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Date : 20120720

Dossier : IMM-9476-11

Référence : 2012 CF 919

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2012

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

ALIM MOHAMED HANIFF

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Le contexte

 

[1]               M. Alim Mohamed Haniff, le demandeur dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire en cause, est un citoyen de la Guyana et se trouve au Canada depuis 1995. Entre les mois d’avril 2003 et de décembre 2006, il a été condamné au criminel à cinq reprises. De ce fait, par une décision datée du 26 octobre 2005, il a été frappé d’une mesure d’expulsion du Canada pour cause de « grande criminalité » en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Une mesure d’expulsion a été prononcée à son endroit.

 

[2]               Le demandeur a porté en appel la mesure d’expulsion, sollicitant un sursis à l’exécution de son renvoi. Dans une décision datée du 18 avril 2007, un tribunal de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a accordé à M. Haniff un sursis de quatre ans à l’exécution de la mesure d’expulsion, sous réserve de certaines conditions. En 2011, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) a demandé le réexamen du sursis, alléguant que le demandeur avait enfreint plusieurs conditions, plus précisément, de la manière suivante :

 

·                     le 28 août 2009, il a été reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies et d’avoir omis ou refusé de fournir un échantillon de sang;

 

·                     il n’a pas fourni de preuve qu’il avait suivi avec succès un programme de gestion de la colère, un programme de lutte contre la violence conjugale et un programme de traitement de la toxicomanie;

 

·                     il a accumulé des amendes impayées totalisant 3 230 $.

 

[3]               Une audience de réexamen a eu lieu le 10 novembre 2011, devant un commissaire de la SAI (le commissaire). Dans une décision datée du 18 novembre 2011, le commissaire a décidé que le sursis devait être révoqué. L’effet de cette décision a été le suivant : l’appel du demandeur contre son renvoi a été rejeté et le ministre peut exécuter la mesure de renvoi.

 

[4]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du commissaire.

 

II.        Les questions en litige

 

[5]               Les questions dont je suis saisie dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, questions qui ont été clarifiées lors d’observations faites de vive voix, sont les suivantes :

 

1.                  Le commissaire a-t-il accordé au demandeur une audience complète et équitable :

 

a)                  en permettant au ministre de produire tardivement des éléments de preuve, ce qui est contraire à l’article 30 des Règles de la Section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230 (les Règles de la SAI);

 

b)                  en restreignant le droit du demandeur d’interroger de nouveau sa mère, le seul autre témoin à l’audience;

 

c)                  en faisant indûment obstacle aux questions que l’avocat posait au demandeur ou à sa mère;

 

d)                 en faisant des déclarations qui équivalaient à fixer à l’avance l’issue de l’audience?

 

2.                  Le commissaire a-t-il omis de tenir compte de l’intérêt supérieur du jeune enfant du demandeur?

 

III.       Le cadre législatif

 

[6]               Je décrirai tout d’abord de manière succincte le cadre législatif auquel est soumise la demande de contrôle judiciaire.

 

[7]               Nul ne conteste que le demandeur est interdit de territoire au sens de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR pour cause de grande criminalité. Selon cette disposition, un résident permanent est interdit de territoire s’il a été déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale qui est punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois a été infligé. À cause de l’interdiction de territoire dont le demandeur faisait l’objet, l’alinéa 45d) obligeait la Section de l’immigration (la SI) à prendre une mesure de renvoi (il s’agit, en l’occurrence, de la mesure d’expulsion).

 

[8]               Selon le paragraphe 63(3) de la LIPR, il est possible d’interjeter appel de la décision de la SI devant la SAI. Après avoir examiné l’appel, la SAI, aux termes de l’article 66, statue sur cet appel comme suit : a) « il y fait droit conformément à l’article 67 », b) « il est sursis à la mesure de renvoi conformément à l’article 68 », ou c) « il est rejeté conformément à l’article 69 ».

