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Date : 20120720

Dossier : IMM-7453-11

Référence : 2012 CF 910

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2012

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

BEYAN DUNOH CLARKE

 

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

[1]               En 2008, M. Beyan Dunoh Clarke, un réfugié du Libéria, a été déclaré coupable d’homicide involontaire coupable après avoir battu à mort le fils de deux ans de sa petite amie. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de huit ans.

 

[2]               En 2011, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (par l’entremise d’un délégué agissant en son nom) a estimé que M. Clarke était interdit de territoire au Canada pour grande criminalité, qu’il constituait un danger pour le public au Canada et qu’il devait être renvoyé au Libéria. Dans cette décision, le ministre a soupesé le risque que M. Clarke constituait pour les Canadiens et le risque auquel il était exposé au Libéria, ainsi que les considérations d’ordre humanitaire qui lui étaient favorables.

 

[3]               M. Clarke prétend que la décision du ministre était déraisonnable, parce que celui‑ci n’a pas tenu compte du risque auquel il est exposé au Libéria et des facteurs d’ordre humanitaire qui lui sont favorables. Il prétend également qu’il a été traité injustement, parce que le ministre s’est appuyé sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été divulgués. Il me demande d’annuler la décision du ministre.

 

[4]               Je ne vois aucune raison d’annuler la décision du ministre. Celui‑ci a effectué une analyse minutieuse des éléments de preuve pertinents et a mis en balance les facteurs applicables. Sa conclusion pouvait se justifier compte tenu des faits et du droit. De plus, le ministre n’a pas traité injustement M. Clarke; il ne s’est pas appuyé sur une preuve extrinsèque.

 

[5]               Les questions suivantes sont en litige en l’espèce :

 

1.         L’analyse des éléments de preuve pertinents effectuée par le ministre était‑elle déraisonnable?

2.         Le ministre a-t-il traité injustement M. Clarke en s’appuyant sur des documents qui ne lui avaient pas été divulgués?

 

II.        Le cadre juridique

[6]               En règle générale, les réfugiés ne peuvent être renvoyés à un endroit où ils risquent d’être persécutés ou de subir d’autres mauvais traitements graves (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], paragraphe 115(1) – les dispositions sont reproduites en annexe). Ce principe ne s’applique pas cependant lorsque la personne est interdite de territoire au Canada pour grande criminalité et qu’elle constitue un danger pour le public au Canada (alinéa 115(2)a)).

 

[7]               Pour savoir si un réfugié peut être renvoyé du Canada, le ministre doit soupeser le risque auquel le réfugié est exposé et le danger qu’il constitue pour le public au Canada (Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 126). Il doit également, pour respecter les droits garantis à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, déterminer si, dans l’éventualité où il serait renvoyé, le réfugié sera probablement exposé à une menace à sa vie, à sa liberté ou à la sécurité de sa personne, et mettre ce risque en balance avec la nature et la gravité de la conduite du réfugié au Canada, le danger qu’il constitue pour les Canadiens et les considérations d’ordre humanitaire qui lui sont favorables (Suresh, aux paragraphes 76 à 79; Ragupathy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 151, au paragraphe 19).

 

[8]               En fait, la question à poser est de savoir si le renvoi de la personne du Canada serait une mesure exagérément sévère, compte tenu du risque qu’elle constitue pour les Canadiens, du risque de préjudice auquel elle serait exposée et des considérations d’ordre humanitaire en cause. De toute évidence, la personne sera presque toujours exposée à un certain risque de persécution ou d’un autre préjudice si elle est renvoyée du Canada, puisqu’elle aura déjà fait la preuve d’une crainte fondée de persécution ou d’un risque important de subir un autre type de préjudice dans son pays d’origine. Par conséquent, il n’est pas suffisant de démontrer qu’il existe un risque en soi pour empêcher le renvoi si la personne est interdite de territoire pour grande criminalité. Pour que la personne soit autorisée à demeurer au Canada, il faut que les risques et les difficultés associés à son renvoi soient plus importants que le danger qu’elle constitue pour les Canadiens.

 

III.       La décision du ministre

[9]               Le ministre a conclu que M. Clarke était interdit de territoire au Canada à cause de sa condamnation pour homicide involontaire coupable. Il a ensuite examiné les circonstances relatives à l’infraction et la conduite de M. Clarke avant et après l’infraction, puis la nature du risque auquel il serait exposé s’il était renvoyé du Canada vers le Libéria et les considérations d’ordre humanitaire qui lui étaient favorables.

