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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120731

Dossier : T-1964-11

Référence : 2012 CF 949

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

LE CHEF VICTOR YORK

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LA BANDE INDIENNE

DE lower NICOLA

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

           Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s'agit d'une demande présentée par le chef Victor York (le demandeur) sollicitant le contrôle judiciaire d'une résolution du conseil de la bande indienne de Lower Nicola (BILN) (la résolution), adoptée le 1er novembre 2011, le destituant.

 

[2]               Le demandeur demande à la Cour d'annuler la décision et de le rétablir dans son poste de chef parce que la réunion du conseil pour adopter la résolution n'a pas été dûment convoquée selon la Policy and Guidelines for Chief and Councillors (la Politique et les lignes directrices) et qu'il n'y avait pas quorum des membres du conseil en règle. Le demandeur soutient également qu'il a été privé de son droit à l'équité procédurale.

 

[3]               En sa qualité de défenderesse, la BILN soutient que le conseil a le pouvoir discrétionnaire de destituer un [traduction] « membre du conseil », y compris le chef. Elle pouvait convoquer valablement une réunion pour adopter la résolution qui était justifiée, vu l'absence du chef pour la conduite des affaires de la BILN. Le chef a reçu un avis concernant les préoccupations du conseil et il a choisi de ne pas y répondre.

 

[4]               Les observations des deux parties révèlent les divisions profondes qui affligent cette petite collectivité depuis un bon moment. Ces observations présentent des tableaux entièrement différents de ce qui s'est produit avant et pendant la réunion du conseil qui a finalement destitué le demandeur. Il y a des éléments de preuve contradictoires quant à la conduite du chef et des conseillers et quant aux lois et coutumes applicables de la BILN. Dans ce contexte, toute décision risque d'être perçue comme l'acceptation de la version des faits d'une partie plutôt que celle de l’autre.

 

[5]               Comme l'a très bien résumé mon collègue le juge François Lemieux dans son ordonnance interlocutoire dans la présente affaire, la demande est aussi le dernier d'une série de litiges concernant la gouvernance de la BILN dont la Cour a été saisie (voir Bande indienne de Lower Nicola c Toodlican, 2012 CF 103, [2012] ACF no 109). Tout récemment, le juge John O’Keefe a conclu qu'il existait une crainte raisonnable de partialité concernant une décision du conseil des aînés selon laquelle trois conseillers n’étaient pas admissibles à se présenter à l'élection d'octobre 2010. Il a renvoyé la contestation d'élection à un nouveau conseil des aînés pour nouvel examen (Bande indienne de Lower Nicola c Joe, 2011 CF 1220, [2011] ACF no 1498). Ce conseil des aînés n'a pas encore été formé et le statut de ces trois conseillers demeure en cause dans le présent litige.

 

[6]               Un cercle vicieux est apparu, la lutte de pouvoir persistante entraînant paralysie et conflits. On demande l'intervention de la Cour pour régler ces conflits, mais au bout du compte ils demeurent non résolus. Même si la Cour est disposée à accueillir la présente demande pour les motifs énoncés ci‑après, elle le fait avec réticence. En effet, elle sait qu'il faudra faire beaucoup plus dans l'avenir, outre les procédures juridiques, pour favoriser au sein de la BILN une structure de gouvernance fondée sur la collaboration au profit de toutes les parties concernées.

 

I.          Faits pertinents

 

[7]               Le demandeur a été élu pour un mandat de trois ans à titre de chef de la BILN le 2 octobre 2010. À la même date, Harold Joe, Mary June Coutlee, Joanne Lafferty, Lucinda Seward, Molly Toodlican, Stuart Jackson et Robert Sterling fils ont aussi été élus comme conseillers.

 

[8]               Une autre candidate, Charlene Joe, a déposé deux contestations d'élection concernant l'élection de certains conseillers en vertu des Custom Election Rules (règles coutumières d’élections ou RCE). Un conseil des aînés a subséquemment pris la décision de destituer les conseillers Mary June Coutlee, Stuart Jackson et Robert Sterling fils pour inéligibilité. Le juge O’Keefe a cependant infirmé cette décision, tel que cela a été mentionné ci‑dessus. Par la suite, ces trois conseillers ont continué à exercer leurs fonctions au conseil de la BILN sans qu'un nouveau conseil des aînés ne prenne de décision.

