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Date : 20120906

Dossier : IMM‑8275‑11

Référence : 2012 CF 1058

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

RUMALDO ANTONIO RINCON FERRER

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Rumaldo Antonio Rincon Ferrer, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue le 17 octobre 2011 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). Celle‑ci a conclu qu’il n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

 

I.          Faits

 

[2]               Le demandeur est un citoyen du Venezuela qui a allégué la persécution en raison de son homosexualité et de sa séropositivité. Il a été agressé par des membres de la famille de deux anciens partenaires. L’un de ses anciens partenaires lui a extorqué de l’argent après que leur relation eut pris fin. Il a été hospitalisé à deux reprises en raison d’agressions connexes, dont une fois après avoir été atteint par une balle. Le demandeur a également allégué qu’il a été forcé de remettre sa démission à deux reprises, après que son employeur eut découvert qu’il était homosexuel.

 

[3]               Le 23 janvier 2010, le demandeur a commencé à fréquenter Juan Carlos Ballesteros. Craignant d’être persécutés en raison de leur relation, ils ont décidé de venir au Canada. Ils sont arrivés au pays le 26 avril 2010 et ont demandé l’asile le jour même. Ils ont tous deux appris leur séropositivité dans le cadre du processus d’examen médical réglementaire.

 

[4]               Les demandes d’asile ont initialement été jointes, mais à l’audience du 8 août 2011, la Commission a décidé de les séparer. De même, à l’audience, leur représentante a avisé la Commission qu’elle n’avait appris la séropositivité du demandeur que récemment. La Commission a donc conclu qu’elle pouvait présenter des observations écrites après l’audience concernant la possibilité de persécution pour ce motif.

 

II.        La décision soumise au contrôle

 

[5]               La Commission a conclu que le demandeur disposait d’une protection de l’État adéquate de même que d’une possibilité de refuge intérieur (PRI).

 

[6]               Malgré le fait qu’elle a accepté les nombreuses allégations graves formulées par le demandeur, la Commission a souligné qu’il n’avait jamais signalé les attaques, les menaces ou l’extorsion à la police. Bien qu’il ait institué une poursuite après qu’il eut été forcé de démissionner la première fois, la Commission a fait remarquer qu’il n’avait jamais informé son avocat ou le juge qui présidait l’instance de son homosexualité et elle a, par conséquent, rejeté l’allégation selon laquelle il avait été forcé de démissionner en raison de son orientation sexuelle.

 

[7]               La Commission a également rejeté l’allégation selon laquelle il ne pouvait pas se rendre à la police parce que celle‑ci ne l’aiderait pas et qu’il craignait que son orientation sexuelle ne devienne publique. Après avoir examiné la preuve documentaire concernant les efforts de l’État en vue de s’attaquer à la corruption de la police et aux violations des droits de la personne, la Commission a conclu que la protection de l’État était adéquate.

 

[8]               La Commission a de plus conclu que le demandeur disposait d’une PRI à Caracas qui, selon la preuve documentaire, était relativement libérale et comptait une communauté homosexuelle établie.

 

III.       Question en litige

 

[9]               Le demandeur soulève trois questions interreliées, à savoir si la Commission a omis d’examiner la persécution fondée sur la séropositivité et si ses conclusions quant à la PRI et l’existence de la protection de l’État étaient raisonnables.

 

IV.       Norme de contrôle

 

[10]           Les conclusions de la Commission concernant la protection de l’État et la PRI doivent être contrôlées selon la norme de la raisonnabilité (voir par exemple Mejia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 530, [2010] ACF no 631, au paragraphe 10). En conséquence, la Cour cherchera à savoir si la décision est suffisamment justifiée, transparente et intelligible ou si elle constitue une issue acceptable pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

V.        Analyse

 

[11]           La principale préoccupation du demandeur à l’égard de la décision est la question de savoir si la Commission a commis une erreur dans la façon dont elle a traité de la séropositivité comme menant à la discrimination, plus particulièrement dans le domaine de l’emploi. Il soutient que la Commission a omis d’entreprendre une analyse indépendante ou d’examiner précisément les éléments de preuve concernant les pratiques des employeurs vénézuéliens de faire passer un examen de dépistage. Selon le demandeur, la Commission a commis une erreur semblable à celle que la Cour a identifiée dans Dias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1243, [2008]  ACF no 1543, au paragraphe 33, où la Commission n’avait pas examiné adéquatement les barrières à l’emploi associées à la séropositivité d’un demandeur d’asile au Mexique.

 

[12]           Malgré les allégations du demandeur, je suis disposé à accepter que les conclusions déterminantes de la Commission concernant la protection de l’État et l’existence d’une PRI appartiennent aux issues possibles acceptables (arrêt Dunsmuir, précité). À mon avis, il n’est pas nécessaire que la Cour adopte une approche formaliste pour le contrôle de la décision de la Commission. Les récentes déclarations de la Cour suprême dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, renforcent le principe selon lequel les motifs doivent être considérés dans leur ensemble. La question cruciale devient celle de savoir si, en considérant la décision dans son ensemble, les conclusions de la Commission sont raisonnables compte tenu des circonstances propres à l’espèce.

 

[13]           Il ressort clairement de la lecture de la décision et du dossier à l’appui que la Commission était consciente de la discrimination dont a fait état le demandeur comme membre de la communauté homosexuelle et comme personne séropositive. En conséquence, la Commission a ensuite examiné la question de savoir s’il pouvait se prévaloir de la protection de l’État ou d’une PRI. La Commission attire l’attention sur la question de la séropositivité du demandeur dans la décision en ce qui concerne la protection de l’État et avec encore plus de clarté lorsqu’elle traite de l’existence d’une PRI. Cela ressort clairement des paragraphes 34 et 35 de la décision dans lesquels la Commission examine des questions concernant l’obtention de soins et d’un emploi. La Commission n’est pas tenue de mentionner chaque élément de la preuve documentaire (Hassan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 NR 317, [1992] ACF no 946 (CA); Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CA)).

 

[14]           Lors du contrôle judiciaire de la décision du partenaire du demandeur (Romero c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 709, [2012] ACF no 699), le juge Donald Rennie a estimé que l’absence de conclusion quant à sa séropositivité constituait une erreur suivant la décision Dias, précitée. Quoi qu’il en soit, il a également insisté sur le fait que chaque affaire, et plus particulièrement celle du demandeur étant donné sa relation avec M. Romero, devait être tranchée en fonction des faits propres à l’espèce. Les motifs plus élaborés de la Commission concernant la question dans l’affaire du demandeur sont suffisants pour faire une distinction avec la décision Romero, précitée, compte tenu des faits présentés. Je souligne également que la décision Dias a été rendue avant les éclaircissements fournis à l’égard des motifs dans l’arrêt Newfoundland Nurses, précité.

 

[15]           En ce qui concerne les questions déterminantes de la protection de l’État et de la PRI, les raisons pour lesquelles le tribunal a rendu sa décision sont évidentes et la Cour est en mesure de statuer que la conclusion du tribunal appartient aux issues acceptables (arrêt Newfoundland Nurses, précité). Eu égard aux motifs considérés dans leur ensemble, la séropositivité du demandeur a été examinée de façon suffisante en l’espèce.

 

VI.       Conclusion

 

[16]           En conséquence, j’estime que la décision de la Commission est raisonnable et je rejette la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8275‑11

 

INTITULÉ :                                                  RUMALDO ANTONIO RINCON FERRER c
MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE:                           Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 13 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        Le juge Near

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 6 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Norquay

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Amina Riaz

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John Norquay

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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