 

[9]               L’article 68 de la LIPR porte sur les sursis relatifs aux mesures de renvoi. Conformément au paragraphe 68(1), pour pouvoir surseoir à l’exécution d’une telle mesure, la SAI doit être convaincue, en tenant compte de l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché, qu’il existe des motifs d’ordre humanitaire qui justifient, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales. Lorsqu’elle accorde un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, la SAI « impose les conditions prévues par règlement et celles qu’elle estime indiquées ».

 

[10]           Une fois que la SAI a sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi elle peut, sur demande ou d’office, reprendre l’appel (paragraphe 68(3)). Suivant le paragraphe 69(1), la SAI rejette l’appel s’il n’y est pas fait droit ou si le sursis n’est pas prononcé.

 

IV.       La norme de contrôle applicable

 

[11]           Comme l’a conclu la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, la norme de contrôle qui s’applique à une décision de la SAI est la raisonnabilité. Le juge Binnie a décrit cette norme au paragraphe 59 :

La raisonnabilité constitue une norme unique qui s’adapte au contexte. L’arrêt Dunsmuir avait notamment pour objectif de libérer les cours saisies d’une demande de contrôle judiciaire de ce que l’on est venu à considérer comme une complexité et un formalisme excessifs. Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles‑mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle‑ci fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable.

 

 

[12]           Les directives que donne la Cour suprême dans l’arrêt Khosa sont particulièrement utiles, car il était question dans cette affaire d’une personne qui se trouvait dans une situation semblable à celle du demandeur en l’espèce. Dans Khosa, un jeune homme avait été jugé interdit de territoire au Canada pour cause de grande criminalité et la SAI avait rejeté l’appel interjeté en vertu de l’alinéa 67(1)c). Au paragraphe 57 de l’arrêt, le juge Binnie a expliqué quelle est la tâche de la SAI :

Reconnaissant que le renvoi peut entraîner des difficultés, le législateur a prévu à l’al. 67(1)c) un pouvoir de prendre des mesures exceptionnelles. Selon la nature de la question que pose l’al. 67(1)c), la SAI « fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé [. . .] il y a [. . .] des motifs d’ordre humanitaire justifiant [. . .] la prise de mesures spéciales ». Il revient à la SAI de déterminer non seulement en quoi consistent les « motifs d’ordre humanitaire », mais aussi s’ils « justifient » la prise de mesures dans un cas donné.  L’alinéa 67(1)c) exige que la SAI procède elle‑même à une évaluation liée aux faits et guidée par des considérations de politique. 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[13]           La question de l’équité procédurale de l’audience tenue devant le commissaire n’est pas susceptible de contrôle en fonction d’une norme de contrôle quelconque; soit l’audience a été équitable, soit elle ne l’a pas été.

 

V.        L’analyse

 

A.        La question no 1 : l’équité

 

[14]           À l’appui de son argument selon laquelle l’audience tenue devant le commissaire a été inéquitable, le demandeur fait état de quatre problèmes qui, d’après lui, ont donné lieu à une audience inéquitable.

 

[15]           Le doute le plus sérieux que j’ai au sujet de ces problèmes est que, durant l’audience, l’avocat du demandeur n’a fait état d’aucun des problèmes qui sont maintenant soulevés. Le demandeur ou son avocat n’ont jamais tenté d’interroger le commissaire sur ses interventions, demandé un ajournement ou présenté une requête pour que le commissaire se récuse. Il incombe à une personne qui souhaite faire infirmer une décision pour ce motif de faire état à la première occasion de toute allégation d’iniquité ou de partialité (voir, p. ex., In re Tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada Limitée (1985), [1986] 1 CF 103 (CA), 24 DLR (4th) 675, et Yassine c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 172 NR 308, au paragraphe 7 (CAF), 27 Imm LR (2d) 135). Comme l’a fait remarquer le juge Near dans la décision Zhong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 279, au paragraphe 22, [2011] ACF no 323 (QL) :

Il ressort de la jurisprudence de la Cour que le défaut de s’opposer en temps utile à tout manquement perçu à la justice naturelle équivaut à une renonciation tacite à tout manquement de cette nature qui aurait pu se produire (Kamara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 448, 157 ACWS (3d) 398, au paragraphe 26).

