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Date : 20120907

Dossier : IMM-9464-11

Référence : 2012 CF 1060

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

KAMAL WEBB

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Kamal Webb sollicite, en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (ci‑après la LIPR), le contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente d’immigration a rejeté sa demande de dispense des exigences en matière de visa pour des personnes à charge non déclarées.

 

[2]               M. Webb est citoyen de Saint-Vincent-et-les Grenadines. Le seul membre de sa famille immédiate à résider encore dans ce pays est sa mère. En 1995, sa belle‑mère a parrainé son père et les deux enfants aînés pour qu’ils puissent entrer au Canada en tant que résidents permanents. À l’époque, il était encore très petit et son père a négligé de le déclarer, pensant qu’il était préférable qu’il soit élevé par sa mère sur l’île et qu’il pourrait le parrainer plus tard. Le demandeur ne peut à présent être parrainé par son père, car il est exclu de la catégorie du regroupement familial aux termes de l’alinéa 117 (9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (ci‑après le Règlement). C’est pour cette raison qu’une demande présentée à l’étranger pour parrainer Kamal a été refusée en 2009.

 

[3]               Kamal est entré au Canada en juin 2010, à l’âge de 21 ans : il effectuait son troisième séjour comme visiteur pour passer du temps avec son père, sa belle‑mère et ses frères et sœurs, notamment les deux plus jeunes. En septembre 2010, il a présenté, de l’intérieur du pays, une demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (demande CH). Un des facteurs favorables cités dans ses observations était le développement d’une relation étroite avec sa demi‑sœur Alika, qui avait 12 ans au moment de la demande, et avec les membres de sa famille élargie. Il a été indiqué que sa sœur aînée avait l’intention de parrainer leur mère une fois qu’elle aurait terminé ses études postsecondaires. Kamal deviendrait alors l’unique membre de la famille restant à Saint‑Vincent. Les observations renvoyaient également aux difficultés, notamment économiques, que connaît ce pays, ainsi que les difficultés d’accès à l’éducation postsecondaire.

 

QUESTIONS EN LITIGE :

 

[4]               Le demandeur a soulevé les questions suivantes :

1. L’agente a-t-elle appliqué le mauvais critère pour apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant?

2. L’agente a‑t‑elle appliqué le mauvais critère pour évaluer les difficultés?

3. L’agente a‑t‑elle eu tort d’examiner séparément les facteurs d’ordre humanitaire?

4. L’agente a-t-elle ignoré certains éléments de preuve?

5. Les motifs de l’agente ayant trait à l’établissement sont‑ils raisonnables?

 

ANALYSE :

 

[5]               La norme de contrôle applicable aux décisions relatives à des demandes CH — examen de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent — est celle de la raisonnabilité : Hamam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1296, au paragraphe 27; Torres de Zamora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1602, au paragraphe 10; et Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 18. La même norme s’applique au caractère adéquat des motifs de l’agent : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 22.

 

[6]               La question de savoir si l’agente a appliqué le bon critère juridique est une pure question de droit qui appelle la norme de la décision correcte : Lopez Segura c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 894, aux paragraphes 15 et 28; Herman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 629, au paragraphe 12; et B L c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 538, au paragraphe 11.

 

L’agente a-t-elle appliqué le mauvais critère pour apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant?

 

[7]               Le demandeur soutient que l’agente a appliqué le mauvais critère en évaluant l’intérêt supérieur d’Alika. Selon lui, l’agente a appliqué le critère des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées, ce que la Cour a déjà jugé erroné : Arulraj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 529, au paragraphe 14. Le demandeur prétend que l’agente n’a tiré aucune conclusion quant à la nature de l’intérêt supérieur de l’enfant, se contentant de reconnaître le lien familial, et qu’elle n’a pas pondéré ce facteur avec les autres.

 

[8]               Le demandeur invoque ce passage de la décision Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2012 CF 166, au paragraphe 63 :

Lorsqu’il analyse l’intérêt supérieur d’un enfant, l’agent doit d’abord déterminer en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant, en deuxième lieu, jusqu’à quel point l’intérêt de l’enfant est compromis par une décision éventuelle par rapport à une autre et, enfin, à la lumière de l’analyse susmentionnée, le poids que ce facteur joue lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre les facteurs positifs et les facteurs négatifs dont il a été tenu compte lors de l’examen de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. [Souligné dans l’original.]

