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Date : 20120723

Dossier : IMM‑8514‑11

Référence : 2012 CF 928

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

JAYATHILAKA BANDA YAPA MUDIYANSELE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], à l’égard d’une décision par laquelle l’agent d’immigration (l’agent) a refusé d’accorder à M. Jayathilaka Banda Yapa Mudiyansele (M. Mudiyansele), pour des considérations d’ordre humanitaire (CH), une dispense de l’obligation de demander la résidence permanente depuis l’extérieur du Canada conformément au paragraphe 25(1) de la LIPR.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci‑après, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

II.        Les faits

 

[3]               M. Mudiyansele est un citoyen du Sri Lanka. Il appartient à la majorité cinghalaise et était moine bouddhiste avant son arrivée au Canada.

 

[4]               M. Mudiyansele est arrivé au Canada en octobre 2007 et a demandé l’asile. La Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté cette demande et la Cour fédérale a subséquemment refusé la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire que M. Mudiyansele a présentée à l’égard de la décision de la SPR.

 

[5]               M. Mudiyansele a alors demandé une évaluation des risques avant renvoi [ERAR] et a également déposé sa demande CH. Les deux demandes ont été rejetées respectivement le 25 août 2011 et le 12 octobre 2011.

 

[6]               Le 6 février 2012, monsieur le juge Shore a refusé la demande que M. Mudiyansele avait présentée en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à l’issue de sa demande de contrôle judiciaire relative à la décision de l’agent. Le juge Shore s’est exprimé comme suit :

La jurisprudence a clairement stipulé que l’existence d’une demande pour des motifs d’ordre humanitaire ne constitue pas un motif de surseoir au renvoi (Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311, au paragraphe 50).

 

a. Sachant que la discrétion de l’agent de renvoi est limitée, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire dans ce cas ne soulève pas une question sérieuse.

 

b. Suite aux risques allégués déjà considérés devant la SPR et la décision de la SPR qui a été confirmée par cette Cour, le demandeur n’a pas établi qu’il subirait un préjudice irréparable s’il était renvoyé du Canada avant que sa demande d’autorisation soit tranchée.

 

c. Compte tenu des circonstances, la balance des inconvénients penche en faveur du défendeur qui doit procéder au renvoi (voir Yapa Mudiyansele c Canada (Ministre de la sécurité publique et de la protection civile), 2012 CF 155).

 

[7]               M. Mudiyansele a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de la décision de l’agent le 23 novembre 2011.

 

III.       La disposition législative

 

[8]               Le paragraphe 25(1) de la LIPR est ainsi libellé :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

 

IV.       La question en litige et la norme de contrôle

 

A.                La question en litige

 

·                     L’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que M. Mudiyansele ne serait pas exposé à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées s’il était tenu de déposer à l’étranger sa demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire?

 

B.        La norme de contrôle

 

[9]               Dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS no 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu, au paragraphe 62 de sa décision, qu’au moment de déterminer la norme de contrôle appropriée, la cour de révision vérifie d’abord « si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ».

 

[10]           Dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 62, la Cour suprême du Canada a expliqué que la norme de contrôle applicable aux décisions relatives aux demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire est la norme de la décision raisonnable (voir également Paz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 412, [2009] ACF no 497, aux paragraphes 22 à 25).

 

[11]           Selon la Cour suprême du Canada, « le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

V.        La position des parties

 

A.                La position de M. Mudiyansele

 

[12]           M. Mudiyansele soutient que l’agent n’a pas appliqué le critère approprié pour évaluer sa demande. Il invoque Ramsawak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 636, au paragraphe 27, où la Cour fédérale a examiné précisément cette question et décidé que « le simple fait pour l’agent de mentionner le critère approprié au début de ses motifs ne signifie évidemment pas qu’il a correctement apprécié la preuve. En venir à la conclusion contraire équivaudrait à privilégier la forme par rapport au fond ».

