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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120815


Dossier : IMM-9239-11

Référence : 2012 CF 997

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 août 2012

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

MOSAMMAT MONOWARA KHATUN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée par Mosammat Monowara Khatun (la demanderesse) afin d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente d’examen des risques avant renvoi [ERAR], C. Kratofil, a, le 27 octobre 2011, conclu qu’elle était exposée à moins qu’une simple possibilité d’être persécutée en Italie et/ou au Bangladesh au sens de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. L’agente d’ERAR a en outre conclu que la demanderesse risquait vraisemblablement peu d’être exposée à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités au sens de l’article 97 de la LIPR.

 

[2]               La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les raisons qui suivent.

 

II.        Faits

 

[3]               La demanderesse est une femme âgée de 46 ans originaire du Bangladesh. En septembre 2000, elle a obtenu un visa de visiteur auprès du bureau des visas du Canada à Rome. Le 24 octobre 2000, à son arrivée au Canada, elle a présenté une demande d’asile. Le 10 juin 2004, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a conclu qu’elle n’avait ni qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[4]               Le 29 juillet 2005, la Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Commission.

 

[5]               Une demande d’ERAR a été introduite le 16 octobre 2010. L’agent d’ERAR a pris une décision défavorable le 18 mars 2011. La demanderesse a demandé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision. Les défendeurs ont consenti à ce que la demande fasse l’objet d’un nouvel examen. On a subséquemment accordé à la demanderesse jusqu’au 21 juin 2011 pour présenter de nouvelles et/ou d’autres observations à l’appui d’un nouvel examen de sa demande d’ERAR.

 

[6]               Le 27 octobre 2011, l’agente s’est prononcée sur la demande d’ERAR de la demanderesse. Lorsqu’elle a rejeté cette demande, l’agente a conclu que la demanderesse avait, pour l’essentiel, répété dans sa demande d’ERAR les mêmes allégations que celles avancées devant la Commission, et elle n’a accordé que peu de valeur probante à la nouvelle preuve déposée par la demanderesse au soutien de sa thèse.

 

[7]               Le 5 janvier 2012, M. le juge Shore a ordonné le sursis de l’exécution de la mesure de renvoi prononcée contre la demanderesse jusqu’à ce que la demande de contrôle judiciaire soit tranchée. À l’appui de sa conclusion, le juge Shore a formulé les observations suivantes :

[3] Comme elle est incapable d’avoir des enfants, la demanderesse aurait prétendument amené la honte sur son mari et sa famille; c’est pour cette raison qu’elle craint pour sa vie.

 

[4] Bien que la Cour reconnaisse que la demanderesse pourrait être exposée à un danger au Bangladesh (comme en attestent clairement les références fournies sur le pays), elle aurait pu demander l’asile en Italie ou en Espagne, où son frère a supposément obtenu le statut de réfugié. Elle prétend néanmoins qu’elle craignait (pour sa vie) une proximité trop grande entre elle et son mari.

 

[5] Quant aux nouveaux éléments de preuve significatifs recueillis six ans après la décision de la Section de la protection des réfugiés, la Cour retient que certains détails n’ont peut-être pas été inclus dans le rapport de situation concernant la demanderesse commandé à un avocat au Bangladesh ou même dans l’avis de sa psychologue, par souci de limiter autant que possible les renseignements engageant la sécurité de la demanderesse, car il est déjà arrivé que des femmes soient mises en danger par la divulgation de détails de ce genre.

 

[6] Pour tous les motifs qui précèdent, la demanderesse a satisfait au critère conjonctif à trois volets formulé dans l’arrêt Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF) : l’affaire doit donc être instruite en profondeur et analysée dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

 

[7] Par conséquent, le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est accordé jusqu’au contrôle portant sur l’examen des risques avant renvoi [ERAR] (voir le dossier de la demande de la demanderesse, aux pages 5 à 8).

 

[8]               La Cour est maintenant saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision de l’agente d’ERAR.

 

III.       Dispositions législatives pertinentes

 

[9]               L’article 96, le paragraphe 97(1) et l’alinéa 113b) de la LIPR et l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR], prévoient ce qui suit :

Définition de « réfugié »

 

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Personne à protéger

 

Person in need of protection

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

113. b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

113. (b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

 

 

IV.       Questions en litige et norme de contrôle

 

A.        Questions en litige

 

1          L’agente d’ERAR a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a tiré des conclusions quant à la crédibilité sans s’interroger sur l’opportunité d’avoir un entretien avec la demanderesse?

