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Date : 20120814

Dossiers : IMM-8409-11

IMM-8412-11

 

Référence : 2012 CF 984

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 août 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

 

IMM-8409-11

 

MICHAEL STRACHN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

ET ENTRE :

 

IMM-8412-11

 

MICHAEL STRACHN

 

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agent C. Ruthven (l’agent), datée du 13 octobre 2011, de rejeter sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (IMM‑8409‑11) en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), et de la décision du même agent, rendue le même jour, de rejeter sa demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) (IMM‑8412‑11). Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie en ce qui a trait à la décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, mais rejetée pour ce qui est de la décision relative à l’ERAR.

 

Les faits

[2]               Le demandeur, Michael Strachn, est un citoyen de la Jamaïque. Il est venu plusieurs fois au Canada en tant qu’ouvrier agricole entre 1990 et 2001. Il est entré au Canada la dernière fois le 20 juillet 2001 et n’est jamais reparti.

 

[3]               Le demandeur affirme qu’il a décidé de fuir la Jamaïque en 2001 parce qu’il avait informé la police que le membre d’un gang avait tué un adolescent et qu’il craignait d’être l’objet de représailles de la part du gang. Il allègue également que sa femme et lui sont l’objet de menaces proférées par un autre gang qui a pris possession de biens appartenant à sa femme et qui souhaite les garder pour eux.

 

[4]               La demande d’asile présentée par le demandeur en octobre 2001 a été rejetée le 24 juin 2003. Le demandeur a présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en juillet 2003. Cette demande a été approuvée en principe, mais le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour criminalité parce qu’il avait été déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles en Jamaïque en 1980.

 

[5]               Le demandeur affirme qu’il n’aurait pas dû être déclaré interdit de territoire puisque, malgré le fait qu’il a été condamné à une amende de 30 $ pour cette infraction, on a jugé que celle‑ci équivalait à une infraction punissable d’un emprisonnement maximal de dix ans au Canada. Son avocat a donc demandé à Citoyenneté et Immigration Canada de rouvrir la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, mais en vain. Le demandeur a présenté une nouvelle demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en 2007. Il a aussi produit un document du ministère de la Justice de la Jamaïque indiquant que l’infraction commise en 1980 avait été effacée de son dossier.

 

[6]               Le demandeur a présenté une demande d’ERAR en octobre 2010. C’est le même agent qui a tranché cette demande et la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire le 13 octobre 2011. Les décisions ont été communiquées au demandeur le 14 novembre suivant.

 

La décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire

[7]               Dans sa décision et ses motifs, l’agent a d’abord traité des allégations de difficultés fondées sur le risque. Il a souligné que le demandeur alléguait courir un risque à cause de nombreux gangs qui le rendaient responsable de l’arrestation de l’un de leurs membres, qui avaient pris possession de biens appartenant à son épouse, qui avaient agressé celle‑ci et qui avaient tué son beau‑fils aux États‑Unis.

 

[8]               L’agent a passé en revue la preuve documentaire concernant la violence des gangs et a reconnu que les gangs constituaient un problème en Jamaïque. Selon lui cependant, cette preuve n’établissait pas que le demandeur serait ciblé. Elle permettait plutôt de connaître l’environnement général existant en Jamaïque et devait être prise en compte dans le cadre de l’analyse des difficultés.

 

[9]               L’agent a pris en considération les propres déclarations du demandeur, notamment celles contenues dans les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire qu’il a présentées en 2003 et en 2007 et dans sa demande d’ERAR de 2010. Il a fait remarquer que la preuve n’indiquait pas que l’un des membres de la famille du demandeur s’était adressé à la police à la suite des menaces proférées par le gang à leur endroit. Il a fait remarquer également que, selon les observations relatives à l’ERAR, le demandeur n’avait pas signalé à la police le meurtre commis par le gang en 2001, ce qui était incompatible avec ses autres observations selon lesquelles il avait informé la police de l’identité du tireur.

 

[10]           L’agent a signalé l’allégation du demandeur selon laquelle il y aurait eu plusieurs vols qualifiés dans son ancien magasin, mais il a conclu que cela n’établissait pas l’existence de difficultés futures puisque le magasin avait été vendu il y avait plusieurs années. L’agent a également conclu qu’il ne disposait d’aucune preuve de la femme du demandeur étayant les allégations relatives à la dispute survenue en 2007 au sujet des biens.

