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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120614

Dossier : IMM-8657-11

Référence : 2012 CF 736

Ottawa (Ontario), ce 14e jour de juin 2012

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Arlene Glendy GREAVES

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’Anna Brychcy, membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi). Le tribunal a rejeté la demande d’asile d’Arlene Glendy Greaves (la demanderesse), concluant qu’elle n’avait pas la qualité de réfugiée ni celle de personne à protéger au sens de la Loi.

[2]          La demanderesse est une citoyenne de Saint-Vincent et Grenadines. Elle a quitté son pays le 23 janvier 2010 pour venir au Canada et a formulé la présente demande d’asile le 23 février 2010. Elle allègue craindre pour sa vie en raison de l’abus dont elle a souffert à Saint-Vincent aux mains de son ex-conjoint, Cleophas Lorraine.

 

[3]          Dans sa décision datée du 21 octobre 2011, le tribunal a accepté l’histoire de la demanderesse, la jugeant crédible. Le tribunal mentionne aussi qu’il a tenu compte du Guide des femmes revendicatrices du statut de réfugié fondé sur le sexe [le Guide]. Toutefois, la question déterminante était celle de la disponibilité de la protection d’État à Saint-Vincent. Le tribunal a conclu que la demanderesse n’avait pas renversé la présomption de protection d’État, parce qu’elle n’avait pas dénoncé la majorité des incidents d’abus, qu’elle avait retiré sa plainte et qu’elle n’avait pas attendu la décision de la Cour avant de quitter pour le Canada.

 

[4]          À mon sens, les questions en litige peuvent être formulées comme suit :

1. Le tribunal a-t-il erré en omettant de considérer le Guide des femmes revendicatrices du statut de réfugié basant leur revendication sur le sexe?

 

2. Le tribunal a-t-il erré en concluant que la protection d’État était disponible à Saint-Vincent, basant sa conclusion sur des faits erronés, tirés de façon arbitraire ou sans tenir compte de l’ensemble de la preuve?

 

 

 

[5]          La norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable. La détermination de la protection d’État faite par le tribunal est une question mixte de faits et de droit (Myle c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 871 au para 12 [Myle]; Henry c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 1060 au para 20; Song c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 467 au para 6 [Song]; Campos c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2010 CF 842 au para 23 [Campos]) et l’appréciation de la preuve ressort entièrement de la compétence du tribunal (Akhter c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 914 au para 22). Cette Cour doit donc déterminer si la décision et les conclusions du tribunal sont justifiées, transparentes et intelligibles, appartenant « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 au para 47).

 

* * * * * * * *

 

1. Le tribunal a-t-il erré en omettant de considérer le Guide des femmes revendicatrices du statut de réfugié basant leur revendication sur le sexe?

 

 

[6]          La demanderesse prétend que le tribunal n’a pas tenu compte du Guide, omettant de spécifier sur quels éléments du Guide il s’est appuyé.

 

[7]          Je suis d’opinion, même si le tribunal n’est pas lié par le Guide (Ayub c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CF 1411 au para 19), que celui-ci n’a pas omis de le considérer. Premièrement, le tribunal le mentionne explicitement au début de sa décision. De plus, le tribunal a estimé que la demanderesse était crédible, ne doutant pas de son histoire. Cette situation est clairement différente de celle retrouvée dans l’arrêt Myle, ci-dessus, auquel réfère la demanderesse. Les commentaires quant à l’applicabilité du Guide dans cette dernière décision faisaient référence à la connaissance, la compréhension et la sensibilité exigées du tribunal pour évaluer la crédibilité d’une demanderesse victime d’abus (Myle au para 31). Ces commentaires ont plutôt trait à l’appréciation du témoignage de la demanderesse, ce qui n’est pas en litige dans la présente affaire. De plus, il est important de souligner que chaque cas est un cas d’espèce (Myle au para 27).

 

2. Le tribunal a-t-il erré en concluant que la protection d’État était disponible à Saint-Vincent, basant sa conclusion sur des faits erronés, tirés de façon arbitraire ou sans tenir compte de l’ensemble de la preuve?

 

 

[8]          Les parties s’entendent sur le droit applicable en matière de protection d’État, la présomption de protection et le fardeau imposé à la demanderesse. La demanderesse estime toutefois qu’elle a réussi à renverser cette présomption. Je ne suis pas d’accord. L’appréciation de la preuve, incluant le témoignage de la demanderesse et la preuve documentaire, est du ressort du tribunal. Le tribunal n’avait aucune obligation de mentionner chaque document concernant la violence conjugale à Saint-Vincent et le tribunal n’a pas nié l’existence de ce problème. Plutôt, considérant les efforts faits par la demanderesse et les actions prises par la police, le tribunal a raisonnablement conclu que la protection d’État était disponible. Les propos du tribunal quant à la situation à Saint-Vincent sont ancrés dans la preuve documentaire et il faut répéter que chaque cas est un cas d’espèce (Myle, ci-dessus au para 27). À mon sens, la demanderesse n’a pas établi que le tribunal a omis de considérer des extraits de preuve qui dressaient un portrait différent de la situation à Saint-Vincent.

 

[9]          Il importe de souligner que la police a réagi promptement les deux fois où la demanderesse a porté plainte, tel que l’explique le tribunal. De plus, la demanderesse a choisi de quitter Saint-Vincent avant d’obtenir une décision finale contre son ex-conjoint, demandant plutôt l’asile au Canada. Cependant, la demanderesse devait épuiser tous les recours qui s’offraient à elle à Saint-Vincent avant de demander de la protection au Canada (Song, ci-dessus aux para 13 et 14; Campos, ci-dessus au para 34). Bien qu’il soit compréhensible, dans les circonstances, que la demanderesse ait pu craindre des représailles de la part de son agresseur si elle portait plainte, elle devait établir, au moyen d’une preuve « claire et convaincante », l’incapacité de l’État à assurer adéquatement sa protection (B.M. (1) c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CF 399 au para 6). Tel qu’expliqué par le tribunal, la demanderesse n’a pas rencontré son fardeau de preuve. Ainsi, vu la présomption de protection d’État, les actions prises par les autorités à Saint-Vincent et Grenadines à la suite des deux plaintes de la demanderesse et la réticence de cette dernière, il était raisonnable pour le tribunal de conclure que la protection d’État était disponible. La demanderesse n’ayant pas établi que le tribunal a ignoré la preuve au dossier, l’intervention de cette Cour n’est donc pas justifiée.

 

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[10]      Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[11]      Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié concluant que la demanderesse n’avait pas la qualité de réfugiée ni celle de personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8657-11

 

INTITULÉ :                                       Arlene Glendy GREAVES c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Serge Silawo                                 POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Margarita Tzavelakos                    POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Serge Silawo                                                                POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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