2.         Les conclusions tirées par l’agente d’ERAR sont‑elles raisonnables?

 

B.        Norme de contrôle

 

[10]           La première question intéresse l’équité de la procédure et doit être tranchée selon la norme de la décision correcte (voir Lai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 361, [2008] 2 FCR 3, au paragraphe 55; et Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 FCR 392).

 

[11]           Quant à la seconde question en litige, il est bien établi par la jurisprudence de la Cour que les décisions des agents d’ERAR appellent une grande retenue et qu’elles sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir James c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 318, [2010] ACF no 368 (QL), au paragraphe 16). « Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

 

V.        Observations des parties

 

A.        Observations de la demanderesse

 

[12]           La demanderesse soutient que l’agente d’ERAR a fait abstraction de la question des femmes battues au Bangladesh ainsi que de certains éléments de preuve, comme le rapport de M. Siddiquzzaman Tarafder, avocat du Bangladesh qui a affirmé que, selon son enquête, la demanderesse sera exposée à des risques en Italie et au Bangladesh. M. Tarafder a laissé entendre dans sa lettre de novembre 2010 qu’il avait communiqué avec le beau‑père de la demanderesse, lequel l’a informé que la demanderesse avait discrédité le nom de la famille. Il a également laissé entendre que la famille du mari de la demanderesse avait des relations avec des militants islamistes et avait participé à la guerre en Afghanistan.

 

[13]           L’agente d’ERAR n’a pas cherché à obtenir des précisions sur la preuve produite par la demanderesse au soutien de sa thèse. La demanderesse fait valoir qu’un entretien était justifié parce que sa crédibilité était mise en doute.

 

[14]           La demanderesse allègue aussi que le rapport de M. Tarafder est corroboré par la preuve documentaire montrant que la violence faite aux femmes est endémique au Bangladesh et que ces dernières n’ont pratiquement aucun recours malgré la législation existante en matière de violence familiale.

 

[15]           De plus, la demanderesse s’appuie sur l’ouvrage de M. Ahmed Hussein, « A Thousand Suns », dans lequel l’auteur décrit des cas de violence faite aux femmes au Bangladesh en raison de leur infertilité.

 

[16]           La demanderesse avance également que l’agente d’ERAR a omis de tenir compte d’un rapport psychologique établissant qu’elle est atteinte d’un traumatisme psychologique par suite de son expérience antérieure aux mains de son mari et de sa belle‑famille.

 

[17]           Elle affirme que l’omission, par l’agente, de tenir une audience quant à la crédibilité de la preuve présentée par une partie demanderesse constitue une erreur susceptible de contrôle suivant la norme de la décision correcte (voir Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Jiminez-Perez, [1984] 2 RCS 565).

 

B.        Observations des défendeurs

 

[18]           Les défendeurs soutiennent que la conclusion de l’agente voulant que la demanderesse ait soulevé les mêmes risques que ceux invoqués devant la Commission dans sa demande d’ERAR était raisonnable. L’agente d’ERAR n’a pas fait abstraction de la preuve établissant les risques. Selon les défendeurs, le libellé de la décision donne à penser que l’agente a examiné et apprécié l’ensemble de la preuve. L’agente est toutefois arrivée à la conclusion que la demanderesse n’avait pas réussi à établir une évolution importante de la situation en Italie ou au Bangladesh (voir Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385).

 

[19]           Les défendeurs renvoient aux motifs formulés par l’agente lorsqu’elle a décidé ce qui suit :

            [traduction]

a)                  l’agente a estimé que la lettre produite par un avocat du Bangladesh a une faible valeur probante en raison de son caractère vague et spéculatif et de l’absence de nombreuses précisions importantes;

 

b)                  en ce qui concerne le rapport psychologique établi par M. Pilowski, l’agente a conclu qu’un grand nombre de précisions touchant un diagnostic et un traitement supplémentaires ne figuraient pas dans la lettre et qu’en outre, M. Pilowski ne donnait aucune précision quant aux possibilités de traitement au Bangladesh;

 

c)                  l’agente a également conclu que les documents relatifs à la situation dans le pays étaient d’ordre général, qu’ils ne se rapportaient pas à la situation personnelle de la demanderesse et qu’ils ne suffisaient pas à réfuter les conclusions de la SPR quant à la protection de l’État.