 

[11]           L’agent a ensuite examiné la preuve documentaire relative à la possibilité d’obtenir la protection de l’État en Jamaïque. Il a accordé une grande importance au rapport de 2010 du département d’État des États‑Unis, qui indiquait que quiconque faisait partie du programme de protection des témoins et suivait les règles avait été protégé contre les menaces et les préjudices graves. L’agent a reconnu les problèmes de corruption et les meurtres commis illégalement en Jamaïque, ainsi que les problèmes du système de justice dans ce pays, mais il a considéré qu’il ne disposait pas d’une preuve suffisante indiquant que ces problèmes causeraient des difficultés au demandeur dans l’avenir. Il a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives en raison du risque auquel il serait exposé en Jamaïque.

 

[12]           En ce qui concerne les liens familiaux du demandeur, l’agent a estimé qu’il disposait de peu d’éléments de preuve concernant la relation du demandeur avec son frère au Canada ou avec les autres membres de sa famille. Il a fait ressortir des éléments de preuve qui démontraient que le demandeur avait envoyé des fonds à sa femme et à sa fille à maintes reprises cinq ans plus tôt, mais il ne disposait d’aucun élément de preuve démontrant que le demandeur avait subvenu aux besoins de celles‑ci au cours des quatre dernières années.

 

[13]           En ce qui concerne l’établissement au Canada, l’agent a constaté que le demandeur avait travaillé pour le même employeur depuis novembre 2001. Il a estimé qu’il ne disposait pas d’une preuve suffisante de toute autre participation communautaire. Selon lui, la preuve démontrait un degré d’établissement des plus minimal pour une personne vivant au Canada depuis dix ans. L’agent a accordé peu de poids à la période de temps passée par le demandeur au Canada et à son établissement dans ce pays. Selon lui, le demandeur ne subirait pas des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si ces liens étaient rompus.

 

[14]           La demande a donc été rejetée.

 

La décision relative à l’ERAR

 

[15]           L’agent a rappelé que la demande d’asile du demandeur avait été rejetée en 2003. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) avait alors estimé qu’il n’avait pas produit une preuve crédible ou digne de foi suffisante d’une crainte fondée de persécution. La SPR avait relevé plusieurs omissions et contradictions dans la preuve du demandeur, notamment en ce qui avait trait aux dates auxquelles il avait reçu des menaces, à la façon dont la présumée victime des coups de feu était morte et à sa visite au poste de police à la suite de cet incident. L’agent a souligné que la Commission avait aussi conclu que le risque général de violence en Jamaïque n’était pas un risque personnel, de sorte que ce risque ne pouvait pas justifier l’octroi de l’asile.

 

[16]           L’agent a examiné la preuve produite par le demandeur, y compris celle étayant sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qui était pertinente au regard de la question du risque. Il a conclu que les articles en ligne qui avaient été produits n’établissaient pas que le demandeur serait la cible de gangs en Jamaïque. Il a ensuite cité de longs extraits de l’Operational Guidance Note du Home Office du Royaume-Uni sur le crime organisé en Jamaïque.

 

[17]           L’agent a également examiné les propres déclarations du demandeur et a conclu qu’aucun des membres de sa famille n’avait déjà demandé la protection de l’État. Il a conclu également que les déclarations du demandeur ne réfutaient pas les conclusions de la SPR. Il a fait remarquer que, selon les observations formulées dans le cadre de l’ERAR, le demandeur n’avait pas signalé à la police le meurtre commis par le gang en 2001, ce qui est incompatible avec ses autres observations selon lesquelles il avait informé la police de l’identité de la personne qui avait tiré sur l’adolescent.

 

[18]           L’agent a fait ressortir l’allégation du demandeur selon laquelle plusieurs vols qualifiés auraient été commis dans son ancien magasin, mais il a conclu que cela n’établissait pas que le demandeur courrait un risque puisque le magasin avait été vendu plusieurs années auparavant. Il a estimé en outre qu’il ne disposait d’aucune preuve de la femme du demandeur étayant les allégations relatives à la dispute qui serait survenue en 2007 au sujet des biens.

 

[19]           À cause des contradictions entre les différentes déclarations du demandeur, l’agent a estimé qu’il ne disposait pas d’une preuve suffisante démontrant que la protection de l’État avait déjà été demandée. En outre, il a souligné que le demandeur avait l’obligation d’épuiser les recours à sa disposition en matière de protection.

 

[20]           L’agent a examiné ensuite la preuve documentaire dans le but de déterminer si la situation avait changé en Jamaïque depuis la décision de la SPR. Il a conclu qu’il n’y avait eu aucun changement significatif et, en conséquence, il a rejeté la demande.

 

La norme de contrôle et la question en litige

[21]           Les présentes demandes soulèvent les questions suivantes :

a.       La décision rendue par l’agent relativement à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était‑elle raisonnable?

b.      La décision rendue par l’agent relativement à la demande d’ERAR était‑elle raisonnable?

c.       L’agent a-t-il manqué à l’équité procédurale en ne convoquant pas une audience avant de rendre la décision relative à l’ERAR?

