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Date : 20120731

Dossier: IMM-8729-11

Référence : 2012 CF 951

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Scott 

 

ENTRE :

 

LUCILA BAILON TREVINO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de révision judiciaire présentée par Mme Lucila Bailon Trevino (Mme Trevino) aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], qui vise la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR], rendue le 4 novembre 2011, voulant que Mme Trevino n'ait pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[2]               Pour les raisons qui suivent, cette demande de révision judiciaire est rejetée.

 

II.        Faits

 

[3]               Mme Trevino est citoyenne du Mexique.

 

[4]               Elle et son ex-conjoint, M. Javier Chavez Mondragon, quittent le Mexique en 1989 pour s’établir aux États-Unis, et ce, jusqu’en 2008. Ils retournent ensuite au Mexique après 19 ans d’absence.

 

[5]               À leur retour, Mme Trevino et M. Mondragon sont menacés à plusieurs reprises par des membres de la Familia.

 

[6]               Ils quittent le Mexique le 25 mai 2009 et se rendent au Canada. Ils déposent leur demande d’asile la même journée.

 

[7]               Mme Trevino fondait sa première demande sur les allégués de M. Mondragon. Le 16 août 2009, Mme Trevino dépose un amendement à son formulaire de renseignements personnels [FRP] pour y ajouter ce qui suit :  

a)         En novembre 2009, Mme Trevino quitte le domicile du couple pour se réfugier dans un centre d’hébergement pour femmes victime de violence. Au début de l’année 2010, elle retourne à son domicile. Toutefois, elle subit encore la violence et les menaces de son conjoint.

b)         Le 29 avril 2011, elle porte plainte contre M. Mondragon à la police de la ville de Montréal.

c)         En mai 2011, l’avocate de Mme Trevino dépose une deuxième demande de séparation de dossiers devant la CISR. La Commission accepte la demande de Mme Trevino.

d)         Le 4 novembre 2011, la CISR refuse la demande d’asile de Mme Trevino. La Commission conclut au manque de crédibilité de Mme Trevino. La CISR note également qu’elle pourrait bénéficier de la protection de l’État du Mexique et d’une possibilité de refuge interne [PRI] dans les villes de Mexico DF, Guadalaraja, Monterrey, Saltillo et Acapulco.

 

III.       Législation

 

[8]               Les articles 96 et 97 de la LIPR précisent que :

 

Définition de « réfugié »

Convention refugee

 

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

() is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

() not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

Personne à protéger

 

Person in need of protection

 

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

 

 

IV.       Questions en litige et norme de contrôle

 

A.        Questions en litige

 

1.                  La CISR a-t-elle erré en concluant au manque de crédibilité de Mme Trevino?

2.                  La CISR a-t-elle erré en concluant que Mme Trevino pourrait bénéficier de la protection de l’État au Mexique?

3.                  La CISR a-t-elle erré en concluant qu’il existe une PRI pour Mme Trevino au Mexique?

 

B.        Norme de contrôle

 

[9]               L’évaluation de la crédibilité d’un demandeur d’asile ainsi que de la plausibilité de son récit relève de l’expertise de la CISR (voir Aguebor c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 au para 4 [Aguebor]). Ainsi, la norme de contrôle applicable aux questions de crédibilité est la norme de la décision raisonnable (Owochei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 140 au para 20).

 

[10]           Dans l’arrêt Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, la Cour d'appel fédérale précise que la norme de contrôle qui s'applique à une conclusion relative à la protection de l'État est celle de la raisonnabilité.

 

[11]           Quant à la question de la PRI, la norme de contrôle applicable est également celle de la décision raisonnable (voir Diaz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] ACF no 1543 au para 24).

 

[12]           Ainsi, la Cour doit déterminer si la décision de la CISR appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47).

 

V.        Position des parties

 

A.        Position de Mme Trevino

 

[13]           Mme Trevino soutient que la CISR omet d’expliciter comment elle applique les directives no 4 de la CISR concernant les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe à son dossier. Elle allègue de plus que la Commission ne s’est pas demandé pourquoi elle pouvait se tromper en témoignant ou omettre certains faits dans son récit.

 

[14]           De plus, Mme Trevino prétend :

a)         que la CISR ne tient pas compte du rapport de Mme Reida Real Reyes, psychologue (voir la page 60 du dossier de la demanderesse) ;

b)         que la CISR omet de mentionner d’autres éléments de preuve, dont la dénonciation de Mme Trevino (voir les pages 64 et 66 du dossier de la demanderesse) ;

c)         que sa réclamation auprès de l’indemnisation des victimes d’actes criminels [IVAC] a été ignorée (voir les pages 67 et 68 du dossier de la demanderesse) ainsi que la lettre du centre d’hébergement pour femmes immigrantes victimes de violence conjugale (voir la page 63 du dossier de la demanderesse).

