Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20120504

Dossier : IMM‑4114‑11

Référence : 2012 CF 531

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 mai 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

JEANNE JNOJULES

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visée au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), concernant la décision d’une agente d’immigration (l’agente) de rejeter, en date du 3 juin 2011, la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse pour des motifs d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi (la décision de l’agente).

LE CONTEXTE

[2]               La demanderesse est née le 7 août 1963 à la Dominique. Elle est citoyenne de ce pays et d’Antigua. Elle est arrivée au Canada le 22 mai 1999, après avoir laissé son fils de 17 ans à la Dominique.

[3]               Après son arrivée au Canada, la demanderesse a poursuivi ses études en prenant plusieurs cours de langue, d’informatique, de technique juridique et de contentieux civil, ainsi que des cours liés au travail d’adjointe administrative. Depuis 2002, elle est assistante juridique dans une société qui fournit des services de soutien à divers cabinets d’avocats. De plus, elle a fait des ménages pendant les fins de semaine de 2002 à 2007.

[4]               La demanderesse a présenté sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire le 31 juillet 2008. Dans ses observations initiales, elle a invoqué son travail et ses études pour démontrer qu’elle était établie au Canada. Elle a aussi produit des lettres qui faisaient état d’activités bénévoles et de dons de bienfaisance, ainsi qu’une copie d’une police d’assurance, de nombreuses lettres de soutien, de l’information sur ses économies et des renseignements démontrant sa contribution à son église.

[5]               La demanderesse a affirmé qu’elle serait exposée à des difficultés si elle était renvoyée du Canada parce que sa famille à la Dominique ne pourrait plus bénéficier de l’aide financière qu’elle lui apporte. Elle a dit qu’elle subvient aux besoins de sa mère, qui est partiellement aveugle. Si elle retournait à la Dominique, ses perspectives d’emploi seraient limitées et elle ne serait pas en mesure de subvenir aux besoins de sa famille. Elle a mentionné en outre que le fait d’être séparée de son réseau social au Canada lui causerait des difficultés.

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[6]               La décision de l’agente consiste en une lettre expédiée par celle‑ci à la demanderesse le 3 juin 2011 (la lettre de refus) et de ses notes (les notes).

[7]               L’agente a fait remarquer que la demanderesse possède la citoyenneté d’Antigua, où un visa n’est pas requis pour venir au Canada. Elle a fait remarquer également que la demanderesse n’avait ni demandé ni reçu l’autorisation d’entrer au Canada. En outre, la demanderesse ne s’était pas présentée au contrôle par des agents d’immigration à son arrivée au Canada. L’agente a souligné que la demanderesse avait étudié et travaillé au Canada sans avoir demandé un permis d’études ou de travail. La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était la première demande de résidence permanente qu’elle présentait.

[8]               L’agente a passé en revue les cours pris par la demanderesse pour se perfectionner depuis 2002 et a accordé du poids au fait qu’elle travaillait à temps plein pendant qu’elle poursuivait ses études. Elle a signalé que le Stratford Career Institute, où la demanderesse a obtenu un diplôme d’assistante juridique/technicienne juridique en 2006, n’était pas une école d’études par correspondance accréditée.

[9]               L’agente a estimé que la demanderesse n’avait pas décrit clairement sa situation financière dans sa demande. La preuve qu’elle a produite démontrait seulement qu’elle avait peu d’économies dans son compte de banque et ne révélait pas la fréquence ou la nature des activités dans ce compte. L’agente a fait remarquer en outre que, alors que la demanderesse prétendait qu’elle envoyait la plus grande partie de son argent à sa famille, la preuve de transferts la plus récente datait du 16 juillet 2007. L’agente a estimé également que la demanderesse n’avait produit aucune preuve de la maladie de sa mère et des coûts connexes. Par ailleurs, les observations de la demanderesse ne permettaient pas de savoir si elle avait produit des déclarations de revenus au Canada.

