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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120828

Dossier : IMM-6335-11

Référence : 2012 CF 1021

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 août 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

KEIVAN MANOUCHEHRNIA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Keivan Manouchehrnia, sollicite le contrôle judiciaire d’un examen des risques avant renvoi (ERAR) défavorable daté du 20 juillet 2011. L’agent d’ERAR a conclu qu’il ne s’exposerait pas au risque d’être victime de persécution, d’être soumis à la torture ou à une menace à sa vie ni au risque de traitements ou peines cruels ou inusités s’il retournait en Iran, son pays d’origine.

 

I.          Faits

 

[2]               Le demandeur est arrivé au Canada et a présenté une demande d’asile en 2001 parce qu’il craignait d’être persécuté par les autorités iraniennes en raison de la participation de son frère aux activités du mouvement d’opposition des moudjahidines. Après que son frère s’est enfui au Pakistan en 1988 et a été reconnu comme réfugié, le demandeur affirme avoir été détenu et interrogé périodiquement jusqu’à ce qu’il quitte l’Iran en 1999.

 

[3]               En 2003, le demandeur a été arrêté en vertu d’un mandat décerné pour défaut de se présenter à un entretien visant la reconnaissance de son statut de réfugié. Le 16 mars 2005, une audience a finalement eu lieu et sa demande d’asile a subséquemment été refusée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission).

 

[4]               La Commission a estimé qu’il n’éprouvait pas une crainte subjective compte tenu de la longue période écoulée avant son départ de l’Iran et de son omission à présenter une demande d’asile lorsqu’il est passé par la Grèce et les États‑Unis. Elle a également constaté certaines divergences entre son formulaire de renseignements personnels (le FRP) et son témoignage quant au nombre de fois où il a été interrogé par les autorités. La Commission a conclu que, si elles avaient eu une quelconque intention de faire du mal au demandeur, les autorités l’auraient simplement obligé à se présenter pendant toute la période de onze ans. On a considéré que le demandeur tentait de trouver le pays d’asile le plus favorable pour s’établir économiquement.

 

[5]               En décembre 2010, le demandeur a demandé un ERAR, dont est maintenant saisie la Cour.

 

II.        Décision faisant l’objet de la révision

 

[6]               L’agent d’ERAR a décidé que, contrairement à l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, le demandeur n’avait pas présenté de nouveaux éléments de preuve avec sa demande. L’agent a signalé ce qui suit :

[traduction]

Le demandeur n’a fait état d’aucun risque nouveau et n’a présenté aucune preuve personnelle ou objective étayant les risques auxquels il craignait d’être exposé. Pour l’essentiel, le demandeur répète dans sa demande d’ERAR les mêmes allégations que celles qu’il a antérieurement formulées dans son FRP et devant la Commission. Comme il est mentionné plus haut, il n’appartient pas à l’agent d’ERAR d’examiner à nouveau les conclusions de la Commission portant sur les faits et la crédibilité. Je remarque que la Commission a conclu que le récit du demandeur comportait diverses incohérences et qu’elle a mis en doute sa crédibilité.

 

Le demandeur a l’obligation de prouver qu’il serait personnellement exposé à un risque s’il retournait dans son pays d’origine. Compte tenu de l’insuffisance de la preuve produite, je conclus que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait et qu’il ne m’a pas convaincu de son exposition personnelle à un risque s’il retournait en Iran.

 

[7]               En ce qui concerne la situation en Iran, on a reconnu que des violations des droits de la personne se produisent dans le pays visé. L’agent d’ERAR est néanmoins arrivé à la conclusion suivante :

[traduction]

[…] il existe en Iran de nombreuses difficultés générales en matière de droits de la personne et de libertés individuelles. De plus, la situation ne s’est pas vraiment dégradée depuis que la Commission a rendu sa décision en avril 2005.

 

Cela étant dit, le demandeur n’a pas établi qu’il faisait partie d’un groupe ciblé. Bien que la situation sur le plan des droits de la personne soit loin d’être idéale en Iran, je ne suis pas convaincu que le demandeur est exposé à un risque de persécution en raison de son profil personnel. Compte tenu de la preuve produite et des sources objectives consultées, et à la lumière de la décision de la Commission, je ne suis pas convaincu que le demandeur est recherché par les autorités iraniennes ni qu’il est membre de l’un des groupes de personnes qui sont sensiblement exposés à un risque de violation des droits de la personne en Iran.