 

[9]               Les parties contestent le rôle du demandeur dans la gouvernance de la BILN. À titre d'exemple, la défenderesse présente des éléments de preuve indiquant qu’après décembre 2010 le demandeur a refusé de convoquer des réunions du conseil, d'y assister ou d'y participer, à l'exception d'une réunion le 22 février 2011, et qu’il a quitté son bureau situé dans l'édifice administratif de la BILN. Par contre, le demandeur soutient avoir été évincé de son bureau dans le cadre d'une campagne malveillante et avoir vu son service de courriel et son salaire mensuel coupés au cours de cette période, bien qu'il ait continué à présider des réunions d'affaires comme représentant de la BILN.

 

[10]           Quoi qu'il en soit, le 9 mars 2011, le demandeur a été informé par lettre du conseil qu'une enquête était lancée sur ses agissements en raison des préoccupations soulevées à l'occasion d’une récente réunion générale de la bande.

 

[11]           Le 28 septembre 2011, le conseil a adopté une résolution suspendant le demandeur de ses fonctions pour une période de 30 jours. Il a été informé de cette décision par lettre mise à la poste le lendemain. Le conseiller Harold Joe a également été suspendu au même moment.

 

[12]           Une autre lettre a été envoyée le 18 octobre 2011. Cette fois, celle-ci informait le demandeur que le conseil de la BILN se réunirait le 25 octobre 2011 pour discuter des allégations formulées contre lui. On s'attendait également à ce qu'il soit [traduction] « présent à cette réunion pour répondre à ces violations alléguées, bien que celles‑ci soient prouvées. » Le demandeur ne s'est pas présenté à cette réunion, bien qu'il soutienne en avoir été empêché en raison d'une chirurgie cardiaque qu'il avait subie. La défenderesse affirme qu’on ne sait pas précisément à quel le moment le demandeur se trouvait à l'hôpital.

 

[13]           Une réunion ultérieure a eu lieu le 1er novembre 2011. Le demandeur n'y a pas assisté, mais le conseiller Harold Joe, dont le poste est également contesté, a tenté de le faire. Le procès-verbal de la réunion indique que sa présence a [traduction] « soulevé des interrogations ». Il n'a pas été en mesure de rester pour la partie de la réunion qui s'est déroulée à huis clos et qui a décidé de son sort, de même que de celui du demandeur.

 

[14]           Le conseil a adopté une résolution pour destituer le demandeur. Les six conseillers présents ont signé la résolution, dont Mary June Coutlee, Stuart Jackson et Robert Sterling fils, lesquels étaient toujours en attente d’une décision d’un nouveau conseil des aînés quant à leur éligibilité à l'élection d'octobre 2010. La résolution déclarait ce qui suit :

[traduction] Dans la lettre, nous vous avons demandé d’être présent à une réunion spéciale dûment convoquée le 25 octobre 2011 pour discuter des manquements et des transgressions énumérées dans cette lettre et y répondre.

 

Depuis lors et jusqu'à maintenant, vous n'avez pas communiqué avec les membres du conseil pour traiter de la gravité du contenu de la lettre du 28 octobre 2011. Vous n'avez pas non plus assisté à la réunion spécialement convoquée pour le 25 octobre 2011, pour répondre aux allégations valables et légitimes contenues dans la lettre du 18 octobre 2011.

 

En conséquence, vu la preuve contenue dans la lettre du 18 octobre 2011 et les délibérations qui ont eu lieu lors des réunions du 25 octobre, du 28 octobre et du 1er novembre 2011, les membres du conseil ont conclu que vous aviez manqué à plusieurs reprises à ce qui suit :

 

i) votre serment de fonction, que vous avez signé le 25 octobre 2010;

ii) vos obligations fiduciaires envers la bande indienne de Lower Nicola;

iii) les Lower Nicola Indian Band’s Custom Election Rules – 1998;

iv) la Politique et les lignes directrices de la BILN – décembre 2010;

v) le Règlement no 1 de 1987 de la bande indienne de Lower Nicola;

vi) votre rôle de fiduciaire de la Naik Development Corporation;

vii) l'ordonnance provisoire du juge Noël, datée du 8 février 2011.

 

[…]

 

II.        Questions en litige

 

[15]           La demande soulève diverses questions qui peuvent être formulées comme suit :

 

a)         Le conseil de la BILN était-il compétent pour destituer le demandeur le 1er novembre 2011?

