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Date : 20120801

Dossier : T-1957-10

Référence : 2012 CF 962

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 1er août 2012

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

 

MOROCCANOIL ISRAEL LTD

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LES LABORATOIRES PARISIENS CANADA (1989) INC ET M. UNTEL S/N LES LABORATOIRES PARISIENS INC ET M. UNTEL S/N LYS PARISIEN

 

 

 

défenderesses

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le 17 janvier 2012, le juge Rennie a accordé à la demanderesse un jugement par défaut à l'encontre des défenderesses dans une action visant, entre autres, la contrefaçon de marque de commerce et la commercialisation trompeuse suivant la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13.

 

[2]               Les défenderesses ont présenté une requête en annulation de l'ordonnance du juge Rennie et ont ultérieurement déposé une requête sollicitant la modification de leur requête en annulation en vue de présenter un projet de défense.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que les défenderesses n'ont pas satisfait au critère applicable pour leur donner droit à l’annulation du jugement du juge Rennie.

 

1. Le contexte

[4]               Tel que cela a été mentionné ci‑dessus, la demanderesse a institué une action en contrefaçon de marque de commerce et en commercialisation trompeuse à l'encontre des défenderesses. Une déclaration a été produite le 23 novembre 2010 et signifiée aux défenderesses le 30 novembre 2010. 

 

[5]               Le 14 décembre 2010 ou aux environs de cette date, les défenderesses ont fourni à l'avocat de la demanderesse un document intitulé « Réponse aux Allégations », daté du 10 décembre 2010, lequel document était signé par « Christian Lebel » pour Les Laboratoires Parisien Canada (1989) Inc. On ne sait pas si ce document était destiné à être une défense. Ce document n'a jamais été déposé au greffe de la cour et on n'a jamais cherché à le déposer, de même qu'il n'y a aucune défense déposée au greffe de la cour dans cette action.

 

[6]               Le 13 janvier 2011, la demanderesse a avisé les défenderesses par écrit que les Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, exigent qu'une personne morale soit représentée par avocat dans toute instance à moins que la cour n'accorde son autorisation à cause de circonstances particulières. La demanderesse a de plus avisé les défenderesses que le document intitulé « Réponse aux Allégations », daté du 10 décembre 2010, n'avait pas été déposé auprès de la Cour fédérale et qu'une défense devait être déposée au greffe de la Cour fédérale.

 

[7]               Par lettre datée du 20 janvier 2011, Me Alain Béland a indiqué que les défenderesses avaient retenu ses services dans la présente action. La lettre de Me Béland reconnaissait que les défenderesses n'avaient pas déposé leur défense et reconnaissait en outre qu'une demande de la Cour pouvait être requise pour faciliter le dépôt d'une défense. Ni les défenderesses ni leur avocat n'ont pris de mesures pour donner suite à la lettre susmentionnée.

 

[8]               Par lettre datée du 7 mars 2011, la demanderesse a de nouveau communiqué avec Me Béland, lui demandant de prendre des mesures pour remédier sans délai aux irrégularités de procédure de ses clientes. Dans cette lettre, la demanderesse a exprimé son intention d'aller de l'avant et de présenter une requête en jugement par défaut si les défenderesses choisissaient de ne pas prendre les mesures appropriées pour signifier et déposer une défense. Encore une fois, ni les défenderesses ni leur avocat n'ont pris de mesures en réponse à la lettre susmentionnée.

 

[9]               Le 21 avril 2011, les avocats des défenderesses ont écrit à la demanderesse, autorisant celle-ci à communiquer directement avec les défenderesses. Selon les avocats, Laboratoires Parisiens voulaient discuter d'une entente [traduction] « en raison de la faible valeur en jeu. »

 

[10]           Entre le 8 juin 2011 et le 12 août 2011, les parties ont tenté de régler l'affaire et, en conséquence, la demanderesse a délivré des documents de règlement aux défenderesses. Le 4 août 2011, la demanderesse a écrit aux défenderesses et confirmé que son offre de règlement était maintenue jusqu'au 12 août 2011, et qu’à défaut d’acceptation la demanderesse retirait l'offre et s'adressait aux tribunaux.

 

[11]           Le 10 août 2011, la demanderesse a de nouveau écrit aux défenderesses, répétant que l'offre de règlement était maintenue uniquement jusqu'au 12 août 2011. Les défenderesses ne semblent pas avoir accepté l'offre de règlement de la demanderesse à cette échéance.