 

[15]           Mme Trevino souligne que la CISR a l’obligation de tenir compte et d’évaluer la pertinence de tous les éléments de preuve au dossier à l’appui de sa position. Elle allègue qu’en « omettant toute référence à une partie importante de la preuve contradictoire, [la CISR] a erré, [justifiant ainsi] l’intervention de cette Cour » (voir la page 141, paragraphe 46 du dossier de la demanderesse).

 

[16]           Mme Trevino soutient, d’autre part, que la CISR erre en n’accordant aucune crédibilité à son récit en raison de quelques contradictions mineures (voir Romo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 543 aux paras 12 et 13).

 

[17]           Par ailleurs, Mme Trevino prétend que la CISR ignore la directive no 4 dans son analyse sur la protection de l’État ainsi que plusieurs extraits du cartable national de documentation sur le Mexique (le cartable) qui réfutent sa conclusion voulant que Mme Trevino puisse bénéficier d’une protection étatique adéquate au Mexique.

 

[18]           Mme Trevino allègue également que la conclusion de la CISR sur l’existence d’une PRI n’est pas raisonnable puisque la CISR « s’est livrée à de pures conjectures quant aux motifs, au comportement et à la personnalité [de M. Mondragon] » (voir Awolo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2011 CF 1122 au para 12).

 

B.        Position du défendeur

 

[19]           Le défendeur souligne d’abord que la CISR mentionne la directive no 4 dans son analyse de la crédibilité de Mme Trevino. Bien que Mme Trevino cite les décisions Keleta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 56 et Griffith c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1142, les faits en l’espèce et les éléments de preuve au dossier ne permettent pas l’application de cette jurisprudence aux dires du défendeur.

 

[20]           Puisque Mme Trevino et son avocat n’ont pas soulevé une quelconque incapacité à témoigner à l’audience, le défendeur soutient que Mme Trevino est maintenant forclose de le faire. Mme Trevino allègue que son incapacité à témoigner s’explique par son état psychologique. Toutefois, le rapport de Mme Reyes n’affirme pas que Mme Trevino est incapable de témoigner, mais soutient simplement qu’elle peut omettre certains faits en raison des mauvais traitements qu’elle a subis aux mains de M. Mondragon. Selon le défendeur, le rapport psychologique doit établir le lien entre les capacités cognitives de Mme Trevino et les contradictions ou omissions soulevées par la CISR (voir Moscol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 657 au para 10).

 

[21]           La CISR précise clairement qu’elle considère les directives no 4. Le défendeur rappelle que les directives de la CISR ne peuvent servir à combler les lacunes dans la demande d’asile de Mme Trevino.

 

[22]           Le défendeur souligne de plus que la CISR conclut correctement que Mme Trevino n’est pas crédible. Dans un premier temps, elle renonce à sa revendication fondée sur sa crainte de la Familia et omet certains faits importants dans son FRP, entre autres, les menaces proférées par monsieur Mondragon à l’égard de ses enfants. Par ailleurs, elle ne mentionne pas que M. Mondragon est un homme jaloux (voir Grinevich c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 444 ; Basseghi c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] ACF no 1867).

 

[23]           Le défendeur rappelle le principe voulant que l’État soit capable de protéger ses citoyens. Les demandeurs d’asile doivent faire appel aux autorités de leur pays avant de présenter une demande d’asile. Il y a une présomption que la protection étatique existe.

 

[24]           Selon le défendeur, les éléments de preuve présentés par Mme Trevino démontrent tout au plus que la protection offerte par l’État mexicain est imparfaite. La CISR souligne de plus qu’il existe au Mexique des refuges spécialisés, des services d’aide psychologique, juridique et médical, une ligne téléphonique d’urgence, une possibilité d’obtenir une ordonnance de protection d’urgence et des règlements prévoyant l’intervention immédiate des policiers en cas de violence conjugale.

 

[25]           La CISR conclut que Mme Trevino dispose d’une PRI au Mexique. Le défendeur soutient qu’il appartient ainsi à Mme Trevino de prouver qu’elle serait à risque partout au Mexique et qu’il serait objectivement déraisonnable pour elle, compte tenu des circonstances, d’y trouver refuge (Rasaratnam c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CA); Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CA);  Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164 (CA) [Ranganathan]).