 

b)         Le conseil a-t-il fait preuve d'équité procédurale à l'endroit du demandeur?

 

c)         La résolution du conseil était‑elle raisonnable?

 

III.       Norme de contrôle

 

[16]           La compétence du conseil dans la présente affaire, dans la mesure où celle-ci requiert l'interprétation des règles de la BILN, doit être examinée selon la norme de la décision correcte. Une fois l'interprétation déclarée fondée en droit, son application aux faits et l'exercice par le conseil de son pouvoir discrétionnaire appellent la retenue que suppose la norme de la décision raisonnable (Martselos c Première nation no 195 de Salt River, 2008 CAF 221, [2008] ACF 1053, au paragraphe 32).

 

[17]           Les questions d'équité procédurale sont toujours susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 42).

 

IV.       Analyse

 

A.        Compétence

 

[18]           Selon l'article 34 des RCE, le conseil a le pouvoir discrétionnaire de destituer, par voie de résolution, le « membre du conseil » qui a failli à ses responsabilités pendant une période de plus de 30 jours suivant la réception d'un avis écrit lui enjoignant d’agir. Puisque le conseil doit être formé du chef et des conseillers comme le prévoit l'article 1, le chef peut à juste titre être considéré comme un « membre du conseil » assujetti à cette disposition relative à la destitution.

 

[19]           En ce qui a trait à la question de savoir si le chef ou le conseil peut convoquer une réunion pour adopter une résolution de destitution, la question est quelque peu plus ambiguë. Le chef soutient qu'il a le pouvoir exclusif de convoquer dûment une réunion du conseil de la BILN. Il s'agit de l'une des responsabilités qui lui sont attribuées en vertu de la Politique et les lignes directrices. Par contraste, la défenderesse s'appuie sur une version de 2010 différente de la Politique et les lignes directrices qui, selon elle, ont récemment été mises à jour et qui attribuent une responsabilité concomitante au chef et au conseil relativement à plusieurs aspects qui étaient auparavant attribués exclusivement au chef.

 

[20]           Malgré le litige concernant la version applicable de la Politique et les lignes directrices, au moins une certaine concomitance semble exister entre la capacité du chef de [traduction] « convoquer toutes les réunions conformément aux procédures établies » en vertu de l'alinéa 23a), et celle plus large du conseil de convoquer des réunions au moins 12 fois par exercice financier suivant l'article 26. Aucune disposition de la Politique et les lignes directrices n'empêche expressément le conseil de participer à la convocation des réunions qui sont habituellement fixées, même s'il s'agit là de la principale responsabilité du chef.

 

[21]           Le demandeur soutient également que le conseil ne pouvait pas adopter la résolution pour le destituer à la réunion parce que les trois conseillers faisant actuellement l'objet d'une contestation ne pouvaient pas faire partie du quorum. Cinq membres constituent un quorum et, selon le demandeur, ces membres doivent également être « en règle ». Il maintient qu'en raison de la contestation d'élection, il existe une incertitude à l'égard des trois conseillers dont l'élection est contestée et que ceux-ci ne devraient pas pouvoir participer aux fonctions du conseil, malgré les efforts de la famille et des partisans pour les maintenir en poste.

 

[22]           Les RCE prévoient effectivement une procédure de contestation d'élection. Rien n'indique que des conseillers ne sont pas en règle ou qu’ils ne peuvent pas former quorum tant que leur statut n’est pas déterminé. Il y a des raisons pratiques de permettre à ces personnes de demeurer en fonction pour assurer l'administration courante du conseil de la BILN et pour tenir compte du fait que les allégations de corruption électorale ne sont pas officiellement prouvées.

 

[23]           Le problème possible en l'espèce est le temps qu'a pris cette affaire pour être résolue, plus particulièrement depuis que le juge O’Keefe a ordonné la convocation d’un nouveau conseil des aînés pour nouvel examen. Les conseillers en cause ne peuvent pas demeurer en fonction dans le seul but d’éviter que la question soit résolue par un nouveau conseil des aînés ou de modifier les lois qui régissent de telles questions. Il est plus approprié de traiter de cette question en tant que question d'équité procédurale et d’examiner le caractère raisonnable de la résolution.

