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Date : 20120621

Dossier : IMM‑5358‑11

Référence : 2012 CF 798

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2012

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

ILDIKO JANTYIK

DANIEL BONA

TAMAS RINALDO RACZ

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu général

 

[1]               Madame Ildiko Jantyik, accompagnée de ses deux enfants, Daniel et Tamas, a quitté la Hongrie en 2009 et a demandé l’asile au Canada. Elle affirme qu’elle‑même et sa famille ont été persécutées par des skinheads en Hongrie en raison de leurs origines roms.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile de Mme Jantyik après avoir conclu que les personnes dans sa situation peuvent obtenir de l’État une protection de l’État en Hongrie. Mme Jantyik soutient que la Commission a rendu une décision déraisonnable parce qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve soumise, qui confirmait les mauvais traitements subis par les Roms de Hongrie et l’absence d’une protection de l’État. Elle me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience.

 

[3]               Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de la Commission. Celle‑ci a analysé la preuve d’une manière très détaillée et a tenu compte des réponses favorables obtenues par Mme Jantyik lorsqu’elle a demandé à l’État de la protéger. Par conséquent, ses conclusions n’étaient pas déraisonnables et je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               La seule question en litige est celle de savoir si l’analyse de la Commission sur la protection offerte par l’État était déraisonnable.

 

II.        La décision de la Commission

 

[5]               La Commission a passé en revue la jurisprudence se rapportant à la protection offerte par l’État, de même que la preuve relative à l’appareil étatique général en Hongrie. S’agissant de la population rom, elle a décrit les nombreuses mesures que la Hongrie a mises en œuvre pour améliorer les conditions de la minorité ethnique rom. Elle a conclu que, bien que la discrimination persiste, la protection de l’État est suffisante en Hongrie.

 

[6]               Puis la Commission a examiné les démarches que Mme Jantyik a faites pour obtenir de l’État une protection. Une fois, après que des skinheads eurent aspergé d’accélérant le chien de la famille et y eurent mis le feu, Mme Jantyik a appelé la police. La police est arrivée 30 minutes plus tard, mais les skinheads avaient déjà pris la fuite. Mme Jantyik n’a pas pu dire quelle mesure la police a prise pour enquêter sur cette affaire. Lorsqu’elle s’est rendue au poste de police pour savoir ce qu’il en était, on lui a dit de s’adresser au service du contrôle des animaux. La Commission a conclu que, eu égard aux circonstances, c’était là une réponse acceptable puisque la police n’avait aucun renseignement sur l’identité des auteurs.

 

[7]               Une autre fois, des hommes ont proféré des menaces contre Mme Jantyik et ses enfants alors qu’ils jouaient dans un parc. Madame Jantyik a appelé la police et celle‑ci est arrivée 30 minutes plus tard, mais les hommes avaient quitté les lieux. La police lui a conseillé d’être prudente.

 

[8]               Madame Jantyik a soutenu que la lenteur de la réaction de la police s’expliquait par le fait que personne n’avait été blessé. Cependant, la Commission a estimé qu’aucun élément ne contredisait l’affirmation du policier selon laquelle son service était à court d’effectifs. Mme Jantyik n’a pas déposé de plainte auprès de la police pour sa lenteur à réagir.

 

[9]               En 2009, Daniel a été blessé à la suite d’une rixe entre lui et des skinheads à Budapest. Mme Jantyik n’a pu se rappeler si elle avait dénoncé cette agression à la police. Elle a dit que la police ne vient pas en aide aux Roms. La Commission a estimé que la manière dont Mme Jantyik voyait la situation n’était pas étayée par la preuve.

 

[10]           En 2008, Mme Jantyik et ses enfants ont été pris à partie par des hommes dans un restaurant. Tous les trois ont subi des blessures et ont dû être hospitalisés. La police lui a demandé de décrire les agresseurs et a collé des affiches. Un mois plus tard, elle lui a posé d’autres questions et lui a dit qu’elle tentait d’identifier les agresseurs d’après leurs tatouages.

 

[11]           En 2009, Mme Jantyik a été appelée comme témoin d’un crime commis contre un Rom par l’un des membres d’un groupe extrémiste. Daniel a été agressé et prévenu que sa mère courait un danger si elle témoignait au procès. La police a conseillé à Mme Jantyik d’emmener ses enfants à la campagne jusqu’après le procès et lui a offert de l’escorter. Mme Jantyik a refusé. La police lui a également offert de l’emmener à l’aéroport lorsqu’elle a quitté la Hongrie. Elle a à nouveau refusé.

 

[12]           L’auteur de cette agression a été déclaré coupable et condamné à la prison. Or, Mme Jantyik craint de faire l’objet de représailles si elle devait retourner en Hongrie. La Commission a estimé que les poursuites engagées contre ce délinquant, ainsi que sa condamnation, indiquaient que les autorités hongroises prenaient au sérieux les crimes commis contre la population rom.

