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Date : 20120911

Dossier : IMM-1532-12

Référence : 2012 CF 1071

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

M. XIAO JUN JIN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Aperçu

[1]               Bien qu’il soit reconnu qu’une nouvelle entreprise de recherche et développement (R‑D) en démarrage a besoin de temps et doit réaliser des activités qui occasionnent des débours pour être en mesure de commencer à exercer ses activités de manière rentable, les dossiers des débours, des gains (le cas échéant) et des déclarations de revenus montrent clairement d’où viennent les paiements qui ont été ou qui sont versés aux employés (compte ou comptes bancaires de l’entreprise), de sorte que les investisseurs qui travaillent à temps plein dans de telles sociétés peuvent montrer qu’ils travaillent bel et bien à temps plein. Il ne relève pas de la compétence d’une cour de révision de décider comment l’autorité de première instance ou la Section d’appel de l’immigration [SAI] devraient faire leur travail si la preuve, ou l’absence de preuve, démontre qu’une logique inhérente a mené à des conclusions découlant de décisions raisonnables rendues par les décideurs de première instance, l’agent d’immigration et la SAI, respectivement (même si la décision de la cour de révision aurait pu être été différente de celle des décideurs de première instance selon l’enseignement de Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008]1 RCS 190, Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta TeachersAssociation, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 et Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, arrêts qui insistent sur la déférence quand la preuve est telle que, dans la marge des possibilités, les conclusions s’appuient sur des motifs raisonnables).

 

II. Introduction

[2]               Le demandeur n’a pas respecté son obligation de résidence, et une mesure de renvoi a été prise contre lui, conformément au paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. Le demandeur a fait appel de la mesure de renvoi devant la SAI de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, en vertu du paragraphe 63(3) de la LIPR. Sur la foi de la preuve disponible dans l’une des deux langues officielles du Canada, la SAI a rejeté l’appel, ayant conclu : i) que le demandeur n’avait pas démontré qu’il travaillait, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne; et ii) qu’il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales à la lumière de la preuve.

 

III. Procédure judiciaire

[3]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la LIPR, de la décision datée du 13 janvier 2012 par laquelle la SAI a rejeté l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre de la mesure de renvoi prise contre lui le 2 octobre 2009.

 

IV. Faits et procédures

[4]               Compte tenu de la complexité des faits particuliers de l’espèce et des conclusions relatives à la crédibilité entourant cette demande, il est important de narrer les faits avec plus de détails que d’ordinaire.

 

[5]               Le demandeur, M. Xiao Jun Jin, est né en Chine en 1954. Il a obtenu le statut de résident permanent du Canada le 29 septembre 2005, sous réserve du paragraphe 23.1(1) du Règlement sur l’immigration, 1978, DORS/78-172 [le Règlement].

 

[6]               Le demandeur soutient qu’il a travaillé pour une entreprise canadienne, J Brother International Inc. [J Brother], du 7 octobre 2005 au 3 janvier 2009. Dans une offre d’emploi datée du 4 octobre 2005, J Brother proposait au demandeur un salaire annuel de 35 000 dollars canadiens et la possibilité de convertir son salaire en participation dans la société.

 

[7]               J Brother était une entreprise en démarrage dans le domaine du recyclage des rebuts de caoutchouc, établie à Drummondville, au Québec. L’entreprise avait mis en œuvre un projet de R‑D : elle développait des technologies et trouvait du matériel d’essai. La sœur du demandeur, Mme Hui Man Chun, était la présidente de l’entreprise et le beau‑frère du demandeur, M. Daniel Gong (ou Dexiang Gong), était le gestionnaire de projet.

 

[8]               Le demandeur affirme qu’il était, à titre de gestionnaire des affaires internationales, chargé de l’acquisition de nouveau matériel, de nouvelles pièces et de nouvelles technologies, et responsable des ventes en Chine.

 

[9]               Le 7 octobre 2005, à peine huit jours après son arrivée au Canada, le demandeur est retourné en Chine [la première période d’absence]. Sa femme est demeurée à Victoria, en Colombie‑Britannique. Le demandeur affirme qu’il a, durant cette première période d’absence, pris contact avec des producteurs et des fournisseurs, supervisé des expéditions de pièces et de matériel et soutenu la R‑D à l’usine de J Brother à Drummondville.