 

[24]           Malgré les observations des deux parties concernant l'éligibilité des trois conseillers, fondées sur l'existence ou l'inexistence de l'alinéa 3d) portant sur les dettes envers la bande dans les RCE, c’est au conseil des aînés nouvellement convoqué qu’il appartient de résoudre cette affaire, et non à la Cour dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[25]           Vu certaines incertitudes en ce qui a trait à l'application des règles pertinentes de la BILN, la Cour est disposée à reconnaître la compétence du conseil pour convoquer une réunion et adopter des résolutions pour destituer un membre du conseil, y compris le chef. Il subsiste néanmoins des préoccupations concernant la façon dont cette compétence a été exercée en l'espèce, dont nous traiterons dans le reste de l'analyse.

 

B.        Équité procédurale

 

[26]           En ce qui a trait aux avis envoyés au demandeur concernant les intentions du conseil quant à sa suspension et à sa destitution, son droit à l'équité procédurale semble avoir été respecté. Le demandeur a indiqué à un certain moment qu'il n'avait pas reçu ces avis, mais a reconnu en contre‑interrogatoire qu'il avait reçu la lettre du 18 octobre 2011 l'informant des allégations et de la réunion du 25 octobre 2011.

 

[27]           Le demandeur fait valoir qu'il n'a pu être présent à cette réunion parce qu'il subissait une chirurgie cardiaque à Kelowna, en Colombie‑Britannique. Rien n’explique cependant pourquoi le demandeur n'a pas pu faire davantage pour répondre dans ce cas aux accusations dont il faisait l'objet ou à tout le moins indiquer au conseil qu'il ne serait pas libre à ce moment‑là. La seule réponse du demandeur à l’égard de ces questions a été de présenter des demandes de contrôle judiciaire, en réponse à la suspension initiale et à sa destitution ultérieure. Comme la défenderesse le soutient, le refus d’assister à la réunion ne devrait pas permettre de plaider qu’il a été privé de son droit à l'équité procédurale (voir Martselos c Première nation de Salt River no 195, 2008 CF 8, [2008] ACF no 13, au paragraphe 23).

 

[28]           Quoi qu'il en soit, cela ne signifie pas que la conduite du conseil ne soulève aucune préoccupation en matière d'équité procédurale. À titre d'exemple, la nature de l'enquête initiale sur la conduite du demandeur demeure vague. De même, la tentative du conseiller Harold Joe, aussi ciblé de la même manière, d’assister à la réunion ultérieure du 1er novembre 2011 a simplement [traduction] « soulevé des interrogations », comme s'il ne devait pas y être, malgré les mesures en cours pour le destituer. Lors de son contre‑interrogatoire, la conseillère Toodlican n'a pu dire avec certitude si le demandeur aurait été traité différemment ou autorisé à assister à la partie critique de la réunion qui s'est déroulée à huis clos. Ceci soulève des doutes concernant la question de savoir si le demandeur aurait véritablement eu la possibilité de répondre aux allégations formulées contre lui.

 

[29]           De même, la participation des trois conseillers, dont le statut est en suspens dans la contestation d'élection, est également douteuse. Le demandeur invoque un argument fondé sur une crainte raisonnable de partialité dans ce cas, portant que les conseillers ont participé à des réunions et signé la résolution le destituant, de même qu'ils ont participé aux propositions antérieures qui modifiaient les RCE ou la Politique et les lignes directrices à leur avantage. Selon le demandeur, cette situation est particulièrement déconcertante, car la BILN a des règles qui régissent les conflits d'intérêts.

 

[30]           Même si le conseil des aînés se prononce en faveur des conseillers en cause dans l'avenir, à moins de résoudre cette question, leur participation au conseil et leur participation à la destitution du demandeur exigent un examen plus approfondi. Utiliser leurs fonctions de quelque manière pour améliorer leurs chances quant à l'issue de la contestation ou éviter une décision définitive saperait la légitimité du conseil dans son ensemble. Pareilles situations, où les parties sont aux prises avec un tel conflit, font ressortir le fait que « [l]orsqu’un conseil de bande ne respecte pas les résultats d’une élection ou tente de contourner ces résultats, la démocratie est en péril » (Balfour c Nation des Cris de Norway House, 2006 CF 213 au paragraphe 9, [2006] ACF no 269).

 

[31]           Compte tenu des avis fournis, le droit du demandeur à l'équité procédurale a été respecté au sens formel. À d'autres égards, la Cour continue d'avoir des doutes quant à la rapidité avec laquelle le conseil a agi pour destituer le demandeur et quant à savoir s'il aurait eu la possibilité de répondre de façon appropriée aux allégations du conseil.

