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Date : 20120730

Dossier : IMM‑8769‑11

Référence : 2012 CF 943

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

AZIZUL HAKIM CHOWDHURY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision en date du 3 mars 2010 (avec un addenda daté du 24 mai 2011) par laquelle l’agente chargée de l’examen des risques avant renvoi (l’agente d’ERAR), Lisa Rae Devries, a rejeté la demande d’ERAR du demandeur. L’agente a refusé la demande de résidence permanente présentée depuis le Canada par le demandeur pour des raisons d’ordre humanitaire.

 

I.          Les faits

 

[2]               Né le 16 décembre 1956, le demandeur, Azizul Hakim Chowdhury, est un citoyen du Bangladesh. Il est sourd et muet. Sa femme et ses trois enfants se trouvent encore tous au Bangladesh avec ses sept frères et sœurs. Le demandeur est arrivé au Canada le 23 août 2003 et il a demandé l’asile en alléguant qu’il était persécuté par la police et par plusieurs partis politiques rivaux qui l’avaient forcé à faire des caricatures politiques dans lesquelles les uns et les autres s’insultaient. Sa demande d’asile a été refusée le 20 janvier 2005 après que la Commission eut estimé qu’elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables démontrant qu’il serait exposé à un risque au Bangladesh. La Commission a explicitement rejeté l’allégation suivant laquelle le demandeur était recherché par les autorités de l’État ou par des représentants de partis politiques. En novembre 2006, le demandeur a présenté une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire et, en février 2007, il a soumis sa demande d’ERAR.

 

[3]               La demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire et la demande d’ERAR ont respectivement été rejetées les 3 et 4 mars 2010. On a toutefois omis, par inadvertance, de communiquer ces décisions au demandeur, qui a soumis des observations supplémentaires relativement à ces deux demandes en octobre 2010. Ces arguments supplémentaires ont été examinés dans des addendas datés du 24 et du 31 mai 2011, et les deux décisions définitives ont été communiquées au demandeur.

 

II.        Décision à l’examen

 

[4]               L’agente a considéré les difficultés découlant de l’établissement du demandeur au Canada et les risques auxquels il serait exposé au Bangladesh, mais a conclu qu’elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve pour justifier une décision favorable.

 

[5]               L’agente a pris acte de la décision rejetant la demande d’asile du demandeur et a considéré l’analyse effectuée par l’agente d’ERAR avant de conclure que la preuve soumise par le demandeur n’était pas suffisante pour démontrer qu’il subirait des difficultés s’il devait retourner au Bangladesh. L’agente a également accordé peu de poids aux lettres écrites par des personnes se trouvant au Canada et au Bangladesh qui confirmaient le risque auquel le demandeur serait exposé étant donné qu’aucune d’entre elles n’avait une connaissance directe du risque en question.

 

[6]               L’agente a accepté que le demandeur avait été soigné pour une dépression et un traumatisme, mais elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que ces problèmes de santé s’expliquaient par sa crainte de retourner au Bangladesh. L’agente a fait observer que le fait que le médecin ait parlé du peu de soutien sur lequel le demandeur pouvait compter démontrait qu’il n’était pas parfaitement au courant de la situation du demandeur et notamment du fait que ce dernier pouvait compter sur l’appui de nombreux membres de sa famille au Bangladesh.

 

[7]               L’agente a examiné les éléments de preuve portant sur la situation existant au Bangladesh, mais elle a conclu que la situation s’améliorait et que, malgré certains éléments de preuve concernant les difficultés auxquelles sont exposées les personnes handicapées, la preuve concernant les difficultés que subirait le demandeur compte tenu de sa situation personnelle et de ce qu’il avait pu réaliser avant de quitter le Bangladesh n’était pas concluante.

 

[8]               En ce qui concerne l’établissement du demandeur au Canada, l’agente a reconnu qu’il s’agissait d’un facteur positif et elle a félicité le demandeur pour les efforts qu’il a déployés pour s’intégrer. L’agente a toutefois conclu qu’elle disposait de peu d’éléments de preuve objectifs permettant de penser que le fait pour le demandeur de quitter le Canada lui causerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

III.       Questions en litige

 

[9]               La présente demande soulève deux questions : (1) Dans le cadre de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, l’agente a‑t‑elle appliqué le bon critère juridique pour évaluer les difficultés découlant du risque? (2) La décision défavorable de l’agente à l’égard de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire repose‑t‑elle sur des conclusions déraisonnables?

