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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20120828

Dossier : IMM‑7809‑11

Référence : 2012 CF 1022

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 28 août 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

NELSON ARISTIDES ANGULO LOPEZ, CELINA MATILDE VELASCO DE ANGULO

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

INTRODUCTION

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la loi), en vue du contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugiés (la SPR) datée du 6 octobre 2011 (la décision), par laquelle la SPR a refusé de reconnaître aux demandeurs la qualité de réfugiés au sens de la Convention ou la qualité de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la loi.

CONTEXTE

[2]               Le demandeur principal et son épouse, la demanderesse secondaire, sont des citoyens d’El Salvador qui craignent des préjudices de la part du gang dénommé Maras Salvatruchas (le MS‑13).

[3]               D’août 1979 à février 2004, le demandeur principal était membre de la Marine du Salvador. Après avoir pris sa retraite de la Marine, il a été nommé directeur de la prison de Chalatnango, à Chalatnango, au Salvador. Il y avait environ 1000 membres du MS‑13 à la prison de Chalatnango. En tant que directeur de la prison, le demandeur principal était responsable : du transfèrement des détenus, des fouilles pour trouver des objets de contrebande – y compris les armes et la drogue – de la sécurité générale de l’établissement. Durant son mandat, il a lancé une initiative réussie de coordination avec la police du Salvador, dans le but de faire baisser les activités du gang dans la prison.

[4]               En janvier 2009, un détenu a dit au directeur en chef de la prison que d’autres détenus creusaient un tunnel pour s’échapper. Le détenu a aussi dit que d’autres détenus surveillaient le demandeur principal, et qu’ils avaient l’intention de lui faire du mal. Le demandeur principal a signalé l’existence du tunnel au Fiscalia — un organisme national d’enquête — lequel a commencé une enquête. Le demandeur principal a aussi mis la prison sous confinement aux cellules pendant quinze jours. Pendant ce temps, une personne a mis une note sur le bureau du demandeur principal selon laquelle, il ne devait pas aller dans la zone des détenus sinon, il serait pris en otage.

[5]               Le demandeur principal était persuadé qu’en raison de son travail à la prison, les membres du MS‑13, à l’extérieur de la prison, le suivaient et qu’ils avaient l’intention de lui faire du mal. Il a signalé ses craintes aux autorités pénitentiaires, lesquelles à leur tour les ont signalées au Fiscalia, mais ils n’ont pas mené d’enquête sur la base de ces allégations. Bien qu’il ait demandé un véhicule différent et des gardes du corps, aucune protection ne lui a été accordée. Le 7 avril 2009, il a déposé un rapport au Fiscalia, le rapport contenait le détail de ses allégations, mais aucune action n’a été entreprise sur la base de ce rapport.

[6]               Une semaine après le dépôt du rapport, le demandeur principal a trouvé une page déchirée d’un annuaire téléphonique sur le sol, à côté de sa voiture. La page contenait son nom, son adresse, et son numéro de téléphone. Le demandeur principal était persuadé que cette page était un message du MS‑13 l’avisant qu’ils savaient quelle voiture il conduisait, et où il habitait. Plusieurs jours plus tard, l’expression « M13S Locos » était inscrite à l’extérieur de sa résidence. Un policier de la prison a dit au demandeur principal que cela pouvait signifier que le MS‑13 avait mis une marque sur sa résidence, et qu’ils avaient l’intention de s’en prendre à lui.

[7]               Croyant que sa vie était en danger, le 27 avril 2009, le demandeur principal et la demanderesse secondaire se sont enfuis d’El Salvador. Ils sont d’abord allés à Seattle, aux États‑Unis, ensuite, le 30 avril 2009, à Surrey, en Colombie‑Britannique. Les demandeurs ont demandé l’asile le jour de leur arrivée au Canada.

[8]               La demanderesse secondaire s’est fondée sur le récit de son époux, à l’appui de sa propre demande. La SPR a joint leurs demandes, en vertu du paragraphe 49(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228 (les Règles), et, le 31 mai 2011, elle a entendu les demandes. Le 6 octobre 2011, la SPR a refusé les demandes des demandeurs, et elle les a informés de sa décision le 14 octobre 2011.

