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Date : 20120801


Dossier : T-1221-11

Référence : 2012 CF 955

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er août 2012

En présence de M. le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

 

JAMILEH MONJAZI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

BANQUE ING DU CANADA

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Vue d'ensemble

[1]               Mme Jamileh Monjazi a travaillé pour la Banque ING du Canada de mai 2000 à janvier 2008. Elle a été embauchée à l'origine comme analyste des opérations en technologie de l'information.

 

[2]               En 2005, Mme Monjazi a glissé sur le plancher mouillé de la cafétéria et s'est blessée au dos. Elle a pris un congé d'invalidité de courte durée. ING lui a offert des heures réduites et plus flexibles. Elle était toutefois toujours incapable d'effectuer les fonctions principales de son travail. ING a donc créé un poste temporaire d'analyste de contrôle de la production pour elle, ce qui lui permettait de limiter ses déplacements et d'avoir des tâches physiques plus légères. ING s'attendait à ce qu'elle reprenne son poste initial en janvier 2007.

 

[3]               La date limite de janvier 2007 est arrivée. En octobre 2007, ING a demandé à Mme Monjazi de subir un examen médical indépendant. Le médecin qu'elle a consulté a conclu qu’elle pouvait reprendre son poste permanent sans mesure d'accommodement spéciale, à condition d’éviter de se pencher de façon répétée, de soulever des objets lourds et d'exercer une pression excessive sur sa colonne vertébrale. ING était convaincue que Mme Monjazi pouvait reprendre son poste original d'analyste.

 

[4]               Mme Monjazi s'est opposée à cette décision. Elle a soulevé plusieurs préoccupations, notamment son état émotif fragile, sa peur de travailler seule la nuit et les exigences physiques du poste. Elle a demandé d'autres directives à ING. Comme elle refusait de reprendre son travail, ING a mis fin à son emploi.

 

[5]               Mme Monjazi a porté plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne en alléguant qu’ING l'avait soumise à un traitement discriminatoire en ne tenant pas compte de son invalidité. La Commission a désigné un enquêteur qui a interviewé Mme Monjazi et a recueilli des éléments de preuve. L'enquêteur a conclu que Mme Monjazi n'avait pas besoin de mesure d'accommodement spéciale pour tenir compte de son invalidité et qu'elle n'avait pas perdu son emploi pour cause de discrimination. Après avoir examiné le rapport de l'enquêteur ainsi que les arguments de Mme Monjazi et d'ING, la Commission a rejeté la plainte.

 

[6]               Mme Monjazi soutient que l'enquêteur a agi de façon injuste en n'interrogeant pas le médecin qui a rédigé le rapport médical. Elle affirme que le médecin avait effectivement conclu qu'elle ne pouvait reprendre son poste initial, mais qu'elle pouvait continuer à occuper son poste temporaire. Sans entrevue, le rapport du médecin demeurait ambigu selon elle. Mme Monjazi maintient par conséquent que la Commission a rendu une décision déraisonnable en se fondant sur le rapport ambigu de l'enquêteur. Elle me demande d'infirmer la décision de la Commission et de lui ordonner de réexaminer sa plainte.

 

[7]               En plus de contester les arguments de fond de Mme Monjazi, ING soutient que sa demande a été présentée après l'expiration des délais. En règle générale, les demandes de contrôle judiciaire doivent être présentées dans les trente jours suivant la décision. La Commission a rendu sa décision le 28 mai 2009. Mme Monjazi a présenté sa demande de contrôle judiciaire le 30 juin 2009, mais a désigné la Commission comme défenderesse au lieu d'ING. L'avocat de la Commission et le ministère de la Justice ont immédiatement signalé l'erreur, mais Mme Monjazi n'a déposé sa demande corrigée de contrôle judiciaire que le 25 juillet 2011. ING me demande de rejeter la demande de contrôle judiciaire parce qu'elle a été déposée deux jours après l'expiration du délai.

