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Date: 20120626

Dossier : IMM-6990-11

Référence : 2012 CF 812

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2012

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

HAMID REZA AHMADI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visée à l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, concernant la décision rendue le 20 septembre 2010 par un agent d’examen des risques avant renvoi selon laquelle le demandeur ne serait pas exposé au risque de persécution ou de préjudice s’il retournait dans son pays d’origine, l’Iran.

 

[2]               La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

 

LE CONTEXTE

 

[3]               Le demandeur, M. Hamid Reza Ahmadi, prétend avoir été un sympathisant des « Gardiens de l’Iran éternel », un groupe monarchiste.

 

[4]               Pendant son service militaire dans la marine iranienne, on lui a demandé de fournir des renseignements lors d’une réunion avec le service de contre‑espionnage de la marine. Il a refusé d’assister à cette réunion et a commencé à vivre dans la clandestinité. Il s’est enfui en Belgique en 1992. Lorsque les membres de sa famille l’ont rejoint, ils ont essayé d’obtenir l’asile. Leur demande d’asile a été rejetée par la Belgique.

 

[5]               Le demandeur est arrivé au Canada avec sa femme et ses enfants le 15 août 1996. Ils ont à nouveau demandé l’asile, mais leur demande a été rejetée en 1997. Ils n’ont pas obtenu l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision, et la demande de dispense qu’ils ont déposée afin d’être exemptés des exigences relatives à la présentation d’une demande de visa à partir du Canada a été rejetée en mai 1999.

 

[6]               Le demandeur dit qu’il a été un opposant actif au régime iranien depuis son arrivée au Canada. Il craint pour sa sécurité s’il retourne en Iran à cause de ses opinions pro‑monarchistes, de ses démêlés avec la marine, de sa longue absence d’Iran et de sa participation à des manifestations.

 

[7]               Le demandeur a présenté sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) le 7 décembre 2010.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

 

[8]               L’agent a noté que le demandeur avait produit, au soutien de sa demande, deux photographies le montrant à des manifestations en 2003 et en 2009, son certificat de naissance, le résultat d’une vérification du casier judiciaire, les observations de son conseil et des documents sur les conditions existant en Iran.

 

[9]               L’agent a déterminé que les documents produits constituaient de nouveaux éléments de preuve. Il a tenu compte de ce qui était arrivé au demandeur avant son arrivée au Canada. Il était d’avis que la preuve ne démontrait pas que les Gardiens de l’Iran éternel étaient toujours actifs en Iran, comme la Section de la protection des réfugiés l’avait conclu en 1997. Il a aussi mentionné qu’aucune observation écrite du demandeur lui‑même n’avait été présentée et que la preuve n’étayait pas les observations de son conseil. Il a accordé peu de poids à ces observations.

 

[10]           L’agent a ensuite examiné ce qui était arrivé au demandeur depuis son arrivée au Canada. Il a jugé que les observations du conseil étaient imprécises quant à la nature des opinions politiques du demandeur, que le demandeur n’avait pas la visibilité de la plupart des manifestants victimes de répression en Iran selon la preuve documentaire, qu’aucune preuve démontrant sa participation au mouvement contre le régime iranien n’avait été produite, à l’exception des deux photographies, et que la preuve établissait qu’il n’avait participé que sporadiquement à des manifestations – il avait participé en fait à deux manifestations à six ans d’intervalle.

 

[11]           Enfin, l’agent a considéré que le demandeur n’avait pas établi que les autorités iraniennes pouvaient être au courant des demandes d’asile qu’il avait présentées en Belgique et au Canada et que la preuve documentaire démontrait qu’il n’avait pas le profil des personnes à qui s’intéressait habituellement le régime iranien. L’agent a conclu que le demandeur n’était pas en danger et il a rejeté sa demande.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[12]           La présente demande soulève deux questions :

a.       L’agent a-t-il tenu compte de l’ensemble de la preuve?

b.      L’équité procédurale exigeait‑elle que l’agent accorde une audience au demandeur?

 

LES DISPOSITIONS PERTINENTES

[13]           L’alinéa 113b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, est libellé comme suit :

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

[…]

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

[…]

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

[14]           L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, prévoit ce qui suit :

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[15]           L’appréciation de la preuve par un agent d’ERAR, qui est une question de fait, est assujettie à la norme de la raisonnabilité : Matute Andrade c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1074, au paragraphe 23.

 

[16]           La norme de contrôle applicable aux questions relatives à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), est la raisonnabilité car « les questions de savoir si l’agent d’ERAR a tiré des conclusions relatives à la crédibilité de la demanderesse et si, le cas échéant, il devait convoquer une audience en application des critères prévus à l’article 167 du Règlement constituaient des questions mixtes de fait et de droit » : Matute Andrade, ci‑dessus, au paragraphe 22; Adeoye c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 680, au paragraphe 7.

 

[17]           Le demandeur n’a pas demandé la tenue d’une audience. S’il l’avait fait, l’agent d’ERAR aurait été obligé de déterminer si une audience était justifiée : Montesinos Hidalgo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1334.

 

ANALYSE

 

L’agent a-t-il tenu compte de l’ensemble de la preuve?