 

[16]           En réponse, le demandeur soutient que son avocat a été vraisemblablement [traduction] « intimidé » par le commissaire. Cela n’est tout simplement pas une excuse pour qu’un avocat permette qu’une audience censément inéquitable se poursuive.

 

[17]           Cela suffit pour trancher la question. Cependant, un examen des interventions censément inéquitables révèle que ces dernières, soit séparément soit cumulativement, ne montrent pas que l’audience a été inéquitable.

 

[18]           Le premier souci du demandeur a trait à un ensemble de documents que le ministre a télécopiés à la SAI et au demandeur (l’ensemble de documents du 4 novembre) six jours avant le début de l’audience. L’ensemble de documents du 4 novembre met en doute la crédibilité du témoignage du demandeur au sujet de sa petite amie (AR). Ce dernier reconnaît que les Règles de la SAI permettent que des éléments de preuve soient produits tardivement, à la discrétion du commissaire, mais il soutient que celui-ci a commis une erreur en admettant ces éléments de preuve. Je ne suis pas d’accord.

 

[19]           À l’audience, l’avocat du demandeur s’est opposé à l’admissibilité de l’ensemble de documents du 4 novembre au motif que : 1) il n’avait reçu ces documents que six jours avant l’audience, et 2) ces documents n’étaient pas directement pertinents quant au demandeur. Le commissaire a examiné les arguments de l’avocat et a conclu que les documents étaient pertinents et qu’ils avaient une valeur probante. Il a de plus expliqué que le demandeur aurait la possibilité de traiter des éléments de preuve.

 

[20]           En plus du fait que le demandeur, en ne faisant pas objection, a implicitement renoncé à son objection, je note que son avocat a reçu les documents six jours avant l’audience. L’avocat et le demandeur ont donc eu six jours pour préparer une réponse. En fait, il ressort de la transcription de l’audience que le demandeur a pu traiter de ces éléments de preuve quand l’avocat du ministre l’a interrogé et que, en fait, il avait réfléchi aux éléments de preuve contestés et en avait discuté avec AR avant l’audience. Il convient également de signaler que le demandeur semble avoir tenté de dissimuler ces éléments de preuve lors de l’interrogatoire principal, car il a laissé entendre que le seul obstacle qui l’empêchait d’épouser AR était son besoin de se développer personnellement. Cependant, en réponse à une question du commissaire, le demandeur a admis que [traduction] « la véritable raison » qui l’empêchait d’épouser AR était le fait qu’elle était déjà mariée.

 

[21]           L’admission en preuve de l’ensemble de documents du 4 novembre n’était pas un manquement à la justice naturelle.

 

[22]           Le deuxième argument du demandeur est que le commissaire a manqué aux règles d’équité procédurale en tenant l’audience à la hâte. Là encore, je ne vois aucune erreur dans la façon dont le commissaire s’est comporté.

 

[23]           À part le demandeur, sa mère a été la seule personne à témoigner à l’audience. Le demandeur soutient que le commissaire a manqué aux règles de l’équité procédurale en limitant les questions que son avocat posait à sa mère ou en l’obligeant à procéder rapidement. Après sept pages de questions de l’avocat du demandeur et près de sept pages de questions de l’avocat du ministre, l’avocat du demandeur a fait savoir qu’il avait [traduction] « quelques questions » à poser en réinterrogatoire. Le bref échange suivant s’est ensuite déroulé entre l’avocat du demandeur et le commissaire :

[traduction]

LE COMMISSAIRE : Soyez bref, maître, parce qu’il sera bientôt midi. Il y a eu beaucoup de questions et de réponses jusqu’ici lors de cette audience et il faut que j’entende les plaidoiries. Je veux donc avoir fini d’ici midi. En fait, il faut que j’aie fini avant midi.