[10]           L’agente s’est intéressée au temps passé par la demanderesse au Canada, à son autonomie, à ses amitiés intimes et à ses liens étroits avec la collectivité, mais elle a considéré que la demanderesse n’avait pas produit une preuve suffisante démontrant qu’elle ne pourrait pas conserver ces amitiés si elle vivait à l’étranger. Elle a considéré également que les cours suivis par la demanderesse et son expérience de travail au Canada faciliteraient sa transition si elle retournait à Antigua ou à la Dominique. La demanderesse était un modèle positif d’indépendance et de travail acharné au sein de sa collectivité, et il n’y avait aucune raison de penser qu’elle ne pourrait pas transposer ces qualités dans le pays où elle serait renvoyée. 

[11]           L’agente n’était pas convaincue que la demanderesse serait exposée à des difficultés inhabituelles, injustes ou excessives si elle retournait à la Dominique ou à Antigua. En conséquence, elle a rejeté sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire le 3 juin 2011.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[12]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Visa et documents

 

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

[…]

 

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

 

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

Application before entering Canada

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[…]

 

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

 

25. (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[13]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

a.                   Les motifs de l’agente sont‑ils suffisants?

b.                  La décision de l’agente était‑elle raisonnable?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[14]           Dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question en particulier qui est soumise à la cour de révision est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour doit procéder à un examen des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle.

[15]           Récemment, dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, la Cour suprême du Canada a conclu, au paragraphe 14, que le caractère suffisant des motifs ne permet pas à lui seul de casser une décision. En fait, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». Par conséquent, il faut analyser la première question en l’espèce en tenant compte du caractère raisonnable de la décision de l’agente dans son ensemble.

[16]           Dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, la Cour suprême du Canada a statué que, dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, « on devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi » (au paragraphe 62). Le juge Michael Phelan a suivi cette approche dans Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 489, au paragraphe 7. La norme de contrôle applicable à la deuxième question est celle de la raisonnabilité.

[17]           Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, l’analyse a trait « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. En d’autres termes, la Cour ne devrait intervenir que si la décision de l’agente est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

La demanderesse

Le caractère insuffisant des motifs

 

[18]           La demanderesse prétend que l’agente a effectué un examen assez minutieux des faits, mais qu’elle n’ a pas beaucoup expliqué son analyse. Elle se réfère à Adu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565 (QL), au paragraphe 14, où la juge Anne Mactavish a dit :

À mon avis, ces « motifs » n’en sont pas du tout. Il s’agit plutôt essentiellement d’un résumé des faits et de l’énoncé d’une conclusion, sans aucune analyse étayant celle‑ci. L’agente a simplement examiné les facteurs favorables pour lesquels la demande pourrait être accueillie, concluant que, à son avis, ces facteurs n’étaient pas suffisants pour justifier l’octroi d’une dispense. Elle n’a cependant pas expliqué pour quelles raisons. Or, cela n’est pas suffisant puisque les demandeurs se trouvent ainsi dans une position peu enviable où ils ignorent pourquoi leur demande a été rejetée.

 

 

[19]           La demanderesse se réfère également à Administration de l’aéroport international de Vancouver c Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158, au paragraphe 16, et dit que les motifs de l’agente n’atteignent aucun des objectifs qu’ils doivent remplir.

[20]           Elle rappelle trois facteurs dont l’agente a tenu compte et qui démontrent que les motifs sont insuffisants. Premièrement, l’agente n’a pas expliqué pourquoi elle pensait que la demanderesse ne s’était pas présentée au contrôle à son entrée au Canada. Deuxièmement, elle n’a pas expliqué pourquoi l’école où la demanderesse a étudié aurait dû être accréditée. Troisièmement, elle n’a pas expliqué pourquoi la situation financière de la demanderesse n’était pas claire, compte tenu des documents que celle‑ci avait produits.

La décision de l’agente était déraisonnable

[21]           La demanderesse fait ressortir plusieurs conclusions de fait tirées par l’agente qui, selon elle, sont erronées. Regroupées, ces erreurs font en sorte que la décision de l’agente est déraisonnable.