 

[20]           Selon les défendeurs, l’agente a examiné l’ensemble de la preuve dont elle était saisie et elle est arrivée à la conclusion que la demanderesse n’avait pas montré l’existence d’un nouveau risque de persécution. Par conséquent, la décision de l’agente appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, susmentionné, au paragraphe 47).

 

VI.       Analyse

 

1.         L’agente d’ERAR a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a tiré des conclusions quant à la crédibilité sans s’interroger sur l’opportunité d’avoir un entretien avec la demanderesse?

 

[21]           L’article 167 du RIPR énonce certains facteurs que les agents d’ERAR doivent prendre en compte au moment de décider s’il y a lieu ou non de tenir une audience. Ces facteurs sont libellés ainsi :

a)                  l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b)                  l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c)                  la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

[22]           Il est bien établi en droit que, dans le contexte d’une demande d’ERAR, la tenue d’une audience est l’exception. De plus, les questions sérieuses touchant la crédibilité doivent être fondamentales au regard de la demande d’ERAR pour justifier la tenue d’une audience. À la lecture de la décision de l’agente, il est manifeste que cette dernière n’a décelé aucune question sérieuse relative à la crédibilité qui soit fondamentale au regard de la demande d’ERAR (Tekie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] ACF no 39, 2005 CF 27; Yousef c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 864, au paragraphe 36 [Yousef]).

 

[23]           L’agente n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale. Elle a conclu que [traduction] « la preuve dont je suis saisie n’étaye pas le fait que le mari et la belle‑famille de la demanderesse aient toujours un intérêt à l’égard de celle‑ci après une absence de plus de 10 ans. La preuve présentée devant moi ne permet pas d’infirmer la conclusion de fait tirée par la Commission ni d’établir que la situation en Italie ou au Bangladesh a à ce point évolué depuis la conclusion de la Commission défavorable à la demanderesse que cette dernière se trouve maintenant visée par les articles 96 et/ou 97 de la LIPR » (voir la décision de l’agente d’ERAR à la page 12 du dossier certifié du tribunal). À la lumière de la conclusion qui précède, il ne fait aucun doute que [traduction] « la décision de l’agente d’ERAR était motivée par l’insuffisance de la preuve produite par le demandeur à l’appui de sa prétention selon laquelle il serait exposé à des risques nouveaux ou accrus s’il devait retourner [dans son pays de nationalité] » (voir Yousef, au paragraphe 36). En outre, la Cour conclut que la demanderesse n’a pas satisfait aux critères énoncés à l’article 167 du RIPR. Le fait de n’accorder qu’une faible valeur probante à la preuve documentaire ne signifie pas que la crédibilité d’un demandeur est mise en doute. Dans la présente affaire, l’agente s’est manifestement acquittée de son obligation d’apprécier la preuve produite par la demanderesse. La Cour rejette donc l’allégation de cette dernière voulant que l’agente ait commis une erreur susceptible de contrôle.

 

2.         Les conclusions tirées par l’agente d’ERAR sont‑elles raisonnables?

 

[24]           Comme le prévoit l’article 113 de la LIPR, l’agent d’ERAR ne peut examiner que les « éléments de preuve survenus depuis le rejet [de la demande de protection] ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet ». L’article 113 de la LIPR limite rigoureusement l’étendue du pouvoir d’intervention accordé aux agents d’ERAR. Dans la décision Kaybaki c Canada (Solliciteur général du Canada), 2004 CF 32, [2004] ACF no 27 (QL), le juge Kelen tient les propos suivants au paragraphe 11 des motifs de sa décision : « [l]a procédure d’évaluation du risque avant renvoi ne saurait se transformer en une seconde audience du statut de réfugié. Cette procédure a pour objet d’évaluer les nouveaux risques pouvant surgir entre l’audience [de la CISR] et la date du renvoi ».

 

[25]           Dans la décision Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1385, au paragraphe 10, le juge Mosley a dégagé la conclusion suivante :

[10] Les agents d’ERAR possèdent des connaissances spécialisées en matière dexamen des risques et leurs conclusions sont généralement dictées par les faits, ce qui explique que celles‑ci doivent faire l’objet d’une retenue considérable : Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 872, 256 FTR 53, au paragraphe 16 [Selliah]. Les conclusions de fait tirées par un agent d’ERAR, y compris celles qui concernent le poids à accorder à la preuve qui lui a été présentée, réclament une retenue judiciaire considérable : Yousef c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 864, [2006] ACF no 1101, au paragraphe 19 [Yousef]. À moins qu’il ait omis de prendre en considération des facteurs pertinents ou qu’il ait tenu compte de facteurs non pertinents, l’appréciation de la preuve relève de l’agent chargé de l’examen et n’est normalement pas sujette à un contrôle judiciaire : Augusto c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 673, [2005] ACF no 850, au paragraphe 9.