 

L’AVOCAT :            Je serai bref. […]

 

[24]           L’avocat du demandeur a ensuite posé quatre questions à la mère du demandeur. Après que le commissaire eut refusé d’admettre en preuve des documents concernant l’achat du domicile familial, l’avocat du demandeur a convenu de présenter sa plaidoirie :

[traduction]

LE COMMISSAIRE : Très bien, maintenant, la plaidoirie de l’avocat.

 

L’AVOCAT :            Oui. [.]

 

[25]           Même si le fait qu’un tribunal administratif puisse priver une partie d’une audience équitable en la pressant d’agir (voir, p. ex., Mazouni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1519 au paragraphe 8, [2003] ACF no 1927 (QL)), ce ne semble pas être le cas en l’espèce. Le tribunal n’a pas empêché l’avocat de réinterroger le témoin. Le demandeur n’a fait état d’aucun élément de preuve qu’il aurait produit si on lui avait donné plus de temps.

 

[26]           Dans ces circonstances, le fait que le commissaire a dit à l’avocat d’être « bref » n’a pas empêché le demandeur de bénéficier d’une audience complète et équitable, ni n’a enfreint les principes de la justice naturelle ou de l’équité procédurale.

 

[27]           Le demandeur soutient par ailleurs qu’il a été privé du droit à une audience complète et équitable parce que le commissaire a [traduction] « semblé “plaider” » l’affaire en interrompant l’interrogatoire principal de son avocat pour [traduction] « poser ses propres questions ». Là encore, je ne suis pas d’accord.

 

[28]           Un examen de la transcription ne montre pas que le commissaire a posé des questions intrusives ou que ces interruptions ont empêché le demandeur de présenter ses arguments.

 

[29]           L’arrêt Kumar c Canada (1987), [1988] 2 CF 14 (CA), 81 NR 157 [Kumar] qu’invoque le demandeur se fonde est différente de l’espèce. Dans l’arrêt Kumar, précité, au paragraphe 18, la Cour d’appel conclut que le demandeur a été privé du droit à la justice naturelle à cause de « l’intervention flagrante [du président] dans la présentation ordonnée de [sa] cause ». En arrivant à cette conclusion, la Cour d’appel fait remarquer que le président a fait plusieurs interventions « gênantes et intimidantes », dont le fait qu’il estimait qu’un contre-interrogatoire était inutile parce que « [c’]est l’une des affaires les plus ridicules que j’aie jamais entendues de ma vie » (Kumar, précité, au paragraphe 16). Les interventions que le commissaire a faites en l’espèce ressemblent fort peu à celles qui étaient en litige dans Kumar : les questions ont été posées de manière ordonnée, elles n’ont limité aucune des réponses du demandeur et elles n’ont dominé d’aucune manière l’interrogatoire principal.

 

[30]           À mon avis, les questions du commissaire ne donnent pas lieu à un déni de justice naturelle qui justifierait une intervention de la Cour.

 

[31]           Enfin, le demandeur prétend que le commissaire s’est présenté à l’audience en ayant préjugé l’affaire. Selon lui, cela a donné lieu à une audience inéquitable. Il soutient que les propos suivants, faits par le commissaire lors de la plaidoirie finale de l’avocat, dénotent que le commissaire avait préjugé du résultat :

[traduction]

L’AVOCAT : […] Monsieur, j’avance respectueusement qu’il convient de faire droit à cet appel ou, subsidiairement, qu’il convient de proroger le sursis.

 

LE COMMISSAIRE : Honnêtement, je ne vois pas comment vous pouvez raisonnablement soutenir que l’appel devrait être accueilli. C’est-à-dire que ce n’est pas… je ne fais pas habituellement pas de commentaires sur les observations que font les gens, mais je m’attends à ce que les gens présentent des observations sérieuses et raisonnables. Il y a eu ici plusieurs manquements graves : non-déclaration, une nouvelle infraction, deux chefs, en fait, deux déclarations de culpabilité. Comment pouvez-vous dire, face à tout cela, qu’il faudrait que je fasse tout simplement droit à l’appel. Je ne le comprends pas. Je ne comprends pas le fondement de cette observation.