 

[26]           Selon le défendeur, la CISR analyse correctement les PRIs puisqu’elle tient compte de la situation particulière de Mme Trevino. Elle analyse les éléments de preuve documentaire en fonction des pratiques et des ressources disponibles pour les femmes victimes de violence conjugale au Mexique. La CISR conclut, par ailleurs, qu’il serait difficile pour M. Mondragon de retrouver Mme Trevino. De plus, elle pourrait se trouver un emploi dans l’une des villes mentionnées.

 

[27]           Le fait que M. Mondragon connait vraisemblablement l’adresse des enfants de Mme Trevino au Mexique ne suffit en soi pour établir que les PRIs suggérées sont déraisonnables selon le défendeur.

 

VI.       Analyse

 

1.                  La CISR a-t-elle erré en concluant au manque de crédibilité de Mme Trevino?

 

[28]           La CISR a erré en concluant au manque de crédibilité de Mme Trevino.

 

[29]           Il est important de souligner que « [l]a Cour n'a pas à intervenir dans les conclusions de fait tirées par la [CISR] à moins qu'elle ne soit convaincue que ces conclusions sont fondées sur des considérations non pertinentes ou qu'elles ne tiennent pas compte des éléments de preuve dont la [CISR] était saisie » (voir l'affaire Kengkarasa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 714 au para 7; voir aussi l'affaire Miranda c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] ACF no 437). Il est établi, par la jurisprudence, que l'appréciation des éléments de preuve et des témoignages, ainsi que l'évaluation de leur valeur probante, appartiennent à la CISR (voir les décisions Aguebor, précitée et Romhaine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CF 534 au para 21).

 

[30]           La CISR souligne que dans son témoignage, Mme Trevino mentionne que M. Mondragon l’avait menacé et lui aurait dit « si tu [ne] sors pas tout de suite, tu vas voir que la mort va t’emporter » (voir le paragraphe 11 de la décision de la CISR). La CISR lui demande alors pourquoi elle omet de mentionner ce fait dans son FRP. Mme Trevino répond que ce fait apparaît dans son formulaire. Dans sa décision, la CISR conclut que « le fait d’être gravement menacée n’est pas aussi spécifique et sans équivoque que de dire que "la mort va t’emporter" ».

 

[31]           Mme Trevino soulève également la menace de mort proférée contre ses enfants. La CISR conclut que ces menaces ne se retrouvent pas dans le FRP de Mme Trevino puisqu’on y relate que les enfants allaient payer pour tout cela. Ce qui ne serait pas la même chose. La CISR refuse l’explication initiale présentée par Mme Trevino voulant que les menaces de mort soient mentionnées dans le récit (voir le paragraphe 11 de la décision de la CISR).

 

[32]           La CISR souligne que Mme Trevino s’est contredite dans son témoignage en hésitant sur la date exacte des menaces proférées contre ses enfants. Elle note également que Mme Trevino ne mentionne aucunement dans son FRP que M. Mondragon est un homme jaloux et qu’elle ne craint que lui.

 

[33]           Les conclusions de la CISR se fondent sur des considérations non pertinentes puisqu’elles s'attachent à des détails mineurs qui ne peuvent miner la crédibilité de Mme Trevino au point d'amener le rejet de sa demande d'asile. Ces conclusions de la CISR ne peuvent résister à une analyse plus poussée tant et si bien que si la décision ne reposait que sur ces constats, la Cour n’éprouverait aucune difficulté à accueillir cette demande de révision judiciaire.

 

[34]           Le témoignage de Mme Trevino et le contenu de son FRP sont cohérents. La CISR ne peut raisonnablement conclure que les deux versions sont profondément différentes l’une de l’autre.

 

[35]           Il est évident que le récit de Mme Trevino démontre que M. Mondragon est un homme jaloux. Elle écrit dans son FRP « le 20 novembre 2010, il a brisé un miroir, car j’avais demandé à un ami à quelle heure il sortait du travail. Cela l’a mis très en colère et il a brisé des choses où nous habitions » (voir la page 25 du dossier de la demanderesse). Le fait que Mme Trevino omet de mentionner dans sa requête en séparation de dossiers qu’elle craint la Familia ne modifie en rien sa demande d’asile. Cette omission ne devrait pas miner la crédibilité de Mme Trevino.

 

[36]           La Cour tient à souligner, par ailleurs, que les conclusions portant sur la crédibilité de Mme Trevino ne sont pas déterminantes en l’instance.

 

2.                  La CISR a-t-elle erré en concluant que Mme Trevino pourrait bénéficier de la protection de l’État au Mexique?

