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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20120827

Dossier: T-1433-10

Référence : 2012 CF 1017

Ottawa (Ontario), le 27 août 2012

En présence de monsieur le juge de Montigny 

 

ENTRE :

 

BAH BOUBACAR CABA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de quatre décisions rendues par la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») le 7 juillet 2010 et communiquées au demandeur par lettre en date du 26 juillet 2010. Le demandeur alléguait avoir été victime de discrimination de la part de son employeur, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC »), sur la base de la race, l’origine nationale ou ethnique et la couleur, contrairement au paragraphe 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, ch H-6 [Loi].

[2]               Pour les motifs qui suivent, la Cour est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’intervenir et que la décision de la Commission de ne pas statuer sur la plainte du demandeur était raisonnable.

 

1.         Les faits

[3]               Le demandeur, qui se représente lui-même, a prétendu dans sa plainte datée du 27 novembre 2008 que l’AFSC avait discriminé contre lui dans le cadre de son emploi en raison de sa race, son origine nationale ou ethnique, et de sa couleur. Au moment où sont survenus les événements à l’origine de sa plainte auprès de la Commission, le demandeur occupait le poste d’inspecteur multidisciplinaire de l’Unité d’importation des aliments, plantes et animaux à l’aéroport international Pearson de Toronto.

 

[4]               Le 6 novembre 2004, alors qu’il était en fonction, le demandeur a quitté son poste de travail et s’est rendu dans les bureaux de la Section de l’immigration de l’aéroport, pour s’enquérir du sort d’un dénommé Boubacar Delli Dramé, originaire comme lui de la Guinée, et offrir son aide dans le traitement de sa demande de réfugié. L’agent d’immigration lui a enjoint de quitter la zone restreinte d’immigration et de retourner à son lieu de travail, ce que le demandeur a fait sans discuter.

 

[5]               L’ASFC a trouvé suspecte l’intervention du demandeur dans le dossier de M. Dramé. La Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») et le Service des affaires internes de l’ASFC ont tour à tour mené une enquête au sujet de cet événement. Ces deux enquêtes avaient pour objet de déterminer, d’une part, si le demandeur opérait une entreprise de consultant en immigration de manière contraire au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique, et d’autre part, si le demandeur facilitait l’entrée illégale d’étrangers au Canada. 

[6]               Au terme de ces deux enquêtes, on n’a relevé aucune preuve à l’effet que le demandeur agissait en tant que consultant en immigration ou était impliqué dans une tentative d’entrée illégale d’étrangers au Canada. Le Directeur des affaires internes de l’ASFC, M. Wardhaugh, a cependant rejeté ces conclusions et a demandé à un enquêteur principal des affaires internes (M. Jean-Pierre Thériault) de lui faire rapport, qu’il a éventuellement remis au Directeur régional. Ce rapport d’enquête concluait que M. Bah s’était placé en situation de conflit d’intérêt en intervenant dans le processus d’immigration, et que des informations obtenues au cours de l’enquête pouvaient laisser croire qu’il était impliqué dans une tentative de faire entrer un ressortissant étranger illégalement au Canada. Suite à ce rapport, le demandeur a reçu le 31 janvier 2006 un avis de mesure disciplinaire et a écopé d’une suspension de dix jours sans solde.

 

[7]               Le même jour, le demandeur a déposé un grief auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») à l’encontre de cette mesure disciplinaire. Le 3 août 2007, le grief du demandeur a été renvoyé à l’arbitrage, et au moment où les décisions contestées ont été rendues par la Commission, soit le 26 juillet 2010, la CRTFP n’avait pas encore entendu ce grief. Subséquemment, l’ASFC a choisi de ne présenter aucune preuve devant l’arbitre malgré le fardeau qui lui incombait de réfuter les allégations du demandeur, sans pour autant admettre quelque faute que ce soit dans le traitement du demandeur. Le 24 février 2011, l’arbitre n’a eu d’autre choix que d’accueillir le grief du demandeur et d’ordonner qu’il soit dédommagé pour la perte de salaire qu’il avait subie.