 

(a)        L’infraction

 

[10]           M. Clarke vivait avec sa petite amie, Mme Georgia Swaray, et le fils de deux ans de celle‑ci, Alfread. En février 2006, il a crié après Alfread et l’a frappé avec une ceinture. Le jeune garçon a eu des ecchymoses dans le dos et, le lendemain, il était léthargique. Plus tard au cours du même mois, Mme Swaray a donné à manger à Alfread pendant que M. Clarke était au travail, malgré le fait que celui‑ci le lui avait interdit. Lorsqu’il est revenu à la maison, M. Clarke s’en est rendu compte et il a battu Alfread jusqu’à ce qu’il repose inerte sur le plancher. Mme Swaray a porté Alfread dans son lit. Elle n’a pas vérifié l’état de son fils avant d’aller au travail le lendemain matin. M. Clarke lui a téléphoné peu de temps après et lui a demandé de revenir à la maison. Lorsqu’elle est arrivée, Alfread était mort dans le baignoire. M. Clarke n’a pas cherché à obtenir de l’aide.

 

[11]           Alfread est mort d’un traumatisme cérébral. Son corps était couvert d’ecchymoses et il montrait des signes de déshydratation et d’absence d’alimentation.

 

(b)        La conduite de M. Clarke

[12]           M. Clarke avait été accusé de violence familiale en 2005, mais les procédures relatives à ces accusations ont été arrêtées en 2007. Il était allégué que M. Clarke avait battu l’enfant de neuf mois de sa petite amie de l’époque.

 

[13]           M. Clarke a été arrêté pour homicide involontaire coupable relativement à la mort d’Alfread, puis il a été libéré sous caution. Il a cependant contrevenu à deux reprises aux conditions de sa libération et il a été déclaré coupable à cet égard.

 

[14]           Le Service correctionnel du Canada [le SCC] a évalué M. Clarke et a conclu qu’il n’éprouvait aucun remords au regard de sa conduite. Il tentait de justifier ses actes, les attribuant en partie à des facteurs culturels.

 

[15]           M. Clarke a toutefois écrit une lettre d’excuses à la famille de la victime. Il jouit du soutien de sa famille, de ses amis et de son église. Il a participé un certain nombre de programmes en prison, dont l’un sur la prévention de la violence. Le SCC était tout de même d’avis qu’il présentait un risque de récidive de modéré à élevé et un risque modéré pour la sécurité publique.

 

[16]           Le ministre a examiné l’ensemble du dossier de M. Clarke, notamment toutes les observations présentées pour son compte. Selon lui, l’infraction d’homicide involontaire coupable est une infraction grave, et il a vivement critiqué la conduite de M. Clarke. En réponse à la prétention de M. Clarke selon laquelle des différences culturelles étaient en cause, le ministre a rappelé que le juge ayant infligé la peine avait dit que M. Clarke avait franchi la ligne entre la discipline et la violence [traduction] « peu importe la société à laquelle vous appartenez ». Les victimes du crime de M. Clarke – Mme Swaray et sa famille – avaient grandement souffert.

 

[17]           Le ministre a conclu que M. Clarke continuait de minimiser la gravité de sa conduite et présentait un risque [traduction] « sérieux » de récidive.

 

(c)        Le risque auquel M. Clarke serait exposé au Libéria

 

[18]           Le ministre a reconnu que la situation des droits de la personne était médiocre au Libéria. M. Clarke a souligné qu’il n’avait aucun endroit où habiter au Libéria et qu’il n’avait plus aucun rapport avec sa famille dans ce pays.

 

[19]           M. Clarke et sa famille ont quitté le Libéria en 1999 pour le Ghana, où ils ont vécu dans un camp de réfugiés. Son père ayant été un politicien de l’opposition au Libéria, la famille craignait d’être victime de persécution politique, ainsi que de persécution ethnique en raison de leur appartenance à la minorité mandingo.

 

[20]           La situation s’est toutefois améliorée au Libéria. Il y a notamment eu des réformes en matière de justice et de sécurité, de droits de la personne, de soins de santé et d’éducation. Il reste cependant des problèmes à régler en ce qui concerne les services de police, l’administration de la justice et les services correctionnels. Dans l’ensemble cependant, les choses se sont beaucoup améliorées depuis le départ de M. Clarke. Le ministre a conclu qu’il n’existait pas une possibilité sérieuse que M. Clarke soit exposé à de la persécution s’il était renvoyé du Canada.

 

(d)       Les considérations d’ordre humanitaire

 

[21]           Le ministre a noté que M. Clarke avait terminé ses études secondaires au Canada et qu’il occupait un emploi rémunéré à l’époque de l’infraction. Son père et sa belle‑mère lui apportent un soutien inconditionnel.

