI a affirmé que les renseignements qu’il avait obtenus de son ancienne conseil – à savoir que l’audience de 2011 serait reportée pour qu’il puisse être disposé des accusations au criminel portées contre lui – étaient inexacts.

[40]           Le demandeur affirme que sa demande est complexe; elle a donné lieu à plusieurs séances de la SAI au cours des onze années durant lesquelles il a été sous le coup de la mesure d’expulsion. Le demandeur cite la décision Ventura c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 386, au paragraphe 4, où le juge Douglas Campbell a statué :

À mon avis, la déclaration selon laquelle une audience menée dans le but d’apprécier des circonstances d’ordre humanitaire « n’est pas complexe » est exceptionnellement déraisonnable. Il est difficile d’imaginer quelque chose de plus complexe que de séparer un père de ses enfants, ou plutôt, de séparer les enfants de leur père, peu importe sa conduite antérieure.

 

[41]           Le demandeur affirme que son cas s’apparente à celui dont il était question dans l’affaire Ventura, en ce qu’il est un résident de longue date du Canada qui a un casier judiciaire, des antécédents peu reluisants en matière d’emploi et un faible niveau de scolarité. Il a également dû comparaître de nombreuses fois devant la SAI, à l’instar de M. Ventura. Compte tenu de la ressemblance de son cas à celui de M. Ventura, le demandeur affirme que la SAI aurait dû conclure que son cas était complexe et elle aurait dû lui accorder un ajournement pour ce motif. Il était déraisonnable que la SAI s’attende à ce que le demandeur aille de l’avant dans une affaire complexe comme celle-ci sans conseil.

Le défendeur

            Absence d’expectative légitime

 

[42]           Le défendeur affirme que le demandeur ne pouvait pas avoir une expectative légitime selon laquelle l’audience de 2011 serait ajournée, fondée sur la conduite passée de la SAI ou sur l’avis de son ancienne conseil. La conduite de la SAI en l’espèce ne satisfait pas au critère de création d’une expectative légitime que la Cour suprême a énoncé dans l’arrêt S.C.F.P., précité. La Cour ne dispose d’aucune preuve d’une pratique passée claire, nette et explicite de la part de SAI consistant à ajourner des audiences en attendant l’issue d’affaires pénales. Le demandeur devrait savoir, compte tenu de son expérience passée, que des accusations pendantes au criminel n’empêchent pas la poursuite d’audiences devant la SAI.

[43]           Le défendeur affirme également que l’expérience passée du demandeur devant la SAI ne pouvait pas créer une expectative légitime selon laquelle l’audience de 2011 serait ajournée. Une prolongation de son sursis lui avait été accordée au terme de l’audience de 2008 à la suite d’une recommandation conjointe de son conseil et du conseil du défendeur. En mars 2011, la SAI avait accordé un ajournement alors que le procès pénal du demandeur devait avoir lieu seulement deux semaines après l’audience de la SAI. La SAI avait également tenu des audiences malgré des accusations au criminel en instance portées contre le demandeur. L’audience de 2003 avait eu lieu malgré des accusations au criminel alors en instance, tout comme l’audience de 2009.

[44]           En outre, le défendeur note que les accusations au criminel sur lesquelles le demandeur fonde son expectative légitime sont précisément les accusations qui avaient justifié la prolongation de son sursis en 2008 et l’ajournement en mars 2011. La SAI ne disposait d’aucun élément de preuve indiquant à quel moment il serait disposé des accusations alors en instance, de sorte qu’il n’y avait aucun élément de preuve susceptible d’étayer la demande d’ajournement du demandeur.

[45]           Le défendeur invoqué également un affidavit de Mme Green, l’ancienne conseil du demandeur, dans lequel celle-ci affirmait :

[traduction] […] Je n’ai pas dit [au demandeur] que la [SAI] était tenue de reporter une instance dont elle était saisie afin de permettre qu’il soit disposé de manière définitive des accusations au criminel portées contre un appelant [sic], mais il se peut que je lui aie dit que de tels ajournements étaient souvent accordés puisque, d’après mon expérience en tant que conseil ayant représenté des appelants [sic] et le ministre devant la Section d’appel, cela n’est pas rare.