[22]           En premier lieu, selon les notes de l’agente, « Julia Williams » et « Olisha Williams » sont deux membres de la famille de la demanderesse au Canada. Or, cette dernière affirme qu’elle ne connaît pas ces femmes. Elle reconnaît cependant que cette erreur peut ne pas avoir eu une incidence sur la nature générale de la décision de l’agente.

[23]           En deuxième lieu, l’agente a mentionné que, en qualité de ressortissante d’Antigua et de la Dominique, la demanderesse n’avait pas reçu l’autorisation d’entrer au Canada ou ne s’était pas présentée au contrôle à son arrivée au Canada. La demanderesse avance que, comme elle est une ressortissante d’Antigua, un pays pour lequel aucun visa n’est exigé, elle n’avait pas besoin d’autorisation pour entrer au Canada. L’agente a dit de manière déraisonnable qu’elle était entrée au Canada de façon répréhensible. Un agent d’immigration a apposé un tampon sur le passeport de la demanderesse au moment de son entrée au Canada, ce qui montre bien qu’elle s’est présentée au contrôle. La conclusion de l’agente sur cette question n’est pas étayée par la preuve.

[24]           De plus, l’agente s’est appuyée sur des considérations non pertinentes. En particulier, elle a fait remarquer que la demanderesse avait suivi des cours et avait travaillé sans avoir demandé un permis d’études ou de travail. La demanderesse fait valoir que, si sa demande de dispense pour des motifs d’ordre humanitaire était accueillie, elle pourrait obtenir un permis d’études ou de travail; elle a présenté sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire notamment pour mettre fin à différentes violations de la Loi. Elle cite Husain c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 451, et soutient que l’agente n’a pas tenu compte du fait que la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21, prévoit que « [t]out texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ». L’agente n’a pas compris la tâche qui lui incombait.

[25]           La demanderesse mentionne que l’agente a considéré de manière positive le fait qu’elle travaillait à temps plein pendant qu’elle étudiait au Stratford Institute, mais qu’elle a accordé moins de poids à ce facteur parce que cet établissement n’est pas une école d’études par correspondance accréditée. Or, l’accréditation d’une école n’est pas pertinente au regard de la question de savoir si une personne est établie au Canada. La demanderesse laisse entendre que l’agente a confondu l’analyse de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire avec l’analyse de la demande présentée par un travailleur qualifié dans le cas de laquelle l’accréditation est nécessaire.

[26]           La demanderesse affirme également que l’agente a fondé certaines conclusions sur des considérations non pertinentes. Or, le fait de fonder une décision sur des considérations dénuées de pertinence constitue une erreur susceptible de contrôle selon Kalansyriyage c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 183, Gonzalez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 389, Strulovits c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 435 au paragraphe 40, et Grewal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 960, au paragraphe 9.

[27]           L’agente a omis de tenir compte d’éléments de preuve importants lorsqu’elle a conclu que la situation financière de la demanderesse n’était pas claire, que rien n’indiquait qu’elle subvenait toujours aux besoins de sa mère et qu’aucun élément de preuve n’établissait la maladie de sa mère. Elle a omis de prendre en compte les renseignements financiers contenus dans la demande originale ainsi que les observations formulées par la demanderesse afin de les mettre à jour. Ces observations comprenaient notamment une lettre de la sœur de la demanderesse qui prouve qu’elle subvient aux besoins de sa famille et que sa mère est malade. L’agente n’a pas tenu compte de cette lettre. Le fait qu’elle n’a pas fait mention de cet élément de preuve dans sa décision et qu’elle n’en a pas tenu compte rend sa décision déraisonnable. Voir Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425.