LA DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

[9]               La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni la qualité de personnes à protéger, parce que la protection de l’État leur était offerte au Salvador.

 

L’exclusion possible

[10]           Avant l’audience à la SPR, le défendeur a soutenu que, en application de l’alinéa 1Fa) de la Convention relative au statut des réfugiés (la Convention), le demandeur principal était exclu de la protection offerte aux réfugiés. Pendant la guerre civile au Salvador, alors que le demandeur principal était membre de la Marine du Salvador, l’armée avait commis des crimes contre l’humanité. Le défendeur a soutenu que, le fait que le demandeur principal appartenait à la Marine du Salvador signifiait qu’il était complice de la perpétration des crimes contre l’humanité, ce qui, en application de l’alinéa 1Fa), l’excluait de la protection. Le demandeur principal a convenu que l’armée du Salvador avait commis des crimes contre l’humanité, mais il a déclaré que la Marine était une division distincte des forces armées. Il a déclaré qu’il n’était pas complice de la perpétration des crimes contre l’humanité, parce qu’il était membre d’une division distincte. La SPR était d’accord, elle a conclu que, bien qu’il ait été un officier de haut rang, le demandeur principal n’avait pas soutenu les atrocités commises par l’armée. Vu la preuve dont elle disposait, la SPR n’était pas convaincue que le défendeur s’était acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir la complicité de crime contre l’humanité. Le demandeur principal n’était pas exclu du droit à la protection, en application de la Convention.

Le bien‑fondé de la demande

[11]           La SPR a conclu que le demandeur principal n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État; ainsi, sa demande de protection ne pouvait pas aboutir. La demande de la demanderesse secondaire était fondée sur la demande de son époux; ainsi, elle non plus n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. Le demandeur principal a fait la preuve des éléments suivants : son identité, le fait qu’il était le directeur de la prison de Chalatnango, le fait qu’il avait reçu des menaces de la part de membres du MS‑13. Toutefois, les efforts du demandeur principal pour l’obtention de la protection de l’État se sont avérés insuffisants à réfuter la présomption établie par l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689.

[12]           La SPR a commencé son analyse portant sur la protection de l’État par un examen des conditions au Salvador. Elle a conclu que le Salvador est une démocratie constitutionnelle, multipartite, dotée d’institutions démocratiques fonctionnelles. Dans un tel contexte, la décision Kadenko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 1376 (ACF) a établi que les demandeurs avaient un lourd fardeau pour prouver qu’ils avaient épuisé toutes les voies de recours dont ils disposaient pour solliciter la protection de l’État.

[13]           La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas entrepris toutes les démarches à leur disposition pour l’obtention de la protection de l’État. Lorsque le demandeur principal a initialement reçu les menaces liées au fait qu’il avait signalé l’existence du tunnel creusé par les détenus, il n’a pas personnellement communiqué avec la police. Il a communiqué avec le directeur de la prison, qui à son tour a communiqué avec le Fiscalia. Le directeur adjoint de la prison a écrit une lettre par laquelle il informait le demandeur principal des menaces, et cette lettre a été donnée au Fiscalia pour l’aider dans son enquête. Le demandeur principal a reçu des menaces de janvier à avril 2009, mais il n’a communiqué avec personne pour obtenir de l’aide, à l’exception du signalement au directeur de la prison. Le demandeur principal a déclaré qu’il n’avait pas fait de suivi relativement à la plainte que le directeur de la prison avait déposée au Fiscalia, parce que selon la procédure, il fallait qu’il attende que le Fiscalia communique avec lui et lui téléphone pour l’inviter à une entrevue. Toutefois, le Fiscalia n’a pas communiqué avec lui. Le demandeur principal a aussi déclaré qu’il n’avait reçu aucune réponse à la lettre qu’il avait remise, en personne, au Fiscalia le 7 avril 2009. Dans son témoignage, il a déclaré que l’expérience qu’il avait eue a confirmé ses connaissances selon lesquelles, les autorités du Salvador étaient lentes à traiter les plaintes. La SPR a conclu que le demandeur principal aurait dû faire un suivi auprès du Fiscalia relativement aux rapports. Pour la SPR, son manquement à cet égard signifiait qu’il n’avait pas pu réfuter la présomption de la protection de l’État.