 

[8]               Entre-temps, soit le 27 novembre 2008, le demandeur a déposé une plainte auprès de la Commission contre MM. Thériault et Wardhaugh. Dans le cadre de cette plainte, le demandeur a allégué que l’enquêteur et le Directeur des affaires internes avaient fait preuve de mauvaise foi, d’obstruction du processus et de discrimination à son encontre en raison de sa race, son origine ethnique, sa couleur et sa nationalité. Voici comment M. Bah s’exprime à ce sujet dans son formulaire de plainte à la Commission :

Dans ce rapport [destiné au Directeur régional] Mr. Wardhaugh et Mr. Thériault ont :

 

1.   refusé d’accepter la conclusion de l’enquête minutieuse et détaillée des professionnels de la GRC exonérant Bah de toute accusation de complicité de passage illégal d’étrangers. Nulle part dans leur rapport d’enquête il n’est mentionné que la GRC a indiqué que Mr Bah est complètement innocent. Une omission volontaire, délibérée de la part des enquêteurs pour semer le doute sur un cadre de race noire qui montrait de l’ambition professionnelle. L’auraient-ils fait pour un caucasien?

 

2.   refusé d’accepter la conclusion de Mme Laurin, leur propre enquêteuse, qui a conclu qu’il y a insuffisance de preuves pour conclure que Bah soit coupable de quoi que ce soit. Pire, ils ont changé les conclusions de Laurin;

 

3.      traité différemment les témoignages des témoins caucasiens et ceux de Mr Bah qui est Noir. Non seulement, ils ont accepté sans discuter des déclarations fausses et facilement réfutable [sic], des témoins caucasiens, mais ils ont falsifié les informations biographiques sur Mr Bah pour refuter ses déclarations et semer le doute sur sa crédibilité;

 

4.      refusé de croire les déclarations de Mr Bah sur son père alors que cette information était facilement vérifiable;

 

5.   considéré pendant toute l’enquête Mr Bah comme étant un étranger non canadien alors que Bah est un canadien assermenté et agent de la sécurité du territoire canadien titulaire d’une rigoureuse autorisation de sécurité depuis 1991;

 

6.      trouvé normal qu’entre Mr Bah et son « père » il n’y a seulement 15 ans d’âge ! L’auraient-ils fait s’il s’était agit [sic] de personnes de race blanche? 

 

7.      affirmé, sans preuve à la GRC qu’ils « sont convaincus que Mr Bah est coupable » alors que les faits prouvent autrement. Les agents de la GRC leurs ont clairement fait comprendre quant à eux, qu’ils ont trouvé Bah étant [sic] une victime d’un complot pour salir sa réputation et qu’ils ferment le dossier ;

 

[…]

 

Dossier du défendeur, vol I, Affidavit de Michelle Ratpan, pièce « B », Formulaire de plainte, p 53.

 

[9]               L’enquêteuse, madame Kathryn Lavery, de la Division des services de règlement de la Commission, a été chargée de faire enquête et de soumettre un rapport au sujet de la plainte du demandeur. Elle devait déterminer si la Commission devrait refuser de statuer sur la plainte pour cause d’irrecevabilité sur la base d’un des motifs prévus aux alinéas 41(1)b), c), d) ou e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ces dispositions se lisent comme suit :

PARTIE III

 

ACTES DISCRIMINATOIRES ET DISPOSITIONS GÉNÉRALES

 

Irrecevabilité

 

 

41. (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

 

[…]

 

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale ;

 

 

c) la plainte n’est pas de sa compétence ;

 

d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi ;

 

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

 

[…]

PART III

 

DISCRIMINATORY PRACTICES AND GENERAL PROVISIONS

 

Commission to deal with complaint

 

41. (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

 

 

(b) the complaint is one that could more appropriately be dealt with, initially or completely, according to a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act;

 

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

 

(d) the complaint is trivial, frivolous, vexatious or made in bad faith; or

 

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

 