 

[13]           Il appert également de la jurisprudence de la Cour fédérale que l’application erronée du critère suffit pour infirmer la décision. M. Mudiyansele ajoute qu’une décision CH mérite une analyse distincte de celle qui a été faite lors de l’évaluation des risques, laquelle analyse doit être menée au regard du critère qui convient.

 

[14]           M. Mudiyansele ajoute que la SPR a conclu que sa version était crédible.

 

[15]           M. Mudiyansele a déposé une lettre du révérend Dodampahala Wipulasiri au soutien de sa demande (voir le dossier de la demande de M. Mudiyansele, aux pages 47 et 48) et fait valoir que l’agent a mal évalué cette lettre, étant donné que celle‑ci ne contredisait pas son témoignage, mais confirmait plutôt qu’il était plausible qu’il craigne d’être persécuté à son retour au Sri Lanka.

 

[16]           M. Mudiyansele a écrit sur son formulaire de renseignements personnels [FRP] qu’alors qu’il travaillait avec la population tamoule au Sri Lanka après le tsunami, il a manifesté son mécontentement auprès des autorités et a été arrêté. Selon M. Mudiyansele, étant donné que la Commission a jugé que son témoignage était crédible, les liens qu’il a eus dans le passé avec la population tamoule l’exposaient à des difficultés à son retour au Sri Lanka.

 

[17]           M. Mudiyansele affirme que la décision de l’agent est arbitraire. Selon le Guide IP‑5, que l’agent a cité, il est nécessaire de soulever certaines questions afin de déterminer le degré d’établissement du demandeur.

 

[18]           Enfin, M. Mudiyansele fait valoir que l’agent s’est servi d’un modèle d’une autre décision, ce qui montre le caractère arbitraire de la décision qu’il a rendue.

 

B.                 La position du défendeur

 

[19]           Le défendeur souligne que l’agent a passé en revue la preuve que M. Mudiyansele avait présentée et conclu que celui‑ci n’avait pas établi l’existence d’un risque. Bien que M. Mudiyansele veuille obtenir une dispense des exigences de la LIPR, il n’a jamais été résident permanent du Canada. Selon le défendeur, il incombe à M. Mudiyansele d’établir qu’il serait exposé à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées s’il devait déposer sa demande de résidence permanente à l’étranger.

 

[20]           Selon le défendeur, l’agent a manifestement appliqué le critère qui convenait pour évaluer la demande CH de M. Mudiyansele.

 

[21]           M. Mudiyansele n’a pas allégué que sa situation à titre d’ex‑moine l’exposerait à des difficultés. En se fondant sur la preuve présentée, l’agent a conclu que M. Mudiyansele ne serait pas exposé à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées s’il devait retourner au Sri Lanka.

 

[22]           De l’avis du défendeur, M. Mudiyansele tente de plaider à nouveau sa demande d’asile devant l’agent, ce qui va à l’encontre de la loi, étant donné qu’une demande CH n’est pas un appel de la décision de la SPR (Hussain c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 751 [Hussain]).

 

[23]           M. Mudiyansele soutient que la SPR a jugé qu’il était crédible. Selon le défendeur, cette affirmation va à l’encontre de la décision de la SPR. En effet, la SPR n’a jamais accepté l’hypothèse de M. Mudiyansele selon laquelle il est soupçonné par l’armée d’être un sympathisant des Tigres de libération de l’Eelam tamoul qui n’aurait été remis en liberté que parce qu’il était un moine bouddhiste.

 

[24]           Surtout, le défendeur affirme que M. Mudiyansele n’a présenté aucun élément de preuve qui aurait permis à l’agent d’en arriver à une conclusion différente de celle de la SPR au sujet de l’existence du risque invoqué.

