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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120605


Dossier : T-1827-11

Référence : 2012 CF 692

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2012

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

WILLIAM A. LAWRENCE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par William A. Lawrence (M. Lawrence), conformément au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, à l’égard d’une décision datée du 12 octobre 2011 par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne [la CCDP] a décidé de ne pas statuer sur sa plainte en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6 [la Loi].

 

[2]               M. Lawrence demande à la Cour de lui accorder une indemnité pour préjudice moral ainsi qu’une indemnité spéciale au titre de la différence de traitement dont il a fait l’objet. Il demande également une ordonnance contraignant la Société canadienne des postes (Postes Canada) à reconnaître son incapacité de travailler de nuit et à lui présenter des excuses par écrit.

 

[3]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

II.        Les faits

 

[4]               M. Lawrence est un employé de Postes Canada.

 

[5]               Le 29 septembre 2010, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes [le STTP] a déposé, au nom de M. Lawrence, un grief selon lequel Postes Canada avait contrevenu aux articles 2, 5, 54 et 56 de la Loi et n’a pas pris de mesures pour répondre aux besoins de M. Lawrence.

 

[6]               Le 7 octobre 2010, le STTP a déposé un deuxième grief dont le texte est le suivant : [traduction] « le Syndicat soutient, pour le compte de William Lawrence, que l’employeur a contrevenu à la clause 10 et à toutes les autres dispositions de la convention collective lorsqu’il a avisé le plaignant, par une lettre datée du 3 octobre 2010, que son emploi prendrait fin dès que la directrice de l’établissement de traitement du courrier de Hamilton, Mary Pretty, recevrait la lettre en question. Le plaignant a été importuné, réprimandé et licencié sans motif juste, raisonnable et suffisant ».

 

[7]               Le STTP a déposé huit griefs au total au nom de M. Lawrence.

 

[8]               Le 13 décembre 2010, M. Lawrence a déposé une plainte auprès de la CCDP, alléguant qu’il avait été victime de discrimination en raison de sa [traduction] « race et de [ses] problèmes de santé, laquelle discrimination pourrait également être considérée comme une différence de traitement préjudiciable » (voir le dossier de la défenderesse, onglet 1, pages 8 à 11).

 

[9]               Dans son rapport fondé sur les articles 40 et 41 et daté du 8 avril 2011, la CCDP a conclu que M. Lawrence était assujetti à une convention collective et qu’il avait un autre recours à sa disposition. Elle a également conclu qu’elle n’avait aucun renseignement concernant une décision définitive qui aurait été rendue dans l’autre recours, mais elle a compris que la procédure de règlement des griefs suivait son cours et que l’arbitrage avait été fixé au 5 avril 2011 (voir le dossier du demandeur, page 14). La CCDP a formulé la recommandation suivante :

[traduction] [...] Il est recommandé, conformément à l’alinéa 41(1)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que la Commission ne statue pas sur la plainte à l’heure actuelle :

 

parce que le plaignant devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts. À l’issue desdites procédures, le plaignant pourra demander à la Commission de réactiver la plainte. (Voir le dossier de la défenderesse, onglet 1, page 25.)

 

[10]           Le 12 mai 2011, les griefs de M. Lawrence ont été réglés et le protocole d’entente a été signé par le STTP au nom de M. Lawrence et par Postes Canada. Les conditions du règlement sont les suivantes :

[traduction]

1.                        La Société convient de retirer du dossier du plaignant les lettres datées des 6, 11, 20 et 26 août, des 14 et 22 septembre et du 3 octobre 2010, de redonner au plaignant son poste d’attache de PO4 à temps plein dans la section de la distribution des colis et de l’affecter au quart 3 à compter du 15 mai 2011.

 

2.                        La Société convient qu’il ne sera pas tenu compte des lettres envoyées à M. Lawrence depuis le 3 octobre 2010 au sujet d’un paiement en trop et que toutes les questions liées aux salaires et avantages et aux arrérages connexes seront réglées dans la présente entente.