[28]           L’agente n’a pas tenu compte de manière appropriée des facteurs suivants qui ont contribué à l’établissement de la demanderesse au Canada. Ces facteurs ont été énoncés par la Cour dans Brar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 691, au paragraphe 64 :

1. Le demandeur a‑t‑il des antécédents d’emploi stable?

 

2. Le demandeur a‑t‑il des antécédents de bonne gestion financière?

 

3. Le demandeur est‑il demeuré dans la même collectivité ou a‑t‑il déménagé souvent?

 

4. Le demandeur s’est‑il intégré à la collectivité en s’impliquant auprès d’organismes communautaires, en faisant du bénévolat ou par d’autres activités?

 

5. Le demandeur a‑t‑il entrepris des études professionnelles, linguistiques ou autres qui montrent une intégration à la société canadienne?

 

6. Le demandeur et les membres de sa famille ont‑ils un bon dossier civil au Canada?

 

[29]           L’agente a traité ces facteurs de façon superficielle en faisant peu de cas des antécédents de travail de la demanderesse et des autres facteurs relatifs à l’établissement et ne leur accordant aucun poids. En conséquence, sa décision est déraisonnable. La demanderesse s’appuie également sur Raudales c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 385 (QL), au paragraphe 19, pour affirmer qu’une évaluation appropriée de l’établissement doit être effectuée pour qu’une décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire soit raisonnable.

Le défendeur

Les motifs

 

[30]           Le défendeur soutient que les motifs donnés par l’agente sont plus que suffisants pour que la Cour comprenne et contrôle la décision de celle‑ci. Ces motifs permettent également à la demanderesse de savoir pourquoi sa demande a été rejetée. L’agente a relevé des déficiences et des lacunes dans la preuve produite par la demanderesse. Le défendeur cite le paragraphe 27 de Jeffrey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 605, et dit qu’une décision similaire devrait être rendue en l’espèce :

L’argument du demandeur selon lequel les motifs fournis en l’espèce sont insuffisants revient en fait à ceci : l’agente doit expliquer pourquoi le renvoi du demandeur ne lui ferait pas subir une difficulté inhabituelle, injustifiée ou excessive. C’est ce qu’il semble déduire de l’affaire Adu qu’il qualifie d’identique à la présente demande. Je ne peux souscrire à cet argument. Dans la décision Adu, le demandeur n’aurait pu comprendre les motifs du rejet de sa demande humanitaire, étant donné que l’agente avait uniquement mentionné les facteurs favorables à sa demande. En l’espèce, l’agente a fait ressortir les insuffisances de la demande. Le demandeur ne pouvait entretenir aucun doute sur les raisons pour lesquelles sa demande avait été refusée.

 

La décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était raisonnable

[31]           La procédure applicable aux demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire est destinée à accorder une réparation discrétionnaire en cas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives, non de compléter le régime législatif en offrant un autre moyen de demeurer au Canada. Voir Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1906, au paragraphe 26.

[32]           La mention, dans les notes de l’agente, de deux femmes n’appartenant pas à la famille de la demanderesse était une erreur typographique qui n’est pas du tout pertinente au regard de la décision de l’agente. Le défendeur attire l’attention de la Cour sur la page 4 des notes de l’agente, où celle‑ci a écrit que la [traduction] « demanderesse n’a pas de famille au Canada ». Il ne fait aucun doute que l’agente savait qu’aucun membre de la famille de la demanderesse ne vivait au Canada et rien n’indique que cette erreur a eu une incidence sur sa décision.

[33]           La demanderesse a mal interprété la déclaration de l’agente selon laquelle elle ne s’est pas présentée au contrôle à son entrée au Canada. Elle a raison de dire qu’elle s’est présentée au contrôle préliminaire et qu’elle a été admise au Canada à titre de visiteuse en 1999. L’agente l’a compris. Ce qu’elle voulait dire toutefois, c’est que la demanderesse ne s’est pas présentée au contrôle nécessaire pour que la permission de demeurer au Canada au‑delà de sa période de séjour autorisée lui soit accordée.