 

[22]           M. Clarke a deux filles, l’une née de sa relation avec Mme Swaray et l’autre, de sa relation avec une autre femme. Il n’entretient cependant aucun rapport avec ses enfants ou avec leurs mères.

 

[23]           Le ministre a conclu que M. Clarke n’était pas bien établi au Canada et que son renvoi du Canada ne lui causerait pas de difficultés importantes.

(e)        La conclusion

 

[24]           Le ministre a conclu que M. Clarke n’était pas exposé au risque de persécution ou de mauvais traitements graves au Libéria. Comme il constituait un grand danger pour le public au Canada, il devait être renvoyé. Les considérations d’ordre humanitaire qui lui étaient favorables n’étaient pas plus importantes que ce danger. M. Clarke pouvait donc être renvoyé du Canada sans qu’il y ait atteinte à ses droits garantis à l’article 7 de la Charte.

 

V.        Première question – L’analyse des éléments de preuve pertinents effectuée par le ministre était‑elle déraisonnable?

[25]           M. Clarke prétend que le ministre a accordé trop d’importance aux aspects obscènes de son crime et qu’il ne s’est pas intéressé à la véritable question en cause : le danger qu’il constituerait pour les Canadiens dans l’avenir. Il n’avait jamais été condamné auparavant, bien que le ministre ait fait allusion aux [traduction] « démêlés qu’il avait eus avec la justice dans le passé », à savoir les accusations qui avaient été déposées contre lui et qui avaient ensuite été retirées. En conséquence, le ministre a accordé un poids trop grand au danger que M. Clarke constituait pour les Canadiens et un poids trop faible aux considérations d’ordre humanitaire qui lui étaient favorables. En fait, quoique le ministre ait conclu que M. Clarke présentait un risque [traduction] « sérieux » de récidive, la preuve n’étayait pas cette conclusion. Le fait que l’infraction était grave ne signifiait pas que le risque de récidive était sérieux.

 

[26]           Comme il a été mentionné, il s’agit de déterminer si la personne devrait être renvoyée du Canada malgré le risque de mauvais traitements auquel elle pourrait être exposée dans son pays d’origine. Dans ce type d’affaires, on peut présumer que la personne sera exposée à un certain risque, puisqu’elle a déjà démontré qu’elle avait des raisons de demander l’asile au Canada. En conséquence, le ministre doit examiner l’importance de ce risque, ainsi que les difficultés que le renvoi créerait, et mettre ces facteurs en balance avec le risque que courraient les Canadiens si la personne était autorisée à demeurer au Canada. Une personne qui a commis un crime grave et qui constitue un danger pour les Canadiens devrait être renvoyée, sauf si cette mesure serait exagérément dure, compte tenu des risques et des difficultés auxquels la personne serait exposée en cas de renvoi.

 

[27]           Le ministre était d’avis que M. Clarke ne serait pas en danger s’il retournait au Libéria. Il n’avait pas besoin d’aller aussi loin – ce qui compte, c’est le degré de risque, non le fait qu’il n’existe aucun risque. Je ne peux cependant relever aucune erreur dans la façon dont le ministre a analysé la preuve relative au risque auquel M. Clarke serait exposé au Libéria.

 

[28]           M. Clarke souligne que des centaines de milliers de personnes ont été tuées au Libéria, alors que lui n’a tué qu’un seul Canadien. Tout bien considéré, il devrait donc être autorisé à demeurer au Canada. Il court au Libéria un danger plus grand que celui qu’il constitue pour le Canada.

 

[29]           À mon avis, cet argument de M. Clarke n’est pas convaincant. Premièrement, ce n’est pas ce qui s’est produit au Libéria dans le passé qui compte. (La guerre civile a pris fin en 2003.) Le ministre doit apprécier la situation actuelle et décider si M. Clarke court le risque de subir de mauvais traitements graves dans l’avenir. En l’espèce, le ministre a conclu que le risque auquel M. Clarke est exposé actuellement est faible, et je ne vois rien qui soit déraisonnable dans la façon dont le ministre a soupesé les éléments de preuve pertinents concernant cette question ou dans sa conclusion.