 

[37]           Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 au para 51, la Cour Suprême du Canada souligne qu’il existe une présomption selon laquelle un État est apte à protéger ses ressortissants à moins que le demandeur d’asile réfute cette présomption. Dans l’arrêt Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171 au para 57, la Cour d’appel fédérale précise que « le demandeur d'asile provenant d'un pays démocratique devra s'acquitter d'un lourd fardeau pour démontrer qu'il n'était pas tenu d'épuiser tous les recours dont il pouvait disposer dans son pays avant de demander l'asile ».

 

[38]           En l’espèce, bien que Mme Trevino craigne M. Mondragon, la CISR conclut qu’elle n’a pas réussi à réfuter la présomption voulant qu’il existe une protection pour les femmes victimes de violence conjugale au Mexique. La CISR souligne qu’un « demandeur d’asile ne peut pas réfuter la présomption de protection de l’État dans un pays où la démocratie fonctionne normalement en affirmant seulement qu’il a une réticence subjective à solliciter la protection de l’État » (voir le paragraphe 25 de la décision de la CISR).

 

[39]           Par ailleurs, la CISR précise qu’il existe une ligne téléphonique d’urgence, une possibilité d’obtenir une ordonnance de protection d’urgence et des règlements encadrant l’intervention policière dans les cas de violence conjugale.

 

[40]           Mme Trevino a présenté des éléments de preuve pour établir l’insuffisance des mesures mises en place par l’état mexicain. La CISR rejette ces éléments se fiant sur d’autres rapports contenus au cartable. La CISR rejette également le rapport de Hellman. Mme Trevino invoque deux décisions de cette Cour, Villicana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1205 et Lopez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1176, accueillant les demandes de révision judiciaire au motif que l’analyse de la commission du  rapport Hellman soulève des difficultés. En l’espèce, la CISR explique, au paragraphe 30 de sa décision, les raisons pour lesquelles elle rejette ce rapport et pourquoi elle retient d’autres éléments de preuve documentaires. Mme Trevino n’a donc pas réussi à démontrer, à la lumière des directives no 4, qu’il serait objectivement déraisonnable pour elle d’obtenir la protection de l’État au Mexique. La conclusion de la CISR à ce sujet est raisonnable.

 

3.                  La CISR a-t-elle erré en concluant qu’il existe une PRI pour Mme Trevino au Mexique?

 

[41]           Compte tenu des faits de l’affaire, la conclusion de la CISR, relativement à l’existence d’une PRI au Mexique, est également raisonnable. Comme le précise la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ranganathan, précité, au para 15, « [i]l ne faut rien de moins que l'existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d'un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr » et « une preuve réelle et concrète de l'existence de telles conditions ».

 

[42]           La CISR soutient, entre autres, que Mme Trevino pourrait se trouver un travail dans les villes de Mexico DF, Guadalajara, Monterrey, Saltillo et Acapulco. Mme Trevino réplique que M. Mondragon pourrait retrouver ses enfants et les menacer. Le fait d’alléguer que ses enfants pourraient être menacés par M. Mondragon ne permet pas de conclure que Mme Trevino ne saurait trouver refuge dans l’une des villes suggérées par la Commission. Il ne s’agit pas d’une « [condition qui mettraient] en péril la vie et la sécurité [de Mme Trevino]. […] La Commission n'a été saisie d'aucun élément de preuve qui aurait satisfait [ce] critère » (voir De Argueta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 369 au para 22).

 

[43]           La Cour, suite à une révision détaillée de la transcription de l’audience, conclut que le Commissaire s’est acquitté de son devoir aux termes des directives no 4. Les questions  du Commissaire cherchaient à bien saisir les explications présentées par Mme Trevino et la décision, tant sur la Protection de l’État mexicain que sur l’existence d’une PRI, nous apparaît tout à fait raisonnable.

 

VII.     Conclusion

 

[44]           La décision de la CISR fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir précitée au para 47). La CISR a raisonnablement conclu que Mme Trevino pourrait bénéficier de la protection étatique et qu’il existe une PRI dans les villes de Mexico DF, Guadalajara, Monterrey, Saltillo et Acapulco. Pour ces raisons, la demande de révision judiciaire de Mme Trevino est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.                  la demande de révision judiciaire est rejetée; et

2.                  il n’y a aucune question d’intérêt général à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8729-11

 

INTITULÉ :                                      LUCILA BAILON TREVINO

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             5 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                     31 juillet 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Annick Legault

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Geneviève Bourbonnais

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Annick Legault

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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