 

[12]           Dans l'intervalle, soit le 1er juin 2011, la demanderesse a reçu un avis d'examen de l'état de l'instance de la Cour fédérale et a signifié et déposé des observations en réponse à cet avis. Ces observations présentaient à la Cour un historique complet de l'état de l'instance jusqu'à ce jour et indiquaient l'intention de la demanderesse de présenter une requête en jugement par défaut. La réponse de la demanderesse à l’avis d'examen de l'état de l'instance a été signifiée aux défenderesses le 16 juin 2011. Les défenderesses n'ont pas répondu aux observations de la demanderesse, ni n’ont déposé d'observations auprès de la Cour.

 

[13]           Le 20 juillet 2011, la Cour a ordonné que l’action se poursuive à titre d'instance à gestion spéciale. Une directive datée du 11 octobre 2011 enjoignait à la demanderesse de déposer un rapport sur l'état du dossier. Le 18 octobre 2011 ou aux environs de cette date, la demanderesse a signifié et déposé un rapport sur l'état du dossier confirmant, encore une fois, son intention de déposer une requête en jugement par défaut.

 

[14]           Les défenderesses n'ont pas communiqué avec la demanderesse en réponse au rapport sur l'état du dossier de celle-ci ni n’ont déposé d'observations auprès de la Cour fédérale. Une directive orale du juge responsable de la gestion de l'instance, datée du 8 novembre 2011, a ordonné à la demanderesse de présenter sa requête en jugement par défaut au plus tard le 30 décembre 2011. Une copie de cette directive orale a été fournie aux défenderesses. Une fois de plus, les défenderesses n'ont pris aucune mesure à cet égard. Les défenderesses n'ont pas communiqué avec la demanderesse en réponse à la directive orale, ni autrement, ni n'ont pris de mesures pour communiquer avec la Cour fédérale.

 

[15]           Le 29 décembre 2011, l’avocat de la demanderesse a écrit aux défenderesses et a joint par courtoisie une copie de l'avis de requête en jugement par défaut. Les défenderesses n'ont pris aucune mesure à la suite de cette lettre, pas plus qu'elles n'ont communiqué avec l'avocat de la demanderesse en réponse à celle-ci.

 

[16]           Le 11 janvier 2012, l'avocat de la demanderesse a de nouveau écrit aux défenderesses et joint une autre copie de l’avis de requête en jugement par défaut. Encore une fois, les défenderesses n'ont pris aucune mesure et n’ont pas communiqué avec l'avocat de la demanderesse. Le 17 janvier 2012, le juge Rennie a accueilli la demande de la demanderesse sollicitant un jugement par défaut à l'encontre des défenderesses.

 

2. Question en litige

[17]           La seule question à trancher dans la présente instance est de savoir si le jugement par défaut à l'encontre des défenderesses devrait être annulé et si les défenderesses devraient être autorisées à signifier et déposer leur défense.

 

3. Analyse

[18]           Le paragraphe 399(1) des Règles des Cours fédérales prévoit que la Cour peut, sur requête, annuler une ordonnance rendue sur requête ex parte si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi l'ordonnance n'aurait pas dû être rendue.

 

[19]           Le critère à satisfaire à l'égard d'une telle requête ne fait pas l’objet de désaccord entre les parties. Comme l’ont énoncé des décisions comme Society of Composers, Authors & Music Publishers of Canada c 654163 Ontario Ltd, 2010 CF 905, Sei Industries Ltd c Terratank Environmental Group, 2006 CF 218, Taylor Made Gold Co Inc et al c 1110314 Ontario Inc (1998), 148 FTR 212, Brilliant Trading Inc c Tung Wai Wong and Zhen Hing Enterprise Ltd, 2005 CF 571, et Molson Canada (an Ontario General Partnership) c Beauchamp, 2010 CF 109, les défenderesses doivent :

a)         établir l'existence d'une explication raisonnable en ce qui concerne l'omission de déposer leur défense ;

b)         établir l'existence d'une défense prima facie à opposer sur le fond de la demande de la demanderesse;

c)         avoir agi sans tarder en vue de faire annuler le jugement par défaut.

 

[20]           Les trois éléments du critère sont conjonctifs et les défenderesses doivent par conséquent satisfaire aux trois volets pour faire annuler le jugement par défaut. 

 

[21]           En l'espèce, l'explication des défenderesses en ce qui concerne l'omission de déposer une défense ne me paraît pas raisonnable. L'avocat des défenderesses a tenté avec insistance de me convaincre que les défenderesses agissaient de bonne foi et ont omis de respecter les règles de la Cour parce qu'elles ne connaissaient pas bien les procédures et qu'elles avaient été amenées à croire qu'elles en arriveraient à un règlement à l'amiable puisque le montant des dommages subis par la demanderesse n'était pas élevé. Malheureusement, la preuve présentée à la Cour n'appuie pas cette explication.