 

[30]           Deuxièmement, la question que le ministre devait trancher ne peut pas dépendre d’une comparaison du nombre de morts. Elle a trait à la nature et à l’importance du risque auquel M. Clarke serait exposé à son retour comparativement au danger qu’il constitue pour les Canadiens. À l’instar du ministre, je conviens que M. Clarke pourrait rencontrer des difficultés au Libéria, mais il a tué un enfant au Canada et il présente un risque de récidive. Ce sont ces facteurs qui doivent être soupesés, non le nombre de victimes de la guerre civile qui a fait rage au Libéria comparé au nombre de victimes de M. Clarke.

 

[31]           M. Clarke prétend également que le ministre n’avait pas le droit de tenir compte de l’accusation qui avait été déposée contre lui auparavant relativement à une autre agression commise à l’égard d’un enfant, puisqu’il y a eu arrêt des procédures. Le ministre a reconnu qu’il ne pouvait pas tenir compte d’accusations dont M. Clarke n’avait pas été déclaré coupable, mais il a fait remarquer que celui‑ci avait eu des [traduction] « démêlés [...] avec la justice dans le passé ».

 

[32]           Il est vrai que le ministre ne peut pas tenir compte d’accusations qui ont été retirées. Il peut toutefois prendre en considération les faits qui ont mené à ces accusations, parce que ces faits sont pertinents au regard du danger que la personne constitue pour les Canadiens (Thuraisingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 607, au paragraphe 35). En l’espèce, le ministre a noté les [traduction] « démêlés [que M. Clarke] avait eus avec la justice dans le passé » – faisant ainsi, il est vrai, indirectement référence aux accusations retirées –, mais il s’est appuyé sur les faits et les circonstances relatifs à ces allégations, non sur le simple fait que M. Clarke avait été accusé. Même s’il aurait peut‑être été préférable de ne pas employer l’expression [traduction] « démêlés qu’il avait eus avec la justice dans le passé », le ministre s’est clairement appuyé sur les faits sous‑jacents, lesquels ressemblaient de façon frappante à ceux ayant mené à la condamnation de M. Clarke, comme il avait le droit de le faire. Cette preuve était pertinente au regard de la question du danger que M. Clarke constituait pour les Canadiens.

 

[33]           En ce qui concerne l’emploi du mot [traduction] « sérieux » par le ministre pour décrire le risque de récidive que M. Clarke présentait, je note que le SCC a employé les termes [traduction] « de modéré à élevé » dans son évaluation. L’autre preuve démontrait que M. Clarke avait battu un enfant auparavant, n’avait manifesté aucun remords, avait minimisé la gravité de son crime et avait contrevenu aux conditions de sa libération sous caution. Dans les circonstances, je ne peux conclure que l’emploi du terme [traduction] « sérieux » par le ministre pour décrire le risque que M. Clarke commette un autre crime grave n’était pas conforme à cette preuve.

 

[34]           Enfin, M. Clarke affirme que le ministre n’a pas suffisamment tenu compte des conséquences de son renvoi sur le plan humanitaire. En particulier, le ministre n’a pas tenu compte des répercussions de son renvoi sur sa famille.

 

[35]           Le ministre a examiné une lettre dans laquelle M. Clarke écrit que son père et sa belle‑mère sont des parents merveilleux. Il a aussi mentionné les autres membres de la famille, à savoir les deux sœurs et le frère de M. Clarke. Le seul autre élément de preuve, dont le ministre n’a pas parlé, est une lettre dans laquelle le père de M. Clarke décrit les efforts déployés par ce dernier pour se réadapter et mentionne les deux enfants de son fils nées au Canada.

 

[36]           La preuve relative aux considérations d’ordre humanitaire favorables à M. Clarke dont le ministre disposait était manifestement insuffisante. Dans les circonstances, je ne peux trouver à redire à la façon dont le ministre a analysé cette preuve. Le ministre a mentionné les principaux éléments de preuve. Le fait qu’il n’a rien dit de la lettre du père de M. Clarke n’a eu aucune conséquence dans les circonstances.

 

[37]           Dans l’ensemble, je ne peux donc pas conclure que l’analyse des facteurs pertinents – risque, danger et difficultés – effectuée par le ministre était déraisonnable, vu la preuve dont celui‑ci disposait. Sa conclusion appartient aux issues acceptables, compte tenu des faits et du droit.

 

VI.       Deuxième question – Le ministre a-t-il traité injustement M. Clarke en s’appuyant sur des documents qui ne lui avaient pas été divulgués?

 

[38]           M. Clarke soutient que le ministre s’est appuyé sur deux documents dont il ne savait rien : un [traduction] « Rapport sur les aspects importants au regard du paragraphe 44(1) » et un [traduction] « Rapport circonstancié de l’ASFC visé à l’article 44 ».