[14]           Le demandeur principal a déclaré qu’il appartenait aux autorités de communiquer avec lui, et que rien ne lui permettait de croire qu’il devait faire un suivi relativement à sa plainte. Selon la SPR, il n’y avait là aucune logique; le demandeur craignait pour sa vie, mais il n’a entrepris aucune démarche pour s’assurer une protection. En outre, les détenus qui creusaient le tunnel avaient été transférés à l’extérieur de la prison. Après leur transfert, les autorités ont raisonnablement accordé une priorité moindre à la plainte du demandeur principal.

[15]           La SPR a fait référence à deux documents que le demandeur principal a présentés, et elle a fait remarquer que les autorités du Salvador avaient des problèmes et qu’elles manquaient d’efficience. Selon un rapport du département d’État des États‑Unis, la corruption et la criminalité nuisent à l’efficacité des autorités. Un rapport du Overseas Security Advisory Council des États‑Unis (le rapport OSAC) établit que la Police nationale civile (la PNC) est encore à l’étape du développement d’une force policière efficace. L’efficacité de la PNC est entravée par le manque d’équipement, ses efforts de lutte contre les gangs et le crime sont assez inefficaces.

[16]           La SPR a conclu qu’El Salvador fait de grands efforts pour lutter contre la violence des gangs. Le gouvernement a tenu une conférence sur les gangs de rue, et le président a déployé des soldats pour lutter contre la délinquance. Le taux élevé de violence au Salvador montre que la violence des gangs demeure un fléau, mais la police aide les personnes qui sont menacées par les gangs.

[17]           Le demandeur principal n’a pas fait d’efforts raisonnables pour l’obtention de la protection de l’État, et les efforts minimaux qu’il a faits ne pouvaient pas suffire à réfuter la présomption de protection de l’État. Il a travaillé en étroite collaboration avec la police pour la coordination des initiatives contre les gangs à la prison de Chalatnango, mais il ne s’est pas servi de ses liens personnels avec la police pour obtenir la protection. Devant la SPR, le demandeur principal a minimisé ses liens personnels avec la police, il a déclaré qu’il avait seulement une bonne relation de travail avec le chef de la police. Le demandeur principal a aussi déclaré que le chef de la police était en formation lorsque les menaces ont eu lieu, le chef de la police ne pouvait donc pas l’aider. La SPR a rejeté ces allégations, elle souligné que le demandeur principal a déclaré qu’il avait une bonne relation de travail avec la police dans son ensemble. Le demandeur principal était vague quant au moment où le chef de la police était absent, en raison de sa formation. Bien qu’il ait eu des occasions de communiquer avec la police, le demandeur principal n’a pas saisi ces occasions.

[18]           Selon les propres expériences du demandeur principal avec les autorités du Salvador, ces dernières déployaient de grands efforts pour mettre fin aux activités des gangs. La police a pris des procès‑verbaux lorsque deux membres de sa famille ont été dérobés dans la rue. Le demandeur principal n’avait jamais été témoin de tentative de trafic de contrebande par un policier dans la prison de Chalatnango, pendant qu’il en était le directeur. En outre, le demandeur principal a aidé à coordonner des initiatives efficaces de lutte contre les gangs menées par la police.

[19]           Le demandeur principal a omis de donner aux autorités les éléments de preuve dont il disposait, et qui étaient cruciaux dans l’enquête. Il n’a donné ni la page déchirée de l’annuaire téléphonique ni les photos des graffitis sur sa résidence qu’il avait en sa possession. La décision Villasenor c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1080, établit que les demandeurs d’asile ne peuvent pas affirmer qu’il y a absence de protection de l’État, s’ils n’informent pas d’abord l’État des menaces dont ils sont l’objet, et s’ils ne donnent pas aux autorités l’occasion de les protéger. Bien que les efforts de la police du Salvador puissent ne pas toujours avoir été des réussites, cela ne signifie pas que la protection de l’État est inexistante dans ce pays. Voir Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Villafranca, [1992] ACF no 1189 (CAF). Le fait que le demandeur principal a omis de donner des preuves, établit qu’il manquait de sérieux dans sa recherche de la protection de l’État.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[20]           Dans la présente demande, les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

a.                   la SPR a‑t‑elle mal appliqué le droit relatif à la protection de l’État?

b.                  la conclusion de la SPR relative à la protection de l’État était‑elle déraisonnable?

c.                   la SPR a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a tiré une conclusion exprimée en termes voilés sur la crédibilité?