[34]           Le défendeur souligne en outre que la déclaration de l’agente selon laquelle le Stratford Institute n’est pas accrédité est correcte. La demanderesse n’a pas démontré que l’agente a accordé une grande importance à ce facteur dans sa décision. Un diplôme d’une école non accréditée n’est pas comparable à un diplôme d’une école accréditée, de sorte qu’il était pertinent de souligner l’absence d’accréditation. L’agente a accordé un certain poids aux études de la demanderesse.

[35]           L’agente n’a pas omis de tenir compte de certains éléments de preuve. Un décideur est présumé, jusqu’à preuve du contraire, avoir pris en considération tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés. La demanderesse n’a pas présenté une telle preuve en l’espèce. Les éléments de preuve que l’agente a omis de prendre en considération selon la demanderesse soit ont clairement été pris en compte, soit n’étaient pas suffisamment objectifs pour étayer ce que la demanderesse affirmait.

[36]           L’agente a mentionné tous les éléments de preuve que la demanderesse avait produits pour établir sa situation financière, mais elle a conclu qu’ils étaient insuffisants pour étayer les prétentions de celle‑ci. Elle a également compris les éléments de preuve concernant le soutien financier apporté par la demanderesse à sa famille et la maladie de sa mère, mais elle a conclu qu’ils étaient insuffisants pour appuyer ses prétentions.

[37]           L’agente a pleinement tenu compte de l’établissement et de l’intégration de la demanderesse au Canada, mais elle a conclu que ces deux éléments ne démontraient pas que des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives lui seraient causées si sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était rejetée. Il n’est pas obligatoire de tenir compte de l’établissement d’un demandeur et, si l’on en tient compte, il ne s’agit pas d’un facteur déterminant (voir Irimie, précitée, au paragraphe 20, et Samsonov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1158, aux paragraphes 16 à 18).

[38]           Le défendeur soutient également que Raudales, précitée, et Jamrich c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 804, n’étayent pas la thèse de la demanderesse selon laquelle la Cour a statué dans ces deux décisions que l’établissement est un facteur pertinent qui doit être pris en considération de manière appropriée. En l’espèce, l’agente a pris ce facteur en considération et a expliqué pourquoi il ne constituait pas un motif suffisant pour accueillir la demande.

[39]           L’agente avait aussi totalement le droit de tenir compte du fait que la demanderesse avait travaillé et étudié au Canada sans y être autorisée (voir Tartchinska c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 373 (QL), aux paragraphes 20 à 22).

ANALYSE

[40]           La Cour suprême du Canada a récemment, aux paragraphes 12 à 16 de Newfoundland and Labrador, précité, donné les indications suivantes qui sont pertinentes en l’espèce :

Il importe de souligner que la Cour a souscrit à l’observation du professeur Dyzenhaus selon laquelle la notion de retenue envers les décisions des tribunaux administratifs commande [traduction] « une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision ». Dans son article cité par la Cour, le professeur Dyzenhaus explique en ces termes comment le caractère raisonnable se rapporte aux motifs :

 

[traduction] Le « caractère raisonnable » s’entend ici du fait que les motifs étayent, effectivement ou en principe, la conclusion. Autrement dit, même si les motifs qui ont en fait été donnés ne semblent pas tout à fait convenables pour étayer la décision, la cour de justice doit d’abord chercher à les compléter avant de tenter de les contrecarrer. Car s’il est vrai que parmi les motifs pour lesquels il y a lieu de faire preuve de retenue on compte le fait que c’est le tribunal, et non la cour de justice, qui a été désigné comme décideur de première ligne, la connaissance directe qu’a le tribunal du différend, son expertise, etc., il est aussi vrai qu’on doit présumer du bien‑fondé de sa décision même si ses motifs sont lacunaires à certains égards. [Je souligne.]

 

(David Dyzenhaus, « The Politics of Deference : Judicial Review and Democracy », dans Michael Taggart, dir., The Province of Administrative Law (1997), 279, p. 304)

 

Voir aussi David Mullan, « Dunsmuir v. New Brunswick, Standard of Review and Procedural Fairness for Public Servants : Let’s Try Again! » (2008), 21 C.J.A.L.P. 117, p. 136; David Phillip Jones, c.r., et Anne S. de Villars, c.r., Principles of Administrative Law (5e éd. 2009), p. 380; et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, par. 63.