 

C.        Caractère raisonnable de la décision

 

[32]           Le caractère raisonnable de la décision du conseil est de loin la question la plus importante pour la Cour. Or cette décision ne répond aucunement aux critères de la justification, de la transparence et de l'intelligibilité (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

[33]           La défenderesse fait valoir que le demandeur a reçu des communications claires quant aux allégations formulées contre lui et aux éléments de preuve sur lesquels celles-ci étaient fondées. Or, cela n’est pas aussi clair en l’espèce.

 

[34]           La résolution elle-même se borne à énumérer les manquements commis par le demandeur, notamment son serment d'entrée en fonction, ses obligations fiduciaires, les RCE et ainsi de suite. Elle n'indique aucunement le fondement des manquements commis par le demandeur.

 

[35]           La défenderesse fait valoir que la lettre du 18 octobre 2011 contenait les éléments de preuve étayant la décision du conseil parce qu'elle renfermait 24 annexes. Cette lettre ne traite pas de la question fondamentale. Elle énumère à nouveau les manquements commis par le demandeur, mais le renvoie cette fois aux annexes.

 

[36]           Ces annexes consistent en diverses communications de la part du demandeur. La raison pour laquelle ces communications en soi montrent que le demandeur a de quelque façon commis les manquements n'est pas claire. En effet, les communications montrent qu'il tentait de représenter la BILN à titre de chef au cours de cette période. Il est compréhensible que des membres du conseil puissent ne pas être d'accord avec certaines communications, mais cela ne signifie pas qu'ils appuient automatiquement la conclusion selon laquelle il a commis des manquements graves. Il s'agit d'une question d'interprétation qui nécessite de plus amples explications.

 

[37]           Il est reconnu que la preuve de l'absence du demandeur aux réunions était une préoccupation pour le conseil. Cela n'est cependant pas ce qui a été invoqué dans la décision le destituant. Il a plutôt reçu une liste d'accusations sans explication complète. Les résultats de l'enquête ne sont pas clairs. De même, on ne sait pas non plus en quoi les communications mentionnées étayent la conclusion que le demandeur a commis la pléthore de manquements indiqués.

 

[38]           Dans l'arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708, la Cour suprême a récemment déclaré que « les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables ». En l'espèce, le fondement de la décision du conseil n'est pas clair. La Cour dispose simplement d'une liste d'accusations et d’une série de communications. Sans plus de renseignements, la Cour ne peut que faire des conjectures et la décision ne peut pas être raisonnable.

 

V.        Conclusion

 

[39]           Vu qu’il subsiste certaines préoccupations concernant la procédure suivie et que la résolution est déraisonnable parce qu'elle n'indique pas le fondement des accusations portées contre le chef, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La résolution est annulée et le chef est rétabli dans ses fonctions pour poursuivre son mandat.

 

[40]           Enfin, la Cour prie instamment la BILN de convoquer un nouveau conseil des aînés pour régler la contestation de l'élection des trois conseillers en cause et déterminer quelles sont les RCE et la Politique et les lignes directrices qui s'appliquent à sa gouvernance, conformément aux ordonnances antérieures de la Cour prononcées par les juges Noël et O’Keefe. L’inaction à cet égard continuera de susciter de l'incertitude pour les membres de la BILN. Elle perpétuera également la lutte de pouvoir qui a cours et suscitera d'autres litiges. Pour assurer son avenir, la BILN devrait s’efforcer de mettre de côté les différends passés et de donner à ceux qui ont été élus l'occasion de remplir les responsabilités de leurs fonctions de façon appropriée, conformément à des normes bien arrêtées.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La résolution est annulée et le chef est rétabli dans ses fonctions pour poursuivre son mandat.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.,  réviseure

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1964-11

 

Intitulé :                                      CHEF VICTOR YORK c bande indienne de LOWER NICOLA

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver

 

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 17 mai 2012

 

Motifs du jugement

et jugement :                            le juge NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 31 juillet 2012

 

 

 

Comparutions :

 

Teressa Nahanee

 

Pour le demandeur

David C. Rolf et Paul D. Anderson

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Teressa Nahanee

Avocate

Merritt (Colombie‑Britannique)

 

Pour le demandeur

Parlee McLaws LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

Pour la défenderesse

 

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