LA NORME DE CONTRÔLE

[21]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a décidé qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle dans chaque espèce. Plutôt, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette analyse. Ce n’est que lorsque cette démarche s’avère infructueuse que la cour de révision doit prendre en compte les quatre facteurs qui déterminent l’analyse de la norme de contrôle.

[22]           La première question est soumise au contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Le demandeur conteste la conclusion de la SPR selon laquelle la jurisprudence de la Cour est applicable aux faits dont la SPR était saisie. Cette question survient « lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés », il s’agit d’une question pour laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique. Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 53.

[23]           Les demandeurs déclarent que la SPR n’a pas tenu compte de la preuve qui établit que la protection de l’État offerte par le Salvador est inefficace. La norme de contrôle relative à une telle question est aussi celle de la décision raisonnable. Au paragraphe 36 de l’arrêt Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, la Cour d’appel fédérale a décidé que la norme de contrôle applicable à une conclusion relative à la protection de l’État était la norme de la décision raisonnable. Le juge Leonard Mandamin a suivi cette approche dans Lozada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 397, au paragraphe 17. En outre, dans Chaves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, la juge Danièle Tremblay-Lamer a décidé, au paragraphe 11, que la norme de contrôle applicable à une conclusion relative à la protection de l’État était la décision raisonnable.

[24]           En ce qui concerne la troisième question, dans Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immmigration), [1991] ACF no 228, la Cour a décidé que toute conclusion portant sur la crédibilité doit être tirée « en termes clairs et explicites ». Dans Zokai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1581, le juge W. Andrew MacKay a décidé que « l’agent a effectivement écarté le témoignage du demandeur, estimant qu’il n’était pas digne de foi, sans pour autant mentionner explicitement qu’il y avait un problème de crédibilité. » Plus récemment, la juge Carolyn Layden-Stevenson s’est fondée sur Hilo dans la décision Medina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 728, et elle a décidé que « [l]a crédibilité relève de la compétence exclusive de la SPR. La SPR n’était pas obligée d’accepter le récit de M. Medina. Cependant, le droit exige depuis longtemps que les conclusions relatives à la crédibilité soient énoncées en termes clairs et explicites ». Voir aussi L.Y.B. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1167, et D.J.D.G. c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 765. Selon la Cour, toutes ces décisions orientent vers une question sous‑jacente relative à « la justification, la transparence et l’intelligibilité » du processus décisionnel basée sur la crédibilité du demandeur. Comme la Cour suprême du Canada l’a décidé dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, « [e]n d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables ». La norme de contrôle applicable à la troisième question est la décision raisonnable.

[25]           Lorsqu’une décision est soumise au contrôle selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse portera sur la question de savoir si « [l]e caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. En d’autres termes, la cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable dans le sens où elle n’appartiendrait pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. »

LES ARGUMENTS

Le demandeur

            La SPR a mal appliqué le droit relatif à la protection de l’État

[26]           La SPR a commis une erreur lorsqu’elle a appliqué des causes de la Cour, distinctes par leurs faits, à la demande des demandeurs. La SPR s’est fondée sur Villasenor, précité, pour l’affirmation selon laquelle un demandeur doit entreprendre les démarches nécessaires pour solliciter la protection, avant qu’il ne puisse alléguer que la protection de l’État ne lui est pas offerte. La décision Villasenor est distincte parce que, contrairement aux demandeurs, M. Villasenor n’avait présenté aucune preuve des efforts qu’il avait effectués pour l’obtention de la protection, et il n’avait signalé aucune menace aux autorités. En l’espèce, les demandeurs ont informé les autorités des menaces dont ils étaient l’objet. Ils ont aussi fourni des preuves documentaires établissant les démarches qu’ils avaient entreprises pour solliciter la protection de l’État.

