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Date: 20120907

Dossier : IMM-673-12

Référence : 2012 CF 1063

Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

EZZAT TAVAKOLI DINANI

ABDOLAH ABDOLAHI NEISIANI,

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Au préalable

[1]               Le présent cas concerne des parents voulant visiter temporairement leurs enfants résidant au Canada pur les fins de rencontrer la fiancée de leur fils et d’être présent à leur mariage.

 

[2]               Cette Cour a déjà reconnu l’importance de l’objectif de la réunification des familles dans un contexte de décision discrétionnaire (Khatoon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 276).

 

[3]               De plus le Guide OP-11 des politiques et des programmes de Citoyenneté et Immigration Canada portant sur le traitement des demandes de résidences temporaires à l’étranger [Guide OP-11] encourage la souplesse dans le processus de délivrance de visas aux parents :

Parents et grands-parents

 

En avril 2005, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a pris une décision stratégique pour encourager les agents des visas à faire preuve de plus de souplesse lors de la délivrance de visas de résident temporaire (VRT), y compris les visas pour entrées multiples, aux parents et aux grands-parents :

 

• dont la demande de résidence permanente est en cours de traitement;

qui souhaitent visiter le Canada, mais qui n’ont pas l’intention d’y immigrer.

 

[La Cour souligne]

 

(Guide OP-11 à la p 7).

 

II. Procédure judiciaire

[4]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR], relativement à une décision datée du 18 décembre 2011 par laquelle un agent des visas de l’ambassade du Canada à Téhéran en Iran a refusé aux demandeurs un visa de résidence temporaire.

 

 

 

III. Faits

[5]               La demanderesse principale, madame Ezzat Tavakoli Dinani, infirmière retraitée et son époux le demandeur, monsieur Abdolah Abdolahi Neisiani, médecin retraité, sont citoyens iraniens.

 

[6]               De leur union sont nés quatre enfants. Deux de leurs filles, sont encore à leur charge et poursuivent des études universitaires en Iran, l’une en génie chimique et l’autre en médecine.

 

[7]               Leur troisième fille est mariée et vit au Canada depuis février 2007. Leur fils, Meisam  Abdolahi Neisiani, vit au Canada depuis septembre 2005.

 

[8]               Les demandeurs ont sollicité un visa de résidence temporaire à l’ambassade du Canada à Téhéran dans le but de visiter leurs enfants résidant au Canada. Ils tenaient à rencontrer la fiancée de leur fils et être présents pour le mariage.

 

[9]               Le 18 décembre 2011, le visa de résidence temporaire leur a été refusé.

 

IV. Décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire

[10]           Le refus de l’agent des visas se base, d’une part, sur sa conviction selon laquelle les demandeurs ne quitteraient pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée en raison de l’historique de leurs voyages et des liens familiaux tant en Iran qu’au Canada.

 

[11]           L’agent des visas n’était, d’autre part, pas satisfait que les demandeurs possédaient les ressources financières suffisantes pour subvenir à leurs besoins durant leur séjour et pour assurer leur retour en Iran.

 

V. Point en litige

[12]           L’agent des visas a-t-il erré en refusant la demande de visa de résidence temporaire?

 

VI. Dispositions législatives pertinentes

[13]           Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes :

Visa et documents

 

 

11.      (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

Obligation à l’entrée au Canada

 

20.      (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

 

 

 

a) pour devenir un résident permanent, qu’il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s’y établir en permanence;

 

 

 

 

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Application before entering Canada

 

11.      (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

Obligation on entry

 

 

20.      (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

 

(a) to become a permanent resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and have come to Canada in order to establish permanent residence; and

 

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

[14]           Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 sont pertinentes :

VISA DE RÉSIDENT TEMPORAIRE

 

Délivrance

 

179. L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

 

a) l’étranger en a fait, conformément au présent règlement, la demande au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants;

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

 

c) il est titulaire d’un passeport ou autre document qui lui permet d’entrer dans le pays qui l’a délivré ou dans un autre pays;

 

d) il se conforme aux exigences applicables à cette catégorie;

 

e) il n’est pas interdit de territoire;

 

f) il satisfait aux exigences prévues à l’article 30.

TEMPORARY RESIDENT VISA

 

Issuance

 

179. An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

 

(a) has applied in accordance with these Regulations for a temporary resident visa as a member of the visitor, worker or student class;

 

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

 

 

(c) holds a passport or other document that they may use to enter the country that issued it or another country;

 

 

(d) meets the requirements applicable to that class;

 

 

(e) is not inadmissible; and

 

 

(f) meets the requirements of section 30.

 

VII. Position des parties

[15]           Les demandeurs font valoir que l’agent des visas n’a pas respecté le Guide OP-11. En effet, ce guide indique que le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration encourage la délivrance de visa de résidence temporaire aux parents et grands-parents. Ainsi, l’agent des visas aurait dû tenir compte du fait que les demandeurs voyageaient pour visiter leurs deux enfants résidant au Canada. Les demandeurs soutiennent, à cet égard, que l’agent aurait dû leur donner l’occasion d’être entendus sur le bien-fondé de leur demande pour respecter les règles de justice naturelle.

