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Date : 20120907

Dossier : IMM‑45‑12

Référence : 2012 CF 1068

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

PUSHPANIE PEDURU ARACHCHIGE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agente préposée aux cas (l’agente) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a refusé à la demanderesse la résidence permanente au titre de la catégorie de l’expérience canadienne visée au paragraphe 12(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR) et à l’article 87.1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). L’agente n’était pas convaincue que la demanderesse possédait les compétences professionnelles requises de cette catégorie et a rendu la décision le 22 décembre 2011.

 

[2]               Pour les motifs suivants, la présente demande est rejetée.

 

I.          Les faits

 

[3]               Citoyenne sri‑lankaise, la demanderesse est entrée pour la première fois au Canada en 2004 munie d’un visa d’étudiante. Après avoir terminé un baccalauréat en sciences à l’Université Trent, la demanderesse a travaillé à temps partiel comme caissière puis comme superviseure de magasin au Bulk Barn no 534 (Bulk Barn) de Toronto. Elle a également travaillé à temps partiel chez MNA Engineering, Ltd (MNA Engineering) en qualité de technicienne. Le 25 juin 2011, elle a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie de l’expérience canadienne sur la base des heures travaillées dans le cadre de ces deux emplois. Dans sa demande, la demanderesse a indiqué que, d’après la Classification nationale des professions (CNP), elle avait occupé les emplois suivants : 6211 (niveau de compétence B) – Superviseure des ventes – commerce de détail, et 2231 (niveau de compétence B) – Technologues et techniciens/techniciennes en génie civil.

 

II.        La décision contrôlée

 

[4]               L’agente a évalué la demande en fonction des exigences de réussite/échec établies au paragraphe 87.1(2) du Règlement : compétence en français ou en anglais; expérience de travail qualifié au Canada; diplôme canadien. L’agente n’était pas convaincue que la demanderesse répondait à l’exigence relative à l’expérience de travail qualifié parce qu’elle n’avait pas travaillé à temps plein au Canada pendant au moins un an conformément au Règlement.

 

[5]               En particulier, l’agente a estimé que la lettre de recommandation rédigée par MNA Engineering n’avait pas démontré qu’elle avait exercé les fonctions associées aux emplois de la catégorie CNP 2231. De plus, l’agente n’était pas convaincue, au vu de la lettre de recommandation de Bulk Barn et du feuillet T4 de 2010 de la demanderesse, qu’elle avait fait un nombre d’heures de travail suffisant pour être admissible à la résidence permanente au titre de la catégorie de l’expérience canadienne.

 

III.       Les questions en litige

 

[6]               La présente demande soulève les questions suivantes :

 

a)         Est‑ce que l’omission de l’agente d’aviser la demanderesse des inquiétudes qu’elle avait à l’égard de sa demande constituait un manquement à l’équité procédurale?

 

b)         La décision de l’agente était‑elle raisonnable?

 

IV.       Norme de contrôle

 

[7]               Les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, paragraphe 43).

 

[8]               La Cour a récemment statué que les conclusions d’un agent à l’égard de la catégorie de l’expérience canadienne supposent des conclusions de fait et de droit et sont, de ce fait, assujetties à la norme de la raisonnabilité (voir Anabtawi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 856, [2012] ACF no 923, paragraphe 28). De plus, et contrairement aux observations de la demanderesse, il est bien établi que la norme de contrôle applicable aux questions relatives à l’interprétation de la loi habilitant le décideur ou d’une « loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » est aussi celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, paragraphe 54; Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, [2011] 1 RCS 160, paragraphe 26).

 

V.        Analyse

 

A.        Équité procédurale

 

[9]               La demanderesse soutient que l’agente a manqué à son obligation d’équité procédurale en omettant de lui fournir l’occasion de dissiper les inquiétudes de celle‑ci à propos du nombre d’heures qu’elle avait travaillées. La demanderesse fait valoir que dans Gedeon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1245, [2004] ACF n1504, la conclusion de l’agent était « si contraire aux renseignements figurant dans la lettre de l’employeur que l’agent aurait dû faire état de cette divergence et fournir à la demanderesse l’occasion de dissiper ses inquiétudes à ce sujet » (décision Gedeon, précitée, au paragraphe 99).

 

[10]           Le défendeur soutient que l’agente n’était pas tenue d’obtenir d’autres renseignements auprès de la demanderesse quant à la crédibilité et au caractère suffisant des éléments de preuve qui accompagnaient sa demande. Je suis d’accord. La Cour a statué que « [l]orsque la personne qui demande un visa d’immigrant omet de fournir une preuve adéquate, suffisante ou crédible, l’agent des visas n’est nullement tenu de lui demander une preuve supplémentaire susceptible d’invalider les conclusions de l’agent concernant le caractère insuffisant, inadéquat ou peu crédible de la preuve du demandeur » (Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1025, [2006] ACF no 1289, paragraphe 16).