 

3.                        La Société modifiera les banques de congé du plaignant en accordant à celui-ci un crédit de 80 heures de vacances payées et un crédit de 80 heures de congé de maladie qu’il pourra utiliser ultérieurement. De plus, étant donné que ces vacances auraient dû être prises au cours de l’année de congé 2010‑2011, M. Lawrence pourra les prendre en dehors de la période de vacances normale de sa section, pourvu simplement qu’il en avise la Société dix (10) jours ouvrables à l’avance.

 

4.                        La Société versera au plaignant une indemnité globale de 25 000 $ au titre du salaire perdu pour la période allant du 1er août 2010 au 13 mai 2011. De plus, l’employeur remboursera à l’Assurance-emploi un montant de 11 425 $ à même ce montant global, et le montant qui reste sera assujetti aux retenues légales comme l’impôt sur le revenu, les cotisations syndicales et les avantages.

 

5.                        Le plaignant est réputé être un employé pour la période allant du 1er août 2010 au 13 mai 2011. La Société paiera la part patronale des cotisations aux régimes d’avantages pour la période susmentionnée. De plus, le plaignant sera tenu de payer sa part des cotisations aux régimes d’avantages pour la même période. Si la Great West Life refuse d’assurer le plaignant pour la période susmentionnée, la Société versera à celui-ci une indemnité à l’égard de la protection à laquelle il avait droit.

 

6.                        L’arbitre MacLellan demeure saisi du dossier en cas de problèmes entre les parties relativement à la mise en oeuvre du présent règlement.

 

[11]           Le 9 juin 2011, M. Lawrence a demandé que sa plainte soit réactivée auprès de la CCDP, parce que Postes Canada n’avait jamais reconnu qu’il ne pouvait pas travailler de nuit en raison de son état de santé.

 

[12]           La CCDP a préparé un rapport supplémentaire au sujet de la demande de réactivation de M. Lawrence. Elle a décidé de ne pas statuer sur la plainte parce qu’[traduction] « il semble que toutes les allégations liées aux droits de la personne ont été réglées et que toutes les réparations demandées ont été accordées. Bien que le plaignant soit préoccupé par l’absence de clause reconnaissant qu’il ne peut travailler de nuit, cette lacune ne suffit pas à elle seule pour que la Commission statue sur la plainte. Si le plaignant le souhaite, il peut soulever la question auprès de l’arbitre qui a supervisé le règlement et qui semblerait être l’instance la mieux placée pour examiner la question à ce moment-ci » (voir le dossier de la défenderesse, onglet 1, page 49).

 

[13]           Le 26 septembre 2011, M. Lawrence a transmis ses commentaires concernant le rapport supplémentaire de la CCDP. Il a formulé des observations au sujet de son état de santé et a fait valoir qu’il avait fourni à Postes Canada une preuve médicale établissant clairement qu’il était incapable de travailler de nuit.

 

[14]           Le 31 octobre 2011, la CCDP a examiné la plainte de M. Lawrence et conclu qu’elle n’était pas tenue de statuer sur celle-ci en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi.

 

[15]           Le 8 novembre 2011, M. Lawrence a déposé la présente demande de contrôle judiciaire visant la décision de la CCDP de ne pas statuer sur sa plainte en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi.

 

III.       La disposition législative

 

[16]           L’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6, est libellé ainsi :

 (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

[…]

d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi;

 

 (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

. . .

(d) the complaint is trivial, frivolous, vexatious or made in bad faith; or

 

 

IV.       Les questions en litige et la norme de contrôle

 

A.                Les questions en litige

1.         La Cour a-t-elle compétence pour faire droit à la demande de réparation de M. Lawrence en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales?

2.         La CCDP a-t-elle commis une erreur en décidant de ne pas statuer sur la plainte de M. Lawrence en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi?

 

B.                 La norme de contrôle

 

[17]           Dans Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, [2011] RCS 160, la Cour suprême du Canada a précisé au paragraphe 26 que « c’est généralement la norme de la décision raisonnable qui s’applique dans les cas suivants : (1) la question se rapporte à l’interprétation de la loi habilitante (ou “constitutive”) du tribunal administratif ou à “une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie” ».