 

[16]           D’autre part, les demandeurs font valoir que l’agent des visas n’a pas examiné la preuve soumise étayant la capacité financière des demandeurs à subvenir à leurs besoins durant leur séjour et à assurer, par le fait même, leur retour en Iran.

 

[17]           Le défendeur, quant à lui, fait valoir, que les demandeurs n’ont pas soumis de preuve pouvant convaincre l’agent des visas qu’ils quitteraient le Canada à la fin de la période autorisée. Il prétend que l’agent des visas n’a pas l’obligation d’interviewer oralement les demandeurs.

 

VIII. Analyse

[18]           La décision de l’agent des visas est de nature discrétionnaire et la norme de contrôle arrêtée par la jurisprudence est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190; Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708).

 

[19]           Il importe, dans cette perspective de s’attarder au processus décisionnel de l’agent qui doit être transparent et intelligible (Dunsmuir, ci-dessus).

 

[20]           Dans le présent cas, l’agent des visas a refusé la demande de résidence temporaire en raison des liens familiaux de la demanderesse dans le pays d’origine et des preuves financières pouvant garantir son retour en Iran. 

 

[21]           Plus spécifiquement, l’agent des visas a noté dans le Système de traitement informatisé des dossiers de l'immigration [STIDI] :

Married couple, he 65 & she 61 To visit son/dtr in Canada  Dtr PR since 2007 - no neg in FOSS Son has history of irr migration from 2008 - case still pending. Host (dtr) does not meet lico as per documents provided No proof of savings for PA I have reviewed all documents on file. PA does not appear well established and does not appear to meet requirements for a temporary resident visa because: - PA does not demonstrate family ties that would compel return after any authorized stay in Canada - PA does not appear to be sufficiently financially established based on financial statements submitted – purpose of travel is not compelling- PA has limited travel history – Host in Canada does not appear well established based on the documents submitted. Not satisfied genuine visitor. Application is refused. [La Cour souligne].

 

[22]           Or, l’agent des visas, par ce paragraphe, n’adresse pas la preuve soumise qui comprenait, entre autres, les documents suivants :

a.       avis de paiement de pension mensuelle en Iran pour chacun des demandeurs (Dossier du demandeur [DD] aux pp 40-41);

b.      attestation bancaire au nom de la demanderesse attestant des fonds disponibles pour son voyage (DD à la p 39);

c.       liste des avoirs des demandeurs (DD à la p 44; l’appartement, trois terrains, et un cabinet de médecin);

d.      un document intitulé « License to Establish a Doctor’s Private Office », au nom du demandeur (DD à la p 45);

e.       Attestation selon laquelle un des demandeurs a pratiqué en tant qu’urologue dans son cabinet privé (DD à la p 46);

f.       Attestation selon laquelle le demandeur pratique à titre d’urologue dans un hôpital (DD à la p 47);

g.      Certificats de scolarité des deux filles à charge des demandeurs attestant de la poursuite d’études universitaires en Iran (DD aux pp 48-49; dans uns société et un pays ou deux jeunes filles, non mariées, auraient des difficultés à vivre seules);

h.      Lettre de la demanderesse expliquant les raisons du voyage et les liens familiaux subsistant en Iran (DD à la p 55);

i.        lettre d’invitation de la fille et du beau-fils des demandeurs attestant leur prise en charge (DD à la p 38).

 

[23]           Certes, la position du défendeur selon laquelle les demandeurs auraient pu bonifier leur demande par l’ajout d’autres preuves financières pour convaincre l’agent des visas est compréhensible et soutenu par la jurisprudence de cette Cour.

[24]           Néanmoins, dans le cas d’espèce sous étude, une preuve suffisante et probante contredit le raisonnement de l’agent des visas notamment quant à la situation économique des demandeurs.

 

[25]           Il a été reconnu que la formule usuelle voulant que l’agent ait «considéré l’ensemble de la preuve» ne peut systématiquement mettre la décision à l’abri du contrôle judiciaire notamment dans le cas où des éléments de preuves pertinents sont soumis et non discutés par le décideur (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 FTR 35).

 

[26]           En l’espèce, cette Cour est d’avis que les conclusions de l’agent ont été tirées sans égard à la preuve.

 

[27]           En outre, l’agent des visas ne semble pas avoir pris en compte l’importance de la nature familiale du voyage comme le guide OP-11 l’incitait à faire. 

 

[28]           En conséquence, la décision de l’agent des visas doit être infirmée, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et le cas est renvoyé pour examen à nouveau à un autre agent des visas.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs soit accueillie et le cas est renvoyé pour examen à nouveau à un autre agent des visas. Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-673-12

 

INTITULÉ :                                      EZZAT TAVAKOLI DINANI

                                                            ABDOLAH ABDOLAHI NEISIANI,

                                                            c LE MNISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 6 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                     le 7 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sabine Venturelli

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Émilie Tremblay

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sabine Venturelli, avocate

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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