 

[25]           L’agent a reconnu que M. Mudiyansele avait déployé des efforts raisonnables pour s’établir au Canada. Néanmoins, l’agent a aussi tenu compte du fait que M. Mudiyansele n’avait pas de parents proches au Canada et que sa mère et ses cinq frères vivaient toujours au Sri Lanka. L’agent a conclu que M. Mudiyansele serait inévitablement exposé à certaines difficultés s’il devait retourner au Sri Lanka, mais que ces difficultés ne justifiaient pas l’octroi de la dispense sollicitée. Le degré d’établissement n’est pas un critère décisif. Dans la même veine, de l’avis du défendeur, la difficulté inhérente à l’obligation de quitter le Canada ne suffit pas pour justifier une dispense des exigences prévues au paragraphe 25(1) de la LIPR.

 

[26]           Enfin, M. Mudiyansele a relevé des erreurs d’écriture que comporte la décision de l’agent. Bien que certaines phrases soient tirées d’un modèle différent, ce fait ne justifie pas en soi l’annulation de la décision. Comme l’a récemment souligné la Cour suprême du Canada dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 :

[12] Il importe de souligner que la Cour a souscrit à l’observation du professeur Dyzenhaus selon laquelle la notion de retenue envers les décisions des tribunaux administratifs commande [traduction] « une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision ». Dans son article cité par la Cour, le professeur Dyzenhaus explique en ces termes comment le caractère raisonnable se rapporte aux motifs :

 

[traduction] Le « caractère raisonnable » s’entend ici du fait que les motifs étayent, effectivement ou en principe, la conclusion. Autrement dit, même si les motifs qui ont en fait été donnés ne semblent pas tout à fait convenables pour étayer la décision, la cour de justice doit d’abord chercher à les compléter avant de tenter de les contrecarrer. Car s’il est vrai que parmi les motifs pour lesquels il y a lieu de faire preuve de retenue on compte le fait que c’est le tribunal, et non la cour de justice, qui a été désigné comme décideur de première ligne, la connaissance directe qu’a le tribunal du différend, son expertise, etc., il est aussi vrai qu’on doit présumer du bien‑fondé de sa décision, même si ses motifs sont lacunaires à certains égards. [Je souligne.]

 

[27]           Le défendeur soutient que la décision de l’agent est raisonnable.

 

VI.       Analyse

 

[28]           « Le processus de décision pour les demandes CH est tout à fait discrétionnaire et sert à déterminer si l’octroi d’une exemption est justifié [...] » (Doumbouya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1186, au paragraphe 7; Kawtharani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 162, au paragraphe 15 [Kawtharani]). M. Mudiyansele ne s’est pas acquitté du fardeau qu’il avait d’établir sans l’ombre d’un doute qu’il serait exposé à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées s’il devait déposer sa demande de résidence permanente depuis l’extérieur du pays (Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, au paragraphe 23 [Legault]).

 

[29]           De plus, « le degré d’établissement d’un demandeur n’a pas un effet déterminant sur une demande CH (Klais). Il s’agit seulement d’un des facteurs à évaluer » (Kawtharani, précité au paragraphe 32).

 

[30]           Il est également bien reconnu en droit qu’une demande CH n’est pas un appel de la décision de la SPR (Hussain, précité, au paragraphe 12).

 

[31]           Le Guide IP‑5, Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, comporte des directives utiles pour les agents d’immigration. Bien que ces directives n’aient nullement un caractère contraignant (décision Legault, susmentionnée), la Cour estime qu’il est important d’en reproduire les articles 5.10 et 5.11, qui concernent l’évaluation des difficultés par l’agent :

5.10.    Évaluation des difficultés

 

L’évaluation des difficultés dans le cadre d’une demande CH permet au décideur de CIC de déterminer si des considérations d’ordre humanitaire justifient l’octroi de la dispense demandée.

 

Le critère des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées » a été adopté par la Cour fédérale dans ses décisions fondées sur le paragraphe 25(1) de la LIPR, ce qui signifie que ces termes sont plus que de simples lignes directrices.

 

Voir Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); 2009 Carswell Nat 452; 2009 CF 11.