 

[18]           Dans Chan c Canada (Procureur général), 2010 CF 1232, la Cour fédérale a décidé qu’il faut appliquer la norme de la décision raisonnable aux décisions de la CCDP de ne pas statuer sur une plainte en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi.

 

[19]           Le caractère raisonnable des décisions faisant l’objet d’un contrôle judiciaire « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACF no 9, au paragraphe 47).

 

V.        Les observations des parties

 

A.        Les observations de M. Lawrence

 

[20]           M. Lawrence demande à la Cour de rendre une ordonnance annulant ou infirmant la décision de la CCDP de ne pas statuer sur sa plainte.

 

[21]           M. Lawrence demande également une lettre dans laquelle Postes Canada affirme consentir à un accommodement permanent quant au quart de travail. Il demande en outre une [traduction] « indemnité pour préjudice moral ainsi qu’une indemnité pour la différence de traitement, laquelle était délibérée et irresponsable » (voir le dossier de demande de M. Lawrence, page 2).

 

[22]           De plus, il exige une lettre d’excuses de Postes Canada ainsi que les dépens de la présente demande.

 

[23]           Au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, M. Lawrence a joint une copie de la recommandation de son médecin ainsi qu’un affidavit étayant la nécessité pour lui d’obtenir un accommodement permanent quant au quart de travail (voir le dossier du demandeur, pages 32, 33 et 39).

 

B.        Les observations de Postes Canada

 

[24]           Postes Canada soutient que les réparations pouvant être obtenues dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire se limitent à celles qui sont décrites au paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales. La défenderesse cite Whitehead c Première nation de Pelican Lake, [2010] 2 CNLR 371, où le juge Shore s’est exprimé comme suit au paragraphe 53 : « [...] il est notoire que la Cour fédérale n’est pas habilitée à prononcer de dommages-intérêts dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire ».

 

[25]           En conséquence, Postes Canada fait valoir que la Cour fédérale n’a pas compétence pour accorder une indemnité pour le préjudice dans le cadre de la présente demande, ni pour lui ordonner de remettre à M. Lawrence une lettre d’excuses puisque cette réparation n’est pas prévue au paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[26]           Postes Canada ajoute que la CCDP a examiné le processus de règlement des griefs et le règlement et a conclu à juste titre que toutes les allégations relatives aux droits de la personne avaient été réglées et que toutes les réparations demandées avaient été accordées. La CCDP a formulé la remarque suivante :

[traduction] Bien que le plaignant soit préoccupé par l’absence de clause reconnaissant qu’il ne peut travailler de nuit, cette lacune ne suffit pas à elle seule pour que la Commission statue sur la plainte.

 

Si le plaignant le souhaite, il peut soulever la question auprès de l’arbitre qui a supervisé le règlement et qui semblerait être l’instance la mieux placée pour examiner la question à ce moment‑ci ». (Voir le dossier de la défenderesse, onglet 1, page 58.)

 

[27]           Postes Canada affirme que la décision de la CCDP est raisonnable, celle‑ci ayant conclu que l’allégation de discrimination avait été réglée devant l’arbitre. En conséquence, la CCDP s’est acquittée en bonne et due forme de sa fonction en matière d’examen préalable conformément à l’article 41 de la Loi. Au soutien de cette proposition, la défenderesse invoque English‑Baker c Canada (Procureur général), 2009 CF 1253, [2009] ACF no 1604.

 

[28]           De plus, la défenderesse s’appuie sur Société canadienne des postes c Barette, [2000] ACF no 539, [2000] 4 CF 145, au paragraphe 28, pour faire valoir que la CCDP a examiné de façon raisonnable la décision de l’arbitre.

 

[29]           Postes Canada conteste la prétention du demandeur selon laquelle les réparations qu’il sollicite ne peuvent être obtenues dans le cadre du processus de règlement des griefs. Selon la défenderesse, M. Lawrence aurait pu demander ces réparations devant l’arbitre. Ainsi, dans Calgary Board of Education c Alberta Teachers’ Assn. (Mackonka Grievance), [2002] AGAA No 10, l’arbitre Ponak a ordonné la remise d’une lettre d’excuses à titre de réparation.