 

 

[9]               Le défendeur soutient que cet énoncé reflète une [traduction] « approche rigide et mathématique » que n’imposent pas les décisions faisant autorité. Il cite le commentaire suivant formulé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, au paragraphe 7 :

Le fardeau administratif qui incombe aux agents chargés d’examiner les demandes de considérations humanitaires -- comme l’illustre l’article 8.5 du chapitre IP 5 du Guide de l’immigration : Traitement des demandes au Canada (IP), reproduit au paragraphe 30 des motifs de mon collègue -- est déjà assez lourd sans qu’on y ajoute celui, purement de style, de décrire et d’analyser les faits et facteurs en des termes ou suivant une approche choisie à l’avance. Lorsque notre Cour a statué dans l’arrêt Legault, au paragraphe 12, que l’intérêt supérieur de l’enfant devait être « bien identifié et défini », elle ne tentait pas d’imposer une formule magique à laquelle devaient recourir les agents d’immigration dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire.

 

 

[10]           Il est bien établi qu’un agent qui doit évaluer les motifs d’ordre humanitaire doit être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant concerné : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 75; arrêt Hawthorne, précité, au paragraphe 11; Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, au paragraphe 12. Il revient à l’agent de pondérer cet élément avec les autres facteurs d’ordre humanitaire : arrêt Legault, précité, au paragraphe 11; et Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 24.

 

[11]           La simple référence aux difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées n’est pas une erreur si l’intérêt supérieur de l’enfant a été correctement évalué : Pannu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1356, aux paragraphes 38 à 41; Lopez Segura c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 894, aux paragraphes 29 à 33; le fond doit l’emporter sur la forme : décision Lopez Segura, au paragraphe 29.

 

[12]           En l’espèce, l’agente était manifestement « réceptive, attentive et sensible » à l’intérêt supérieur de la demi‑sœur du demandeur. Elle a indiqué que ce dernier et Alika avaient développé une étroite relation fraternelle durant le séjour relativement bref de Kamal au Canada. Il était évident qu’Alika continuerait à bénéficier du soutien de ses parents et de sa famille élargie au Canada. L’agente a estimé que la relation fraternelle se maintiendrait par le biais d’appels, de communications en ligne et de visites à Saint‑Vincent et au Canada. D’après la preuve, Jamal et Denzel, ses demi‑frères adultes, ont gardé contact avec lui en utilisant la vidéo et la messagerie en ligne.

 

[13]           L’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant dans une affaire comme celle-ci concorde difficilement avec le type d’analyse décrite dans la décision Williams, précitée. À mon avis, la formule de William peut être utile pour les agents chargés d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant, mais les décisions faisant autorité de la Cour suprême et de la Cour d’appel fédérale ne l’ont pas rendue obligatoire. Dans la décision Williams, l’intérêt de l’enfant né au Canada dont il était question était directement et considérablement affecté par le renvoi de sa mère puisqu’il devait quitter le pays avec elle. En l’occurrence, il est probable qu’il serait dans le meilleur intérêt d’Alika que le demandeur reste au Canada. Mais il est difficile de voir comment un agent pourrait évaluer jusqu’à quel point cet intérêt serait compromis par une décision défavorable, et en tenir compte dans la pondération finale des facteurs positifs et négatifs. Comme l’affirmait la Cour d’appel dans l’extrait de l’arrêt Hawthorne, précité, reproduit plus haut, les agents d’immigration ne sont liés par aucune formule magique quand il s’agit d’exercer leur pouvoir discrétionnaire.

 

[14]           En l’espèce, l’agente n’a commis aucune erreur dans son évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

L’agente a‑t‑elle appliqué le mauvais critère pour évaluer les difficultés?

 

[15]           Le demandeur soutient que l’agente a appliqué le mauvais critère juridique pour évaluer les difficultés liées à son retour en exigeant qu’il soit personnellement touché. L’obligation d’établir un risque personnalisé n’est pertinente qu’à l’égard de l’examen des risques avant renvoi. L’analyse des difficultés est plus large et c’est la situation dans le pays qu’il faut examiner pour déterminer si le demandeur se heurtera à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées en cas de renvoi.

 

[16]           En l’espèce, l’agente a pris note des taux élevés de pauvreté et de criminalité, des faibles taux d’emploi, des possibilités réduites en matière d’éducation et des difficultés d’accès aux soins de santé à Saint‑Vincent‑et‑les‑Grenadines. Elle a aussi indiqué que le demandeur souhaitait poursuivre ses études postsecondaires au Canada. L’agente a estimé qu’il serait pénible pour le demandeur de retourner dans son pays, où il retrouverait ces conditions de  vie générales, mais que cela n’équivaudrait pas à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées.

 

[17]           Il ressort clairement des motifs que l’agente n’a pas évalué la menace à sa vie, le risque de torture ou encore le risque de traitement inusité, comme s’il s’agissait d’une analyse des risques avant renvoi. Pour établir l’existence des difficultés démesurées, il faut d’abord évaluer la situation personnelle. L’agente n’était tout simplement pas convaincue que les conditions de vie à Saint‑Vincent‑et‑les‑Grenadines poseraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées. Il s’agit d’une conclusion raisonnable à laquelle l’agente pouvait parvenir compte tenu de la preuve. L’agente a estimé que le demandeur n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve établissant qu’il serait personnellement lésé par la situation. Cela ne démontre pas qu’elle a appliqué le mauvais critère.

