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Date : 20120731

Dossier : T‑75‑12

Référence : 2012 CF 946

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

IONELA FULGA‑TUZLUCHI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Mme Fulga‑Tuzluchi a vu sa demande de citoyenneté rejetée parce que le juge de la citoyenneté n’était pas convaincu qu’elle satisfaisait à l’obligation de résidence prescrite par la Loi sur la citoyenneté (la Loi). Les présents motifs concernent l’appel interjeté à l’égard de cette décision.

 

[2]               Selon l’alinéa 5(1)c) de la Loi, la personne qui demande la citoyenneté doit, notamment, avoir résidé au Canada pendant trois des quatre années qui ont précédé la demande, soit pendant un total de 1 095 jours. Mme Fulga‑Tuzluchi a soutenu qu’elle avait été ici pendant toute la période des quatre ans, sauf pendant une semaine de vacances.

 

[3]               L’agente qui a étudié la demande de citoyenneté de la demanderesse a écrit au juge de la citoyenneté pour lui faire part de ses préoccupations au sujet de la présence au Canada de Mme Fulga‑Tuzluchi pendant les quatre ans précédant la demande de celle‑ci, laquelle a été déposée en août 2008. L’agente a souligné que la demanderesse n’avait pas fourni de copie de ses passeports pour l’ensemble de la période en question, que les allégations Mme Fulga‑Tuzluchi n’étaient pas appuyées par les liens familiaux et professionnels dont elle affirmait l’existence et que :

[…] les séjours à l’extérieur du Canada ne peuvent donc être entièrement corroborés par rapport à ce qu’ils déclarent.

 

[4]               Lorsque Mme Fulga‑Tuzluchi a comparu devant le juge de la citoyenneté, elle a affirmé qu’en plus des documents qui se trouvaient dans le dossier de sa demande, elle avait d’autres documents en main. Le juge de la citoyenneté les a examinés, mais n’en a pas fait de copie. Il a dit qu’il avait besoin d’une preuve plus étoffée et lui a remis un questionnaire pour qu’elle le remplisse.

 

[5]               Selon Mme Fulga‑Tuzluchi, un délai de plusieurs mois lui a été accordé pour qu’elle fournisse ces renseignements. Cependant, pendant qu’elle recueillait les éléments de preuve, le juge de la citoyenneté a rejeté sa demande, donnant lieu à l’argument selon lequel les principes d’équité procédurale n’ont pas été respectés, notamment parce que le juge de la citoyenneté a pris sa décision au vu d’un dossier incomplet.

 

[6]               Il n’y a pas de transcription de l’audience tenue devant le juge de la citoyenneté. Nous avons en main deux documents émanant de lui. Le 14 novembre 2011, le juge a écrit à la demanderesse pour l’informer que sa demande n’était pas approuvée, parce qu’elle ne satisfaisait pas à l’obligation de résidence, étant donné qu’elle n’avait pas résidé au Canada pendant au moins trois ans au cours de la période de quatre ans précédant immédiatement ladite demande.

 

[7]               Voici comment le juge de la citoyenneté s’est exprimé :

[traduction]

Afin de pouvoir décider si vous satisfaisiez à l’obligation de résidence, je vous ai demandé de fournir des documents supplémentaires. Au cours de l’audience, je vous ai également demandé d’autres documents, étant donné que je n’étais pas satisfait de ceux qui avaient déjà été présentés, mais je n’en ai reçu aucun. Malheureusement, les documents que vous avez déposés ne constituaient pas, à mon avis, une preuve satisfaisante de résidence au Canada. J’en suis donc arrivé à la conclusion que vous ne respectiez pas l’obligation de résidence définie à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

 

[8]               De plus, le juge de la citoyenneté a donné au ministre un avis qui allait essentiellement dans le même sens, mais il a toutefois ajouté dans cet avis qu’il avait entendu l’affaire le 9 août 2011 et qu’il avait donné à la demanderesse jusqu’au 30 août 2011 pour qu’elle fournisse des documents supplémentaires.

 

LES MOTIFS D’APPEL

[9]               En plus d’invoquer un manquement aux principes d’équité procédurale, Mme Fulga‑Tuzluchi soutient que la décision n’est pas raisonnable :

a.       d’après les documents qui se trouvaient au dossier avant l’audience tenue devant le juge de la citoyenneté;

b.      si non, d’après les documents montrés au juge de la citoyenneté à l’audience;

c.       si non, d’après les documents dont la Cour est actuellement saisie et qui n’avaient pas été portés à l’attention du juge de la citoyenneté lorsqu’il a rendu sa décision.

 

LA DÉCISION

[10]           Il n’est pas nécessaire que je rende une décision au sujet des questions liées à l’équité ou au caractère raisonnable, étant donné que j’accueillerai l’appel au motif que le juge de la citoyenneté n’a pas fourni de motifs. Le paragraphe 14(3) de la Loi exige que le juge de la citoyenneté qui rejette la demande en informe sans délai le demandeur « en lui faisant connaître les motifs de sa décision et l’existence d’un droit d’appel ».

 

[11]           Dans la présente affaire, le juge de la citoyenneté a rendu sa décision, mais n’a invoqué aucun motif à l’appui de celle‑ci. Comme la Cour fédérale l’a souligné dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Jeizan, 2010 CF 323, 386 FTR 1, [2010] ACF no 373 (QL), au paragraphe 17 :

Une décision est suffisamment motivée lorsque les motifs sont clairs, précis et intelligibles et lorsqu’ils disent pourquoi c’est cette décision‑là qui a été rendue. Une décision bien motivée atteste une compréhension des points soulevés par la preuve, elle permet à l’intéressé de comprendre pourquoi c’est cette décision‑là qui a été rendue, et elle permet à la cour siégeant en contrôle judiciaire de dire si la décision est ou non valide : voir Lake c. Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23, [2008] 1 R.C.S. 761, paragraphe 46; Mehterian c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 545 (C.A.F.); VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25 (C.A.F.), paragraphe 22; décision Arastu, précitée, paragraphes 35 et 36.

 

[12]           À mon avis, aucun motif n’a été donné. Même si le paragraphe 1 de la décision du juge de la citoyenneté que j’ai cité énonce des motifs, il est évident que ces motifs ne sont pas suffisants.

 

[13]           La demande est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour nouvelle décision. Mme Fulga‑Tuzluchi devrait certainement fournir à ce juge les documents qui ont été déposés en l’espèce, mais dont le premier juge de la citoyenneté n’avait pas été saisi.

 

[14]           Aucune ordonnance n’est rendue au sujet des dépens.

 

[15]           Le présent appel a été entendu le même jour que l’appel dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Hannoush, 2012 CF 945. Dans Hannoush, l’appel du ministre a été accueilli, parce que le juge de la citoyenneté n’avait pas fourni de motifs comme la Loi l’exige. La même conclusion s’applique en l’espèce. Il ne peut y avoir de traitement différent selon que l’appelant est le ministre ou la personne qui demande la citoyenneté.

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS;

LA COUR ORDONNE :

1.                  L’appel de Mme Fulga‑Tuzluchi est accueilli.

2.                  La demande de citoyenneté est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour nouvelle décision.

3.                  Le tout sans frais.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑75‑12

 

INTITULÉ :                                                  FULGA‑TUZLUCHI c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 26 juillet 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 31 juillet 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Tatiana Gomez

 

POUR LA DEMANDERESSE

Catherine Brisebois

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Tatiana Gomez

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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