 

IV.       Norme de contrôle

 

[10]           La première question est une question de droit qui commande l’application de la norme de la décision correcte (Kim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 632, [2008] ACF no 824, au paragraphe 24). La seconde se rapporte à l’examen que l’agente a fait de la preuve et des conclusions de fait qu’elle a tirées, de sorte qu’elle commande la déférence (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] ACF no 12, au paragraphe 46).

 

V.        Analyse

 

[11]           Le demandeur affirme que l’agente n’a pas appliqué le bon critère juridique lorsqu’elle a examiné la question du risque pour se prononcer sur la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. À l’appui de cet argument, le demandeur cite des passages dans lesquels il est question de l’insuffisance de la preuve relative au risque et il se réfère à plusieurs décisions dans lesquelles il est question de l’importance dans les décisions relatives à des raisons d’ordre humanitaire de déterminer si le risque cause ou non des difficultés.

 

[12]           Le défendeur affirme que l’agente a bien examiné le risque auquel le demandeur serait exposé et qu’elle a raisonnablement conclu que ce risque n’était pas assimilable à des difficultés indues. Le défendeur souligne également que le demandeur ne peut se fonder uniquement sur les éléments de preuve relatifs à la situation qui existe au pays et qu’il doit établir un lien entre ces éléments de preuve et les difficultés auxquelles il se heurterait, invoquant à l’appui la décision Lalane c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 6, [2009] ACF no 658, au paragraphe 38).

 

[13]           Le demandeur affirme également que l’agente a fondé la décision qu’elle a rendue en réponse à la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire sur des conclusions déraisonnables, c’est‑à‑dire lorsqu’elle a conclu que le médecin du demandeur parlait de sa famille lorsqu’il a indiqué que le demandeur ne pourrait pas compter sur des appuis suffisants au Bangladesh, que sa famille serait effectivement en mesure de l’aider au Bangladesh, et que sa connaissance du langage ASL lui serait utile au Bangladesh.

 

[14]           Le défendeur affirme qu’il était raisonnablement loisible à l’agente de tirer ces conclusions et que celles‑ci sont raisonnables.

 

[15]           Le demandeur n’a pas démontré que l’analyse du risque de l’agente était inacceptable. De simples renvois à la décision d’ERAR et à la décision relative à la demande d’asile ne sont pas suffisants pour démontrer que l’agente n’a pas tenu compte de la question de savoir si le risque pouvait entraîner des difficultés. Bien que le demandeur cite certains passages dans lesquels l’agente parle des risques, la plupart d’entre eux mentionnent également les difficultés qui pourraient en découler. Lorsqu’on considère la décision dans son ensemble, on constate que l’agente a manifestement examiné la question de savoir si le risque auquel le demandeur serait exposé pourrait entraîner des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[16]           L’argument formulé par le demandeur en ce qui concerne les conclusions déraisonnables est entièrement dénué de fondement. Les conclusions tirées par l’agente n’étaient pas déraisonnables compte tenu de la preuve au dossier; en fait, dans les observations qu’il a présentés à l’appui de sa demande d’ERAR, le demandeur s’est expressément fondé sur le fait qu’il pouvait compter sur sa famille au Bangladesh pour affirmer qu’il ne disposait pas d’une possibilité de refuge intérieur. Même si l’agente a commis une erreur en tirant les conclusions en question, cette erreur ne tire pas à conséquence. Le demandeur avait la charge de démontrer qu’il existait des raisons d’ordre humanitaire justifiant de le dispenser des exigences générales de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la LIPR), et il n’a pas soumis d’éléments de preuve suffisants pour s’acquitter de ce fardeau de preuve. La décision était raisonnable.

 

VI.       Dispositif

 

[17]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8769‑11

 

INTITULÉ :                                                  AZIZUL HAKIM CHOWDHURY c MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 26 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 30 juillet 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Karin Baqi

Shalini Konanur

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Kareena R. Wilding

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Karin Baqi

South Asian Legal Clinic of Ontario

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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