[10]           Eu égard à l’alinéa 41(1)b) de la Loi, l’enquêteuse a estimé que la plainte pouvait faire l’objet d’un grief sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, ch 22, art 2 (la « LRTFP »). En effet, l’article 209(1)b) de la LRTFP permet au demandeur de présenter un grief concernant une mesure disciplinaire entraînant la suspension auprès de la CRTPF. L’enquêteuse a d’ailleurs pris note du fait que le demandeur avait déposé un tel grief le 31 janvier 2006, et a souligné que la CRTPF pouvait accorder les mêmes mesures de redressement que celles prévues dans la Loi, au terme de l’article 226 de la LRTFP.

 

[11]           Pour ce qui est du motif d’irrecevabilité prévu à l’alinéa 41(1)c) de la Loi, l’enquêteuse a jugé que le demandeur n’avait pas établi qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que l’ASFC avait commis un acte discriminatoire à son égard fondé sur la race, l’origine nationale ou ethnique, ou la couleur de la peau. Bien que le demandeur laisse entendre qu’un employé de race blanche ne serait pas traité de la même façon que lui dans une situation semblable, il n’a fourni aucun exemple à l’appui de ses prétentions. D’autre part, même si le traitement qu’il a subi constituait une mesure de représailles suite à un grief qu’il avait déposé relativement à l’affichage d’un poste, il ne s’agirait pas d’un acte discriminatoire proscrit par la Loi puisqu’une telle mesure ne se fonde pas sur un des motifs illicites de distinction énumérés au paragraphe 3(1) de la Loi.

 

[12]           L’enquêteuse a également conclu que la plainte du demandeur n’était pas frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi selon les termes de l’alinéa 41(1)d) de la Loi. Selon elle, l’enquête menée par l’ASFC, le processus d’enquête interne lancé par l’ASFC n’était ni impartial ni indépendant.

 

[13]           Enfin, l’enquêteuse a noté que le dernier acte discriminatoire au soutien de la plainte s’était produit en février 2006. Or, le demandeur a communiqué avec la Commission pour la première fois le 28 septembre 2007. Ce faisant, le demandeur n’a pas fait preuve de diligence raisonnable et a déposé sa plainte auprès de la Commission au-delà du délai d’un an prévu à l’alinéa 41(1)e) de la Loi.

 

2.         La décision contestée

[14]           Après avoir étudié le rapport de l’enquêteuse, la Commission a rendu une décision qui reprend pour l’essentiel les recommandations de l’enquêteuse. Elle a estimé que la plainte était bien fondée et reposait sur certains motifs. Ceci étant, elle a décidé de ne pas statuer sur la plainte en vertu des alinéas 41(1)b), c) et e) de la Loi. Par conséquent, la Commission a décidé de fermer le dossier de plainte du demandeur.

 

3.         Les questions en litige

[15]           Le présent litige soulève les questions suivantes :

a.       Quelle est la norme de contrôle applicable?

b.      L’affidavit soumis par le demandeur dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire, de même que les pièces qui y sont jointes, sont-ils admissibles?

c.       La décision de la Commission de ne pas statuer sur la plainte était-elle raisonnable?

 

4.         Analyse

            a) Quelle est la norme de contrôle applicable?

[16]           Il est de jurisprudence constante que les décisions de la Commission rendues sous le régime de l’article 41 de la Loi sont soumises à la norme de contrôle de la décision raisonnable : voir, par ex., Gardner c Canada (Procureur général), 2005 CAF 284 au para 21, [2005] ACF no 1442; Canada (Agence du Revenu) c McConnell, 2009 CF 851 aux para 38-40, [2009] ACF no 1523; Cameco Corp. c Maxwell, 2007 CF 260 au para 13, [2007] ACF no 329. S’il en va ainsi, c’est essentiellement parce que la Commission jouit d’une grande expertise dans l’administration d’une loi quasi-constitutionnelle en matière de droits de la personne, que la Loi lui reconnaît beaucoup de latitude dans l’exercice de ses fonctions d’enquête, et que la question dont elle était saisie était une question mixte de fait et de droit. 