 

[22]           Les parties conviennent que la norme de contrôle de la raisonnabilité s’applique aux deux décisions : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse 

 

La décision rendue par l’agent relativement à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était‑elle raisonnable?

 

[23]           À mon avis, l’agent a commis une erreur en ne prenant pas en considération les arguments et la preuve présentés par le demandeur au soutien de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Bien que la décision d’accorder ou non une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire soit de nature discrétionnaire et qu’un demandeur n’ait pas droit à un résultat donné, il appartient au décideur d’examiner la demande dans son ensemble et de fonder sa décision sur les facteurs d’ordre humanitaire invoqués par le demandeur et sur les observations de celui‑ci.

 

[24]           L’agent était préoccupé par la question de savoir si le demandeur se trouvait au Canada pour des raisons indépendantes de sa volonté. En conséquence, il n’a pas pris en considération les motifs d’ordre humanitaire qui lui ont été présentés.

 

[25]           Un exemple qui démontre que l’agent n’a pas fondé sa décision sur les éléments dont il disposait est le fait qu’il n’a pas fait référence à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire que le demandeur avait présentée précédemment, qui avait été approuvée en principe et à l’égard de laquelle le demandeur alléguait les mêmes difficultés qu’à l’appui de la demande dont l’agent était saisi. Il est vrai que l’agent pouvait tirer une conclusion différente de celle du décideur précédent, mais le fait qu’il ne mentionne pas qu’une demande précédente du demandeur avait été approuvée en principe et qu’il n’explique pas la conclusion différente à laquelle il parvenait donne l’impression qu’il n’a pas tenu compte de la première demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Comme le demandeur a insisté lourdement sur cette demande et sur son approbation en principe dans ses observations, l’agent devait en tenir compte, même s’il est parvenu à une conclusion différente au bout du compte en exerçant son pouvoir discrétionnaire.

 

[26]           Un autre exemple concerne la façon dont l’agent traite l’emploi du demandeur au Canada. L’agent souligne que le demandeur a toujours travaillé au même endroit pendant dix ans, passant d’un poste de cultivateur adjoint à celui de gestionnaire à temps plein. Il a accordé très peu d’importance à ce facteur – aucune, pour être précis – et a conclu que le demandeur avait fait la preuve seulement d’« un degré d’établissement des plus minimal ».

 

[27]           En outre, l’agent n’a pas du tout examiné la prétention du demandeur selon laquelle il ne possède aucune compétence dans d’autres domaines que l’agriculture, il ne serait pas en mesure de travailler comme agriculteur en Jamaïque parce qu’il n’est pas propriétaire d’une terre et, en conséquence, son renvoi dans ce pays entraînerait une perte de revenu pour lui, sa femme et sa fille. Il s’agissait de l’un des aspects essentiels de la prétention du demandeur selon laquelle le fait de quitter le Canada lui causerait des difficultés indues en raison de son établissement dans ce pays.

 

[28]           Le fait que l’agent n’a pas tenu compte de tous les éléments qui lui avaient été présentés dans le cadre de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire rend sa conclusion déraisonnable. Sa décision doit donc être annulée.

 

La décision rendue par l’agent relativement à la demande d’ERAR était‑elle raisonnable?

 

[29]           Le demandeur conteste le traitement réservé par l’agent à la preuve documentaire relative à la violence des gangs en Jamaïque et à l’incapacité de l’État de protéger ses citoyens, en particulier dans les vieux quartiers pauvres. À mon avis cependant, l’examen de la question de la protection de l’État par l’agent n’a pas eu d’incidence sur sa conclusion parce qu’il a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’il courait un risque personnel d’être victime des gangs en Jamaïque.

 

[30]           Le demandeur alléguait qu’un gang pouvait s’en prendre à lui parce qu’il le tenait responsable de l’arrestation de l’un de ses membres. C’est le risque que la SPR a apprécié dans sa décision. La SPR a jugé que le demandeur n’était pas crédible à cause des omissions et des contradictions contenues dans sa preuve. Dans la décision relative à l’ERAR, l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas produit une preuve suffisante pour réfuter cette conclusion. L’agent pouvait raisonnablement tirer une telle conclusion.

 

[31]           Le demandeur alléguait également qu’un autre gang pouvait s’en prendre à lui parce que celui‑ci s’était emparé de biens dont lui et sa femme étaient propriétaires. L’agent a toutefois conclu que le demandeur n’avait pas produit une preuve suffisante pour établir l’existence d’un risque futur lié cette dispute au sujet de biens. Comme la seule preuve sur ce point était la propre déclaration du demandeur, la conclusion de l’agent était tout à fait raisonnable.