 

[46]           Tout commentaire que Mme Green a pu faire est insuffisant pour fonder une expectative légitime selon laquelle l’audience de 2011 serait reportée.

[47]           Pour terminer sur ce point, le défendeur affirme que les lacunes dans les éléments de preuve présentés par le demandeur démontrent qu’il n’aurait pas eu de motif valable de se fier à toute expectative qu’il aurait pu avoir. Le demandeur avait appris après le 25 mars 2011 que son procès pénal avait été reporté d’avril 2011 au 15 juin 2011. Étant donné que son procès pénal devait avoir lieu avant l’audience de 2011 le 28 juin 2011, il ne pouvait pas s’être attendu à ce que la SAI reporte l’audience de 2011 parce qu’au moment de l’audience de 2011, il aurait déjà été disposé des accusations au criminel portées contre le demandeur. Le défendeur affirme que la Cour peut inférer que le demandeur a seulement appris après le 15 juin 2011 que son procès pénal était reporté au mois de mars 2012, et qu’il aurait pu être prêt pour l’audience.

Absence de manquement à l’équité procédurale

[48]           Le défendeur affirme également que le droit à un conseil n’est pas absolu et qu’il incombe aux parties de s’assurer qu’un conseil est disponible et prêt à aller de l’avant (voir Mervilus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1206, au paragraphe 17). Le défendeur invoque également le paragraphe 162(2) de la Loi, qui dispose que la SAI « fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité ». En l’espèce, il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale lorsque la SAI a refusé d’accorder au demandeur un ajournement. Une remise avait été accordée au demandeur le 25 mars 2011 en partie afin qu’il puisse engager un conseil et il n’avait aucune expectative légitime selon laquelle l’audience de 2011 serait reportée.

[49]           Il incombait au demandeur de démontrer que la prise de mesures spéciales était justifiée, de sorte que le demandeur aurait dû se préparer en vue de l’audience de 2011 ou engager un conseil. Il avait eu trois mois pour le faire, mais il n’avait pris aucune mesure pour se préparer. Les motifs que la SAI a exposés au soutien de son refus d’accorder l’ajournement démontrent qu’elle a tenu compte de toutes les considérations pertinentes et ne révèlent aucun manquement à l’équité procédurale. Le demandeur s’était représenté lui-même avec succès dans le passé, et il n’a pas démontré que le fait de ne pas avoir été représenté par un conseil à l’audience de 2011 lui avait porté préjudice. Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, la SAI a tenu compte de la complexité de l’affaire dont elle était saisie et, contrairement à l’appelant dans l’affaire Ventura, le demandeur était capable de se représenter lui-même. Le demandeur a tout simplement choisi de ne pas se préparer en vue de l’audience de 2011.

La réponse du demandeur

[50]           Le demandeur admet qu’il savait, compte tenu de son expérience passée dans le cadre d’instances devant la SAI, que des accusations pendantes au criminel n’empêchaient pas la SAI de poursuivre une audience. Cependant, il affirme que son expectative légitime en l’espèce était fondée sur une décision claire rendue par la SAI le 25 mars 2011 selon laquelle l’audience du demandeur devrait être ajournée afin qu’il puisse être disposé des accusations pendantes contre lui. La situation en ce qui a trait aux accusations pendantes contre lui était la même lors de l’audience de 2011 que lorsque la SAI avait accordé un ajournement le 25 mars 2011, de sorte que l’expectative du demandeur selon laquelle l’audience de 2011 serait ajournée était légitime.