 

L’agente a‑t‑elle eu tort d’examiner séparément les facteurs d’ordre humanitaire?

 

[18]           Le demandeur fait valoir que l’agente a eu tort d’examiner séparément les facteurs d’ordre humanitaire. Il soutient qu’elle a évalué chaque facteur isolément, sans les soupeser et les pondérer globalement, et qu’elle n’a pas déterminé si leur effet cumulatif représentait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées. Le défendeur soutient quant à lui que l’agente ne pouvait pondérer les facteurs parce qu’il n’y avait rien à pondérer, le demandeur ayant passé trop peu de temps ici. Il [traduction] « est arrivé en vacances ici il y a deux ans, il est resté, a joué au basketball et a fréquenté l’église ».

 

[19]           Le guide opérationnel IP 5 du défendeur, intitulé Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, aide la Cour à déterminer ce qui est raisonnable : Garas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1247, au paragraphe 30. La section 5.10 de ce document est rédigée comme suit :

Lorsqu’on détermine les difficultés auxquelles un demandeur fait face, il faut examiner les considérations d’ordre humanitaire globalement plutôt que séparément. En d’autres mots, les difficultés sont évaluées en soupesant l’ensemble des considérations d’ordre humanitaire invoquées par le demandeur.

 

 

[20]           L’agente a relevé tous les éléments favorables à l’accueil de la demande. Elle a conclu que la preuve concernant ses liens familiaux au Canada, l’intérêt supérieur de l’enfant, la situation dans son pays d’origine, son établissement et son intégration au Canada ne justifiaient pas l’octroi de la dispense demandée. À mon avis, elle a pondéré l’ensemble des éléments présentés par le demandeur. Même si j’aurais pu parvenir à une conclusion différente quant à l’intérêt de la réunification familiale, je suis tenu de respecter son évaluation de la preuve.

 

L’agente a-t-elle ignoré certains éléments de preuve?

 

[21]           Le demandeur soutient que l’agente a ignoré certains éléments de preuve et qu’elle s’est livrée à des conjectures quant à ses possibilités en matière d’éducation dans les Caraïbes et à la possibilité qu’il puisse s’inscrire dans un établissement canadien d’études postsecondaires.

 

[22]           L’agente a résumé les observations du demandeur au début de ses motifs, et à nouveau lorsqu’elle a analysé chaque facteur. Ses conclusions reposent sur la preuve que le demandeur a fournie. Elle a manifestement examiné les éléments de preuve favorables et défavorables ayant trait aux difficultés, notamment la situation dans le pays et l’attachement du demandeur à sa famille. Pour la plupart, ses conclusions étaient raisonnables et fondées sur la preuve.

 

[23]           Il était loisible à l’agente de conclure que les parents du demandeur pourraient lui apporter une aide financière à Saint‑Vincent, puisqu’ils l’avaient déjà fait et qu’ils subvenaient à ses besoins au Canada, et que le demandeur pourrait trouver du travail, puisqu’il l’avait déjà fait. Elle a conclu raisonnablement que la séparation d’avec sa famille ne constituait pas une difficulté inhabituelle, injustifiée ou démesurée, puisque c’est la conséquence normale du départ du Canada : Singh, précité, au paragraphe 51; et Buio c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 157, au paragraphe 36.

 

[24]           L’agente a mal compris la preuve se rapportant à l’éducation du demandeur et à ses objectifs en la matière. Elle a estimé que la preuve était insuffisante pour établir que le demandeur serait accepté dans le programme de son choix; or, il avait fourni la preuve de ses réussites scolaires à Saint‑Vincent et établi les exigences du programme en question. D’après le défendeur, rien n’indique que le demandeur ait cherché à s’inscrire dans une école canadienne, mais selon les observations présentées, il ne l’avait pas fait parce que les frais de scolarité étaient élevés pour les étudiants internationaux. L’agente n’a pas mentionné cet élément de preuve, et l’inférence qu’il pourrait ne pas être accepté constituait une conjecture.

 

[25]           L’agente a également jugé que la preuve était insuffisante pour établir que le demandeur n’avait pas les moyens de fréquenter une université abordable de sa région. Ce dernier avait indiqué qu’il n’y avait aucune université à Saint‑Vincent, la plus proche étant la University of the West Indies, qui a des campus à la Barbade, à Trinité et en Jamaïque. Le demandeur a précisé qu’il n’avait pas les moyens de fréquenter l’un de ces campus. Il n’est pas certain, au vu de ses motifs, que l’agente a tenu compte de cette préoccupation.