 

[13]           La Commission a aussi fait état d’autres incidents au cours desquels Mme Jantyik a été malmenée. Or, Mme Jantyik n’a pas signalé ces incidents à la police.

 

[14]           La Commission a conclu que Mme Jantyik n’avait pas fait toutes les démarches raisonnables pour obtenir une protection de l’État. Par ailleurs, la preuve indiquait que, lorsqu’elle avait communiqué avec la police, celle‑ci avait pris des mesures.

 

[15]           La Commission a aussi considéré la preuve documentaire se rapportant aux crimes dont des Roms avaient été victimes en Hongrie. Cette preuve révélait que les crimes avaient été suivis d’enquêtes, mais que l’action de la police n’avait pas donné de résultat. Cependant, depuis 2008, d’autres mesures avaient été prises pour sévir contre leurs auteurs. Des suspects ont depuis été arrêtés. D’autres preuves indiquaient que des enquêtes policières portant sur certains crimes commis contre les Roms avaient été bâclées, mais que les policiers chargés de ces enquêtes avaient été punis. Les rondes de police se sont également intensifiées dans les quartiers roms.

 

[16]           Se fondant sur l’ensemble de la preuve, la Commission a estimé que la Hongrie est disposée et apte à lutter contre la criminalité dont est victime la population rom. Mme Jantyik n’a donc pas réussi à prouver qu’elle avait raison de craindre la persécution à cause de ses origines roms.

 

III.       L’analyse de la Commission sur la protection offerte par l’État était‑elle déraisonnable?

 

[17]           Madame Jantyik fait valoir que la Commission a commis quatre erreurs. D’abord, elle n’a considéré que les « efforts » faits par la Hongrie pour enrayer les violences contre les Roms, sans se demander si les efforts en question étaient suffisants. Deuxièmement, elle n’a pas tenu compte du fait que Mme Jantyik s’était entendu dire par la police que celle‑ci ne pouvait pas la protéger. Troisièmement, la Commission a commis une erreur en concluant que Mme Jantyik avait été à juste titre aiguillée vers le service du contrôle des animaux après que des voyous eurent mis le feu à son chien. Quatrièmement, la Commission a écarté la preuve documentaire traitant du niveau des violences commises contre les Roms en Hongrie et de l’insuffisance des mesures prises par l’État.

 

[18]           À mon avis, la décision de la Commission n’était pas déraisonnable au vu de la preuve soumise.

 

[19]           La Commission ne s’est pas contentée de considérer les « efforts » déployés pour protéger les Roms. Elle a pris en compte les résultats obtenus, par exemple les enquêtes, les poursuites et les condamnations. Elle s’est aussi expressément penchée sur la manière dont la police avait répondu à chacun des incidents que Mme Jantyik avait portés à son attention.

 

[20]           Dans son exposé circonstancié, Mme Jantyik a mentionné que la police lui avait dit qu’il n’y avait rien qu’elle puisse faire après que son frère eut été agressé. Cependant, s’agissant des agressions dont avaient été victimes Mme Jantyik et ses enfants, la police avait réagi quand elle avait été appelée à le faire. La Commission a tenu compte de l’ensemble de la preuve entourant ces événements.

 

[21]           À première vue, on pourrait dire que la police s’est montrée insensible, voire cruelle, lorsqu’elle a suggéré à Mme Jantyik de consulter le service du contrôle des animaux après l’immolation de son chien. Cependant, Mme Jantyik avait témoigné que c’était ce service‑là qui avait mené l’enquête au départ. Par conséquent, le fait pour elle d’avoir été dirigée plus tard vers le service du contrôle des animaux n’était pas nécessairement le signe d’une indifférence de la police.

 

[22]           La Commission a fait une analyse détaillée de la preuve. Elle a reconnu que la population rom connaît de sérieuses difficultés et que parfois la réaction de l’État aux crimes dont elle est victime avait laissé à désirer. Elle n’a pas mentionné tous les éléments de preuve. Cependant, si je considère globalement ses motifs, je suis d’avis qu’elle a apprécié la preuve d’une manière suffisamment approfondie et équilibrée.

 

[23]           La conclusion ultime de la Commission, selon laquelle la preuve présentée par Mme Jantyik ne permettait pas de réfuter la présomption d’existence d’une protection de l’État, entrait dans la gamme des issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Cette conclusion n’était donc pas déraisonnable.

 

IV.       Décision

 

[24]           La conclusion de la Commission sur la question de la protection offerte par l’État n’était pas déraisonnable au vu de la preuve qui lui avait été soumise. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties ne m’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune question ne sera énoncée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5358‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  ILDIKO JANTYIK, ET AL c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 23 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 21 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jack Davis

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Sybil Thompson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Davis & Grice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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