[51]           Le demandeur affirme également qu’il n’allègue pas un droit substantiel mais demande à ce qu’une procédure passée soit suivie. Il conteste l’affirmation du défendeur selon laquelle il aurait seulement appris le 15 juin 2011 que son procès pénal était reporté, affirmant que l’affidavit qu’il a produit dans le cadre du présent contrôle judiciaire montre que le procès relatif aux accusations pendantes devait être instruit en avril 2011 et qu’il a ensuite été reporté au 8 mars 2012. Le demandeur savait depuis avril 2011 qu’il ne serait pas disposé des accusations portées contre lui avant mars 2012, de sorte qu’il n’avait aucune raison d’engager un conseil pour le représenter à l’audience de 2011.

[52]           Le demandeur affirme en outre que son cas ne se distingue pas de celui de l’appelant dans l’affaire Ventura, en ce qu’à l’instar de M. Ventura, le demandeur a un faible niveau de scolarité, il a travaillé de façon irrégulière, il a un casier judiciaire, il a eu des problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie et il a de la difficulté à assumer la responsabilité de ses actes.

Le mémoire supplémentaire du défendeur

[53]           Le défendeur affirme que la règle de l’expectative légitime ne peut pas créer de droits légaux substantifs et ne limite pas le pouvoir discrétionnaire d’un décideur. En outre, les expectatives légitimes ne peuvent pas mettre en échec un pouvoir conféré par la loi pour dicter un résultat particulier. Le demandeur a bien pu croire que l’audience de 2011 serait ajournée afin qu’il puisse être disposé des accusations pendantes contre lui, mais cela ne constituait pas une expectative légitime. Des audiences antérieures avaient certes été ajournées pour cette raison, mais seulement lorsque les conseils avaient fait une proposition conjointe en ce sens ou lorsque des éléments de preuve indiquaient qu’il allait être disposé à brève échéance des accusations pendantes. En outre, l’avis de l’ancienne conseil du demandeur n’était pas sans équivoque au point de fonder une expectative légitime.

            Absence de manquement à l’équité

[54]           Le défendeur invoque l’arrêt Wagg c Canada, 2003 CAF 303, où la Cour d’appel fédérale a statué, au paragraphe 19 :

Il est bien établi en droit que la décision d’accorder ou non un ajournement est une décision discrétionnaire, qui doit ętre prise équitablement (voir l’affaire Pierre c. Ministre de la Main‑d’oeuvre et de l’Immigration, [1978] 2 C.F. 849 (C.A.), ŕ la page 851, citée avec approbation dans l’arręt Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, ŕ la page 569). Il n’existe aucune présomption selon laquelle il existe un droit automatique ŕ un ajournement. La Cour n’interviendra pas dans le refus d’accorder un ajournement sauf circonstances exceptionnelles (voir l’arręt Siloch c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993), 10 Admin. L.R. (2d) 285 (C.A.F.)). De męme, bien qu’il soit dans l’intéręt de la Cour et dans celui du plaideur que les parties soient représentées par des avocats, le droit ŕ l’assistance d’un avocat n’est pas absolu. Dans l’affaire Asomadu-Acheampong c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, (1993), 69 F.T.R. 60 (C.F. 1re inst.), le juge Joyal s’était exprimé ainsi en réponse ŕ un argument selon lequel le droit ŕ l’assistance d’un avocat était inconditionnel :

 

[paragraphe 8] Avec égards, je ne suis pas d’accord. Le droit aux services d’un conseil n’est pas plus absolu que le droit qu’a un tribunal de déterminer sa propre procédure. S’il y a conflit entre les deux, je crois que, pour que le droit aux services d’un conseiller l’emporte sur l’autre, il faut tenir compte des circonstances applicables pour déterminer si la partie requérante a bel et bien été victime de quelque préjudice. À mon sens, le droit aux services d’un conseiller n’est qu’un complément aux principes de la justice naturelle et de l’équité, à la règle d’audi alteram partem, à la règle de la défense pleine et entière ainsi qu’à des règles similaires de longue date, afin de s’assurer que les droits et les obligations de toute personne visée par une enquête quelconque sont adjugés et déterminés en accord avec le droit. À moins d’une violation d’une telle règle, portant préjudice à quelqu’un, on ne peut dire qu’un refus d’ajourner prive un tribunal de sa compétence ou justifie l’annulation de la décision qu’il a rendue.