 

C’est dans cette optique, selon moi, qu’il faut interpréter ce que la Cour voulait dire dans Dunsmuir lorsqu’elle a parlé de « la justification de la décision [ainsi que de] la transparence et [de] l’intelligibilité du processus décisionnel ». À mon avis, ces propos témoignent d’une reconnaissance respectueuse du vaste éventail de décideurs spécialisés qui rendent couramment des décisions — qui paraissent souvent contre‑intuitives aux yeux d’un généraliste — dans leurs sphères d’expertise, et ce en ayant recours à des concepts et des termes souvent propres à leurs champs d’activité. C’est sur ce fondement que notre Cour a changé d’orientation dans Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, où le juge Dickson a insisté sur le fait qu’il y avait lieu de faire preuve de déférence en appréciant les décisions des tribunaux administratifs spécialisés. Cet arrêt a amené la Cour à faire preuve d’une déférence accrue envers les tribunaux, comme en témoigne la conclusion, tirée dans Dunsmuir, qu’il doit être « loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables » (par. 47).

 

Je ne suis pas d’avis que, considéré dans son ensemble, l’arrêt Dunsmuir signifie que l’« insuffisance » des motifs permet à elle seule de casser une décision, ou que les cours de révision doivent effectuer deux analyses distinctes, l’une portant sur les motifs et l’autre, sur le résultat (Donald J. M. Brown et John M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles), §§12:5330 et 12:5510). Il s’agit d’un exercice plus global : les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles. Il me semble que c’est ce que la Cour voulait dire dans Dunsmuir en invitant les cours de révision à se demander si « la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité » (par. 47).

 

La cour de justice qui se demande si la décision qu’elle est en train d’examiner est raisonnable du point de vue du résultat et des motifs doit faire preuve de « respect [à l’égard] du processus décisionnel [de l’organisme juridictionnel] au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 48). Elle ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat.

 

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

 

[41]           Un résumé utile des principes applicables se trouve aussi dans Lee c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 413, au paragraphe 7 :

La norme de contrôle applicable étant celle de la décision raisonnable simpliciter, je rappelle les commentaires formulés par ma collègue, la juge Layden‑Stevenson, dans Agot c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 436, [2003] A.C.F. no 607 :

 

Il est utile de rappeler certains des principes établis qui régissent les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire. La décision du représentant du ministre en ce qui concerne une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire est une décision discrétionnaire : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (l’arrêt Baker). La norme de contrôle judiciaire applicable à ces décisions est celle de la décision raisonnable simpliciter (arrêt Baker). Dans le cas d’une demande de dispense fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, le fardeau de la preuve incombe au demandeur (Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI94, [2003] A.C.F. no 139, le juge Gibson, citant les jugements Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 34 Imm.L.R. (2d) 91 (C.F. 1re inst.) et Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 36 Imm.L.R. (2d) 175 (C.F. 1re inst.)). La pondération des facteurs pertinents ne ressortit pas au tribunal appelé à contrôler l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 (Suresh); Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 C.F. 358 (C.A.) (Legault)). Les lignes directrices ministérielles n’ont pas force de loi et ne lient pas le ministre et ses représentants, mais elles sont accessibles au public et la Cour suprême les a qualifiées de très utiles à la Cour (Legault). Les décisions relatives à des raisons d’ordre humanitaire doivent être motivées (Baker). Il serait excessif d’exiger des agents de révision, en tant qu’agents administratifs, qu’ils motivent leurs décisions avec autant de détails que ceux que l’on attend d’un tribunal administratif qui rend ses décisions à la suite d’audiences en règle (Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2001), 282 N.R. 394 (C.A.F.)).