 

[18]           Le demandeur allègue que l’agent a omis de tenir compte de certains éléments de preuve. Cela ne ressort pas de la décision à première vue. Il semblerait que le demandeur se plaint du fait que l’agent n’a pas accordé un poids suffisant à ces éléments de preuve. La retenue s’impose à l’égard de l’appréciation des faits par un décideur et ce n’est pas le rôle de la Cour d’apprécier à nouveau la preuve : Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 33; Augusto c Canada (Solliciteur général), 2005 CF 673, au paragraphe 9.

 

[19]           L’agent a pris en considération les photographies produites par le demandeur dans le but de démontrer qu’il avait participé à des manifestations contre le régime iranien au Canada. Il a tenu compte de cette preuve pour déterminer l’importance de la participation du demandeur au mouvement d’opposition afin d’évaluer les risques. Il a aussi analysé les documents sur les conditions existant en Iran et a conclu que seules certaines personnes intéressaient le régime iranien et que le demandeur n’avait pas le profil de ces personnes : département d’État des États‑Unis, 2009 Human Rights Report: Iran, 11 mars 2010; Human Rights Watch, Remembering Iran’s Rights Abuses, 4 mai 2010; différents documents d’Amnistie Internationale sur l’Iran, aux pages 134 à 145 du dossier certifié du tribunal. Le demandeur allègue que le document du département d’État des États‑Unis mentionné ci‑dessus indique que toute forme de manifestation est réprimée en Iran. Cela est exact, mais le demandeur parle de manifestations en Iran. Or, il a manifesté à l’extérieur de l’Iran et, en conséquence, il devait démontrer que le gouvernement iranien était au courant de ses activités politiques. L’agent a estimé qu’il ne l’avait pas fait. Compte tenu de la preuve dont il disposait, l’agent pouvait parvenir à cette conclusion.

 

[20]           Comme le défendeur l’a indiqué, la présente affaire est différente de Win c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 398, invoquée par le demandeur, car, dans cette affaire, l’agent avait écarté un élément de preuve important. En l’espèce, la preuve ne démontrait pas que le demandeur avait le profil des personnes auxquelles s’intéressait habituellement le gouvernement iranien : Nejad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1444, aux paragraphes 24 à 26. L’agent a raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il serait en danger s’il retournait en Iran. Contrairement à ce que le demandeur affirme, la décision est fondée sur l’ensemble de la preuve qui a été présentée à l’agent, et non sur des éléments de preuve abstraits qui existaient peut‑être, mais dont l’agent ne disposait pas.

 

[21]           Il était loisible à l’agent d’exiger des éléments de preuve additionnels et de souligner l’absence de déclaration personnelle du demandeur : SK c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 788 au paragraphe 11; Ferguson, ci‑dessus, aux paragraphes 26 à 32. La conclusion de l’agent appartenait aux issues acceptables car elle était fondée sur les faits et le droit, qu’elle pouvait être justifiée et que le processus décisionnel était intelligible et transparent. 

 

L’équité procédurale exigeait‑elle que l’agent accorde une audience au demandeur?

 

[22]           L’article 167 du Règlement prévoit les facteurs qui doivent être pris en compte pour décider si la tenue d’une audience est requise : a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur; b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection; c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

[23]           La Cour doit d’abord examiner la décision afin de vérifier si une conclusion a été rendue au sujet de la crédibilité et, si c’est le cas, elle doit déterminer ce qui était au cœur de la décision afin de décider si cette conclusion était fondamentale et aurait pu changer la décision : Matute Andrade, ci‑dessus, aux paragraphes 30 à 35; Adeoye, ci‑dessus, au paragraphe 7; Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 89, aux paragraphes 37 à 39.

 

[24]           En l’espèce, aucune conclusion au sujet de la crédibilité n’a été tirée explicitement par l’agent. Les conclusions relatives à la crédibilité peuvent cependant être implicites dans la décision, de sorte que la Cour doit aller au‑delà des termes employés par l’agent : Matute Andrade, ci‑dessus, au paragraphe 31.

 

[25]           En l’espèce, il est possible que l’agent ait eu des doutes au sujet de la crédibilité du demandeur quant à ses opinions politiques. Les remarques de l’agent sur le caractère vague des opinions politiques du demandeur et l’importance de sa participation aux manifestations indiquent qu’il n’a peut‑être pas cru tout ce que le demandeur a dit.

 

[26]           La décision de l’agent est toutefois fondée sur le manque d’éléments de preuve et sur la faible valeur probante attribuée aux observations déposées au soutien de la demande (voir Ferguson, ci‑dessus, aux paragraphes 26 à 32; Pulaku c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1048, aux paragraphes 29 et 30). La crédibilité n’était pas un élément fondamental de la décision puisque celle‑ci était fondée sur l’insuffisance de la preuve : Ahmad, ci‑dessus, au paragraphe 39; Yousef c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 864, au paragraphe 36. Même si l’agent avait reconnu que le demandeur était aussi engagé sur le plan politique que son conseil le prétendait, l’insuffisance de la preuve concernant les risques aurait été l’élément fondamental de la demande. Dans les circonstances, la décision de ne pas avoir une entrevue avec le demandeur était raisonnable.

 

[27]           Les parties n’ont soumis aucune question à des fins de certification.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6990-11

 

INTITULÉ :                                      HAMID REZA AHMADI c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 1er mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 26 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ori Bergman

 

                            POUR LE DEMANDEUR

 

Nur Muhammad-Ally

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ori Bergman

Chantal Desloges Professional

Corporation

Avocat

Toronto (Ontario)

 

                            POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

                                                                                                                                             

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