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Date : 20120619

Dossier : IMM‑8249‑11

Référence : 2012 CF 777

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 19 juin 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

GEORG MARMA

JIMS MARMA

(ALIAS JIMS DAVID MARMA)

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que les demandeurs n’étaient pas crédibles et qu’ils n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger

 

Contexte

[2]               Georg Marma et son frère Jims Marma sont des citoyens de la Syrie. La Commission a accepté leur père en tant que réfugié en 2006. Ils sont entrés au Canada en 2010 et ont alors fait une demande d’asile : Georg a invoqué son appartenance politique et Jims, la persécution fondée sur la religion. Leurs demandes distinctes ont été instruites ensemble et la Commission a statué sur chacune de ces demandes dans sa décision.

 

Georg Marma

[3]               Georg allègue qu’il était un membre actif du parti Zawa. Il a assisté à des réunions, distribué des brochures et défendu les intérêts du parti.

 

[4]               Georg prétend que le 8 avril 2009, il a été interrogé pendant trois heures parce que des brochures avaient été distribuées la veille dans la ville de Hasaka. Le 25 juin 2009, un garde de sécurité syrien l’a aperçu distribuer des brochures. Peu de temps après, il a été arrêté par des agents doubles et interrogé pendant sept heures. Avant d’être libéré, il a été interrogé (on lui a notamment posé des questions sur sa famille), giflé, puis on lui a dit de se tenir loin de la politique. Lorsqu’il a fait part de ces événements aux membres de son parti, ceux‑ci lui ont dit d’être prudent.

 

[5]               Le 27 août 2009, Georg a été arrêté. Il affirme que c’est parce que son meilleur ami a été abattu en essayant d’entrer illégalement en Iraq par la frontière syrienne. Georg a été de nouveau interrogé pendant sept heures et on lui a demandé de travailler à titre d’informateur pour le gouvernement syrien. Les autorités voulaient qu’il rédige des rapports sur un certain nombre de militants assyriens connus.

 

[6]               Dans la nuit du 1er décembre 2009, Georg a été amené à un bureau de la sécurité, les yeux bandés. On lui a alors demandé s’il avait recueilli des renseignements. Lorsqu’il leur a dit que non, ils l’ont menacé de mort. Il a promis à l’agent qu’il travaillerait plus fort. Georg déclare qu’il savait alors qu’il devait quitter la Syrie. Il a obtenu un visa canadien de visiteur et est arrivé au Canada le 22 janvier 2010. Le 5 février 2010, il a revendiqué le statut de réfugié.

 

Jims Marma

[7]               Jims n’était pas impliqué dans la politique. Sa revendication est fondée sur ses convictions chrétiennes et sur le fait qu’il a converti un de ses amis, Rashid, au christianisme. Rashid est le fils d’un major dans les forces de sécurité syriennes.

 

[8]               Les 1er et 15 août 2010, le père de Rashid a convoqué Jims au quartier général des services de sécurité à Hasaka aux fins d’interrogatoire. Après le deuxième interrogatoire, Jims a cessé toute activité religieuse. Au lieu de cela, il a concentré son énergie à chercher à rejoindre la femme qu’il aimait. Elle vit aux États‑Unis et est citoyenne américaine. Elle a entrepris des démarches en vue du parrainage de Jims et, le 2 novembre 2010, celui‑ci s’est rendu à l’ambassade américaine pour une entrevue. Son parrainage a été approuvé, mais il ne pouvait pas quitter la Syrie parce que sa famille et lui figuraient sur une liste. En soudoyant un officier syrien, Jims a pu être temporairement retiré de cette liste. Le 18 février 2011, il était à bord d’un vol à destination des États‑Unis.

 

[9]               Lorsque Jims est arrivé à destination, il a été accueilli par sa fiancée. À sa grande surprise, elle était accompagnée de son petit ami. Elle a dit à Jims qu’elle ne pouvait pas l’épouser parce qu’elle allait se marier avec son nouveau petit ami. Jims, réagissant avec stupeur et incrédulité, a appelé ses parents au Canada qui lui ont dit de venir et de demander l’asile.

 

[10]           Le 25 février 2011, Jims est entré au Canada et a demandé l’asile à la frontière.

 

La décision

[11]           La Commission n’a pas cru les demandeurs et n’a pas estimé qu’ils seraient persécutés ou qu’ils subiraient un préjudice en Syrie.