 

         L’agent a-t-il manqué à l’équité procédurale en ne convoquant pas une audience avant de rendre la décision relative à l’ERAR?

[32]           Le demandeur prétend que l’agent a fondé sa décision sur la crédibilité parce qu’il a relevé une contradiction entre l’exposé circonstancié produit dans le cadre de sa demande d’ERAR et de ses demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. Il soutient en conséquence qu’une audience aurait dû avoir lieu. La question de savoir s’il y a lieu de tenir une audience est régie par l’alinéa 113b) de la LIPR :

Examen de la demande

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

[…]

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

Consideration of application

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

 

[33]           Les facteurs réglementaires sont prévus à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002‑227) (le Règlement) :

Facteurs pour la tenue d’une audience

 

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci‑après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

Hearing — prescribed factors

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

[34]           Le critère prévu par cette disposition a été interprété comme étant un critère conjonctif, c’est‑à‑dire que la tenue d’une audience est généralement requise si des éléments de preuve importants pour la prise de la décision soulèvent des doutes quant à leur crédibilité et que ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande soit accueillie : Ullah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 221. Si la Cour a reconnu qu’il existe une différence entre une conclusion défavorable concernant la crédibilité et une conclusion d’insuffisance de la preuve, elle a aussi parfois conclu qu’un agent avait incorrectement formulé de véritables conclusions relatives à la crédibilité comme s’il s’agissait de conclusions d’insuffisance de la preuve et que, en conséquence, la tenue d’une audience aurait dû être accordée : Zokai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1103, au paragraphe 12; Liban c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1252, au paragraphe 14; Haji c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 889, aux paragraphes 14 à 16.

 

[35]           Je conviens avec le demandeur que l’agent avait exprimé des doutes au regard de la crédibilité au sujet de la question de savoir s’il avait informé la police de l’identité du tireur. L’agent affirme :

[traduction] L’avocat a présenté des déclarations dans l’exposé circonstancié relatif à l’examen des risques avant renvoi du 1er novembre 2010 qui indiquaient, contrairement à l’information fournie par le demandeur dans le formulaire Renseignements supplémentaires – Considérations d’ordre humanitaire du 4 juillet 2003 et par le conseil dans l’exposé circonstancié du 12 avril 2007, que le demandeur n’avait rien dit à la police au sujet d’une fusillade par un membre d’un gang survenue dans le district de la paroisse de Saint Andrew à August Town en 2001 [car il avait trop peur pour s’adresser à la police].

 

 

[36]           L’agent semble tirer une conclusion défavorable de cette contradiction. Ainsi, le premier facteur prévu à l’article 167 du Règlement existe. Les autres facteurs n’existent pas cependant. Les éléments de preuve n’ont pas été importants pour la prise de la décision et ils n’auraient pas amené l’agent à accueillir la demande d’ERAR s’ils avaient été admis parce qu’ils avaient déjà été jugés non crédibles par la SPR (c.‑à‑d. le propre témoignage du demandeur). Le demandeur devait, pour réfuter les conclusions de la SPR, produire d’autres éléments de preuve au soutien de ses allégations concernant le risque. S’il en était autrement, la décision relative à l’ERAR constituerait un appel ou une nouvelle décision sur la demande d’asile. Comme l’agent a conclu que le demandeur n’avait produit aucune preuve pour réfuter les conclusions de la SPR, il a raisonnablement rejeté la demande et il n’a commis aucune erreur justifiant l’intervention de la Cour.

 

[37]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie en ce qui a trait à la décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, mais rejetée pour ce qui est de la décision relative à l’ERAR. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.             La demande de contrôle judiciaire est accueillie en ce qui a trait à la décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (IMM‑8409‑11). L’affaire est renvoyée pour nouvelle décision à un autre agent de Citoyenneté et Immigration Canada.

2.             La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour ce qui est de la décision relative à l’ERAR (IMM‑8412‑11).

3.             Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8409-11

INTITULÉ :                                      MICHAEL STRACHN c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

DOSSIER :                                        IMM-8412-11

INTITULÉ :                                      MICHAEL STRACHN c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 26 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 14 août 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Osborne G. Barnwell

 

                                 IMM-8409-11 / IMM-8412-1

                                 POUR LE DEMANDEUR

 

Alexis Singer

                                 IMM-8409-11 / IMM-8412-11
                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osborne G. Barnwell

Avocat

Toronto (Ontario)

 

                                 IMM-8409-11 / IMM-8412-1

                                 POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

                                 IMM-8409-11 / IMM-8412-11
                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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