 

Dans nombre de cas, le critère des difficultés sera lié à l’obligation d’obtenir un visa de résident permanent avant de venir au Canada (L11). Autrement dit, le demandeur ferait‑il face à des difficultés s’il devait quitter le Canada pour faire sa demande à l’étranger.

 

L’étranger peut toutefois demander une dispense d’autres exigences de la Loi et du Règlement. Dans ce cas, le critère consiste à déterminer si le refus de la dispense risque d’entraîner des difficultés pour le demandeur.

 

Lorsqu’on détermine les difficultés auxquelles un demandeur fait face, il faut examiner les considérations d’ordre humanitaire globalement plutôt que séparément. En d’autres mots, les difficultés sont évaluées en soupesant l’ensemble des considérations d’ordre humanitaire invoquées par le demandeur. Les difficultés doivent être inhabituelles et injustifiées ou démesurées, tel qu’il est décrit ci‑dessous :

 

Difficultés

 

Difficultés inhabituelles et injustifiées

 

Difficultés démesurées

 

·       Les difficultés auxquelles le demandeur fait face (s’il n’obtient pas la dispense demandée) doivent être inhabituelles dans la plupart des cas. Autrement dit, il s’agit de difficultés non envisagées dans la Loi ou le Règlement; et

·       les difficultés auxauqlles le demandeur fait face (s’il n’obtient pas la dispense demandée) doivent être injustifiées dans la plupart des cas, le résultat de circonstances indépendantes de sa volonté.

 

·       Il peut aussi exister des considérations d’ordre humanitaire suffisantes dans des cas où les difficultés occasionnées par le refus de la dispense ne seraient pas considérées comme « inhabituelles et injustifiées », mais auraient un impact déraisonnable sur le demandeur en raison de sa situation personnelle.

 

 

5.11.        Facteurs à prendre en considération dans l’évaluation des difficultés

 

Le L25(1) prévoit la possibilité de soustraire le demandeur à l’obligation d’obtenir un visa de résident permanent à l’étranger, à l’obligation d’appartenir à une catégorie et/ou à une interdiction de territoire s’il est justifié de le faire pour des considérations d’ordre humanitaire.

 

L’agent doit évaluer les difficultés auxquelles le demandeur ferait face s’il n’obtenait pas la dispense demandée.

 

Le demandeur peut fonder sa demande CH sur plusieurs facteurs, notamment :

 

·                    son établissement au Canada;

·                    ses liens avec le Canada;

·                    l’intérêt supérieur de tout enfant touché par sa demande;

·                    des facteurs dans son pays d’origine (entre autres, incapacité d’obtenir des soins médicaux, discrimination n’équivalant pas à de la persécution, harcèlement ou autres difficultés non visées aux L96 et L97;

·                    des facteurs relatifs à la santé;

·                    des facteurs relatifs à la violence familiale;

·                    les conséquences de la séparation des membres de la famille;

·                    l’incapacité à quitter le Canada ayant conduit à l’établissement; et/ou

·                    tout autre facteur pertinent invoqué par le demandeur n’étant pas visé aux L96 et L97.

 

[32]           M. Mudiyansele reproche à l’agent d’avoir appliqué le critère inapproprié à l’égard des décisions CH. Après avoir passé en revue la décision, la Cour constate que l’agent a apprécié l’ensemble de la preuve que M. Mudiyansele avait présentée. En conséquence, aucune erreur de cette nature n’a été commise.

 

[33]      M. Mudiyansele ajoute que la SPR a jugé sa version crédible. Cependant, la SPR a refusé la demande d’asile de M. Mudiyansele pour des raisons liées à la crédibilité. La Cour fédérale a jugé que cette décision était raisonnable et l’a rappelé dans son ordonnance du 6 février 2012. Dans sa décision, l’agent a mentionné ce qui suit : [traduction] « mon rôle ne consiste pas à infirmer les conclusions de la SPR, parce que je ne siège pas en appel ou en révision de la décision du tribunal » (voir le dossier du Tribunal, à la page 14). L’agent formule également les commentaires suivants :