 

[12]           Lorsque la Commission a demandé à Georg pourquoi il a été arrêté en 2009, il a répondu que c’était parce qu’il était membre du parti Zawa et qu’il avait été espionné. La Commission a indiqué que Georg, dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), a déclaré qu’il avait été arrêté parce que des brochures avaient été distribuées à Hasaka. Lorsque la Commission lui a demandé s’il avait livré des brochures, il a répondu par la négative. Ensuite, lorsque la Commission lui a demandé pourquoi il ne se rappelait pas que c’était la raison qu’il avait donnée pour son arrestation, il a répondu qu’il avait de la difficulté avec les dates.

 

[13]           En outre, la Commission a fait remarquer que, bien que Georg ait mentionné un certain nombre de gens qu’il croyait être des espions du gouvernement, il n’a pas mentionné Albert Zaya, un présumé espion dont le nom figure dans son FRP. Lorsqu’on l’a confronté à cette incohérence, il a expliqué qu’Albert n’était pas membre du parti Zawa et c’est la raison pour laquelle il n’a pas mentionné son nom.

 

[14]           La Commission a constaté qu’à l’audience, Georg a dit qu’il avait été arrêté à deux reprises. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi l’exposé circonstancié de son FRP indiquait qu’il avait été arrêté à quatre reprises, sa seule explication était qu’il se mélangeait dans les dates. La Commission n’a pas accepté cette explication, faisant observer qu’on ne lui demandait pas des dates, mais bien le nombre d’arrestations dont il avait fait l’objet au cours de l’année précédant son arrivée au Canada. De plus, l’observation du conseil selon laquelle Georg a fait cette déclaration contradictoire parce qu’il n’était pas bien instruit n’a pas été acceptée.

 

[15]           À la question 9 de son FRP, Georg a indiqué qu’il n’avait jamais été arrêté. Lorsqu’on le lui a rappelé, le consultant de Georg a indiqué que c’est lui qui était responsable de cette erreur. La Commission n’a pas accepté cette explication, déclarant qu’il s’agissait du document de Georg, que Georg l’avait examiné et qu’il avait convenu que tous les renseignements étaient véridiques.

 

[16]           Enfin, la Commission a fait observer qu’il y n’avait aucune preuve indépendante corroborant les allégations non crédibles de Georg. En conséquence, la demande de Georg a été rejetée.

 

[17]           En ce qui concerne Jims, la Commission a déclaré qu’il y avait confusion quant au nom de l’église qu’il a fréquentée en Syrie. Avant l’audition, l’avocat de Jims a écrit pour modifier le FRP pour que le nom de l’église y figurant, St. George, soit remplacé par Lady Virgin. À l’audience, lorsque Jims a été interrogé par son avocat, il a, par l’entremise de l’interprète, appelé son église St. Mary. Plus tard, il l’a appelée Lady Virgin. Jims a expliqué qu’il y avait deux églises : Lady Virgin et St‑Georges et que Lady Virgin et St. Mary sont deux noms différents pour la même église. La Commission n’a pas accepté ces incohérences et elle a conclu qu’il était invraisemblable qu’une personne qui a converti un musulman ne connaisse pas le nom de son église.

 

[18]           En outre, le Conseil a fait observer qu’une lettre du diocèse de Jims déposée en preuve n’a pas fait mention de son rôle dans la conversion d’un ami. Cette lettre a été considérée être en soi une preuve insuffisante pour faire avancer sa demande.

 

[19]           La Commission a poursuivi son raisonnement en faisant observer que Jims a déclaré que son ami s’est converti au christianisme en fréquentant l’église et en assistant à des cours. Bien que Jims n’ait pas été en mesure de se rappeler initialement quoi que ce soit d’autre qu’avait fait son ami, lorsqu’il a été interrogé à propos d’une cérémonie mentionnée dans son FRP, il s’est rappelé que son ami avait été baptisé. Ce baptême s’est révélé l’événement annonçant la conversion de son ami et a été au cœur des problèmes dont il fait état. En conséquence, la Commission n’a pas accepté que Jims aurait oublié un tel fait.

 

[20]           Pour ces motifs, la demande de Jims a été refusée.

 

Questions en litige

[21]           Les demandeurs ont soulevé plusieurs questions, y compris la prétendue omission de la Commission d’aborder la question des risques associés au fait que le père du demandeur avait obtenu l’asile au Canada quelques années auparavant, ainsi que la situation en constante évolution en Syrie. Ni l’une ni l’autre n’est bien fondée. Je suis d’accord avec le ministre pour dire que le fait que les demandeurs ont vécu sans incident en Syrie pendant quatre années après que le père eut été admis au Canada en tant que réfugié contredit toute prétention quant aux risques ou à la persécution. La question des conditions en constante évolution en Syrie n’a pas été exposée clairement devant la Commission et n’a pas été non plus expliquée en détail dans le mémoire écrit déposé. On ne peut donc pas reprocher à la Commission de ne pas avoir centré son attention sur cette question. 

