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Date : 20120801

Dossier : IMM‑9200‑11

Référence : 2012 CF 952

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er août 2012

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

CSABA TOROK

ERZSEBET RUSZO

CSABA TOROK (mineur)

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Vue d’ensemble

 

[1]               M. Csaba Torok et son épouse, Erzsebet Ruszo, de même que leur fils, Csaba fils, ont présenté une demande d’asile au Canada en invoquant leur crainte d’être persécutés en Hongrie du fait de leur appartenance à la communauté rom, qui constitue une minorité ethnique. Ils affirment qu’ils ont été victimes de discrimination ainsi que de violences physiques et verbales en Hongrie. Ils affirment également que les autorités scolaires à tort ont estimé que Csaba fils était atteint d’une déficience intellectuelle et recommandé son inscription dans une école spéciale.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile des demandeurs en se fondant principalement sur le fait que les membres de la communauté rom pouvaient compter sur la protection de l’État en Hongrie.

 

[3]               Les demandeurs soutiennent que la décision de la Commission était déraisonnable parce qu’elle ne tient pas compte des éléments de preuve qu’ils ont présentés à l’appui de leur demande. Ils maintiennent en particulier que la Commission n’a pas examiné de façon adéquate les éléments de preuve démontrant que Csaba fils s’était vu refuser l’accès à l’éducation en Hongrie. Ils me demandent d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner qu’un autre tribunal de la Commission réexamine leur demande.

 

[4]               Je ne vois aucune raison d’annuler la décision de la Commission. Les demandeurs n’ont pas cherché à obtenir la protection de l’État en Hongrie et ils ne peuvent donc prétendre de façon crédible qu’ils se sont vu refuser la protection de l’État. De plus, la preuve ne démontre pas que Csaba fils s’est vu refuser l’accès à l’éducation en Hongrie. À la suite de l’évaluation qu’elles ont faite, les autorités scolaires ont estimé que Csaba fils accusait un retard dans certaines matières et ont recommandé qu’il soit évalué de nouveau plus tard. Il n’a pas été assigné à une école spéciale. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[5]               La seule question à laquelle la Cour doit répondre est celle de savoir si la décision de la Commission était déraisonnable.

 

II.        La décision de la Commission

 

[6]               La Commission a examiné les raisons invoquées au soutien de la demande d’asile des demandeurs, lesquelles sont résumées ci‑dessous :

 

•           M. Torok a relaté des incidents de discrimination à l’école, dans des salles de billard et au travail;

 

•           M. Torok a été agressé au couteau après avoir refusé de remettre de l’argent à un inconnu;

 

•           Un groupe armé de skinheads s’est présenté près de l’immeuble où les demandeurs vivaient;

 

•           Csaba fils a été maltraité à l’école; ses professeurs estimaient qu’il devait fréquenter une école spéciale.

 

[7]               La Commission semble avoir accepté la plupart des éléments de preuve présentés par les demandeurs au sujet des événements susmentionnés et elle a ensuite analysé la question de la protection de l’État.

 

[8]               La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils ne pouvaient compter sur la protection de l’État en Hongrie. En fait, ils ne se sont jamais plaints aux autorités hongroises. M. Torok a expliqué qu’il croyait que la police hongroise et la profession médicale traitaient les citoyens roms différemment des autres citoyens. Par conséquent, il ne s’est pas adressé à la police et pas consulté de médecin après son agression. La Commission a conclu que les demandeurs croyaient subjectivement que la police ne pouvait les protéger, mais ils n’ont pas donné à la police la chance de le faire.

 

[9]               En ce qui concerne l’éducation scolaire de Csaba fils, la Commission a fait observer qu’à leur arrivée au Canada, les demandeurs n’avaient pas fait état de leurs préoccupations au sujet de la façon dont Csaba fils a été traité à l’école. De plus, ils ont mentionné le différend qu’ils avaient eu avec un des professeurs de l’école que fréquentait Csaba fils pour la première fois à l’audience. La Commission a également fait observer qu’il était indiqué dans le rapport daté de 2009, préparé en Hongrie, que Csaba fils avait des capacités intellectuelles inférieures à la moyenne et on y recommandait qu’il fasse l’objet d’une nouvelle évaluation. Un rapport ultérieur, établi au Canada en 2011, était plus favorable. La Commission a toutefois souligné que cette différence ne permettait pas de conclure que le premier rapport était nécessairement erroné ou qu’il était fondé sur un raisonnement discriminatoire.

