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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120814

Dossier : IMM-7087-11
IMM-281-12

 

Référence : 2012 CF 983

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 août 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

ENTRE :

 

 

IMM-7087-11

 

NORVIL BAILEY,

PRINCESS MARGARET LINDSAY BAILEY, RAJAY BAILEY

 

 

 

demandeurs

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

ET ENTRE :

 

 

 

 

 

IMM-281-12

 

NORVIL BAILEY, PRINCESS MARGARET BAILEY LINDEY, RAJAY BAILEY

 

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs demandent le contrôle judiciaire d’une décision de l’agent principal d'immigration J. Rolheiser (agent CH), datée du 24 août 2011, par laquelle celui-ci a rejeté leur demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH) (IMM-7087-11) présentée en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Ils demandent également le contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’application de la loi à l’intérieur du pays (agent d’application), datée du 9 janvier 2012, par laquelle celui-ci a refusé de surseoir au renvoi des demandeurs (IMM‑281‑12). Pour les motifs qui suivent, les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

 

Les faits

[2]               Les demandeurs, Norvil Bailey (le demandeur), Princess Margar Lindsay-Bailey (les demanderesses) et leur fils mineur Rajay Norvil Bailey (le demandeur mineur) sont membres d’une même famille originaire de la Jamaïque. Les demandeurs ont également un fils mineur né au Canada, Duray Norvil Bailey.

 

[3]               Les demandeurs sont entrés au Canada à titre de résidents temporaires en janvier 2007. Ils ont demandé l’asile en mai 2007 et elle leur a été refusée le 16 novembre 2009. Ils ont soumis une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) en septembre 2010 et une demande CH en novembre 2010.

 

[4]               La demande d’ERAR des demandeurs a été refusée en décembre 2010 et la décision leur a été communiquée le 18 janvier 2011. Ils ont été informés que le renvoi était imminent. Les demandeurs ont reçu le 1er juin 2011 une convocation en vue de leur renvoi le 10 juillet 2011. Deux demandes de report de renvoi ont été soumises et elles ont toutes les deux été refusées. Les demandeurs ont réussi à obtenir en juillet 2011 un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi sur le fondement du deuxième refus. Toutefois, l’autorisation de demander le contrôle judiciaire leur a finalement été refusée.

 

[5]               En août 2011, la demande CH des demandeurs a été refusée. Leur renvoi a été fixé au 12 janvier 2012. Ils ont demandé le report du renvoi le 6 janvier et cette demande a été refusée le 9 janvier. Le 11 janvier, la Cour a sursis au renvoi des demandeurs en attendant que soient tranchées les deux demandes soumises à la Cour.

 

[6]               Comme la date prévue pour le renvoi est échue depuis longtemps, la mesure n’a plus d’effet et n’a aucune force exécutoire. On ne m’a soumis aucun argument me convainquant qu’il serait dans le meilleur intérêt de l’administration de la justice d’entendre et de trancher cette question : Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342. La demande relative à la mesure de renvoi (IMM-281-12) est par conséquent rejetée.

 

La décision CH

[7]               Dans sa décision et ses motifs, l’agent CH s’est penché sur la question du degré d’établissement des demandeurs au Canada, de l’intérêt supérieur des enfants directement touchés par le renvoi, des liens familiaux des demandeurs au Canada et a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi qu’ils subiraient, pour l’un ou l’autre de ces motifs, des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

[8]               En ce qui concerne le degré d’établissement au Canada, l’agent CH a souligné que les lettres d’emploi des demandeurs dataient de l’année précédente et qu’il n’y avait aucun élément de preuve concernant leur situation personnelle sur le plan de l’emploi. L’agent a également souligné que les demandeurs n’avaient soumis que leurs déclarations de revenus pour l’année d’imposition 2009 et que, selon ces déclarations, les demandeurs avaient été prestataires de l’aide sociale au cours de cette année-là. L’agent CH a conclu que les demandeurs n’étaient pas financièrement autonomes depuis leur arrivée au Canada.