 

[8]               À mon avis, la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. Mme Monjazi n'a offert aucune explication pour le dépôt tardif de sa demande et n'a pas même demandé de prorogation de délai. Dans un affidavit déposé dans une requête distincte, Mme Monjazi mentionne les traitements médicaux qu'elle a reçus en 2012 sans toutefois préciser qu'elle n'a pas été en mesure de donner des instructions à son avocat. De plus, ING subit un préjudice en raison du délai parce que des témoins importants ne sont plus disponibles et que, en tout état de cause, il leur faudrait témoigner au sujet d'événements qui remontent à plusieurs années.

 

[9]               La seule question à trancher est donc celle de savoir si la demande de contrôle judiciaire de Mme Monjazi devrait être rejetée pour cause de retard.

 

II.        La demande de Mme Monjazi devrait-elle être rejetée pour cause de retard?

 

[10]           Bien que Mme Monjazi n'ait pas demandé de prorogation de délai, il y a lieu d'examiner les facteurs qui seraient applicables si elle l'avait fait.

 

[11]           Premièrement, Mme Monjazi a‑t‑elle toujours manifesté l'intention de donner suite à sa demande? Mme Monjazi a attendu plus de deux ans avant de déposer une demande de contrôle judiciaire rectifiée. Dans l'intervalle, elle a introduit une action contre ING devant la Cour supérieure de l'Ontario, mais l'a par la suite abandonnée. Il n'existe à mon avis aucun élément de preuve permettant de penser que la demanderesse a toujours eu l'intention de donner suite à sa demande de contrôle judiciaire.

 

[12]           Deuxièmement, la demande de Mme Monjazi est‑elle fondée? Le seul argument avancé par Mme Monjazi est que l'évaluation médicale était ambiguë. Bien que cet argument ne soit pas très solide, il n'est pas entièrement dénué de fondement.

 

[13]           Troisièmement le retard a‑t‑il causé un préjudice? ING n'a en fait appris l'existence de la présente demande qu'après son dépôt, en juillet 2001. D'importants témoins avaient depuis quitté ING et la capacité d'ING de répondre à la demande de Monjazi s'est trouvée compromise par ce délai, ainsi que la tenue de toute enquête future. Il s'agit là d'un préjudice.

 

[14]           Quatrièmement, Mme Monjazi a‑t‑elle donné une explication raisonnable pour justifier le retard? Mme Monjazi n'a offert aucune explication.

 

[15]           Le délai de 30 jours dans lequel une demande de contrôle judiciaire doit être déposée n'est pas arbitraire : « il existe dans l'intérêt public, afin que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif et puissent aussi être exécutées sans délai, apportant la tranquillité d'esprit à ceux qui observent la décision ou qui veillent à ce qu'elle soit observée, souvent à grands frais » (Budisukma Puncak Sendirian Berhad c Canada, 2005 CAF 267, au paragraphe 60).

 

[16]           À mon avis, il serait contraire aux intérêts de la justice de permettre à la présente demande de suivre son cours. Elle doit donc être rejetée.

 

III.       Conclusion et dispositif

 

[17]           Mme Monjazi n'a pas démontré que sa demande devrait être examinée et tranchée sur le fond. Sa demande a été présentée après l'expiration des délais, aucune explication satisfaisante n'a été fournie pour justifier le retard et permettre à la demande de suivre son cours irait à l'encontre des intérêts de la justice. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

[18]           L'intimée a présenté un mémoire de frais dans lequel le total de ses frais et débours s'élève à 6 450,94 $. J'accorde la somme globale de 5 000 $.


JUGEMENT

LA COUR :

 

1.         REJETTE la demande de contrôle judiciaire avec dépens, lesquels sont fixés à 5 000 $.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1221-11

 

INTITULÉ    :                                   JAMILEH MONJAZI

                                                            c

                                                            BANQUE ING DU CANADA

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 23 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 1er août 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Wayne Bingham

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Robert Wayne

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Wayne A. Bingham

Avocat

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Filion Wakely Thorup Angeletti SRL

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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