[27]           La SPR a aussi commis une erreur lorsqu’elle s’est fondée sur la décision Osornio c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 684. Mme Osornio n’a pas divulgué l’identité de ses persécuteurs. En l’espèce, les demandeurs ont indiqué avec précision qui étaient les agents de persécution, et leur possibilité d’agir impunément.

[28]           Contrairement à la conclusion de la SPR, la décision Badilla c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 535, nous enseigne que les demandeurs n’ont pas besoin d’entreprendre de démarches supplémentaires lorsque les autorités ne prennent pas, au moment opportun, de mesure significative pour les protéger. Les demandeurs ont entrepris des démarches pour obtenir la protection, mais aucune aide ne leur a été offerte; ils n’étaient pas obligés d’en faire plus.

            Conclusion sur la crédibilité exprimée en termes voilés

[29]           Bien que la SPR ait d’abord conclu que le demandeur principal était crédible, elle a ensuite conclu que la protection de l’État n’était pas offerte. Il s’agit d’une conclusion exprimée en termes voilés. L’allégation selon laquelle la protection de l’État n’était pas offerte était l’élément principal du témoignage du demandeur principal. La décision Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302, établit que le témoignage sous serment d’un demandeur est présumé vrai. Ainsi, la SPR devait expliquer la raison pour laquelle elle avait conclu que l’allégation des demandeurs selon laquelle la protection de l’État ne leur était pas offerte n’était pas crédible.

Conclusion relative à la protection de l’État déraisonnable

[30]           La SPR a exigé à tort que les demandeurs mettent leurs vies en danger pour obtenir la protection de l’État. Au paragraphe 48, l’arrêt Ward, précité, établit que les demandeurs n’ont pas à mettre leur vie en danger pour établir que la protection de l’État n’est pas efficace.

[31]           La SPR a aussi commis une erreur lorsqu’elle a seulement tenu compte des efforts que le Salvador entreprend pour lutter contre la violence des gangs, sans tenir compte de l’efficacité de tels efforts. Dans Razo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1265, au paragraphe 10, la juge Eleanor Dawson a décidé ce qui suit :

la Commission a omis d’examiner s’il existait une protection efficace. Il n’est pas suffisant que l’État possède des institutions qui visent à offrir une protection si ces institutions n’offrent pas une protection réelle et adéquate.

[32]           De façon similaire, Bautista  c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 126, établit que la SPR doit évaluer le caractère adéquat des efforts que l’État déploie pour la protection. En pratique, il n’y avait aucune preuve que les efforts du Salvador pour la protection des directeurs de prison contre le MS‑13 étaient efficaces.

[33]           La SPR n’a pas dûment tenu compte de chacun des documents présentés par les demandeurs. Vu que la SPR n’a mentionné aucun des documents soumis par les demandeurs, la Cour devrait tirer, de l’omission de la SPR, l’inférence selon laquelle la SPR n’a pas tenu compte de ces documents. Voir Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF 1425. Sekeramayi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 845, nous enseigne que la SPR doit expliquer la raison pour laquelle elle n’a pas tenu compte de la preuve objective.

[34]           La conclusion de la SPR sur la protection de l’État n’était pas étayée par la preuve. La SPR a émis des conjectures sur la réussite des initiatives de lutte contre les gangs, et elle a omis de tenir compte des documents sur la situation du pays, lesquels établissaient que le crime est très répandu dans les prisons du Salvador. Le rapport du Département d’État des États‑Unis intitulé Human Rights Report 2010: El Salvador (le rapport DE) illustre que la protection de l’État au Salvador n’est pas adéquate, et que le crime est endémique dans les prisons du Salvador. Un rapport de la faculté de droit de Harvard intitulé No Place to Hide: Gang and Clandestine Violence in El Salvador (No Place to Hide), montre que la violence, y compris le meurtre, existe dans les prisons du Salvador. No Place to Hide montre aussi que la protection de l’État est inadéquate au Salvador, et que les criminels opèrent impunément au Salvador. La SPR a aussi omis ses propres renseignements selon lesquels les autorités du Salvador ne sont pas efficaces dans la protection des citoyens.