 

[22]           À partir d'au moins le 20 janvier 2011 jusqu'au 21 avril 2011, les défenderesses ont retenu les services d'un avocat. La demanderesse a informé expressément les défenderesses et leur avocat de ce qui suit, et ce, à plusieurs reprises : une personne morale doit être représentée par un avocat dans toute instance devant la Cour fédérale; une défense appropriée doit être déposée au du greffe de la Cour fédérale; compte tenu du retard à déposer une telle défense, il était nécessaire de présenter une requête sollicitant l’autorisation de déposer tardivement la défense. Cependant, les défenderesses n'ont jamais apparemment corrigé ces omissions. 

 

[23]           Le fait que les parties ont tenté de régler l'action entre avril et août 2011 ne libérait pas la demanderesse de l’obligation de respecter les Règles des Cours fédérales. Même si ces discussions peuvent offrir une explication raisonnable en ce qui concerne l'omission de déposer une défense au cours de cette période, elle n'explique pas la raison pour laquelle aucune mesure n'a été prise avant avril 2011 ou après le mois d'août de la même année. Ceci est particulièrement vrai compte tenu du rapport de l'état de l'instance de la demanderesse, daté du 18 octobre 2011, et envoyé aux défenderesses le même jour. Le dernier paragraphe de ce rapport déclare expressément ce qui suit : [traduction] « La demanderesse a l'intention de déposer sa requête en jugement par défaut au plus tard le 30 décembre 2011. » Si les défenderesses avaient encore quelque doute à l'esprit, la copie de l'avis de requête déposé à l'appui d'une demande sollicitant un jugement par défaut envoyée aux défenderesses le 29 décembre 2011 aurait dû éliminer toute ambiguïté possible. Même à cette étape tardive, les défenderesses ont continué de ne rien faire.

 

[24]           Les défenderesses ont tenté de soutenir qu'elles ne connaissaient pas bien le droit et la procédure devant la Cour fédérale. M. Christian Lebel, président et unique actionnaire des défenderesses, a expliqué qu'il avait l'impression que les nombreux ajournements dans l'instance criminelle à l'encontre de la demanderesse en vertu du Code criminel s'appliquaient tout autant à l'instance devant la Cour fédérale, puisqu'elles étaient toutes deux intimement liées. M. Lebel est allé jusqu'à dire qu'il ne parlait pas couramment l’anglais et qu'il ne comprenait pas toujours les lettres qu'il recevait de l'avocat de la demanderesse. Il a déclaré qu'il devait s'en remettre à M. Jones, qui agit comme administrateur des défenderesses, pour lui traduire ces lettres.

 

[25]           J’estime qu'aucune de ces explications n’est raisonnable. Premièrement, aucun ajournement de l'instance criminelle ne correspond à janvier 2012, moment où la requête en jugement par défaut devait être présentée. Ainsi, lorsque la Cour a avisé les défenderesses le 8 novembre 2011 qu’une requête en jugement par défaut devait être déposée au plus tard le 30 décembre 2011, et qu'elles ont été avisées par les avocats de la demanderesse à deux reprises le 29 décembre 2011 et le 11 janvier 2012 que la requête en jugement par défaut devait être présentée le 16 janvier 2012, les défenderesses ne pouvaient pas sérieusement et objectivement croire que l'instance civile devant la Cour était ajournée de concert avec les affaires criminelles.

 

[26]           Plus important encore, il n'y a aucune explication de la raison pour laquelle M. Lebel a choisi, le 21 avril 2011, de mettre fin aux services de son avocat en ce qui concerne l'instance devant la Cour, sans tout d'abord solliciter des conseils juridiques auprès d'un autre avocat possédant de l'expérience devant la Cour fédérale, jusqu'à ce qu'il reçoive le jugement par défaut. Une telle inaction est particulièrement troublante compte tenue du fait que M. Lebel a, en contre‑interrogatoire, déclaré que Me Béland lui avait indiqué très tôt qu'il ne connaissait pas la Cour fédérale et qu'il lui avait indiqué d'autres cabinets juridiques ayant de l'expérience dans les affaires de propriété intellectuelle.

 

[27]           Il était peu judicieux de la part de M. Lebel de tenter de négocier un règlement sans conseils juridiques, compte tenu de son ignorance avouée du droit et de sa difficulté à communiquer en anglais. Bien qu'il puisse avoir cru que les montants en jeu n'étaient pas élevés, il était nettement au courant que la demanderesse était sérieuse à propos de sa demande et déterminée à aller de l'avant avec sa requête en jugement par défaut dans le cas où il n'y aurait pas de règlement. 