 

[22]           À mon avis, seules deux questions nécessitent un certain examen : la présumée piètre qualité de la traduction et la prétendue confusion quant au nom de l’église que Jims fréquentait en Syrie.

 

Traduction

[23]           Les demandeurs parlent assyrien et la procédure a été traduite puisqu’aucun d’entre eux ne parle anglais. Ils font valoir des erreurs de traduction expliquant la conclusion défavorable quant à leur crédibilité.

 

[24]           Tout d’abord, ils font remarquer que de nombreux termes arabes ont été utilisés par l’interprète. Une liste de ces termes est fournie aux pages cinq et huit de leur mémoire. Leur avocat fait observer que bien que ces termes puissent avoir été compris par les demandeurs, certains ne l’ont peut‑être pas été. On prétend que l’interprète aurait dû n’utiliser que l’assyrien.

 

[25]           Ensuite, les demandeurs soutiennent que l’interprétation ne répondait pas à la norme de qualité requise et qu’elle était par conséquent déficiente. Les demandeurs ont fourni l’affidavit d’une personne qualifiée en assyrien, qui a examiné l’enregistrement sonore de l’audition et a fourni de nombreux exemples où la traduction n’était pas du mot à mot, ou encore un exemple où une déclaration n’a pas été traduite du tout.

 

[26]           Au soutien des arguments susmentionnés, les demandeurs affirment que leur droit à un interprète prévu à l’article 14 de la Charte a été violé. Ils invoquent l’arrêt Mohammadian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 191, au paragraphe 4 [Mohammadian], pour faire valoir que la violation de l’article 14 ne dépend pas d’un préjudice réel. Tout en reconnaissant qu’une plainte au sujet de l’interprétation devrait être présentée à la première occasion, les demandeurs soutiennent qu’ils n’étaient pas conscients des erreurs commises jusqu’à ce qu’ils reçoivent l’enregistrement sonore de l’audience.

 

[27]           De plus, les demandeurs invoquent Neheid c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 846, où la Cour a conclu « qu’à cause d’un service d’interprétation déraisonnable, qui a été d’une importance déterminante pour la décision de la Commission, il y a eu manquement à l’équité ». Dans cette décision, la Cour a cité Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1161, au paragraphe 3, qui indique ce qui suit :

Les deux conseils conviennent que la question de la qualité de l’interprétation a été tranchée par la Cour d’appel fédérale dans Mohammadian c. Canada (MCI), 2001 CAF 191, [2001] A.C.F. n916, suivant la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951. À mon avis, les principes énoncés dans Mohammadian peuvent être brièvement résumés comme suit :

 

a. L’interprétation doit être continue, fidèle, compétente, impartiale et concomitante.

 

b. Il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice réel pour obtenir une réparation.

 

c. L’interprétation doit être adéquate, mais n’a pas à être parfaite. Le principe le plus important est la compréhension linguistique.

 

d. Il y a renonciation au droit lorsque la qualité de l’interprétation n’est pas contestée par le demandeur à la première occasion, chaque fois qu’il est raisonnable de s’y attendre.

 

e. La question de savoir s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une plainte soit présentée à l’égard de la mauvaise qualité de l’interprétation est une question de fait, qui doit être déterminée dans chaque cas.

 

f. Si l’interprète a de la difficulté à parler la langue du demandeur ou à se faire comprendre par lui, il est clair que la question doit être soulevée à la première occasion.

 

 

[28]           Je conviens avec le défendeur que, bien que loin d’être parfaite, l’interprétation ne contenait aucune erreur d’une importance déterminante pour la décision. Quoi qu’il en soit, les demandeurs ont renoncé à faire valoir une violation en faisant défaut de contester l’interprétation à la première occasion. 

 

[29]           Dans l’arrêt R c Tran, [1994] 2 RCS 951 [Tran], la Cour suprême a statué qu’une interprétation n’est jamais parfaite. Au paragraphe 60, notre plus haute cour a écrit :

Il est cependant important de garder à l’esprit que l’interprétation est fondamentalement une activité humaine qui s’exerce rarement dans des circonstances idéales. Par conséquent, il ne serait ni réaliste ni raisonnable d’exiger que même une norme d’interprétation garantie par la Constitution en soit une de perfection. Comme Steele l’explique, à la p. 242 :

 

[traduction] Même la meilleure interprétation n’est pas « parfaite », car l’interprète ne peut jamais donner au témoignage la même nuance ou le même sens que les propos originaux. Pour cette raison, les tribunaux ont prévenu qu’il ne convient pas d’examiner au microscope le témoignage interprété pour voir s’il comporte des incohérences. Il faut accorder le bénéfice du doute au témoin.