 

[32]           Le commissaire, saisi de l’appel du demandeur, a déclaré au début de l’audience qu’il y avait trois issues possibles : 1) faire droit à l’appel et annuler concrètement la mesure d’expulsion, 2) maintenir le sursis sous réserve de certaines conditions, ou 3) rejeter l’appel. À en juger par ses commentaires – tant au début de l’audience que, comme il a été signalé plus tôt, à la fin de cette dernière –, il semble que le commissaire a exclu la possibilité de faire droit à l’appel. Compte tenu de l’ampleur et de la nature des manquements du demandeur aux conditions dont son sursis était assorti, le commentaire du commissaire n’était pas surprenant ou déraisonnable. Aucun des éléments de preuve présentés n’a changé le fait que le demandeur avait de longs antécédents criminels et avait sérieusement enfreint les conditions de son sursis. Cependant, ce qui importe davantage c’est que le commissaire n’a visiblement pas écarté la possibilité de maintenir le sursis et qu’il a entrepris, après le commentaire qui précède, d’écouter attentivement les observations de l’avocat du demandeur sur cette possibilité.

 

[33]           Il ressort de la transcription que, quand le commissaire a fait état de son point de vue sur la possibilité de faire droit l’appel, l’avocat a accepté ce résultat sans poser de questions et a continué de plaider la position subsidiaire de son client. Au vu de ces faits, il n’y a pas eu d’erreur.

 

[34]           Dans l’ensemble, en me fondant sur mon interprétation de l’historique de l’affaire ainsi que sur la transcription de l’audience, je conclus que l’audience a été menée conformément aux règles de l’équité procédurale. Les quatre exemples que le demandeur a cités, lorsqu’on les considère dans le contexte du dossier tout entier, ne m’amènent pas à douter de l’équité du processus.

 

B.        La question no 2 : l’intérêt supérieur de l’enfant

 

[35]           Même s’il ne vit pas avec son enfant, le demandeur est le père d’un jeune garçon vivant au Canada. Le demandeur affirme que le commissaire a omis de prendre en considération l’intérêt supérieur de son fils au moment de décider s’il fallait maintenir le sursis.

 

[36]           Comme l’exige le paragraphe 68(1) de la LIPR, la SAI doit tenir compte de l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché par sa décision de surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi. Il est toutefois bien établi que l’intérêt d’un enfant n’est pas déterminant. La SAI se doit d’examiner tous les facteurs qui s’appliquent au sursis. Ces facteurs sont appelés les « facteurs énoncés dans Ribic », parce qu’ils ont été énoncés pour la première fois dans la décision Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] IABD no 4 (QL) (la décision Ribic), laquelle a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 RCS 84. C’est à la SAI qu’il incombe de pondérer ces facteurs. Comme il a été mentionné plutôt, dans l’arrêt Khosa, précité, au paragraphe 57, le juge Binnie indique que la tâche de la SAI consiste à « déterminer non seulement en quoi consistent les “motifs d’ordre humanitaire” », mais aussi « s’ils “justifient” la prise de mesures dans un cas donné […] ».

 

[37]           En l’espèce, le commissaire a examiné les faits relatifs à l’enfant du demandeur; il n’a fait abstraction d’aucun élément de preuve. Il a conclu que [traduction] « il est dans l’intérêt supérieur du fils [du demandeur] que ses deux parents soient présents au Canada; mais cela n’est pas déterminant ». Le commissaire a ensuite entrepris de pondérer ce facteur positif de pair avec les autres facteurs énoncés dans Ribic. Je ne vois pas en quoi la Cour peut intervenir dans l’évaluation que le commissaire a faite au sujet de l’intérêt de l’enfant ou dans la façon dont il a pondéré les facteurs énoncés dans Ribic.

 

VI.       Conclusion

 

[38]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Ni l’une ni l’autre des parties n’ont proposé une question à certifier.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.                  aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9476-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :         ALIM MOHAMED HANIFF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 17 JUILLET 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 20 JUILLET 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Benjamin A. Kranc

 

POUR LE DEMANDEUR

Ada Mok

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kranc Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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