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Date : 20120525

Dossier : IMM‑8475‑11

Référence : 2012 CF 643

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 mai 2012

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

 

ENTRE :

 

SZABRINA GOMAN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE ET LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Szabrina Goman (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 27 octobre 2011 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a conclu que la demanderesse n’avait qualité ni de réfugiée au sens de la Convention, ni de personne à protéger en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

 

[2]               La demanderesse, citoyenne de la Hongrie, est d’origine ethnique rom. Elle déclare craindre d’être persécutée par des criminels racistes, plus précisément une organisation néonazie appelée la Garde hongroise.

 

[3]               La demanderesse a relaté un incident ayant eu lieu en février 2009, dans lequel son petit ami, un membre de la Garde hongroise, a tenté de la pousser à prendre de la drogue. Lorsqu’elle a refusé, il l’a battue jusqu’à ce qu’elle perde connaissance.

 

[4]               La demanderesse a également fait état d’un incident s’étant produit en mai 2009 dans lequel elle a été enlevée par son ex‑petit ami et les amis de celui-ci et gardée captive pendant plusieurs semaines durant lesquelles ceux-ci ont fait pression pour la convaincre de se prostituer pour eux. À un certain moment, alors que le groupe la tenait dans un endroit public, elle a réussi à s’échapper et à courir vers un groupe d’hommes qui l’ont protégée jusqu’à l’arrivée de la police. Bien qu’elle ait été reconduite chez elle sous escorte policière, elle n’a fait aucune dénonciation à la police parce qu’elle croyait que celle‑ci ne voudrait pas l’aider.

 

[5]               La demanderesse a quitté la Hongrie le 9 juillet 2009 et est arrivée au Canada le même jour. Elle a présenté sa demande d’asile le 14 juillet 2009.

 

[6]               La Commission est parvenue à des conclusions défavorables quant à la crédibilité de la demanderesse et a rejeté l’ensemble de sa preuve. Elle a ensuite traité de la question de la protection de l’État et a conclu que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle elle pouvait se prévaloir de la protection de l’État, car elle n’avait pas porté plainte à la police.

 

[7]               Les conclusions défavorables de la Commission sur la crédibilité sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable; voir Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315 (CAF) au paragraphe 4. La conclusion relative à la protection de l’État, qui constitue une question mixte de fait et de droit, est également susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable; voir Velez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1114 aux paragraphes 9 et 10.

 

[8]               La demanderesse soutient que les conclusions de la Commission sur la crédibilité sont déraisonnables et sont le fruit d’une analyse exagérément détaillée de sa preuve. Elle fait également valoir que la Commission a mal appliqué le critère de la protection de l’État, qui est énoncé dans Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, en exigeant, comme preuve de l’inefficacité de cette protection, qu’elle ait mis sa vie en péril en la sollicitant. Elle fait valoir aussi que la Commission n’a pas pris en compte de manière appropriée la preuve documentaire selon laquelle l’État est incapable de protéger la population rom, en particulier la preuve relative à la façon dont les Roms et les femmes roms sont traitées par la police.

 

[9]               Pour sa part, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) fait valoir que les conclusions quant à la crédibilité sont raisonnables à la lumière de la preuve et que la conclusion quant à la protection de l’État est également raisonnable et fondée sur le critère juridique approprié.

 

[10]           Il ne sera pas nécessaire que je traite des arguments portant sur les conclusions de la Commission quant a la crédibilité puisque je suis convaincue que sa conclusion quant à la protection de l’État est raisonnable.

 

[11]           Les motifs de la Commission sont longs, mais, à mon avis, son traitement de la question de la protection de l’État est dans une grande mesure « passe‑partout ». La Commission n’a pas traité de la situation précise de la demanderesse, mais elle s’est plutôt exprimée en termes généraux, comme cela est illustré au paragraphe 25 de ses motifs :

J’ai estimé que les réponses de la demandeure d’asile concernant l’efficacité de la protection de l’État n’étaient pas convaincantes, puisqu’elles n’étaient pas crédibles, qu’elles étaient en grande partie non corroborées et qu’elles ne concordaient pas avec la preuve documentaire. Je privilégie les éléments de preuve documentaire plutôt que le témoignage de la demandeure d’asile, puisqu’ils ont été tirés d’une vaste gamme de documents publics provenant d’organisations fiables, tant gouvernementales que non gouvernementales.

 

 

[12]           À mon avis, la Commission a commis une erreur en disant que la preuve de la demanderesse quant à l’« efficacité » de la protection de l’État ne correspondait pas à la preuve documentaire. Le dossier révèle une preuve documentaire qui étaye la preuve de la demanderesse; voir, par exemple, le rapport du Département d’État des États‑Unis intitulé « Country Reports on Human Rights Practices, 2010 – Hungary » (8 avril 2011) à la page 26. La Commission n’a pas expliqué de manière raisonnable pourquoi elle a rejeté la preuve documentaire invoquée par la demanderesse.

 

[13]           Il est bien connu et établi que le décideur n’a pas à faire référence à tous et chacun des éléments de preuve sur lesquels il s’appuie, mais, en même temps, s’il ne signale une preuve contradictoire pertinente qui lui est présentée, la cour de révision peut conclure que la Commission n’a pas pris en compte ou qu’elle a apprécié de manière erronée des faits fondamentaux et est parvenue à une décision erronée; voir Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35 au paragraphe 17.

 

[14]           En conclusion, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et l’affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire. Il n’y a aucune question à certifier.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de la Commission soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L., réviseure

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8475‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  SZABRINA GOMAN c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 23 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 25 mai 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Peter Engel

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ROCCO GALATI LAW FIRM

PROFESSIONAL CORPORATION

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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