 

 

[55]           Dans l’arrêt Wagg, la Cour d’appel fédérale a statué que la Cour de l’impôt n’avait pas commis d’erreur en n’accordant pas un ajournement pour permettre à l’appelant de consulter un avocat. En l’espèce, le demandeur avait eu le temps d’engager un conseil, mais il ne l’avait pas fait, de sorte que le rejet de sa demande d’ajournement par la SAI ne commande pas l’intervention de la Cour.

[56]           Bien que le paragraphe 48(4) des Règles de la SAI énonce les facteurs que la SAI doit prendre en considération, la SAI n’est pas tenue de tous les mentionner dans ses motifs. Le demandeur a essentiellement choisi de se représenter lui-même, et il doit en assumer les conséquences. Bien qu’il soutienne que son cas était complexe au point de nécessiter l’assistance d’un conseil, il s’était représenté lui-même avec succès dans le passé; la SAI lui a également posé des questions précises dirigées, et il a eu la possibilité de présenter des observations. Le demandeur n’est pas d’accord avec la décision de la SAI, mais cela n’indique pas qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale.

ANALYSE

[57]           Dans la décision, la SAI a traité de la demande d’ajournement du demandeur comme suit :

[5]               Au début de l’audience, l’appelant a demandé de vive voix qu’une autre date soit fixée pour son audience de manière à ce qu’il puisse retenir les services d’un conseiller juridique.

 

[6]               Le tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas retenu les services d’un conseiller juridique pour l’audience d’aujourd’hui, et l’appelant a répondu qu’il avait parlé à l’un de ses anciens conseils « il y a longtemps » ou « au cours de la dernière année » et que son ancien conseil l’avait avisé que l’appelant avait une affaire en instance devant un tribunal provincial qui devait être réglée avant qu’une audience puisse être tenue devant la SAI ou « quelque chose du genre », de sorte qu’il n’avait pas pris la peine d’envisager les possibilités ou de demander de l’aide juridique pour l’audience de la SAI d’aujourd’hui.

 

[7]               Le tribunal s’est penché avec soin sur la règle 48 et les Directives no 6 de la SAI concernant les remises et a conclu, entre autres, que l’appelant avait eu suffisamment de temps pour se préparer à son audience et qu’il était au courant de ses obligations à l’égard de sa préparation à l’audience, notamment par l’obtention d’une aide juridique et la présentation de documents.

 

[8]               En prenant cette décision, le tribunal fait observer que l’appelant a déclaré qu’il savait que le commissaire Sherman lui avait déjà accordé un ajournement le 25 mars 2011, notamment pour s’occuper de ses autres accusations et retenir les services d’un conseiller juridique.

 

[9]               Le tribunal tient compte aussi du fait que l’appelant a l’habitude des audiences de la SAI, la première remontant à 1999, lorsqu’il s’est vu accorder son sursis initial. La chronologie des appels de l’appelant, des sursis et des réexamens devant la SAI est présentée ci‑après, et comprend les séances où il était ou n’était pas représenté.

 

[…]

 

[23]           Il y a de nombreuses accusations criminelles en instance auxquelles doit répondre l’appelant, dont le trafic d’une substance au titre de l’alinéa 5(3)a) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS). Il devrait subir un procès le 15 juin 2011, mais il n’a pu faire le point sur sa situation lorsque le tribunal le lui a demandé. L’appelant devait aussi subir des procès en juillet et en décembre 2011 pour ses autres accusations, comprenant deux accusations de possession d’une substance visée par la LRCDAS et deux accusations de défaut de se conformer aux conditions de la mise en liberté sous caution, en plus de nombreuses accusations d’infractions au Code de la route.