 

 

[30]           J’ai examiné chacune des erreurs alléguées et les défauts de traduction et je suis d’avis que ces erreurs et défauts n’ont eu aucune incidence sur la compréhension des témoignages par la Commission ou sur le fondement de ses conclusions précises quant à la crédibilité. Étant donné que les erreurs n’étaient pas pertinentes quant à la conclusion finale, la Cour ne doit pas intervenir : Fu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 155, au paragraphe 10.

 

[31]           En outre, même s’il avait été jugé que la traduction était de piètre qualité, j’aurais conclu que les demandeurs avaient renoncé à leur droit de soulever cette question, étant donné qu’ils ne l’ont pas soulevée à l’audience. Premièrement, le dossier indique que les deux demandeurs parlent arabe. Ils ont tous deux énuméré l’arabe comme langue parlée dans leur FRP et, par conséquent, ils ne peuvent s’opposer maintenant à l’utilisation de quelques mots arabes, mais ils pouvaient le faire à l’audience. De plus, comme il s’agissait d’une langue que connaissaient les demandeurs, ceux‑ci ont compris ce que disait l’interprète.

 

[32]           Deuxièmement, même si les demandeurs ne parlaient pas l’anglais, il en était autrement pour leur représentant. On voit à quelques endroits dans la transcription que le représentant corrige l’interprète. C’est la preuve qu’il comprend, dans une certaine mesure, les langues utilisées. Pourtant, il n’a pas soulevé devant la Commission la question de la justesse de la traduction. De plus, si, comme l’a noté l’avocat des demandeurs, il y a des cas où les questions et les réponses ne correspondent pas tout à fait, ce qui aurait amené par conséquent tout auditeur averti à former l’opinion que la traduction était inadéquate, cette situation aurait alors été tout aussi évidente pour le représentant; or, aucune question n’a été soulevée à l’audience quant à la justesse de la traduction.

 

[33]           Pour ces motifs, je rejette l’observation selon laquelle les droits des demandeurs ont été violés en raison de la piètre qualité de la traduction.

 

Appartenance à une église

[34]           Dans la partie suivante de la décision de la Commission, celle‑ci a tiré une conclusion défavorable après avoir constaté que Jims ne pouvait se souvenir du nom de son église. Le principal raisonnement à l’origine de cette conclusion était que la Commission croyait qu’il y avait une différence entre St. Mary et Lady Virgin. La Commission a écrit :

Une fois de plus, je suis convaincu que ce demandeur d’asile n’était pas un témoin crédible. Avant le début de l’audience, le conseil a demandé qu’une modification soit apportée à l’exposé circonstancié du FRP, soit le remplacement du nom de l’église figurant au paragraphe 2 par Lady Virgin.

 

Le conseil a demandé au demandeur d’asile plus âgé de donner le nom de l’église en Syrie d’où provient la lettre versée sous la pièce C‑4. Il a dit qu’il s’agissait de l’église St. Mary. Questionné afin de savoir pourquoi il ne se souvenait pas du nom de l’église, il s’est rappelé qu’il s’agissait de l’église Lady Virgin. Il a expliqué qu’il fréquentait deux églises, soit St. George et Lady Virgin, et que ses amis avaient étudié à l’église St. George mais qu’ils fréquentaient l’église Lady Virgin, ce qui n’explique pas le fait qu’il pensait que son église se nommait St. Mary. De plus, au point d’entrée, sous la pièce R/A‑2, il a mentionné l’église St. George.

 

Je juge qu’il est invraisemblable qu’un chrétien pratiquant qui a fui la Syrie en raison de son rôle dans la conversion d’un musulman ne connaisse pas le nom de son église. [Non souligné dans l’original.]

 

[35]           Dans son affidavit déposé devant la Cour, Jims écrit que : [traduction] « St. Mary est tout simplement la mère de Jésus et est également connue sous le nom de Lady Virgin. Les expressions Vierge Mère, mère du Christ et mère de Jésus sont une autre façon de désigner la même personne. Ces noms sont interchangeables car ils renvoient tous à la même personne, soit Marie, la mère de Jésus ».

 

[36]           Cela a été expliqué à la Commission à l’audience. À la page 281 du dossier certifié du tribunal, on trouve l’échange suivant :

[traduction]

CONSEIL DES DEMANDEURS : D’accord.