Le défendeur

Aucune erreur de droit

[35]           La décision Castellanos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 307, montre que les demandeurs d’asile doivent entreprendre des démarches raisonnables obtenir la protection de l’État. La protection de l’État ne doit pas être parfaite, puisqu’aucun État ne peut garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps. En outre, les demandeurs doivent établir qu’ils ont épuisé toutes les voies de recours qui leur étaient raisonnablement offertes pour solliciter la protection. Les demandeurs contestent le fait que la SPR se soit fondée sur les décisions Orsonio et Villasenor, précitées, cependant, la SPR s’est seulement fondée sur ces affaires pour faire des propositions générales sur le fardeau qui incombe aux demandeurs de solliciter la protection de l’État, et de fournir des renseignements aux autorités. Dans ces affaires, les faits étaient différents de ceux de l’espèce, mais les principes juridiques applicables sont les mêmes.

[36]            La conclusion de la SPR sur la protection de l’État reposait sur le défaut du demandeur principal d’avoir fourni la preuve des menaces aux autorités du Salvador. La SPR a correctement appliqué le droit selon lequel les demandeurs doivent fournir tous les éléments de preuve nécessaires aux autorités, lorsqu’ils demandent la protection de l’État. Les demandeurs ont fait référence à Badilla, précité; ils alléguaient que cette cause établissait que le demandeur principal n’avait pas à faire d’efforts supplémentaires après que la police eut omis de lui offrir, au moment opportun, une réponse significative. Toutefois, dans l’affaire Badilla, les agents de persécution étaient des policiers. En outre, la décision Villasenor, précitée, indique ce qui suit au paragraphe 19 :

Sauf en des circonstances exceptionnelles, il me semble inconcevable qu’un demandeur puisse reprocher aux autorités de son pays leur inaction alors même qu’il ne les a jamais alertées de sa situation de vulnérabilité et qu’il ne leur a jamais donné la possibilité de le protéger.

 

[37]           La demande des demandeurs fut rejetée parce qu’ils ont omis de fournir des preuves importantes à la police. Il n’y avait pas de preuve que le fait de faire des efforts supplémentaires pour rechercher la protection de l’État les exposerait à des risques; la conclusion de la SPR selon laquelle, ils n’en ont pas fait assez pour réfuter la présomption était donc raisonnable.

La crédibilité

[38]           Les demandeurs ont confondu deux questions distinctes : la crédibilité et la protection de l’état. Une conclusion relative à la crédibilité est une conclusion de fait, tandis qu’une conclusion relative à la protection de l’État est une conclusion mixte de faits et de droit. La SPR a conclu que le demandeur principal était crédible, car elle était convaincue par ses déclarations sur ce qui s’était passé. Il ne s’ensuit pas automatiquement que la protection de l’État ne lui fut pas offerte. La SPR a appliqué le droit de la protection de l’État aux faits dont elle était saisie, et elle a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau qui leur incombait de réfuter la présomption. La SPR n’a pas exprimé sa conclusion sur la crédibilité en des termes voilés.

La conclusion relative à la protection de l’État est raisonnable

[39]           Les demandeurs ont déclaré que la SPR a omis de tenir compte de la preuve, lorsqu’elle a examiné la protection de l’État, cependant, la décision de la SPR établit que cela n’est pas le cas. En particulier aux paragraphes 13 et 14, la SPR a fait référence aux rapports DE et OSAC, alors que les demandeurs ont déclaré qu’elle n’en avait pas tenu compte. La SPR a aussi fait référence à d’autres documents, lesquels établissaient l’existence de difficultés au sein des autorités du Salvador. La SPR a soupesé ce renseignement défavorable contre d’autres renseignements qui établissaient que le Salvador faisait des efforts pour lutter contre la violence des gangs. Vu la preuve documentaire, la SPR a conclu de façon raisonnable que les efforts faits par le demandeur principal ne lui ont pas permis de réfuter la présomption de protection de l’État.