 

[10]           Enfin, la Commission a fait observer que les demandeurs n’avaient pas été privés de leurs droits fondamentaux, comme le droit au logement, à l’emploi, à des services médicaux ou sociaux, et ce, même s’il était possible qu’ils aient été victimes de discrimination à cet égard.

 

[11]           La Commission a ensuite examiné le sort généralement réservé à la population rom en Hongrie. Elle a conclu que les demandeurs pouvaient raisonnablement compter sur la protection de l’État à leur retour en Hongrie.

 

III.       La décision de la Commission était‑elle déraisonnable?

 

[12]           Les demandeurs affirment que la conclusion tirée par la Commission au sujet de la protection de l’État était déraisonnable. Cette conclusion reposait selon eux sur des éléments de preuve non pertinents et faisait abstraction d’éléments de preuve contradictoires. Ils affirment également que la Commission a négligé de se prononcer sur la question de savoir si Csaba fils pouvait compter sur une protection suffisante de l’État en ce qui concerne le refus de lui donner accès à l’éducation.

 

[13]           Les demandeurs affirment que le refus d’accès à l’éducation constitue de la persécution (Hernandez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 179, au paragraphe 40). Ils soulignent que les autorités scolaires croyaient que Csaba fils était atteint d’une déficience intellectuelle et qu’il devait fréquenter une école spéciale, et ils se réfèrent à des éléments de preuve documentaire portant sur le nombre disproportionné d’enfants roms envoyés dans des écoles spéciales. Ils soutiennent par ailleurs que la suggestion apparemment anodine du rapport de soumettre Csaba fils à d’autres tests révèle que l’auteur du rapport en question était au courant du fait que les membres de la famille demandaient l’asile au Canada; en d’autres termes, cette partie du rapport n’est pas exacte.

 

[14]           À mon avis, la décision de la Commission n’était pas déraisonnable. Les demandeurs n’ont entrepris aucune démarche pour obtenir la protection de l’État. Certes, la preuve relative à la suffisance de la protection offerte aux Roms hongrois est partagée, mais il n’en demeure pas moins que les demandeurs se fondent uniquement sur leur conviction subjective que la police ne les aiderait pas. En fait, la police est intervenue lorsque des skinheads ont agressé des locataires roms dans l’immeuble des demandeurs.

 

[15]           En ce qui concerne les études de Csaba fils, l’évaluation faite en Hongrie laisse entendre qu’il faudrait l’évaluer de nouveau ultérieurement. Les demandeurs ne contestent pas cette évaluation ou le suivi que les autorités scolaires ont fait. L’évaluation ultérieure qui a eu lieu au Canada en 2011 est de façon générale plus positive, mais elle aussi fait mention du fait que Csaba fils a besoin de développer ses aptitudes dans certains domaines. On lui a suggéré de suivre des cours d’été en 2011. L’appréciation que la Commission a faite de ces éléments de preuve n’était pas déraisonnable.

 

[16]           Il m’est donc impossible de qualifier de déraisonnable la conclusion de la Commission suivant laquelle les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils ne pourraient pas compter sur la protection de l’État en Hongrie.

 

IV.       Dispositif

 

[17]           À mon avis, c’est à juste titre que la Commission a conclu que les demandeurs pouvaient compter sur la protection de l’État en Hongrie. Je ne puis donc annuler la décision de la Commission et je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question grave de portée générale à certifier et aucune n’est donc énoncée.

 


JUGEMENT

LA COUR DÉCLARE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour réexamen;

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑9200‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  CSABA TOROK et autres c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 5 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 1er août 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aisling Bondy

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Alex Kam

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aisling Bondy

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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