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Date : 20120801

Dossier : IMM-9363-11

Référence : 2012 CF 954

Ottawa (Ontario), le 1er août 2012

En présence de M. le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

 

SATYA DEVI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Vue d'ensemble

 

[1]               La fille de Mme Satya Devi, Babita, et les enfants de Babita, Harish et Alisha, sont des citoyens canadiens. Mme Devi est arrivée au Canada en provenance de l'Inde munie d'un visa de visiteur pour aider Babita à s'occuper d'Harish, un enfant quadriplégique souffrant de paralysie cérébrale qui subissait une intervention chirurgicale à l'époque. Mme Devi a demandé et obtenu la prorogation de son visa au fil des ans. En 2001, elle a demandé la résidence permanente au Canada en invoquant des raisons d'ordre humanitaire. À l'appui de sa demande, elle a principalement invoqué le fait qu'elle s'occupait de Harish et les liens solides qui l'unissaient à Alisha.

 

[2]               L'agent d'immigration a refusé la demande de Mme Devi. Il a estimé que les soins que Mme Devi prodiguait à Harish pouvaient être fournis par d'autres personnes, y compris le mari de Babita. L'agent a accepté que, même si la présence de Mme Devi pouvait être bénéfique pour le système des soins de la santé du Canada en soulageant celui‑ci du fardeau de prodiguer des soins à Harish, Mme Devi aurait probablement de la difficulté à répondre aux besoins physiques d'Harish au fur et à mesure qu'il grandirait. L'agent a également conclu que Mme Devi n'avait pas démontré qu'elle s'était fermement établie au Canada. L'agent a reconnu la solidité des liens qui unissaient Mme Devi à Alisha mais a estimé que le départ de Mme Devi ne causerait pas à Alisha des difficultés inhabituelles ou disproportionnées. Elle pourrait quand même lui offrir son soutien affectif depuis l'Inde et elle pourrait nourrir leurs liens en la visitant à nouveau à l'avenir.

 

[3]               Mme Devi soutient que l'agent n'a pas tenu dûment compte de l'intérêt supérieur des enfants touchés par la décision. Elle me demande d'annuler la décision de l'agent et d'ordonner à un autre agent de réexaminer sa demande.

 

[4]               Je suis d'accord avec Mme Devi pour dire que l'agent n'a pas accordé suffisamment d'attention à l'intérêt supérieur des enfants, en particulier de celui d'Alisha et qu'il y a donc lieu de faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[5]               La seule question à trancher est celle de savoir si l'agent a tenu suffisamment compte de l'intérêt supérieur des enfants.

 

II.        L'agent a‑t‑il accordé une attention suffisante à l'intérêt supérieur d'Harish et d'Alisha?

 

[6]               Mme Devi soutient que l'agent a ignoré certains éléments de preuve importants. La preuve démontrait notamment que le mari de Babita n'était pas en mesure de l'aider à s'occuper des enfants parce qu'il souffre de schizophrénie et doit composer avec certaines limites physiques en raison d'une ancienne blessure. L'agent a également estimé que le fait qu'elle était de petite taille ferait en sorte qu'il serait plus difficile pour Mme Devi de s'occuper plus tard de Harish. La preuve démontrait toutefois que même sa petite taille ne devait pas l'empêcher de donner un coup de main avec les tâches ménagères, de nourrir et de changer Harish et de s'occuper d'Alisha.

 

[7]               De plus, l'agent n'a pas tenu compte du fait qu'Alisha avait vécu avec Mme Devi en Inde à partir de 2001 alors qu'elle n'avait que sept mois, et ce, jusqu'au début de 2005. Mme Devi s'occupait d'elle au Canada depuis juillet 2006.

 

[8]               Je suis d'accord avec Mme Devi pour dire que l'agent n'a pas tenu suffisamment compte de l'intérêt supérieur des enfants. Mme Devis avait soumis des éléments de preuve tendant à démontrer qu'Alisha subirait des difficultés importantes si elles étaient séparées. L'agent n'a pas tenu compte du fait que Mme Devi s'était occupée d'Alisha pendant la plus grande partie de sa vie.

 

[9]               Depuis, l'agent n'a pas tenu compte d'un élément de preuve démontrant que le mari de Babita était inapte au travail et qu'il ne pouvait s'occuper de lui-même ou des enfants et qu'il était violent envers eux. En fait, c'est en raison de son comportement qu'Alisha a quitté le Canada pour aller vivre avec Mme Devi en Inde de 2001 à 2005.

 

[10]           De même, bien que l'agent ait conclu que Mme Devi aurait de la difficulté à s'occuper d'Harish à l'avenir, cette conclusion ne tenait pas compte de ses autres tâches ou de la lettre dans laquelle un médecin avait expliqué que Mme Devi jouait un rôle important lorsqu'il s'agissait d'aider Babita à soulever Harish.

 

[11]           À mon avis, l'agent ne s'est pas montré suffisamment réceptif, attentif et sensible aux besoins d'Harish et d'Alisha. Sa décision était par conséquent déraisonnable.

 

III.       Dispositif

[12]           Bien que l'intérêt supérieur des enfants ne soit pas déterminant en ce qui concerne l'issue d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, l'agent doit se montrer réceptif, attentif et sensible aux besoins des enfants. En l'espèce, l'agent a ignoré ou écarté des éléments de preuve qui démontraient que Mme Devi jouait un rôle important dans la vie des deux enfants et que son renvoi du Canada lui causerait de graves difficultés. La décision de l'agent était par conséquent déraisonnable et je dois donc faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé de question grave de portée générale à certifier et aucune n'est donc énoncée.


JUGEMENT

LA COUR :

1.                  ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire et RENVOIE l'affaire à un autre agent pour qu'il la réexamine.

2.                  Aucune question grave de portée générale n'est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L., réviseure

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9363-11

 

INTITULÉ :                                      SATYA DEVI

                                                            c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 4 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 1er août 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Deepa Mattoo

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Tessa Kroeker

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

South Asian Legal Clinic of Ontario

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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