 

[17]           Par conséquent, la Cour doit vérifier la justification de la décision, ainsi que la transparence et l’intelligibilité des motifs. La Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47, [2008] 1 RCS 190.

b)   L’affidavit soumis par le demandeur dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire, de même que les pièces qui y sont jointes, sont-ils admissibles?

 

[18]           Le procureur du défendeur a soutenu que la Cour devrait faire fi de l’affidavit du demandeur et des pièces qui y sont annexés, d’une part parce que l’affidavit n’était pas assermenté et d’autre part parce que les pièces que le demandeur cherche à introduire en preuve n’étaient pas devant la Commission lorsqu’elle a pris sa décision.

 

[19]           Le paragraphe 80(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles ») prévoit qu’un affidavit doit être préparé de manière conforme à la formule 80A, laquelle prévoit la signature d’un commissaire à l’assermentation. D’autre part, le paragraphe 81(1) stipule que l’affidavit doit se limiter aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle. Dans le cas présent, le document soumis par le demandeur ne se conforme pas à ces exigences. Non seulement ne comporte-t-il pas la signature d’un commissaire à l’assermentation, mais au surplus, il reprend essentiellement les arguments du demandeur que l’on retrouve dans son Mémoire des faits et du droit. 

 

[20]           Quant aux pièces que le demandeur tente d’introduire en preuve par le biais de cet affidavit, elles ne répondent pas non plus aux exigences du paragraphe 80(3) des Règles et sont donc irrégulièrement soumises. Plus fondamentalement, ces pièces n’avaient effectivement pas été soumises à la Commission et ne font pas partie du dossier soumis par cette dernière conformément à l’article 318 des Règles. Lors de l’audition, le demandeur a d’ailleurs accepté de ne pas référer à ces documents, même s’il a prétendu que la Commission en avait eu connaissance. 

 

[21]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour ne tiendra donc pas compte de l’affidavit du demandeur ainsi que des pièces qui y sont annexés.

            c) La décision de la Commission de ne pas statuer sur la plainte était-elle raisonnable?

[22]           Le demandeur a soumis deux arguments principaux pour contester la décision de la Commission de ne pas statuer sur sa plainte en vertu de l’alinéa 41(1)a) de la Loi. En premier lieu, il a prétendu avoir établi un lien clair entre les agissements de l’ASFC et les motifs illicites de distinction prévus au paragraphe 3(1) de la Loi. Le demandeur a énuméré (de façon non exhaustive) une vingtaine de gestes discriminatoires qu’aurait commis l’ASFC à son endroit. Ces allégations, soutient-il, font lieu de preuve; en refusant de statuer sur sa plainte, la Commission aurait donc perdu l’occasion de considérer des preuves additionnelles de discrimination au soutien de sa plainte.

 

[23]           Il aurait sans doute été préférable, comme l’a reconnu le procureur du défendeur lors de l’audition, que la Commission fasse référence aux exemples soumis par M. Bah dans sa décision. Il n’en demeure pas moins que les allégations de M. Bah ne sont pas circonstanciés et fournissent peu de détails. Il n’appartenait pas à la Commission de solliciter plus d’informations au sujet des exemples fournis par M. Bah. En l’absence d’une preuve plus étoffée, la Commission pouvait raisonnablement conclure que M. Bah n’avait pas établi un lien clair entre son traitement présumé par l’ASFC et sa race, son origine nationale ou ethnique ou la couleur de sa peau. Il ne suffit pas de formuler des allégations; encore faut-il pouvoir appuyer ces allégations avec des faits précis, un fardeau dont le demandeur ne s’est pas acquitté en l’occurrence.