 

[39]           En réalité, il appert que ces deux documents sont identiques, à l’exception de leur titre. M. Clarke reconnaît ce fait. En outre, le document se trouve non seulement dans le dossier certifié du tribunal, mais également dans le dossier du demandeur. En conséquence, il n’y a pas eu omission de le divulguer au demandeur et aucune injustice n’a été causée à M. Clarke.

VII.     Conclusion et décision

 

[40]           J’estime que la décision du ministre n’était pas déraisonnable et qu’elle n’a pas été rendue de manière injuste. Le ministre a tenu compte des éléments de preuve et des facteurs pertinents et a rendu une décision pouvant se justifier. En outre, il ne s’est pas appuyé sur des éléments de preuve qui n’avaient pas été divulgués à M. Clarke. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[41]           M. Clarke avait demandé une prorogation du délai dans lequel sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devait être déposée, et aucune ordonnance explicite n’a été rendue précédemment relativement à cette demande. Dans les circonstances, j’accorderai la prorogation demandée.

 

[42]           M. Clarke a soumis les questions suivantes afin que je les certifie :

[traduction]

1.                  Le délégué du ministre qui formule un avis de danger sous le régime du paragraphe 115(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés contrevient‑il à l’obligation de ne pas tenir compte d’accusations retirées en prenant en considération le fait que l’intéressé a eu des démêlés avec la justice dans le passé?

2.                  Le délégué du ministre qui formule un avis de danger sous le régime du paragraphe 115(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés a‑t‑il le droit de conclure à l’existence d’un risque sérieux de récidive si aucun des auteurs des rapports des services correctionnels ni le juge qui a infligé la peine n’est parvenu à une telle conclusion?

3.                  Le délégué du ministre devrait‑il, lorsqu’il prend en considération un avis de danger formulé sous le régime du paragraphe 115(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, traiter le risque auquel l’intéressé sera exposé à l’étranger s’il est renvoyé de la même façon ou d’une autre façon que le danger que constituera l’intéressé pour le Canada s’il est autorisé à demeurer ici?

4.                  Le délégué du ministre qui formule un avis de danger sous le régime du paragraphe 115(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés a‑t‑il l’obligation de prendre explicitement en considération les difficultés qui seraient causées à la famille de l’intéressé, en cas de renvoi, si la preuve démontre que les membres de la famille sont très unis et s’entraident?

5.                  Y a-t-il manquement à l’obligation d’équité si un document dont l’Agence des services frontaliers du Canada a tenu compte pour décider s’il y avait lieu de demander un avis de danger au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration sous le régime du paragraphe 115(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, mais qui n’a pas été pris en considération par le délégué du ministre qui a formulé l’avis de danger, n’a pas été divulgué au demandeur?

 

[43]           À mon avis, aucune de ces questions ne devrait être certifiée. La première question ne se pose pas, puisque j’ai conclu que le ministre avait tenu compte des faits et des circonstances relatifs à l’accusation retirée, non de l’accusation comme telle. Il n’est pas nécessaire d’énoncer la deuxième question, étant donné que la conclusion du ministre était étayée par la preuve. La troisième question a trait à la mise en équilibre des risques, un exercice qui est bien établi dans la jurisprudence. La quatrième question ne devrait pas être énoncée dans une affaire comme en l’espèce, parce que le ministre disposait de peu d’éléments de preuve concernant les difficultés qui seraient causées à la famille. Quant à la cinquième question, elle ne se pose pas, puisque tous les documents pertinents ont été divulgués.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                  La demande de prorogation de délai est accueillie;

2.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

3.                  Aucune question grave de portée générale n’est énoncée.

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


Annexe

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

Principe du non-refoulement

 

  115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

 

        (2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire:

 

a)      pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada;

 

 

 

Charte canadienne des droits et libertés

PARTIE I DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1982

Vie, liberté et sécurité

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Immigration and Refugee Protection Act [IRPA], SC 2001, c 27

 

Principle of Non-refoulement

 

  115. (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment.

 

 

        (2) Subsection (1) does not apply in the case of a person

 

(a)   who is inadmissible on grounds of serious criminality and who constitutes, in the opinion of the Delegate, a danger to the public in Canada;

 

Canadian Charter of Rights and Freedoms

PART I OF THE CONSTITUTION ACT, 1982

Life, liberty and security of person

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7453-11

 

INTITULÉ :                                      BEYAN DUNOH CLARKE c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 16 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 20 juillet 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

 

                            POUR LE DEMANDEUR

 

Nalini Reddy

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

                            POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur fédéral du Canada

Winnipeg (Manitoba)

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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