 

Q. Qu’en est‑il de la première lettre de la Syrie, c’est‑à‑dire, elle provient de quelle église?

 

R. St. Mary.

 

Q. La lettre de l’église, celle‑ci, cette lettre, c’est de quelle église?

 

R. Une église catholique.

 

Q. Oui.

 

R. St. Mary.

 

Q. Ce n’est pas St. Mary. C’est le nom d’une église syrienne de l’est.

 

R. Oui.

 

Q. Oui, mais ce n’est pas St. Mary.

 

R. C’est le nom catholique de l’église St. March.

 

COMMISSAIRE : Monsieur, comment se fait‑il que vous ne connaissez pas le nom de l’église que vous avez fréquentée en Syrie?

 

DEMANDEUR D’ASILE : Lady Mary.

 

COMMISSAIRE : Qu’en est‑il de Lady Virgin?

 

Comment se fait‑il que vous ne connaissez pas le nom de l’église?

 

DEMANDEUR D’ASILE : Oui.

 

COMMISSAIRE : Comment expliquez‑vous que vous ne saviez pas ça?

 

DEMANDEUR D’ASILE : Juste – ils ont juste dit que nous avons deux noms, nous pouvons dire Lady Virgin et nous pouvons dire St. Mary. Ce sont les mêmes. [Non souligné dans l’original]

 

 

[37]           Cet échange montre que Jims a clairement donné une explication qui aurait dû être examinée par la Commission, à savoir que les deux noms sont interchangeables. Même l’interprète à l’audience a utilisé St. Mary et Lady Virgin de manière interchangeable. À propos de la différence entre l’église Lady Virgin et l’église St. George, l’interprète l’a traduit comme suit (voir l’onglet 17 à la page 73 du dossier du demandeur) :

[traduction]

Conseil : Quelle est la différence entre les deux églises?

 

[Interprète] : Quelle est la différence entre ces deux églises?

 

Jims : Le dimanche, nous avions l’habitude d’aller à St. Mary.

 

[Interprète] : D’accord. Nous avions l’habitude d’aller à l’église Lady Virgin pour assister à des séminaires.

 

Jims : À St. George, nous avions l’habitude d’y aller et d’y travailler avec les groupes de jeunes.

 

[Interprète] : À St. George, nous avions l’habitude de faire d’autres activités de travailler pour eux et d’aider les pauvres à l’église.

 

Conseil : Ai‑je raison de dire que vous étiez membre de St. George?

 

[Interprète] : Étiez‑vous membre de St. George?

 

Jims : Oui, il n’y a aucune différence, nous sommes chrétiens, vous pouvez aller à l’une ou l’autre église.

 

[Interprète] : Il n’y a aucune différence entre les églises pour y assister, pour ce qui est de la fréquentation.

 

Jims : Mais j’étais membre de St. Mary.

 

[Interprète] : Mais j’appartenais à l’église Lady Virgin. [Non souligné dans l’original]

 

[38]           On trouvera d’autres exemples similaires où l’interprète utilise St. Mary de manière interchangeable avec Lady Virgin à l’onglet 17 aux pages 76‑77 et 79 du dossier du demandeur.

 

[39]           Le fait que la Commission a fait défaut d’examiner l’explication de Jims selon laquelle les noms Lady Virgin et St. Mary peuvent être utilisés de manière interchangeable constitue une erreur grave, car il s’agit de la raison principale pour laquelle elle a conclu que Jims n’était pas crédible. Bien qu’il y ait d’autres motifs invoqués à l’appui de la conclusion quant à la crédibilité, le rôle du tribunal ne consiste pas à apprécier de nouveau la crédibilité; ce rôle incombe plutôt à la Commission. Pour ce seul motif, la demande d’asile de Jims doit être réexaminée.

 

[40]           Je remarque que le dossier révèle une autre raison pour laquelle la Commission peut avoir confondu les noms des églises. Selon le dossier, Jims a été baptisé à l’église St. Georges en Syrie, fréquentait l’église Lady Virgin ou St. Mary en Syrie et fréquentait l’église St. Mary à Toronto.

 

[41]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

1.         La demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile présentée par Georg Marma est rejetée.

 

2.                  La demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile présentée par Jims Marma est accueillie.

 

3.                  La demande d’asile de Jims Marma est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour qu’un autre commissaire rende une décision.

 

4.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8249‑11

 

INTITULÉ :                                                  GEORG MARMA ET AL c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 5 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 19 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Edward C. Corrigan

 

POUR LES DEMANDEURS

 

David Cranton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Edward C. Corrigan

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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