 

[28]           L'insouciance et l'imprudence de M. Lebel frisent l'aveuglement volontaire dès lors que les négociations avec la demanderesse ont été rompues. Il était alors au courant que la demanderesse soumettrait l'affaire à la cour. Même s'il ne savait pas clairement ce que seraient les prochaines mesures ni même si la demanderesse envisageait sérieusement de présenter sa requête à la cour, il ne pouvait tout simplement pas rien faire et attendre. M. Lebel connaissait très bien la nécessité de demander des conseils juridiques lorsqu'il a tout d'abord retenu les services de Me Béland en janvier 2011. Il savait que Me Béland ne serait pas en mesure de le représenter adéquatement en Cour fédérale. Il lui incombait donc, du moins après la rupture des discussions de règlement, de prendre des mesures afin d’opposer une défense à la demande qui lui avait été signifiée presque un an auparavant. Comme l'a déclaré la Cour dans UMACS of Canada Inc. c SGB 2000 Inc. (1990), 34 CPR (3d) 305, à la page 308, « [l]es gens qui sont dans les affaires au Canada devraient accorder aux actes de procédures bien plus d'attention » que ne l'ont fait les défenderesses en l'espèce (voir également Taylor Made Gold Company Inc c 1110314 Ontario Inc, au paragraphe 2).

 

[29]           À la lumière de l'ensemble de la preuve présentée à la Cour, il ne fait aucun doute que les défenderesses, par l'intermédiaire de leur président et unique actionnaire, n'ont pas fourni d'explication raisonnable en ce qui concerne l’omission de déposer et de signifier une défense appropriée. M. Lebel a clairement estimé, à ses propres risques, que la présente affaire n'était pas suffisamment sérieuse pour justifier les frais et les ennuis liés à l'obtention de conseils juridiques. Bien qu'un tel comportement puisse avoir été compréhensible au début de l'instance, et peut-être jusqu'à la rupture des discussions de règlement, il était tout à fait insoutenable et déraisonnable de se comporter par la suite comme si l'affaire disparaîtrait simplement. L’omission de satisfaire au premier volet du critère est fatale à la requête des défenderesses, car les trois éléments du critère sont cumulatifs.

 

[30]           Quoi qu'il en soit, je suis également d'avis que les défenderesses n'ont pas satisfait au deuxième volet du critère, puisqu'elles n'ont pas établi l'existence d'une défense prima facie à opposer sur le fond de la demande de la demanderesse. À l'audience, l'avocat des défenderesses a reconnu qu'elles ne contestaient pas le jugement par défaut en ce qui avait trait au fond de l’affaire (c'est-à-dire les conclusions selon lesquelles les défenderesses avaient violé les alinéas 7b), c) et d), ainsi que l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce), mais uniquement le montant des dommages‑intérêts. Cela est nettement insuffisant pour annuler le jugement par défaut du juge Rennie. 

 

[31]           Les défenderesses n'ont déposé aucun élément de preuve pour étayer leur allégation selon laquelle les dommages‑intérêts accordés par le juge Rennie étaient nettement exagérés et ne reflètent pas les pertes réelles subies par la demanderesse. En conséquence, la Cour doit tenir pour acquis que le juge Rennie est arrivé à ce montant de dommages‑intérêts en se fondant sur la preuve qui lui était soumise.

 

[32]           Tel que cela a été mentionné précédemment, l'avocat des défenderesses a présenté une requête à la Cour sollicitant l'autorisation de modifier la requête en annulation du jugement par défaut, en vue essentiellement de déposer un projet de défense et de montrer que les défenderesses ont des prétentions convaincantes à faire valoir en réponse à la déclaration de la demanderesse. Elles allèguent, entre autres, que le montant de dommages‑intérêts qu'a accordés le juge Rennie est nettement exagéré, parce qu'elles n'avaient vendu que 2 933 unités du produit contrefait, pour un bénéfice net de 1 910,83 $.

 

[33]           Cette requête en modification comporte toutefois un certain nombre de problèmes. J'estime qu'il n'est pas même nécessaire d'examiner les exigences à satisfaire pour le dépôt de documents supplémentaires. En effet, je conviens avec la demanderesse que les défenderesses ne cherchent pas véritablement à modifier un document, mais plutôt à présenter de nouveaux documents et éléments de preuve sous le couvert d'une requête en modification. Selon un principe de base du droit de la preuve, une partie requérante peut déposer des éléments de contre‑preuve, mais uniquement pour contredire ou nuancer de nouvelles questions de fait soulevées. Une partie requérante doit présenter tous les éléments de preuve en sa possession qu’elle invoque comme étant probants avant la fin de la présentation de sa preuve (Sopinka et al, The Law of Evidence in Canada, 3éd., LexisNexis, 2009, aux pages 1165 et suivantes).