 

[24]           Il est malheureux que l’appelant ait pu recevoir des renseignements inexacts, censément de l’un de ses anciens avocats, selon lesquels le réexamen oral de la plus récente prorogation du sursis à sa mesure de renvoi dépend de ses accusations criminelles. Ce n’est pas le cas.

 

[25]           Même si l’appelant indique qu’il n’est pas prêt à poursuivre la procédure aujourd’hui, le tribunal refuse d’accueillir sa demande d’une autre date pour lui permettre de retenir les services d’un conseiller juridique. Cette décision est fondée sur le fait que l’appelant a été informé le 31 mars 2011 ou vers cette date, par un avis de convocation, que son audience devant la SAI aurait lieu le 28 juin 2011. Il n’a pas fait l’effort d’envisager la possibilité d’obtenir de l’aide et, encore moins, de retenir les services d’un conseiller juridique, ayant lui-même admis qu’il avait parlé avec ses conseillers juridiques pour la dernière fois il y a environ un an au sujet du présent appel.

 

[26]           Il n’est pas approprié d’ajourner la procédure à cause d’instances différentes qui doivent se dérouler simultanément ou dans l’avenir devant d’autres tribunaux. L’appelant a été frappé d’une mesure de renvoi à cause d’une déclaration de culpabilité antérieure. Il a le droit d’être entendu en appel devant le présent tribunal avant son renvoi. Il s’agit d’une affaire grave qui doit être tranchée le plus rapidement possible. Ce type d’appel est toujours prioritaire dans le calendrier de la SAI. De plus, si l’appelant est acquitté par le tribunal criminel, cela n’a pas d’effet sur la décision du présent tribunal.

 

[27]           Si l’appelant est déclaré coupable de l’infraction visée au paragraphe 5(3) de la LRCDAS, l’article 197 de l’ancienne Loi sur l’immigration et le paragraphe 68(4) de la LIPR ont pour effet de révoquer de plein droit le sursis à la mesure de renvoi qui a pu être accordé. Même si le tribunal comprend le désir de l’appelant d’avoir un conseiller juridique, le tribunal observe que l’appelant a comparu devant la SAI sans être représenté à quelques reprises relativement au présent appel, y compris en 2000 devant la commissaire Kelley.

 

[28]           Il ne convient pas que l’appelant soit autorisé à contourner l’application correcte de la LIPR par un autre ajournement. De l’avis du tribunal, il serait préjudiciable au ministre d’accorder un tel ajournement. Le ministre est partie à part entière à la présente affaire, et je reconnais qu’il a intérêt à ce que cette affaire soit rapidement tranchée et que l’appelant puisse être renvoyé en cas de rejet de l’appel. La sécurité des Canadiens fait d’ailleurs partie de la législation en matière d’immigration. Le fait d’ajourner l’audience pour permettre la production d’éléments de preuve supplémentaires (jugements de tribunaux criminels) entraînerait d’autres retards et pourrait annuler les effets du paragraphe 68(4). Le présent appel est inscrit au rôle de la SAI depuis 1999, et l’appelant a maintenant comparu six fois devant la SAI depuis son sursis initial en 1999. Il a bénéficié de prorogations sur une période de 12 ans, tout simplement parce qu’il n’a cessé d’enfreindre ses conditions. Pour ces motifs, le tribunal a rejeté la demande d’ajournement de l’appelant.

 

 

[58]           Le droit à un conseil n’est pas absolu. L’absence de conseil ne rend la décision invalide que lorsque cette absence empêche l’intéressé d’avoir une audition équitable. Voir Mervilus, précitée.

