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Date : 20120524

Dossier : IMM‑7712‑11

Référence : 2012 CF 631

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Toronto (Ontario), le 24 mai 2012

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

VERONICA AREWE ITUA

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande est relative à une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR), dans laquelle la SPR a conclu que la demanderesse, une citoyenne du Nigeria, n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. L’accent fut mis en particulier sur la conclusion du commissaire selon laquelle la demanderesse n’était pas crédible.

 

[2]               La demande de la demanderesse est basée sur les éléments de preuve à l’appui de sa crainte subjective et objective selon laquelle, à la naissance de sa fille, la demanderesse serait de nouveau excisée, sa fille serait excisée et des scarifications seraient faites sur son ventre.

 

[3]               Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), la demanderesse a formulé sa demande de la façon suivante :

 

[traduction]

 

Je présente une demande d’asile au Canada, parce que mes parents, ma belle‑famille et ma communauté ont menacé de nous obliger, mon enfant à naître et moi, à subir des excisions et des scarifications sur le ventre de mon enfant. Les aînés du village et ma famille m’ont informée que nos traditions et nos coutumes exigent que, en tant que femme enceinte, je subisse une nouvelle excision avant de donner naissance à mon enfant et qu’un mois après sa naissance, mon enfant soit aussi excisée et que son ventre reçoive des scarifications. J’ai dit à mes parents, à ma belle‑famille et à la communauté que je ne soumettrais pas mon enfant aux dangers de l’excision et des scarifications que j’ai moi‑même subies quand j’étais enfant.

 

(Dossier certifié du tribunal, à la page 19).

 

 

À l’appui de sa demande, la demanderesse a présenté un affidavit provenant de son époux et établi sous serment, dans lequel il fait le récit suivant :

[traduction]

 

Je soussigné, Jude Peter, chrétien, citoyen du Nigeria et résidant au 50 Mission Road, à Benin City, dans l’État de l’Edo, au Nigeria, déclare sous serment ce qui suit :

 

[…]

 

Lorsque mon épouse, Veronica Itua, était enceinte de notre enfant, mes parents et ma belle‑famille ont menacé mon épouse d’excision et ils lui ont dit qu’à la naissance de notre enfant, elle aussi serait excisée et qu’elle aurait des scarifications sur son ventre, conformément à nos coutumes et à nos traditions.

 

[…]

 

Depuis que mon épouse, Veronica Itua, s’est enfuie du Nigeria, mes parents, ma belle‑famille et les aînés de notre communauté continuent de menacer de faire du mal à mon épouse et à notre enfant lorsqu’ils les trouveront. Ainsi, j’ai averti mon épouse, Veronica Itua, de ne pas revenir au Nigeria avec notre enfant, parce qu’elles ne sont pas en sécurité ici.

 

(Dossier certifié du tribunal, aux pages 181 et 182).

 

[4]               Néanmoins, malgré le fait que la preuve présentée par la demanderesse soit étayée par la preuve produite par son époux, la SPR a conclu que la demanderesse n’était pas crédible et qu’elle ne craignait pas avec raison d’être persécutée pour les motifs suivants :

La demandeure d’asile prétend que ses beaux‑parents voulaient qu’elle subisse une nouvelle excision après la naissance de son enfant. Le tribunal met en doute l’allégation selon laquelle les membres de la famille et les beaux-parents de la demandeure d’asile la feraient exciser, compte tenu du fait qu’elle a déjà subi l’opération et qu’elle a déjà reçu les marques traditionnelles. La demandeure d’asile n’a présenté aucun élément de preuve se rapportant à cette coutume particulière, et le tribunal accorde par conséquent peu de poids à cette allégation. La demandeure d’asile a produit une photographie des marques qui sont sur son ventre. Bien que la photographie ne montre pas son visage, elle a offert de montrer ses marques au tribunal, qui a décliné l’offre. Bien que le tribunal ne conteste pas le fait que la demandeure d’asile a des marques sur son ventre, aucun élément de preuve n’a été présenté pour indiquer quand ces marques ont été faites. Le tribunal accorde par conséquent peu de poids à la déclaration de la demandeure d’asile selon laquelle les marques ont été faites à sa naissance dans le cadre d’une tradition observée dans son village. Si la pratique traditionnelle dans le village de la demandeure d’asile consiste effectivement à marquer et à exciser les filles peu après leur naissance, le tribunal se demande comment la demandeure d’asile, qui a témoigné avoir vécu au Nigéria toute sa vie, pouvait l’ignorer, comme elle le prétend.

 

[…]

 

Le tribunal conclut que la demandeure d’asile n’est pas crédible et qu’elle ne craint pas avec raison d’être persécutée.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, aux paragraphes 7 et 10)

 

[5]               Selon moi, la partie soulignée de la conclusion est particulièrement troublante. Il est indéniable que la demanderesse a subi une excision (voir le dossier médical, dossier certifié du tribunal, à la page 176), qu’elle a subi des scarifications (voir le dossier médical, aux pages 185 et 186) et qu’elle a apporté des éléments de preuve établissant que ces mutilations avaient eu lieu quand elle était enfant (voir le dossier certifié du tribunal, à la page 202). Le fait que la SPR ait écarté ces éléments de preuve constitue, selon moi, non seulement une erreur susceptible de contrôle, mais il s’agit aussi d’une insulte à la dignité humaine de la demanderesse.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La décision soumise au présent contrôle est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

 

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LLM., M.A.Trad.jur.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                             IMM-7712-11

 

INTITULÉ :                                          VERONICA AREWE ITUA

    c

    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

    DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                  LE 23 MAI 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                           LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                          LE 24 MAI 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ochiemuan Okojie

POUR LA DEMANDERESSE

 

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ochiemuan Okojie

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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