ANALYSE

[40]           Les demandeurs allèguent que la SPR a mal interprété le droit relatif à la protection de l’État lorsqu’elle a appliqué de façon inappropriée [traduction] « la jurisprudence relative à la protection de l’État qui se distingue grandement des faits dans la cause du demandeur ». Il n’y a pas de fondement à un tel argument. La SPR ne s’est pas fondée sur d’autres causes, et elle ne les a pas appliqués aveuglément. Toutes les causes doivent être tranchées en fonction des faits qui leur sont propres; cependant, elles donnent souvent naissance à des principes généraux, et elles permettent leur mise en valeur dans des causes ultérieures. En l’espèce, la SPR a simplement fait référence à des principes généraux nés au fil du temps et servant de guide, qui sont aussi soulevés dans les faits propres à la présente demande. La Cour ne trouve rien de déraisonnable ou d’erroné en droit dans la façon dont la SPR a abordé la présente affaire.

[41]           La Cour n’estime pas non plus que la SPR a exigé des demandeurs qu’ils mettent leurs vies en danger pour prouver l’efficacité de la protection de l’État. En l’espèce, l’État n’était pas la source des menaces proférées contre les demandeurs. Les demandeurs n’ont allégué craindre ni l’État ni le fait qu’ils mettraient leurs vies en danger, s’ils sollicitaient la protection. Selon eux, soit l’État n’était pas en mesure de les protéger, soit il n’avait pas la volonté de le faire; ainsi, il était inutile de s’adresser à l’État pour solliciter sa protection.

[42]           La décision ne contient pas non plus de manquement à l’équité procédurale, et la décision ne contient pas de conclusion sur la crédibilité exprimée en termes détournés. La décision est assez simple et très directe. Malgré les difficultés en cours au Salvador, et malgré les ressources limitées, « la police du Salvador ne refuse pas d’aider les gens qui sont menacés par des gangs ». De plus, en l’espèce, les demandeurs n’en ont pas fait assez pour établir que les autorités ne les protégeraient pas, s’ils demandaient la protection. Aussi, les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption de la protection adéquate de l’État.

[43]           Selon la Cour, la seule question de fond soulevée pas les demandeurs a trait à la conclusion de la SPR selon laquelle, « malgré les ressources limitées, la police du Salvador ne refuse pas d’aider les gens qui sont menacés par des gangs », et à l’importance d’une telle conclusion quant à l’analyse sur la protection de l’État.

[44]           L’élément de preuve sur lequel la SPR s’est basée pour tirer une telle conclusion est une édition de juin 2007 d’un document du « US Department of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, Office of Asia and Western Hemisphere Affairs ». La SPR disposait d’un grand nombre d’éléments de preuve objectifs et plus récents qui donnaient à penser que la police du Salvador était incapable d’offrir aux citoyens la protection ou qu’elle ne voulait pas le faire. Par exemple, un livre publié en 2010 intitulé “No Place to Hide: Gang, State, and Clandestine Violence in El Salvador (2010)” de la Faculté de droit de Harvard donne, entre autres, les renseignements suivants :

[traduction]

Les activités des gangs dans les prisons et dans les établissements de détention pour les jeunes continuent d’être une question épineuse. Dans la population totale des centres de détention, 8 406 adultes et 394 jeunes détenus étaient d’anciens ou d’actuels membres de gangs. Lorsque cela était possible, les membres des gangs étaient séparés des détenus ordinaires. Les gangs continuent d’exercer une influence dans les prisons, et dans le système judiciaire. Il semblerait que les détenus mènent des activités criminelles à partir de leurs cellules, parfois avec la complicité des gardiens de prison. Le trafic d’armes, de drogue, et la contrebande de téléphones cellulaires et de puces de téléphones cellulaires constituaient un grand fléau dans les prisons. En août 2009, dans le but de lutter contre l’accroissement de l’extorsion par l’utilisation de téléphones cellulaires, les autorités ont continué les examens des cavités corporelles des détenus instaurés en 2009 dans le but de trouver des téléphones cellulaires. De plus, le président Funes a ordonné aux forces armées le renforcement de périmètres de sécurité autour des prisons dans lesquelles étaient détenus les criminels les plus dangereux.