 

[9]               L’agent CH a pris connaissance d’une lettre émanant de la sœur du demandeur indiquant qu’elle appuyait leur demande CH, mais a conclu que la lettre n’indiquait pas si cet appui était de nature financière, et que, de toute façon, cet appui ne lierait pas la sœur du demandeur. L’agent a conclu qu’il y avait peu d’éléments de preuve démontrant que les demandeurs s’étaient intégrés ou jouaient un rôle actif dans la collectivité.

 

[10]           L’agent CH a pris note des observations des demandeurs selon lesquelles la sœur du demandeur, ainsi que de nombreux cousins et de nombreux amis se trouvent au Canada, et les demandeurs et leurs parents au Canada s’apportent mutuellement beaucoup de soutien affectif. Toutefois, l’agent CH a conclu que peu d’éléments de preuve étayaient cette prétention.

 

[11]           En ce qui concerne les enfants, l’agent CH a conclu que rien ne prouvait que le demandeur mineur ne pouvait pas s’assimiler en Jamaïque, s’inscrire à l’école et se faire de nouveaux amis là-bas. L’agent CH a également conclu que rien ne prouvait que Duray ne pouvait pas retourner avec les demandeurs en Jamaïque, bien que ce soient eux qui décident de le laisser ou non au Canada avec des parents.

 

[12]           La demande est donc rejetée.

 

La norme de contrôle et la question en litige

[13]           L’autre demande, laquelle a trait à la décision CH, porte sur la question de savoir si la décision de l’agent CH était raisonnable et si l’agent CH a violé les principes de l’équité procédurale.

 

[14]           Le fond de la décision de l’agent CH est contrôlable selon la norme de la raisonnabilité  (Da Silva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 247), et les questions d’équité procédurale sont contrôlables selon la norme de la décision correcte (Nizar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 557).

 

Analyse

            La décision de l’agent CH était-elle raisonnable?

[15]           Je conclus que, bien que je me pose des questions sur certains aspects de l’analyse de l’agent CH qui ont pu être erronés, la décision dans son ensemble était raisonnable et la demande doit être rejetée.

 

[16]           Les demandeurs contestent la conclusion de l’agent CH selon laquelle ils n’étaient pas financièrement autonomes depuis leur arrivée au Canada. Ils prétendent que la question pertinente est celle de savoir s’ils sont actuellement financièrement autonomes même s’ils ne l’étaient pas à leur arrivée. Le défendeur prétend qu’il était raisonnablement loisible à l’agent CH de tirer cette conclusion.

 

[17]           Selon moi, cette conclusion tirée par l’agent CH était étrange, ou peut-être qu’elle a été mal formulée. La question de savoir si les demandeurs ont toujours été financièrement autonomes au Canada n’est pas trop pertinente quant à la question en litige. Un immigrant qui dépend au début de l’aide gouvernementale peut éventuellement devenir suffisamment établi au Canada et lui demander de quitter lui occasionnerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Par conséquent, cette conclusion tirée par l’agent CH n’avait aucun rapport avec la question générale.

 

[18]           Deuxièmement, l’agent a écarté indirectement les lettres émanant des employeurs des demandeurs. Il a dit qu’aucun renseignement « récent » ne figurait au dossier et les a donc totalement rejetées ou leur a accordé peu de poids, même si elles ne dataient que de neuf mois.

 

[19]           Si un agent entend rejeter des éléments de preuve qui sont, à première vue, probants et qui, dans le contexte d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, sont raisonnablement à jour, il doit motiver sa décision.