[traduction]

Lorsque j’ai examiné la demande d’ERAR du demandeur, j’ai soupesé les risques inhérents au retour selon les dispositions des articles 96 et 97 de la LIPR. Comme il est expliqué dans le Guide IP‑5, le critère à appliquer lors de l’examen d’une demande CH est nettement différent; j’ai donc évalué les risques allégués pour savoir s’ils constituaient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées. Dans la présente demande de dispense de visa, le demandeur a réitéré les mêmes allégations concernant le risque. [...] Dans les circonstances, je suis d’avis que le demandeur ne serait pas, en ce qui concerne le premier motif, exposé à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées s’il retournait au Sri Lanka pour déposer une demande de résidence permanente (voir le dossier du Tribunal, à la page 14).

 

 

[34]           La Cour estime que cette conclusion est raisonnable. Les agents d’immigration ne siègent pas en appel des décisions de la SPR. De plus, M. Mudiyansele a réitéré les mêmes allégations relatives au risque que celles dont la SPR avait été saisie.

 

[35]           M. Mudiyansele affirme qu’il a présenté une preuve de son établissement au Canada. L’agent souligne que les efforts de M. Mudiyansele [traduction] « montrent son intention de s’enraciner au Canada. La question est de savoir si ces efforts sont suffisants pour justifier une mesure exceptionnelle, c’est‑à‑dire la dispense de visa selon le Guide IP‑5 » (voir le dossier du Tribunal, à la page 15).

 

[36]           L’agent a décidé que M. Mudiyansele n’avait présenté aucun élément de preuve établissant qu’il connaissait les deux langues officielles du Canada.

 

[37]           De plus, M. Mudiyansele a fourni une lettre d’un conseiller de la ville de Montréal, des lettres de deux députés et deux pétitions comportant plus de 100 signatures au soutien de sa demande. Il a aussi suivi 105 heures de cours de soins infirmiers et est venu en aide à un homme handicapé âgé de 68 ans. L’agent a reconnu tous ces facteurs positifs et les a soupesés.

 

[38]           La Cour est d’avis que la conclusion de l’agent au sujet de l’établissement de M. Mudiyansele constitue une issue acceptable selon la définition énoncée par la Cour suprême du Canada.

 

[39]           En dernier lieu, M. Mudiyansele reproche à l’agent d’avoir commis des erreurs d’écriture en utilisant un modèle pour préparer sa décision. Le défendeur a reconnu ces erreurs dans son mémoire : [traduction] « le demandeur a relevé des erreurs d’écriture que comporte la décision. D’abord, il y a une erreur quant à la date à laquelle la demande CH a été reçue; en deuxième lieu, deux phrases des motifs ont été tirées à tort d’un autre dossier. Bien que ces erreurs soient malheureuses, elles ne justifient pas en soi l’annulation de la décision » (voir le mémoire du défendeur, à la page 13).

 

[40]           La Cour souligne que l’agent a affirmé à tort que M. Mudiyansele avait déposé sa demande CH le 19 janvier 2004. De plus, l’agent a utilisé deux phrases tirées d’un document qui semble être une autre décision et a ajouté erronément des renseignements qui ne figuraient pas au dossier de M. Mudiyansele. Ces erreurs n’ont pas eu d’effet déterminant sur la décision. Cependant, si elles avaient été au coeur de la demande de M. Mudiyansele, la Cour n’aurait pas hésité à annuler la décision de l’agent. Ces types d’erreur peuvent miner sérieusement le processus CH et la Cour ne les prend pas à la légère, même si les erreurs en question n’ont pas d’effet déterminant en l’espèce.

 

VII.     Conclusion

 

[41]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée au motif que, dans l’ensemble, la décision de l’agent est raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8514‑11

 

INTITULÉ :                                                  JAYATHILAKA BANKA YAPA MUDIYANSELE c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 31 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 23 juillet 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Karkar

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sébastien Dasylva

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Viken G. Artinian

Allen et associés

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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