 

[…]

 

La formation inadéquate, le financement insuffisant de la part du gouvernement, l’absence de code de preuve uniforme, et les cas isolés de corruption et de criminalité pure et simple nuisent à l’efficacité de la PNC.

 

[…]

 

Les victimes actuelles et les personnes menacées par la violence interviewées par nos chercheurs au Salvador – y compris les membres prétendus des gangs ou les personnes suspectées d’appartenir aux gangs, ainsi que les résidents des régions dans lesquelles les gangs sont particulièrement présents — ont déclaré que la police du Salvador était incapable d’offrir aux citoyens la protection ou qu’elle ne voulait pas le faire. Une résidente d’une région urbaine et pauvre à l’extérieur de San Salvador a mis l’accent sur l’inefficacité de la présence policière dans sa région, elle a déclaré à nos chercheurs que la police avait abandonné ses commissariats, et que la police avait disparu lorsque les membres des gangs ont pris le contrôle des rues dans sa région, ce qui laissait les citoyens vulnérables à l’extorsion, aux menaces, et à la violence.

 

 

[…]

 

Un autre facteur lié à la question, et qui a joué un rôle important dans l’échec du gouvernement du Salvador à fournir une protection significative à certains secteurs de la société est l’absence de programme de protection efficace pour les témoins et les victimes. La majorité des témoins, des victimes et des experts interviewés par nos chercheurs ont mis l’accent sur le fait que les victimes et les témoins dans les affaires criminelles au Salvador deviennent des cibles de représailles et de violence.

 

[45]           Il y avait aussi d’autres éléments de preuve documentaires objectifs selon lesquels, la police ne pouvait pas assurer la protection contre la violence des gangs. Vu : le profil du demandeur; son récit des menaces, lequel a été admis par la SPR; le pouvoir et les possibilités pour les gangs de mettre à exécution les menaces contre des personnes, comme les demandeurs, qui étaient ciblées par les gangs; une telle preuve contradictoire est hautement significative pour l’analyse sur la protection de l’État. Selon les principes bien connus établis dans Cepeda‑Gutierrez, précité, la SPR avait l’obligation d’expliquer la preuve documentaire objective et d’en tenir compte lorsque cette preuve semblait carrément contredire sa conclusion sur le fait que la police du Salvador ne refuserait pas d’aider les personnes menacées par les gangs. Le manquement de la SPR à cet égard rend sa décision déraisonnable.

[46]           Bien que la Cour puisse accepter, et comprendre l’évaluation de la SPR quant au manquement du demandeur à faire plus que ce qu’il a fait pour obtenir la protection des autorités, ses actions ou inactions personnelles doivent être évaluées dans le contexte de ce que des documents objectifs nous enseignent sur la volonté de l’État d’offrir une protection adéquate, et sa capacité à le faire.

[47]           Pour la Cour, il appert que la SPR est au fait de ce dilemme. Au paragraphe 36 de sa décision, la SPR fait référence aux « efforts » déployés par l’État, et à ses initiatives récentes pour lutter contre la violence des gangs. Toutefois, la SPR sait très bien que ces « efforts » ne sont pas suffisants, et qu’elle doit examiner ce que le juge Mosley a qualifié de « caractère satisfaisant » de ces efforts. Voir E.Y.M.V.  c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1364, au paragraphe 16. En l’espèce, la SPR s’est fondée sur le rapport de 2007, à l’appui de ses conclusions relatives au caractère satisfaisant sur le plan opérationnel, mais elle a omis d’examiner la preuve contradictoire dont elle disposait.

[48]           Les avocats s’entendent pour dire qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande est accueillie. La décision est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal de la SPR différemment constitué pour que celui‑ci procède à un nouvel examen.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LLM., M.A.Trad.jur

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              IMM-7809-11

 

INTITULÉ :                                            NELSON ARISTIDES ANGULO LOPEZ, CELINA MATILDE VELASCO DE ANGULO

                                                                  c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 10 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS                             Le 28 août 2012

ET DU JUGEMENT :

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peggy Lee

POUR LES DEMANDEURS

 

Paul Singh

POUR LE DÉFENDEUR

 

                                                                                                           

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elgin, Cannon & Associates

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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