 

III.       Questions en litige

 

[8]               Le demandeur soulève une seule question en litige :

 

a)         L’agent d’ERAR a‑t‑il commis une erreur dans son analyse de la situation dans le pays en cause au regard du risque auquel le demandeur est personnellement exposé?

 

IV.       Norme de contrôle

 

[9]               Il faut généralement appliquer la norme de la raisonnabilité aux décisions d’un agent d’ERAR (voir, par exemple, Hnatusko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 18, [2010] ACF no 21, aux paragraphes 25 et 26).

 

[10]           La Cour n’interviendra que si la décision n’est pas justifiée, transparente et intelligible ou si elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

V.        Analyse

 

[11]           Le principal argument soulevé tient au fait que l’examen, par l’agent d’ERAR, de la situation actuelle dans le pays en cause du point de vue du demandeur et des personnes se trouvant dans une situation analogue à la sienne était déraisonnable dans les circonstances. Le demandeur soutient que sa demande d’ERAR, et sa revendication globale, sont inextricablement liées à l’appartenance de son frère au mouvement des moudjahidines et à la revendication du statut de réfugié subséquente de ce dernier. Il insiste sur le fait que l’agent d’ERAR n’a apparemment pas pris en compte la preuve relative aux personnes se trouvant dans une situation analogue à la sienne et qu’il n’est pas tenu d’établir qu’il s’exposerait à un risque du seul fait de son profil personnel.

 

[12]           Le défendeur soutient, et je suis d’accord, que l’agent d’ERAR n’a pas fait abstraction d’éléments de preuve pertinents. À l’exception de l’accent mis sur ses liens avec son frère, le demandeur n’a pas montré qu’il appartient à un groupe ciblé. La Commission a aussi antérieurement conclu qu’il ne courait pas de risques en Iran en raison des activités d’opposition de son frère. L’agent d’ERAR a insisté sur le fait que le demandeur n’avait présenté aucune preuve nouvelle pour réfuter cette conclusion ni soulevé un quelconque élément de risque nouveau.

 

[13]           Comme il ressort de l’arrêt Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, [2007] ACF no 1632, au paragraphe 13, de la Cour d’appel fédérale, l’ERAR n’a pas pour objet de présenter de nouvelles observations sur le fondement de la demande d’asile. Il repose plutôt sur l’idée qu’il faut prendre acte de la décision de rejeter la demande d’asile « [...] à moins que des preuves nouvelles soient survenues depuis le rejet, qui auraient pu conduire la SPR à statuer autrement si elle en avait eu connaissance ». En l’absence d’une telle preuve nouvelle, il était raisonnable pour l’agent d’ERAR de souscrire aux conclusions tirées par la Commission en ce qui touche les risques auxquels le demandeur serait exposé à cause de son frère et de la situation qui règne actuellement dans le pays visé.

 

[14]           Après avoir examiné la preuve documentaire, l’agent d’ERAR a reconnu l’existence de difficultés générales en matière de droits de la personne et de libertés individuelles en Iran. À la lumière de cette preuve objective et de la décision de la Commission, il n’était toutefois [traduction] « pas convaincu que le demandeur est recherché par les autorités iraniennes ni qu’il est membre de l’un des groupes de personnes qui sont sensiblement exposés à un risque de violation des droits de la personne en Iran ». J’insiste sur le fait que l’agent d’ERAR n’est pas tenu de mentionner expressément chacun des éléments de preuve documentaires [Hassan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 147 NR 317, [1992] ACF no 946 (CAF)].

 

VI.       Conclusion

 

[15]           Je ne suis pas convaincu que l’agent d’ERAR a commis une erreur dans son appréciation de la situation dans le pays en cause du point de vue du demandeur. Pour cette raison, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6335-11

 

INTITULÉ :                                      KEIVAN MANOUCHEHRNIA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 12 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 28 août 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Blanshay

 

POUR LE DEMANDEUR

Jocelyn Espejo-Clarke

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshay et Lewis

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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