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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120607

Dossier : IMM-5365-11

Référence : 2012 CF 713

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

AMRI, MUHAMMAD ASLAM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Muhammad Aslam Amri, conteste le refus d’une agente d’immigration (l’agente) du Haut‑commissariat du Canada à Islamabad, au Pakistan, d’accueillir la demande de résidence permanente qu’il a présentée au titre de la catégorie de pays d’accueil décrite à l’article 147 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). L’agente n’était pas convaincue que le demandeur avait produit une information crédible en raison de contradictions concernant sa résidence au Pakistan.

 

I.          Le contexte

 

[2]               Le demandeur et sa famille sont originaires de l’Afghanistan, mais ils prétendaient s’être enfuis au Pakistan en 1998. Pendant qu’il vivait dans ce pays, le demandeur a présenté la demande de résidence permanente en cause en l’espèce afin de se réinstaller au Canada. Une entrevue a eu lieu le 29 novembre 2010, puis l’agente a rejeté la demande le 12 avril 2011.

 

[3]               Au cours de l’entrevue ainsi que dans la lettre de refus, l’agente a émis des doutes au sujet de la crédibilité de l’information fournie par le demandeur pour être admissible à titre de membre de l’une des catégories applicables. Sa prétention selon laquelle il avait quitté l’Afghanistan avec sa famille en 1998 contredisait directement l’information fournie par sa fille dans sa propre demande d’immigration au Canada en 2004 – qui indiquait qu’elle avait vécu à Kaboul toute sa vie.

 

[4]               Dans les notes qu’elle a inscrites dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI), l’agente fait état de l’explication donnée par le demandeur au sujet de cette contradiction : [traduction] « LES DEMANDEURS AFFIRMENT QUE, LORSQU’ELLE S’EST MARIÉE, SA BELLE‑FAMILLE L’A CONDUITE À KABOUL POUR QUE DES DOCUMENTS ET DES PASSEPORTS SOIENT DÉLIVRÉS. AFFIRMENT QUE SEULE LA FILLE EST ALLÉE À KABOUL, PAS LE RESTE DE LA FAMILLE ».

 

[5]               L’agente a néanmoins conclu :

[traduction] Ayant passé l’entrevue en revue et examiné la demande, les documents à l’appui et vos réponses à mes préoccupations, je ne peux pas, compte tenu du contexte des fraudes importantes, être raisonnablement convaincue de la crédibilité de votre demande. En conséquence, je ne peux pas être convaincue que vous êtes admissible à la réinstallation au titre de l’une des catégories susmentionnées.

 

II.        Les questions en litige

 

[6]               Les questions soulevées par le demandeur peuvent être résumées de la façon suivante :

 

a)         L’agente a-t-elle manqué à l’équité procédurale en s’appuyant sur une preuve extrinsèque?

 

b)         L’agente a-t-elle tiré des conclusions de fait erronées sans tenir compte de la preuve?

 

III.       La norme de contrôle

 

[7]               Les questions d’équité procédurale, comme celles qui concernent la preuve extrinsèque, sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte (voir, par exemple, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43; Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS 3).

 

[8]               Par contre, c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique à la décision de l’agente concernant de manière plus générale la question de savoir si le demandeur appartient à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou à celle de personnes de pays d’accueil (voir Nasir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 504, [2008] ACF no 634, au paragraphe 9; Kamara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 785, [2008] ACF no 986, au paragraphe 19).

 

IV.       Analyse

 

[9]               Le demandeur soutient que l’agente s’est appuyée sur une preuve extrinsèque – la demande d’immigration présentée par sa fille en 2004 – sans lui donner véritablement la possibilité de répondre à cette preuve. Il n’a pas été avisé au préalable du fait que l’agente s’appuierait sur cette information qui a constitué le fondement de la seule conclusion défavorable rendue à son égard. L’agente n’a pas expliqué pourquoi elle avait rejeté son explication pendant l’entrevue et n’avait pas tenu compte des documents confirmant que sa famille résidait au Pakistan depuis 1998, par exemple un certificat de naissance et l’information relative à la scolarité des enfants. Selon le demandeur, l’agente n’a tout simplement pas étudié sa demande.

 

[10]           Le défendeur soutient que le demandeur a eu la possibilité de répondre aux préoccupations de l’agente suscitées par l’information que contredisait directement le dossier d’immigration de sa fille. Le demandeur devait satisfaire aux deux volets du critère prévu par l’article 147 du Règlement. Ainsi, a) il devait se trouver hors de son pays de nationalité ou de résidence habituelle et b) une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne avaient eu et continuaient d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui. Or, le demandeur ne pouvait pas satisfaire au premier volet parce que l’agente a raisonnablement conclu que l’information concernant le fait qu’il se trouvait à l’extérieur de son pays de nationalité – l’Afghanistan – n’était pas crédible en raison de la contradiction.

 

[11]           Compte tenu de la jurisprudence pertinente, il ne fait aucun doute que s’appuyer sur une preuve extrinsèque, comme celle provenant du dossier d’immigration d’un autre membre de la famille, peut constituer un manquement à l’équité procédurale lorsque l’agent n’offre pas la possibilité d’expliquer les contradictions évidentes (voir Mushimiyimana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1124, [2010] ACF no 1402; Toma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 780, [2006] ACF no 1001).

 

[12]           J’estime cependant qu’il n’y a eu aucun manquement en l’espèce. Contrairement à ce qui s’est passé dans Mushimiyimana et, dans une certaine mesure, dans Toma, ci‑dessus, l’agente a expressément donné au demandeur la possibilité d’expliquer les contradictions révélées par le dossier d’immigration de sa fille.

 

[13]           L’explication fournie par le demandeur est indiquée dans les notes que l’agente a inscrites dans le STIDI. Celle‑ci était toujours d’avis, après avoir pris en considération cette explication de même que les autres éléments de preuve dont elle disposait, qu’elle n’était pas convaincue de la crédibilité du demandeur quant à son admissibilité à la réinstallation au titre de l’une des catégories mentionnées (à savoir la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières, celle de personnes de pays d’accueil ou celle de personnes de pays source). Comme sa conclusion tend à l’indiquer, l’agente a pris en compte la demande, l’entrevue, les documents à l’appui, les réponses du demandeur à ses préoccupations et le contexte des fraudes importantes. Vu tous ces éléments de preuve, il était raisonnable qu’elle rejette l’explication étant donné les contradictions évidentes et qu’elle détermine que le demandeur n’était pas crédible dans les circonstances.

 

V.        Conclusion

 

[14]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                              IMM-5365-11

 

INTITULÉ :                                            AMRI c

                                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                  ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 2 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                           Le 7 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Zahra Khedri

 

                            POUR LE DEMANDEUR

Khatidja Moloo-Alam

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Zahra Khedri

Avocat

East York (Ontario)

 

                            POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

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