 

[34]           En l'espèce, les défenderesses présentent une contre‑preuve qui se rapporte à des [traduction] « dommages‑intérêts nettement exagérés », une question qui n'apparaît ni dans le dossier de requête original en annulation du jugement par défaut, ni dans le dossier de réponse de la demanderesse. Dans le dossier de requête en réponse de la demanderesse, celle-ci a indiqué que les défenderesses avaient omis de déposer un projet de défense au soutien de la requête, ainsi que des éléments de preuve établissant l'existence d'une défense prima facie à opposer. Les défenderesses cherchent clairement maintenant à renforcer leur position à l'appui de leur requête en annulation du jugement par défaut à la lumière des arguments (et non de nouvelles questions de fait) invoqués par la demanderesse dans son dossier de requête en réponse. Par conséquent, les défenderesses ne demandent pas réellement de modifier un document et les principes juridiques concernant les modifications ne s'appliquent pas. De plus, les défenderesses n'ont fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle elles n'ont pas ou ne pouvaient pas déposer le projet de défense ou tous les éléments de preuve nécessaires avec leur dossier de requête original en annulation du jugement par défaut. Elles n'ont pas non plus expliqué pourquoi elles ont attendu plus de trois mois après le dépôt de la requête originale en annulation de jugement par défaut pour le faire. 

 

[35]           La requête en modification des défenderesses doit donc être rejetée. Non seulement elle ne vise pas à « modifier » un acte de procédure ou un document suivant le paragraphe 75(1) et l'article 200 des Règles, mais il serait plus exact de la qualifier de tentative déguisée de déposer irrégulièrement une contre‑preuve inadmissible. En outre, l'affidavit déposé à l'appui de la requête des défenderesses est au nom d'un stagiaire chez les avocats des défenderesses, ce qui contrevient clairement à l'article 82 des Règles, selon lequel un avocat ne peut à la fois être l'auteur d'un affidavit et présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit. Dans la mesure où la défense vise la question précise des dommages subis par la demanderesse ou les bénéfices inappropriés qu'ont réalisés les défenderesses, l'affidavit est inacceptable et clairement insuffisant pour étayer l'allégation portant que les dommages‑intérêts obtenus sont nettement exagérés par rapport à la perte véritable subie par la demanderesse.

 

[36]           Enfin, il ne faut pas perdre de vue le fait que les dommages‑intérêts accordés par le juge Rennie n'étaient pas destinés à compenser uniquement les pertes subies par la demanderesse, mais également la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à ses marques déposées.

 

[37]           Compte tenu de la preuve (ou de l'absence de celle‑ci) présentée à la Cour, les défenderesses n'ont pas établi l'existence d'une défense prima facie à opposer sur le fond de la demande de la demanderesse. Non seulement les conclusions du juge Rennie concernant les contraventions à la Loi sur les marques de commerce ne sont‑elles pas contestées, mais les défenderesses ne présentent pas d'élément de preuve à l'appui de leur allégation portant que les dommages‑intérêts étaient nettement exagérés. En conséquence, les défenderesses ne satisfont pas à la deuxième exigence du critère pour faire annuler un jugement par défaut.

 

[38]           Les défenderesses n'ayant pas satisfait aux premier et deuxième éléments du critère, leur requête sollicitant l'annulation du jugement par défaut du juge Rennie est rejetée, avec dépens payables à la demanderesse.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que les requêtes des défenderesses sollicitant l'annulation de l'ordonnance du juge Rennie datée du 17 janvier 2012, et sollicitant l'autorisation de modifier, sont toutes deux rejetées, avec dépens en faveur de la demanderesse.

 

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1957-10

 

INTITULÉ :                                      MOROCCANOIL ISRAEL LTD c LES LABORATOIRES PARISIENS CANADA (1989) INC ET AL

 

LIEU DE L'AUDIENCE :               Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 23 juillet 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 1er août 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pascal Lauzon

 

À TITRE DE MANDATAIRE DE Me KESTENBERG

Siegal Lipkus llp

POUR LA DEMANDERESSE

 

Alexandre Archambault

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kestenberg Siegal Lipkus LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Robic, sencrl

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

 

 

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