 

[30]           Postes Canada cite également Ontario Public Service Employees Union c Ontario (Ministry of Community Safety and Correctional Services) (Latimer Grievance), [2004] OGSBA No 30, où l’arbitre a accordé au plaignant une indemnité de 7 500 $ pour préjudice moral et ordonné à l’employeur de lui remettre une lettre d’excuses.

 

[31]           Postes Canada soutient que M. Lawrence disposait d’un autre recours dans le cadre du processus de règlement des griefs. En effet, l’arbitre MacLellan demeure saisi de l’affaire si le plaignant est insatisfait de la mise en oeuvre des conditions de l’entente de règlement. L’arbitre a le pouvoir d’appliquer et de déterminer les obligations découlant de la Loi (voir Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c Syndicat des employés et employées de la fonction publique de l’Ontario, section locale 324, [2003] 2 RCS 157, 2003 CSC 42 [Parry Sound]).

 

VI.       Analyse

 

1.         La Cour a-t-elle compétence pour faire droit à la demande de réparation de M. Lawrence en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales?

 

[32]           M. Lawrence a expliqué à la Cour que sa situation n’est pas réglée parce qu’il n’a aucune garantie que Postes Canada ne l’affectera pas à nouveau au quart de nuit. Il n’a jamais reçu de lettre d’excuses ou d’indemnité financière satisfaisante et une partie du règlement n’a pas encore été mise en oeuvre.

 

[33]           La Cour ne peut accorder aucune partie des réparations que M. Lawrence sollicite.

 

[34]           Comme il l’a mentionné dans son avis de demande daté du 8 novembre 2011, M. Lawrence demande à la Cour de lui accorder les réparations suivantes :

[traduction]

1.      Une indemnité pour préjudice moral.

2.      Une indemnité spéciale pour la différence de traitement dont j’ai fait l’objet, laquelle était délibérée et irresponsable.

3.      La reconnaissance par la Société canadienne des postes du fait que je ne peux travailler de nuit, afin que cette différence de traitement ne se répète pas à l’avenir.

4.      Des excuses écrites de la Société canadienne des postes.

5.      Une ordonnance m’accordant les dépens de la présente demande.

6.      Une ordonnance annulant ou infirmant la décision de la Commission canadienne des droits de la personne et lui renvoyant l’affaire.

 

[35]           Le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales est libellé ainsi :

 (3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

 (3) On an application for judicial review, the Federal Court may

 

 

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

 

 

[36]           Il est bien reconnu que la Cour n’a pas compétence, en vertu du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, pour accorder des dommages-intérêts dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire (voir Canada (Procureur général) c TeleZone Inc, [2010] 3 RCS 585; Al‑Mhamad c Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), 2003 CAF 45, [2003] ACF no 145, au paragraphe 3). Selon le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour doit chercher principalement à savoir si le tribunal dont la décision fait l’objet du contrôle a exercé correctement les pouvoirs que lui confère sa loi habilitante. En conséquence, la Cour ne peut pas accorder des dommages-intérêts, ni ordonner à Postes Canada de reconnaître par écrit l’incapacité de M. Lawrence de travailler de nuit. Qui plus est, elle n’est pas habilitée à ordonner à Postes Canada de présenter des excuses par écrit à M. Lawrence.

 

[37]           Dans la présente affaire, la Cour peut réviser la décision de la CCDP pour savoir si celle‑ci s’est correctement acquittée de son obligation envers M. Lawrence lorsqu’elle a décidé de ne pas statuer sur la plainte qu’il avait déposée et se prononcer sur les dépens de la présente demande.

 

2.         La CCDP a-t-elle commis une erreur en décidant de ne pas statuer sur la plainte de M. Lawrence en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi?

 

[38]           La CCDP n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a décidé de ne pas statuer sur la plainte de M. Lawrence, pour les motifs exposés ci-après.

 

[39]           Pour savoir si la CCDP avait traité correctement la plainte de M. Lawrence, la Cour a passé en revue les précédents que la défenderesse a invoqués.