[59]           Dans l’arrêt Wagg, précité, la Cour d’appel fédérale a donné les directives suivantes à l’égard des demandes d’ajournement, au paragraphe 19 :

[La] décision d’accorder ou non un ajournement est une décision discrétionnaire, qui doit être prise équitablement […] Il n’existe aucune présomption selon laquelle il existe un droit automatique à un ajournement. La Cour n’interviendra pas dans le refus d’accorder un ajournement sauf circonstances exceptionnelles […] De même, bien qu’il soit dans l’intérêt de la Cour et dans celui du plaideur que les parties soient représentées par des avocats, le droit à l’assistance d’un avocat n’est pas absolu. [Renvois omis.]

 

 

[60]           Le paragraphe 48(4) des Règles de la SAI énumère les facteurs qui doivent être pris en considération pour statuer sur les demandes de changement de la date ou de l’heure d’une procédure. Bien que les Règles indiquent que tout facteur pertinent doit être pris en considération, la Cour a statué que la SAI n’est pas tenue d’énumérer tous les facteurs prévus au paragraphe 48(4) des Règles. Voir Omeyaka c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 78, au paragraphe 29; et Julien c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 351, au paragraphe 30.

[61]           La SAI a examiné la demande du demandeur de reporter l’audience pour lui permettre d’engager un conseil, et elle l’a rejetée. Pour statuer sur la demande de remise, la SAI a pris en considération les dispositions des Règles de la SAI et la directive applicables. La SAI a expressément noté ce qui suit :

a.                   la date à laquelle le demandeur avait été informé de la date d’audience du 28 juin 2011;

b.                  l’ajournement antérieur;

c.                   la gravité de l’affaire;

d.                  l’absence d’incidence d’un acquittement éventuel du demandeur des accusations portées contre lui alors en instance devant les tribunaux de juridiction pénale;

e.                   la comparution du demandeur devant la SAI sans conseil lors d’audiences antérieures;

f.                   le préjudice que subirait le ministre du fait de son intérêt à ce que l’affaire soit tranchée rapidement;

g.                  le temps qui s’était écoulé depuis que l’appel avait été inscrit au rôle de la SAI, et pourquoi.

 

[62]           Bien que la SAI se soit bien dirigée en droit pour décider d’accueillir ou non la demande d’ajournement, un examen de la transcription révèle qu’elle a fondé sa décision sur des erreurs importantes dans l’appréciation des faits et qu’elle a omis de tenir compte d’autres considérations très importantes.

[63]           Le DCT n’indique pas qu’est-ce qui est survenu le 25 mars 2011 qui a mené la SAI à reporter l’audience jusqu’en juin 2011. Cependant, le demandeur a affirmé sous serment dans son affidavit produit dans le cadre du présent contrôle judiciaire que la SAI avait accordé cette remise afin qu’il puisse être disposé des accusations pendantes au criminel portées contre le demandeur. Nous ne savons pas si le défendeur s’est opposé à cette remise. Cependant, le fait que la SAI ait accordé une remise ce jour-là indique soit que le défendeur ne s’est pas opposé à la remise, soit que la SAI a trouvé ses objections non convaincantes.

[64]           Étant donné que la SAI avait reporté son audience le 25 mars 2011, le demandeur affirme qu’il s’est présenté à l’audience du 28 juin 2011 en s’attendant à ce qu’une autre remise soit accordée parce qu’il n’avait toujours pas été disposé des accusations criminelles qui avaient justement donné lieu à la remise du 25 mars 2011. Aussi, le demandeur affirme qu’il s’est présenté à l’audience de 2011 sans avocat parce qu’il pensait que la remise serait accordée.

[65]           Il n’est pas nécessaire que je décide si la remise du 25 mars 2011 équivaut au genre d’acte qui fait naître une « expectative légitime » en droit. Ce qui est important, c’est que le demandeur avait déjà obtenu une remise afin qu’il puisse être disposé des accusations au criminel portées contre lui. Il n’était pas déraisonnable qu’il conclue qu’il obtiendrait une autre remise pour les mêmes motifs. Autrement dit, le demandeur ne se traînait pas les pieds ni ne tentait simplement de retarder l’audition complète de son cas. Il avait de bonnes raisons de croire que la SAI ne voudrait pas disposer de l’appel alors qu’il n’avait toujours pas été disposé des accusations au criminel même si, comme la SAI l’affirme maintenant, le sort de ces accusations n’aurait pas d’incidence sur sa décision.

