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Date : 20120801

Dossier : IMM‑8928‑11

Référence : 2012 CF 964

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er août 2012

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

ENTRE :

 

KULVIR KAUR

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Mme Kulvir Kaur, demande le contrôle judiciaire de la décision datée du 31 octobre 2011 rejetant sa demande de dispense pour des motifs d’ordre humanitaire de l’obligation de présenter sa demande de résidence permanente depuis l’extérieur du Canada.

 

[2]               La norme de contrôle applicable dans le cas d’une décision rendue en réponse à une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817). L’appréciation des facteurs pertinents relève du ministre ou de son délégué et il n’appartient pas à la Cour de réexaminer la valeur accordée aux divers facteurs (Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 C.F. 358, au paragraphe 11).

 

[3]               Mme Kaur est arrivée aux États‑Unis en provenance de l’Inde en compagnie de sa mère et de son frère en 1992, à l’âge de 12 ans. Son père a obtenu le statut de résident permanent au Canada pour des raisons d’ordre humanitaire en 2000. Il a parrainé la demande de sa femme et de son fils, qui sont eux aussi devenus des résidents permanents en mai 2000. La demanderesse n’était pas visée par cette demande parce que celle‑ci, sans doute à la suite d’une erreur ou de la négligence d’un conseil qui avait auparavant représenté la famille, était trop âgée pour être considérée comme une personne à charge.

 

[4]               Mme Kaur n’avait pas de famille aux États‑Unis et en Inde. Elle est arrivée au Canada en mai 2003. Après avoir été déboutée de sa demande d’asile et de sa demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR], elle a présenté en 2007 une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Pour une raison inconnue, ce n’est qu’en octobre 2011 que cette demande a été examinée par un agent.

 

[5]               L’agent a reconnu que la demanderesse avait de solides liens familiaux, mais il a conclu qu’elle n’avait aucun lien avec le Canada. Il a également conclu que la demanderesse pouvait retourner en Inde et y demander la résidence permanente.

 

[6]               L’agent s’est interrogé sur la pertinence des documents soumis par la demanderesse au sujet de la situation qui existait en Inde, et dans lesquels il était question des attitudes négatives envers les femmes, notamment de la violence conjugale, des décès pour cause dot et des crimes d’honneur. D’autres documents concernaient le statut des femmes hindoues en Inde. Après avoir relevé que Mme Kaur n’était pas mariée, l’agent a conclu qu’elle ne risquait pas d’être victime de violence conjugale ou de violence liée à la dot. L’agent a reconnu que les femmes continuaient à être victimes de violence et pris acte d’une étude signalant que 80 p. 100 des femmes de New Delhi craignaient la violence. Il a toutefois conclu qu’il existait un nombre de plus en plus élevé de jeunes femmes célibataires qui travaillaient dans les villes et qui jouissaient d’une plus grande liberté et d’un plus grand nombre de possibilités et que, dans certains secteurs, les conditions salariales s’amélioraient.

 

[7]               Mme Kaur avait quitté l’Inde en bas âge alors qu’elle était une enfant à charge et elle ne connaît rien de l’économie et de la culture de l’Inde. Elle a grandi aux États‑Unis, un pays dont la culture ressemble davantage à celle du Canada qu’à celle de l’Inde. Elle n’a pas de famille en Inde. Les seuls membres de sa famille proche se trouvent au Canada. Le fait qu’elle soit sans statut contraste avec le fait que son père, sa mère et son frère ont déjà obtenu le statut de résidents permanents.

 

[8]               À mon avis, l’agent chargé d’examiner la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire n’a pas procédé à une appréciation réaliste des difficultés auxquelles la demanderesse serait exposée si elle devait retourner en Inde pour y présenter sa demande de résidence permanente depuis l’étranger. Il n’a pas cherché à savoir combien de temps ce processus pouvait prendre. Il n’a pas non plus tenu compte de la possibilité que la demanderesse éprouve des difficultés d’adaptation compte tenu du fait qu’elle ne parle pas la langue du pays et qu’elle ne connaît rien de l’économie, de la culture et des mœurs de l’Inde. L’agent n’a également pas tenu compte des attitudes restrictives de la société indienne envers les femmes célibataires auxquelles la demanderesse serait confrontée compte tenu du fait qu’elle se retrouverait seule en Inde, sans famille sur laquelle s’appuyer.

 

[9]               J’estime que le défaut de l’agent de tenir pleinement compte des difficultés auxquelles la demanderesse serait exposée si elle devait retourner dans un pays qu’elle a quitté lorsqu’elle était enfant était déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

[10]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a soumis de question grave de portée générale à certifier en ce qui concerne la question déterminante en litige.

 


JUGEMENT

 

LA COUR :

 

1.               ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire, ANNULE la décision du 31 octobre 2011 et RENVOIE l’affaire pour qu’elle soit jugée de nouveau par un autre agent chargé d’examiner les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire.

 

2.               Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8928‑11

 

INTITULÉ :                                                  KULVIR KAUR c.
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 25 juillet 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 1er août 2012

 

 

ONT COMPARU :

 

Winnie Lee

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ildiko Erdei

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LEE & COMPANY

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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