 

[40]           Dans Boudreault c Canada (Procureur général) (1995), 99 FTR 293, [1995] ACF n1055, la juge Tremblay-Lamer s’est fondée sur Burke c Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1987), 125 NR 239 (CAF), et Pitawanakwat c Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1987), 125 NR 237 (CAF), pour affirmer que si le demandeur « s’est prévalu des recours internes qui lui sont ouverts, la Commission ne peut refuser d’exercer sa compétence au motif que la chose est déjà jugée ».

 

[41]           De l’avis de la Cour, un examen approfondi des documents déposés montre que, dans la présente affaire, la CCDP ne s’est pas simplement fondée sur une décision antérieure lorsqu’elle a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire, mais elle a analysé attentivement l’entente de règlement. Comme la CCDP l’a mentionné dans son rapport supplémentaire :

[traduction] [...] la seule condition du règlement qui semble manquer est une clause reconnaissant que le plaignant ne peut travailler de nuit. Cependant, cette lacune ne semble pas constituer à elle seule une raison suffisante pour que la Commission statue sur la plainte à ce moment-ci; l’omission de la clause ne constitue pas en soi un acte de discrimination et il semble que le plaignant ne travaille pas de nuit à l’heure actuelle [...] Dans l’intervalle, si le plaignant est sérieusement préoccupé par l’omission de la clause, l’arbitre qui a supervisé le règlement demeure saisi de l’affaire et peut être invité à examiner la question. (Voir le dossier de la défenderesse, onglet 1, page 49.)

 

[42]           Dans son mémoire, M. Lawrence soutient que son médecin a demandé à la défenderesse de le transférer au quart de soir, ce qu’elle a refusé de faire (voir le dossier du demandeur, page 69). Cette demande a cependant été traitée à la clause 1 de l’entente de règlement du 12 mai 2011.

 

[43]           Il était raisonnable de la part de la CCDP de ne pas statuer sur la plainte de M. Lawrence. Si ce dernier sollicite un jugement déclaratoire portant qu’il est muté en permanence au quart du soir, la clause 6 prévoit que [traduction] « l’arbitre MacLellan demeure saisi du dossier en cas de problèmes entre les parties relativement à la mise en oeuvre du présent règlement » (voir le dossier de la défenderesse, onglet 1, page 28). Cette demande n’est liée à aucun acte de discrimination et devrait être examinée dans le cadre du processus de règlement des griefs engagé devant l’arbitre.

 

[44]           De plus, la Cour n’est pas d’avis que les réparations sollicitées par M. Lawrence ne pouvaient pas être obtenues dans le cadre du processus de règlement des griefs. [traduction] « L’arbitre dispose d’un large pouvoir lui permettant d’accorder une réparation en cas de violation d’une convention collective » (voir Greater Toronto Airports Authority c Public Service Alliance of Canada, Local 0004, 2011 ONSC 487, au paragraphe 45).

 

[45]           Dans Parry Sound, la Cour suprême du Canada a décidé qu’un arbitre a le pouvoir d’appliquer et de déterminer les obligations découlant de la législation relative aux droits de la personne. Il est évident que le STTP aurait pu négocier cette réparation avec Postes Canada et l’arbitre MacLellan.

 

[46]           L’indemnité et la lettre d’excuses ne font pas partie du règlement. Cela ne signifie pas que les parties à l’entente de règlement n’ont jamais discuté de ces questions. Par sa nature même, un règlement est un compromis.

 

VII.     Conclusion

 

[47]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. La CCDP est arrivée à une conclusion raisonnable en décidant de ne pas statuer sur la plainte de M. Lawrence avant que celui-ci ait épuisé tous ses recours devant l’arbitre.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                   La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                   Chaque partie paie ses propres dépens.

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1827-11

 

INTITULÉ :                                      WILLIAM A. LAWRENCE c

                                                            SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 12 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 5 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

William A. Lawrence

 

                            POUR LE DEMANDEUR

                            (POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Rebekah L. Powell

                            POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William A. Lawrence

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

                            POUR LE DEMANDEUR

                            (POUR SON PROPRE COMPTE)

Cox & Palmer

Halifax (Nouvelle-Écosse)

                            POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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