 

[11]           L’analyse relative au principe de l’équité procédurale nécessite qu’on réponde à la question essentielle de savoir si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, les personnes dont les intérêts sont touchés par la décision ont eu une occasion valable de présenter leur position pleinement et équitablement (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, paragraphe 30). Les attentes légitimes de la personne qui est touchée par la décision et l’importance de celle‑ci sont parmi les facteurs relevés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker, précité, qu’il convient de considérer pour évaluer s’il y a eu manquement à l’équité procédurale dans une situation donnée (voir les paragraphes 25 et 26). De plus, il faut accorder une grande importance au choix de procédure par l’organisme lui‑même (arrêt Baker, précité, au paragraphe 27).

[12]           La demanderesse s’est fiée à la liste de contrôle des documents – résidence permanente de la catégorie de l’expérience canadienne (la liste de contrôle) fournie par CIC pour présenter sa demande, et pensait qu’en respectant la liste de contrôle, il n’y aurait pas de problème en ce qui a trait à la preuve. La demanderesse soutient également que la section 10.2 du Guide de traitement des demandes à l’étranger OP 25 de CIC – Catégorie de l’expérience canadienne [traduction] « indique clairement qu’il peut s’avérer nécessaire de recevoir en entrevue le demandeur pour déterminer s’il existe des questions ou des doutes quant à la demande » (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, paragraphe 36).

 

[13]           Pourtant, la liste de contrôle sur laquelle s’appuie la demanderesse indique explicitement ceci :

L’agent des visas évaluera votre demande en fonction de l’information que vous aurez fournie. L’agent n’a aucune obligation de demander de l’information que vous n’avez pas fournie.

 

[14]           La Cour a en outre affirmé que même si l’organisme qui reçoit la demande fournit au demandeur une liste des documents demandés, le demandeur peut fournir des documents additionnels (Qin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 815, [2002] ACF no 1098, au paragraphe 7). En l’espèce, il était loisible à la demanderesse de présenter des feuillets T4 et des fiches de paie de 2009 et de 2011, même s’il n’était demandé, dans la liste de contrôle, que les « copies les plus récentes de vos feuillets T4 et de l’Avis de cotisation ». Le fait qu’elle n’a pas présenté tous les éléments de preuve en sa possession ne signifie pas que la demanderesse n’avait pas une occasion valable de présenter sa position pleinement et équitablement.

 

[15]           En outre, la section 10.1 du Guide de traitement des demandes à l’étranger de CIC énumère les options disponibles si l’agent n’est pas en mesure de prendre une décision, en raison du manque d’information ou de documentation, ou s’il a de sérieux doutes quant à l’authenticité des documents soumis. L’agent :

•           demande, par écrit, les renseignements ou les documents nécessaires pour une clarification; ou

•           refuse la demande; ou

•           envisage la tenue d’une entrevue en personne (section 10.2) (Guide de traitement des demandes à l’étranger, OP 25 – Catégorie de l’expérience canadienne, page 23).

 

[16]           La décision prise par l’agente de rejeter la demande sans demander de renseignements additionnels ni convoquer la demanderesse à une entrevue est une éventualité prévue au Guide de traitement, auquel la demanderesse avait accès. Je suis d’avis qu’en l’espèce, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.

 

B.        Caractère raisonnable de la décision

 

[17]           La demanderesse prétend que l’agente a commis une erreur dans son évaluation de la demande en omettant de tenir compte des heures travaillées par la demanderesse en 2009 et 2011. La demanderesse prétend aussi que la conclusion de l’agente selon laquelle elle ne répondait pas à l’exigence relative à l’expérience de travail qualifié dans le cadre de la catégorie de l’expérience canadienne était déraisonnable parce que la preuve présentée à l’agente démontrait clairement le contraire.

 

[18]           La preuve présentée à l’agente comprenait les lettres des deux employeurs de la demanderesse et ses feuillets T4 de 2010. L’agente a pris en considération les heures que la demanderesse aurait pu travailler en 2009 ou 2011, comme il était indiqué dans les lettres des employeurs, mais en l’absence de preuve corroborante pour ces deux années (feuillets T4 ou fiches de paie), il était raisonnable de la part de l’agente de conclure que la demanderesse n’avait pas répondu aux exigences de la loi.

 

VI.       Conclusion

 

[19]           L’agente n’était pas tenue d’aviser la demanderesse de ses préoccupations au sujet de la demande et, par conséquent, elle n’a pas manqué à l’équité procédurale. La conclusion de l’agente, vu la preuve dont elle disposait, était raisonnable.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑45‑12

 

INTITULÉ :                                                  PUSHPANIE PEDURU ARACHCHIGE c.
MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 4 septembre 2012

 

Motifs du jugement

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 7 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Naseem Mithoowani

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Neal Samson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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