 

[24]           En second lieu, le demandeur avance que la Commission a erré en concluant que les représailles dont il aurait été victime ne constituent pas de la discrimination au sens de la Loi. Cet argument me paraît sans fondement. Les représailles exercées contre une personne ayant déposé un grief ne constituent pas un acte discriminatoire en vertu de la Loi, en l’absence de preuve que ces représailles auraient été exercées pour des motifs de distinction prohibés par la Loi. La Commission pouvait donc raisonnablement conclure que les représailles dont aurait été victime le demandeur ne constituent pas, en tant que telles, un acte discriminatoire en vertu de la Loi.

 

[25]           S’agissant de la décision de ne pas statuer sur la plainte en vertu de l’alinéa 41(1)e) de la Loi, le demandeur a soutenu que sa plainte n’était pas prescrite puisque les gestes dont il se plaint ne constituent pas des événements isolés, mais s’inscrivent dans une situation qui perdure. Dans cette optique, le délai d’un an n’aurait pas commencé à courir puisque les gestes reprochés à l’ASFC n’ont jamais pris fin. 

 

[26]           Or, la plainte déposée par le demandeur le 27 novembre 2008 porte sur des faits précis qui se sont déroulés entre décembre 2005 et février 2006 et visent deux individus nommément désignés. Cette plainte trouve son origine dans un événement isolé qui se serait produit à l’aéroport Pearson en novembre 2004. Or, le demandeur a communiqué avec la Commission pour la première fois dans une lettre datée du 28 septembre 2007, et il n’a porté plainte que 33 mois après le dernier acte de « discrimination ». Qui plus est, le demandeur n’a présenté aucun motif pour expliquer son retard à communiquer avec la Commission et à déposer sa plainte. Il a bien tenté de faire valoir qu’il avait eu de la difficulté à obtenir certains documents de l’ASFC; cela ne peut cependant suffire à expliquer pourquoi il ne pouvait déposer sa plainte dans le délai d’un an prévu par la Loi. Par conséquent, la Commission pouvait raisonnablement conclure que la plainte avait été déposée trop tard. De toute façon, le demandeur peut toujours déposer d’autres plaintes à la Commission s’il estime avoir fait l’objet d’autres actes discriminatoires.

 

[27]           Enfin, la Cour estime que la Commission n’a pas erré en concluant que les questions soulevées dans la plainte du demandeur auraient pu avantageusement être instruites, dans un premier temps et à toutes les étapes, selon les procédures prévues par une autre loi fédérale, à savoir la LRTFP. L’alinéa 41(1) b) de la Loi établit clairement qu’une plainte ne devrait pas aller au-delà de l’étape d’examen initial si la Commission estime que la plainte pourrait avantageusement être instruite selon des procédures prévues par une autre loi fédérale : voir Moussa c Canada (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2006 CF 918 au para 35, [2006] ACF no 1169. 

 

[28]           Dans le contexte de cette plainte, la Commission pouvait raisonnablement conclure que la plainte du demandeur soulevait foncièrement les mêmes questions que celles évoquées dans son grief devant la CRTFP, à savoir si sa suspension de 10 jours sans solde constituait un acte discriminatoire au sens de la Loi. Il lui était également loisible de conclure que la CRTFP avait le pouvoir de lui accorder les mêmes mesures de redressement que celles prévues par la Loi, et ce au terme de l’alinéa 226h) de la LRTF. Suite à la décision rendue par la CRTFP le 24 février 2011, le demandeur a de fait obtenu la même mesure de redressement qu’il aurait pu obtenir du Tribunal des droits de la personne dans l’éventualité où sa plainte aurait été retenue.

 

[29]           Pour tous les motifs qui précèdent, la Cour est donc d’avis que la demande de contrôle judiciaire de M. Bah doit être rejetée. Après avoir attentivement considéré les arguments des deux parties et la preuve au dossier, la Cour estime que la Commission n’a pas erré et pouvait raisonnablement conclure que la plainte du demandeur était irrecevable en s’appuyant sur les alinéas 41(1)b), c) et e) de la Loi. 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, sans frais.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1433-10

 

INTITULÉ :                                      Bah Boubacar Caba c PGC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 30 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 27 août 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bah Boubacar Caba

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Sean Gaudet

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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