 

[26]           Ces erreurs ne justifient pas en soi de faire droit à la demande, mais appuient la conclusion à laquelle je suis parvenu à l’égard de la prochaine question et ma décision.

 

 

Les motifs de l’agente ayant trait à l’établissement sont‑ils raisonnables?

 

[27]           Depuis l’arrêt de la Cour suprême du Canada Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, le caractère adéquat des motifs, à moins que ceux‑ci ne soient absents, ne donne pas en soi matière à contrôle et doit être contrôlé suivant la norme de la raisonnabilité, conformément aux directives formulées par la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir c New Brunswick, 2008 CSC 9.

 

[28]           Le demandeur fait valoir que l’agente a commis l’erreur dont il était question dans Adu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, au paragraphe 20 :

[...] l’agente a examiné la preuve de l’établissement au Canada produite par les demandeurs au soutien de leurs demandes et a simplement conclu que cette preuve n’était pas suffisante. Il ressort de ses motifs qu’elle ne pensait pas que les demandeurs subiraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils devaient présenter leurs demandes de résidence permanente de l’extérieur du Canada. Ces motifs n’indiquent pas cependant pourquoi elle est arrivée à cette conclusion.

 

(Voir aussi Tindale c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 236; Ventura c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 871, aux paragraphes 28 à 32; Cobham c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 585, aux paragraphes 25 à 28; et Rolfe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1514)

 

[29]           L’agente résume le degré d’établissement du demandeur en déclarant qu’il avait un réseau d’amis, qu’il allait à l’église, qu’il faisait du bénévolat, qu’il n’avait pas de casier judiciaire et qu’il n’avait bénéficié d’aucun service social. Elle conclut ensuite qu’elle n’est pas convaincue que son degré d’établissement et d’intégration au Canada entraînerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées en cas de retour à Saint‑Vincent‑et‑les‑Grenadines. Elle ajoute plus loin que les difficultés découlant de l’établissement volontaire et prolongé du demandeur n’étaient pas, selon elle, inhabituelles, injustifiées ou démesurées, [traduction] « car les étrangers doivent peser le pour et le contre avant de s’installer dans un pays où ils ne bénéficient pas du statut de résident permanent ».

 

[30]           Dans le cas d’espèce, le demandeur n’a pas profité de chaque opportunité que lui offrait le droit canadien pour retarder son renvoi et développer des liens susceptibles d’appuyer une revendication d’établissement. Il s’agit d’un enfant, maintenant adulte, qu’on a laissé derrière non pas par sa faute, alors que son père et les deux enfants aînés ont saisi l’occasion d’immigrer. Il espère à présent s’établir dans ce pays, comme eux. Ce jeune homme a eu de bons résultats scolaires dans son pays d’origine et rêve depuis longtemps de rejoindre sa famille ici. Il n’avait ni le temps ni les moyens de s’établir davantage durant la courte période qui s’est écoulée avant que sa demande ne soit tranchée. On voit mal ce qu’il aurait pu faire d’autre pour s’installer sans permis de travail ou la capacité financière de payer les frais de scolarité réservés aux étudiants internationaux. Pour ce motif, je ne puis souscrire à la conclusion de l’agente selon laquelle le demandeur n’était pas suffisamment établi.

 

[31]           Le défendeur soutient que les motifs de l’agente sont clairs à la lumière de la preuve. Il n’appartient pas à la Cour de pondérer la preuve ou d’extrapoler des raisonnements à partir de la preuve et des conclusions. L’absence de fondement de son évaluation touchant l’établissement rend la conclusion de l’agente inintelligible et injustifiable.

 

[32]           Par conséquent, j’estime que la présente affaire doit être réexaminée.

 

QUESTION CERTIFIÉE :

 

[33]           Le défendeur a soumis la question suivante à la Cour en tant que question grave de portée générale à certifier :

[traduction] Dans une demande CH, l’agent est‑il tenu d’appliquer le critère énoncé dans Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 166, au paragraphe 63, pour démontrer qu’il a été réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant?

 

[34]           Le demandeur s’oppose à la certification de cette question au motif que le critère formulé dans Williams est conforme à la jurisprudence. Il propose qu’aucune question ne soit certifiée.

 

[35]           Dans Zazai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, au paragraphe 11, l’exigence préliminaire pour la certification d’une question a été formulée comme suit : « y a-t-il une question grave de portée générale qui permettrait de régler un appel? » En l’espèce, la question ne permettrait pas de régler un appel puisque l’agente a tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et que cet aspect n’était pas décisif.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-9464-11

 

STYLE OF CAUSE:                                    KAMAL WEBB

 

                                                                        et

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 19 juillet 2012

 

Motifs du jugement

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 7 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Tamara Morgenthau

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Gordon Lee

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

TAMARA MORGENTHAU

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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