 

[26]           La demanderesse allègue que l’agente a omis d’apprécier de façon raisonnable la preuve produite établissant sa crainte de persécution ou qu’elle a complètement fait abstraction de cette preuve.

 

[27]           La demanderesse a présenté une lettre de M. Tarafder, un rapport psychologique de M. Pilowski ainsi qu’une preuve documentaire concernant la situation au Bangladesh et en Italie. La décision de l’agente repose sur sa conclusion voulant que la preuve soit insuffisante pour établir que la demanderesse serait exposée à un risque de persécution aux mains de la famille de son mari si elle retournait au Bangladesh ou en Italie. Il ressort sans équivoque de la décision de l’agente que cette dernière a apprécié d’une manière raisonnable la preuve présentée par la demanderesse et qu’elle a explicité les raisons pour lesquelles elle ne lui a accordé qu’une faible valeur probante. Elle a conclu que la lettre de M. Tarafder omettait de préciser des détails importants sur la façon dont il avait obtenu les renseignements et que ses assertions étaient de nature spéculative et [traduction] « formulées par une personne ayant un intérêt dans l’issue de la présente demande » (voir la décision de l’agente d’ERAR, à la page 9 du dossier certifié du tribunal).

 

[28]           De plus, l’agente a signalé que [traduction] « même si M. Pilowski affirme que l’information figurant dans la lettre pourrait comprendre des renseignements dont la [Commission] n’aurait pas eu connaissance parce que les personnes sont souvent plus communicatives avec les psychologues, ni la demanderesse, ni son avocat, ni M. Pilowski n’ont mentionné que les assertions de la demanderesse diffèrent sensiblement de la preuve entendue ou examinée par la [Commission] » (voir la décision de l’agente d’ERAR, aux pages 9 et 10 du dossier certifié du tribunal). À cet égard, la Cour doit faire remarquer que les agents d’ERAR ont uniquement l’obligation de tenir compte des nouveaux éléments de preuve qui leur sont présentés.

 

[29]           Dans son appréciation de la preuve documentaire touchant la situation au Bangladesh et en Italie, l’agente s’est exprimée ainsi : [traduction] « même si je conclus que les deux pays font toujours face à des difficultés, la preuve révèle que les autorités gouvernementales ont pris des mesures afin d’améliorer la situation dans de nombreux domaines. La demanderesse a différents recours dans les deux pays, si elle choisit de les exercer ». Elle a également souligné le fait que [traduction] « la preuve dont je suis saisie ne permet pas de réfuter la conclusion de fait [tirée par la Commission], ni d’étayer l’assertion voulant que la situation en Italie ou au Bangladesh a évolué depuis la conclusion de la SPR […] » (voir la décision de l’agente d’ERAR, aux pages 11 et 12 du dossier certifié du tribunal).

 

[30]           Lorsqu’il est saisi d’une demande d’ERAR, l’agent doit procéder à une analyse individuelle. On a effectué une telle analyse en l’espèce [voir Kovacs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1003, [2010] ACF no 1241 (QL)]. Selon la Cour, aucune raison valable ne la fonde à intervenir, même si elle aurait pu tirer une conclusion différente. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour a l’obligation non pas d’apprécier à nouveau la preuve produite par le demandeur, mais plutôt de veiller à ce que la décision appartienne « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », conformément à l’arrêt Dunsmuir, susmentionné. La Cour arrive à cette conclusion en l’espèce.

 

VII.     Conclusion

 

[31]           L’agente d’ERAR n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale puisqu’elle a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté une preuve suffisante de l’existence d’un nouveau risque.

 

[32]           L’agente d’ERAR a en outre conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à prouver qu’elle sera personnellement exposée à davantage qu’une simple possibilité de persécution ou de menace à sa vie si elle retourne au Bangladesh ou en Italie.

 

[33]           La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9239-11

 

INTITULÉ :                                      MOSAMMAT MONOWARA KHATUN

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 15 août 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Munyonzwe Hamalengwa

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kevin Doyle

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Munyonzwe Hamalengwa

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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