 

[20]           Malgré que la décision soit à la limite de la raisonnabilité, elle devrait être confirmée. L’agent CH a conclu que les demandeurs avaient fourni peu d’éléments de preuve démontrant qu’ils étaient établis à un point tel que leur demande de quitter leur occasionnerait des difficultés excessives et un examen du dossier confirme que cette conclusion est raisonnable. Les demandeurs ont soumis peu d’éléments de preuve démontrant qu’ils étaient établis et intégrés au Canada. Ils n’ont soumis que des lettres d’emploi obscures, un certain nombre de déclarations de revenus et un certain nombre de lettres émanant d’amis. Comme le défendeur le prétend, un certain degré d’établissement est exigé et il ne suffit pas, en soi, à justifier l’octroi d’une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire. Pour avoir gain de cause, les demandeurs doivent faire état d’un degré d’établissement important et je conclus que l’agent CH a raisonnablement conclu que les demandeurs ne l’ont pas fait en l’espèce.

 

[21]           Dans leur observation concernant la question de l’autonomie financière, les demandeurs prétendent implicitement que l’agent CH a commis une erreur en limitant les facteurs pertinents à prendre en compte dans le cadre de l’analyse des motifs d’ordre humanitaire. Les demandeurs prétendent que la notion de difficultés est large et que l’agent doit évaluer tout facteur relatif aux difficultés relevé par les demandeurs. Selon moi, c’est exactement ce que l’agent CH a fait. Il s’est demandé si le degré d’établissement, les liens familiaux ou l’intérêt supérieur des enfants des demandeurs justifiaient l’octroi d’une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire. Bien que, comme je l’ai déjà dit, l’agent CH a pu mal interpréter certains aspects de la preuve (comme la question déjà discutée de savoir si les demandeurs avaient toujours été financièrement autonomes), l’agent a bel et bien tenu compte de l’ensemble des facteurs pertinents mentionnés par les demandeurs et a tiré une conclusion raisonnable et justifiée.

 

[22]           Quoi qu’il en soit, même si j’acceptais qu’il était déraisonnable de mettre en doute les lettres d’emploi des demandeurs alors qu’elles dataient de moins d’un an, cette conclusion ne changerait rien à la conclusion selon laquelle la décision, dans son ensemble, était raisonnable. Même si l’agent CH avait accepté que le demandeur et la demanderesse avaient toujours eu un emploi depuis 2009 et 2010, respectivement, cette conclusion n’aurait pas pu exclure du cadre de la raisonnabilité la conclusion selon laquelle les demandeurs ne subiraient pas de difficultés excessives en raison de leur degré d’établissement au Canada. De plus, l’absence inexpliquée des documents fiscaux pour 2008 et 2010 était, à juste titre, un élément important pour l’agent.

 

            L’agent CH a-t-il violé les principes de l’équité procédurale?

[23]           Les demandeurs prétendent que l’agent CH a manqué à l’obligation d’agir équitablement envers les demandeurs en ne cherchant pas à obtenir de nouveaux renseignements avant de rendre sa décision. Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer qu’un agent n’est pas tenu de chercher à obtenir de nouveaux renseignements ou de nouveaux éléments de preuve de la part d’un demandeur avant de rendre une décision; c’est au demandeur qu’il incombe de soumettre tous les éléments de preuve pertinents : Doe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 285.

 

[24]           Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées. 


JUGEMENT

            LA COUR STATUE que les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et l’affaire n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7087-11

INTITULÉ :                                      NORVIL BAILEY, PRINCESS MARGARET LINDSAY

BAILEY, RAJAY BAILEY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

DOSSIER :                                        IMM-281-12

INTITULÉ :                                      NORVIL BAILEY, PRINCESS MARGARET BAILEY LINDEY, RAJAY BAILEY c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                           

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 25 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 14 août 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joel Etienne

 

IMM-7087-11 / IMM-281-12
POUR LES DEMANDEURS

 

Suran Bhattacharyya

 

IMM-7087-11 / IMM-281-12
POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler, Etienne LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

IMM-7087-11 / IMM-281-12
POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

IMM-7087-11 / IMM-281-12
POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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