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Date : 20120510

Dossier : IMM‑6859‑11

Référence : 2012 CF 566

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 10 mai 2012

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

YUQIONG WU

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande d’asile présentée par Yuqiong Wu a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La Commission ne croyait pas le récit que Mme Wu a fait de la persécution dont elle aurait été l’objet en Chine à cause de sa religion. Elle ne croyait pas non plus que Mme Wu était actuellement une chrétienne pratiquante. La Commission a aussi conclu subsidiairement que, si Mme Wu était réellement une chrétienne pratiquante, elle serait en mesure de pratiquer sa religion en toute sécurité dans la province du Guangdong.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, Mme Wu ne m’a pas convaincue que la décision de la Commission était déraisonnable. En conséquence, sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Les conclusions défavorables de la Commission concernant la crédibilité

[3]               La Commission a donné quatre motifs pour expliquer pourquoi elle avait conclu que le récit fait par Mme Wu de son arrestation et de sa détention par le Bureau de la sécurité publique (le BSP) en raison de son appartenance à une église clandestine n’était pas crédible. Mme Wu a contesté seulement l’un de ces motifs : les doutes de la Commission au sujet du fait que le BSP n’avait pas laissé une sommation adressée à Mme Wu au cours de ses nombreuses visites chez elle en Chine.

 

[4]               La Commission connaissait clairement la preuve documentaire indiquant que le BSP ne laisse pas toujours une sommation aux membres de la famille lorsqu’il est à la recherche d’une personne. Elle a ensuite examiné la situation de Mme Wu et déterminé qu’on aurait pu s’attendre raisonnablement à ce qu’une sommation soit laissée chez elle.

 

[5]               Mme Wu avait prétendu que le BSP s’était rendu chez elle à cinq reprises environ afin de la retrouver, ce qui, selon la Commission, démontrait qu’il ne s’intéressait pas à elle seulement de façon superficielle. La Commission a aussi été influencée par le fait que Mme Wu habitait dans une grande ville, où on peut supposer de manière raisonnable que l’intérêt démontré par la police pour une personne est documenté.

 

[6]               Dans les circonstances, la Commission pouvait raisonnablement conclure que l’absence de sommation soulevait des doutes quant à la crédibilité du récit de Mme Wu.

 

[7]               Je mentionnerais également que, même si j’avais convenu que la Commission avait commis une erreur dans sa conclusion relative à l’absence de preuve démontrant l’intérêt constant du BSP pour Mme Wu, les autres conclusions défavorables concernant la crédibilité qui ne sont pas contestées seraient suffisantes pour conclure, comme la Commission l’a fait, que le récit de Mme Wu n’était pas véridique, que sa crédibilité générale suscitait des doutes et que sa demande d’asile avait été faite « sous de faux motifs ».

 

[8]               La Commission a rejeté catégoriquement le récit fait par Mme Wu de son arrestation et de sa détention par le BSP en raison de son appartenance à une église clandestine, mais elle a tout de même semblé laisser la porte ouverte à la possibilité que Mme Wu soit une chrétienne pratiquante pendant qu’elle vivait en Chine : voir les motifs de la Commission, au paragraphe 17.

 

[9]               La Commission s’est ensuite intéressée à la question de savoir si Mme Wu était une chrétienne pratiquante au Canada. Elle a souligné la difficulté d’évaluer l’authenticité des croyances religieuses d’une personne et a reconnu que Mme Wu avait été capable de répondre correctement aux questions portant sur la religion pentecôtiste.

 

[10]           S’appuyant sur sa conclusion précédente selon laquelle le récit fait par Mme Wu de la persécution dont elle aurait été l’objet en Chine était « frauduleu[x] », sur l’effet cumulatif de ses conclusions défavorables concernant la crédibilité et sur « tous les éléments de preuve », la Commission a conclu que Mme Wu n’était pas actuellement une chrétienne pratiquante et qu’elle s’était jointe à une église de Toronto dans le seul but de renforcer sa demande d’asile frauduleuse.

 

[11]           La demande d’asile de Mme Wu est fondée sur ce que le juge Russell a décrit comme « un ensemble de faits presque commun » : Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 941, [2011] A.C.F. no 1166 (QL), au paragraphe 26. La Commission est régulièrement saisie de demandes d’asile présentées par des individus qui allèguent être des chrétiens – ces demandeurs viennent le plus souvent de la province du Fujian ou du Guangdong – et qui font des descriptions identiques de la persécution qu’ils prétendent avoir subie en raison de leur religion. Certaines de ces demandes sont fondées, d’autres non. La tâche herculéenne qui incombe à la Section de la protection des réfugiés consiste à séparer les demandes légitimes des demandes illégitimes.

 

[12]           L’évaluation de la crédibilité d’un demandeur d’asile est toujours difficile et elle l’est au plus haut point lorsque, comme en l’espèce, il faut évaluer l’authenticité de la foi religieuse d’une personne. Il s’agit d’un exercice très difficile – un exercice qui ne se prête pas facilement à une mesure précise à l’aide de critères objectifs, la religion étant une question extrêmement personnelle.

 

[13]           En l’espèce, la Commission était la mieux placée pour évaluer la crédibilité de Mme Wu. Elle a déterminé que celle‑ci avait fabriqué une histoire d’arrestation et de détention par le BSP dans le but de renforcer sa demande d’asile, et j’ai conclu que cette détermination était raisonnable. Il était également raisonnable pour la Commission de s’appuyer sur le manque général de crédibilité de Mme Wu pour conclure qu’elle n’était pas actuellement une chrétienne pratiquante et qu’elle s’était jointe à une église de Toronto dans le seul but de renforcer sa demande d’asile.

 

[14]           Étant donné que je suis d’avis que la Commission a raisonnablement conclu que Mme Wu n’était pas actuellement une chrétienne pratiquante, il n’est pas nécessaire que j’examine la conclusion subsidiaire de la Commission selon laquelle, si Mme Wu était réellement chrétienne, elle serait en mesure de pratiquer sa religion dans la province du Guangdong.

 

Conclusion

[15]           Il n’y a donc aucune raison de modifier la décision de la Commission et, pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[16]           Mme Wu a proposé que je certifie une question relative à la définition de la persécution religieuse. Étant donné le fondement sur lequel la présente affaire a été tranchée, la réponse à cette question ne serait pas déterminante. En conséquence, aucune question ne sera certifiée.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑6859‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  YUQIONG WU c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 10 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 10 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lindsay Weppler

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nimanthika Kaneira

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshay & Lewis

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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