[66]           La transcription montre qu’après qu’il eut appris que la SAI voulait aller de l’avant même s’il n’avait pas été disposé des accusations au criminel dans une autre instance, le demandeur a demandé un bref ajournement afin de pouvoir engager un conseil. Encore une fois, il ne se traînait pas les pieds.

[67]           La transcription montre également que le conseil du ministre [traduction] « était prêt à concéder une remise » et convenait avec le demandeur que l’affaire était [traduction] « complexe », de sorte qu’il est tout à fait injuste que la SAI invoque le préjudice qui serait porté au ministre parmi ses motifs de refus d’accorder un ajournement ou qu’elle laisse entendre que puisque le demandeur avait comparu seul devant la SAI dans le passé, il n’avait pas besoin de l’assistance d’un conseil dans le cadre de cette audition très importante et complexe.

[68]           Ainsi, tout ajournement aurait été bref, il n’aurait pas été préjudiciable au ministre, le ministre convenait que l’affaire était complexe, et il s’agissait d’une décision très importante pour le demandeur pour laquelle il pensait légitimement qu’il avait besoin d’être représenté par un avocat.

[69]           La SAI a également estimé que le demandeur pouvait se représenter lui-même à l’audience de 2011 parce qu’il s’était représenté lui-même devant la SAI dans le passé, sans tenir compte de la nature de la procédure dans le cadre de laquelle le demandeur s’était ainsi représenté lui-même. Lorsqu’il s’était représenté lui-même lors du réexamen de 2000, il était seulement question de son défaut de présenter un rapport à deux occasions, de son défaut de produire des déclarations de revenus et de deux accusations en instance au titre d’infractions au Code de la route. L’audience de 2009 – à laquelle le demandeur s’est de nouveau représenté lui-même – semble s’être déroulée sommairement, sans que le demandeur ni le défendeur ne présentent d’observations. Par contraste avec ces procédures relativement simples, à l’audience de 2011, il était question de plusieurs nouvelles accusations, d’un casier judiciaire plus long et d’une situation familiale plus compliquée. Il n’était pas raisonnable que la SAI fasse un parallèle entre les procédures simples dans le cadre desquelles le demandeur s’était représenté lui-même et l’audience plus complexe en 2011.

[70]           Plutôt que de centrer son attention sur ces facteurs importants au moment d’appliquer l’article 48 des Règles de la SAI et la directive no 6, la SAI a inventé des raisons pour refuser d’accorder un ajournement qui ne résistent pas à l’analyse. Le demandeur ne tentait pas de « contourner l’application correcte de la LIPR par un autre ajournement ». Tout ce qu’il voulait, c’était un bref ajournement afin qu’il puisse retenir les services d’un avocat pour l’aider dans le cadre de ce qui allait vraisemblablement être une des décisions les plus importantes de sa vie. Et cela n’aurait causé aucun préjudice au ministre, qui avait consenti à l’ajournement.

[71]           Il ne peut pas être reproché à la SAI d’avoir voulu aller de l’avant avec l’audition de l’appel, mais, étant donné le long historique de cette affaire et le contexte immédiat de la demande d’ajournement, je suis d’avis qu’il s’agit d’une de ces situations particulières où le refus est déraisonnable et équivaut à un manquement à l’équité procédurale.

[72]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour est d’accord.

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un tribunal différemment constitué de la SAI.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5978-11

 

INTITULÉ :                                      MARK ANTHONY BELL

 

                                                            -   et   -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 29 mars 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 19 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Joel Sandaluk                                                                          POUR LE DEMANDEUR

 

Sharon Stewart Guthrie                                                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

Mamann, Sandaluk                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario) 

 

Myles J. Kirvan, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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