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Date : 20120727

Dossier : IMM-542-12

Référence : 2012 CF 935

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2012

En présence de madame le juge Snider

 

 

ENTRE :

 

SHAMSUN NAHER CHOWDHURY

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse est une citoyenne du Bangladesh. Le 25 novembre 2009, elle a demandé la résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) conformément au paragraphe 75(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement]. Dans une décision datée du 25 novembre 2011, un agent des visas (l’agent) a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences pour pouvoir immigrer au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés.

 

[2]               La demanderesse demande l’annulation de cette décision, car elle prétend que l’agent a commis une erreur en :

 

1.                  ne tenant pas compte de la décision rendue par le juge Russell dans Chowdhury c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1315, 4 Imm LR (4th) 38 [Chowdhury no 1];

 

2.                  concluant que la demanderesse ne devrait se voir attribuer que 22 points pour les études plutôt que 25 points pour ses 17 années d’études;

 

3.                  ne substituant pas l’évaluation par points par sa propre évaluation comme il est prévu par le paragraphe 76(3) du Règlement;

 

4.                  en violant les règles de l’équité procédurale en ne donnant pas à la demanderesse l’occasion de dissiper ses doutes.

 

[3]               J’ai conclu, pour les motifs qui suivent, que la décision devrait être annulée.

 

[4]               Les demandes de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) sont contrôlables selon la norme de la raisonnabilité (voir Chowdhury no 1, précitée, au paragraphe 18). Ainsi que nous l’enseigne la Cour suprême dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190, « [l]e caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’à « l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[5]               L’évaluation en question était une deuxième évaluation et elle a été effectuée en raison de la décision du juge Russell dans Chowdhury no 1. Le premier agent de réexamen n’avait accordé à la demanderesse qu’un total de 61 points seulement. Soulignant des erreurs dans l’évaluation de l’adaptabilité, des études (particulièrement les études de maîtrise en administration des affaires) et l’omission d’effectuer une substitution de l’appréciation, le juge Russell a annulé la décision du premier agent de réexamen.

 

[6]               Lors de ce deuxième examen, l’agent a accordé à la demanderesse un total de 66 points; il faut avoir obtenu 67 points pour pouvoir immigrer au Canada. La seule composante de l’évaluation qui est mise en doute par la demanderesse est celle qui a trait aux études. Si la demanderesse avait obtenu 25 points pour les études – plutôt que 22 points – elle aurait obtenu les 67 points exigés.

 

[7]               Pour obtenir 25 points pour les études, la demanderesse devait démontrer qu’elle avait au moins 17 ans d’études à temps plein. L’agent a conclu que la demanderesse avait prouvé qu’elle n’avait que l’équivalent de 15,5 années d’études à temps plein - 12 ans pour ses études préuniversitaires; 2 années pour son baccalauréat en communication; 1,5 année pour sa maîtrise en administration des affaires. Cette évaluation a donné lieu à une attribution de 22 points au chapitre des études.

 

[8]               La décision consécutive à l’examen préalable en l’espèce ne commande pas un degré élevé d’équité procédurale. Néanmoins, je ne suis pas convaincue que la décision de l’agent est raisonnable ou que la demanderesse a été traitée équitablement sur le plan procédural. Mes préoccupations ont trait à l’évaluation des diplômes de la demanderesse.

 

[9]               En ce qui concerne le baccalauréat en communication de la demanderesse, le premier agent de réexamen avait attribué à la demanderesse un crédit pour un programme d’études de trois ans. Cette conclusion a été mise en doute par la demanderesse dans sa première demande de contrôle judiciaire et n’a fait l’objet d’aucune remarque de la part du juge Russell dans Chowdhury no 1. Néanmoins, l’agent a examiné les documents relatifs au baccalauréat en communication et a conclu qu’ils ne démontraient qu’« au plus » deux années d’études avaient été complétées. J’accepte que l’examen de l’agent était un examen de novo et, de plus, que l’agent n’est pas tenu d’informer un demandeur des faiblesses de son dossier (voir, par exemple, Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1189, 75 Imm LR (3d) 260). Toutefois, dans les circonstances très inhabituelles de l’espèce, pour des raisons d’équité, la demanderesse aurait dû être informée que l’agent réévaluait les documents relatifs au baccalauréat en communication. De plus, je ne peux pas comprendre comment l’agent en est venu à la conclusion qu’il ne s’agissait que d’un programme d’une durée de deux ans. La mention de 2001-2002 est manifestement une inscription relative à l’année scolaire au cours de laquelle la demanderesse a commencé ses études; il ne s’agit pas, comme l’agent semble l’avoir présumé, d’une mention de ses années d’études.

 

[10]           L’évaluation faite par l’agent du programme de maîtrise en administration des affaires est également viciée. Les documents soumis par la demanderesse révèlent que son programme de maîtrise en administration des affaires comportait 66 heures-crédits. L’analyse faite par l’agent quant à savoir comment 66 heures pouvaient se traduire en un équivalent en années d’études est très difficile à comprendre et semble être fondée sur des éléments de preuve extrinsèques non divulgués à la demanderesse. En particulier, l’agent, sans prévenir la demanderesse, a renvoyé au site Web d’une université canadienne et a conclu ce qui suit :

[traduction]

Soixante-six heures de cours équivalent à 4 semestres de travail à temps plein dans une institution canadienne (15 heures/semestre pour un semestre à temps plein avec un maximum de 18 heures).

 

[11]           En outre, l’agent semble avoir fait une lecture sélective des renseignements figurant sur le site Web. Par exemple, l’agent ne tient pas compte de la mention figurant dans le site Web selon laquelle une [traduction] « charge de travail à temps plein normale » peut ne consister qu’en 9 heures-crédits par semestre.

 

[12]           En bref, la décision de l’agent selon laquelle la demanderesse ne devrait se voir attribuer qu’un crédit de 15,5 années d’études n’était pas assez transparente ni assez justifiée pour que la Cour puisse conclure que la décision était raisonnable.

 

[13]           Un autre examen devrait être effectué par un autre agent. Cet agent pourrait très bien en arriver à la même conclusion, mais seulement après avoir reçu des observations additionnelles de la part de la demanderesse et après avoir donné à celle-ci des motifs qui satisfont aux exigences de la raisonnabilité. La demanderesse doit reconnaître que l’agent n’est lié par aucune des conclusions qui ont déjà été tirées par le premier ou le deuxième agent de réexamen relativement à l’une ou l’autre partie de l’évaluation.

 

[14]           Enfin, je souligne que les faits en cause sont propres à la présente affaire et que les opinions que j’exprime dans la présente décision ne valent que pour le cas de la demanderesse.

 

[15]           La demanderesse sollicite des dépens. Je ne suis pas convaincue qu’il existe des raisons spéciales justifiant une adjudication de dépens.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

 

1.                  la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée pour nouvelle décision par un autre agent d’immigration;

 

2.                  la demanderesse aura l’occasion de formuler d’autres observations;

 

3.                  aucuns dépens ne sont adjugés;

 

4.                  aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-542-12

 

INTITULÉ :                                      SHAMSUN NAHER CHOWDHURY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 18 JUILLET 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     LE 27 JUILLET 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rashid Khandaker

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Michael Butterfield

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rashid Khandaker

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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