 

 

[42]           Lorsque j’examine la décision de l’agente dans son ensemble, je souscris à l’évaluation du défendeur selon laquelle, comme le juge Richard G. Mosley l’a dit dans Jeffrey, précitée, au paragraphe 27, « [l]e demandeur ne pouvait entretenir aucun doute sur les raisons pour lesquelles sa demande avait été refusée ».

[43]           Comme les motifs l’indiquent clairement, la demanderesse n’a pas produit une preuve suffisante pour établir qu’une dispense était justifiée. La décision de l’agente tient compte des prétentions de la demanderesse, de la preuve qu’elle a produite et des principes applicables aux demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. Par exemple, l’agente a eu parfaitement raison de souligner que la preuve ne démontrait pas clairement quelle était la situation financière de la demanderesse au Canada ou la situation de sa mère à la Dominique. Il incombait à la demanderesse d’établir qu’une dispense était justifiée et elle ne l’a pas fait.

[44]           Aucun des points soulevés par la demanderesse n’a, sur la décision de l’agente, une incidence importante qui la rend déraisonnable. Il n’y a rien dans les faits présentés par la demanderesse qui tend à indiquer un établissement exceptionnel au Canada.

[45]           Les propos formulés par le juge Marc Nadon dans Tartchinska, précitée, aux paragraphes 21 et 22, sont pertinents au regard de beaucoup de choses que la demanderesse a faites en l’espèce :

Chose plus importante, les directives ne laissent certainement pas entendre qu’un demandeur doit devenir autonome à tout prix et sans égard aux moyens. Par conséquent, je ne partage pas l’avis des demandeurs selon lequel [traduction] « il n’est pas pertinent de savoir si l’autonomie a été atteinte avec ou sans permis de travail ». À mon avis, la provenance de l’autonomie de l’intéressé est très pertinente; autrement, n’importe qui pourrait demander une dispense en se fondant sur l’autonomie, même si celle‑ci découle d’activités illégales. Je comprends qu’en l’espèce, les demandeurs ont travaillé honnêtement, quoiqu’illégalement. Pourtant, les demandeurs ont sciemment tenté de contourner le système lorsqu’ils ont décidé de continuer à travailler sans autorisation. En effet, malgré le fait que les demandeurs ont été avisés à leur première entrevue qu’ils n’étaient pas autorisés à travailler et qu’ils devraient cesser de le faire, rien n’indiquait que les demandeurs avaient cessé de travailler au moment de la deuxième entrevue. En outre, leur avocat les avait prévenus des risques qu’ils couraient à travailler sans permis de travail ainsi que du prétendu avantage de démontrer l’autonomie (sans se soucier de sa provenance), et ils ont choisi de rester au Canada et d’y travailler illégalement.

 

Je crois comprendre que les demandeurs espéraient que le temps qu’ils passaient au Canada malgré la mesure d’interdiction de séjour contre eux pourrait leur être avantageux dans la mesure où ils pourraient démontrer qu’ils se sont bien adaptés à ce pays. Toutefois, à mon avis, les demandeurs ne peuvent ni ne doivent être « récompensés » pour avoir passé du temps au Canada alors qu’en fait, ils n’avaient pas le droit de le faire. Dans le même ordre d’idée, on doit légalement chercher à être autonome, et un demandeur ne doit pas pouvoir invoquer ses actes illégaux pour revendiquer par la suite un avantage comme une dispense ministérielle. Enfin, je souligne l’évidence même : le but de la dispense, en l’espèce, était de soustraire les demandeurs à l’exigence de devoir présenter leur demande de statut depuis l’étranger, et non de les dispenser d’autres dispositions législatives, comme l’exigence d’un permis de travail valide.

 

 

[46]           La demanderesse est évidemment déçue que sa demande ait été rejetée et sa situation inspire une grande sympathie. Cependant, je ne peux modifier une décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire pour cette seule raison. Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle.

[47]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour partage leur avis.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  L’affaire ne soulève aucune question à certifier.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4114‑11

 

INTITULÉ :                                                  JEANNE JNOJULES c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 15 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 4 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alesha A. Green

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet d’Alesha A. Green

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.