 

[10]           Les pièces P-1 à P-24 sont des traductions anglaises certifiées et des copies de courriels envoyés par le demandeur à ses partenaires d’affaires et à ses fournisseurs chinois pendant sa première période d’absence. Les pièces P-25 à P-36 sont des traductions anglaises certifiées et des copies de reçus de biens et de services achetés par le demandeur durant cette même période d’absence.

 

[11]           Conformément au paragraphe 23.1(1) du Règlement, le demandeur avait acheté 300 000 actions de classe A de J Brother pour 150 000 dollars canadiens le 30 novembre 2003.

 

[12]           Il est rentré au Canada le 16 avril 2008; il demeurait à Victoria et à Montréal. À Montréal, il travaillait pour J Brother et pour 4494652 Canada Inc. [Dragon Mart].

 

[13]           Au cours de ses entrevues avec l’agent d’immigration, le demandeur a déclaré que J Brother avait cessé temporairement ses activités en mai 2008. Il s’est ensuite contredit lors de l’instruction de l’appel, témoignant que l’entreprise n’avait pas cessé ses activités avant janvier 2009. Il a attribué cette incohérence à l’interprète présent pendant les entrevues, lequel, a affirmé le demandeur, parlait le cantonais. Le dossier indique toutefois que l’interprète traduisait de l’anglais au mandarin.

 

[14]           Dragon Mart a été constituée en société le 6 octobre 2008 dans le but de mettre sur pied un centre de commerce de marchandises dans la région de Montréal. Le demandeur était l’un de ses fondateurs.

 

[15]           Le demandeur a quitté le Canada le 7 octobre 2008 et est rentré au pays le 21 avril 2009 seulement. Il affirme avoir commencé à faire la promotion de Dragon Mart en Chine en janvier 2009.

 

[16]           La sœur du demandeur, Mme Hui Man Chun, est décédée le 26 avril 2009. Le 1er mai 2009, le demandeur et sa femme ont entamé des démarches afin d’adopter la fille de Mme Hui Man Chun, Jin Xiaowan, qui avait vécu avec eux en Chine de 2002 à 2005, et qui vit avec eux à Victoria, en Colombie‑Britannique, depuis 2005.

 

[17]           Le demandeur a témoigné qu’il parlait chaque jour à Jin Xiaowan par téléphone et qu’elle était demeurée avec lui d’août à septembre 2011, pendant que sa femme était en voyage en Chine.

 

[18]           Un agent d’immigration a rencontré le demandeur en entrevue les 3 et 25 août 2009. En date de la deuxième entrevue, le demandeur avait été physiquement présent au Canada 311 jours, et absent 1118 jours. Par conséquent, il ne satisfaisait pas à l’obligation de résidence de 730 jours.

 

[19]           Le 11 septembre 2009, l’agent d’immigration a conclu que le demandeur n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’il travaillait à temps plein pour une entreprise canadienne.

 

[20]           Le 2 octobre 2009, une mesure de renvoi a été prise contre le demandeur.

 

[21]           Le 7 octobre 2009, le demandeur a déposé un avis d’appel auprès de la SAI. Il a également déposé 52 pièces auprès de la SAI pour confirmer qu’il travaillait pour J Brother et Dragon Mart.

 

[22]           Les pièces P-1 à P-36 sont décrites au paragraphe 10 ci‑dessus.

 

[23]           Les pièces P-37, P-39, P-40, P-38 et P-52 sont, respectivement : i) une description mensuelle des activités professionnelles menées en Chine par le demandeur pour le compte de J Brother et de Dragon Mart, préparée en juin 2010 par le demandeur et M. Gong; ii) une copie d’un chèque oblitéré daté du 22 août 2008 et déposé le même jour; iii) une résolution du conseil d’administration de Dragon Mart concernant le salaire et la prime du demandeur pour 2009; iv) des copies de paiements salariaux faits en 2009; et v) une copie de la demande d’adoption de Jin Xiaowan.

 

[24]           Les pièces P-42 à P-47 comprennent une facture, des contrats de vente et des contrats d’agent signés pendant la première période d’absence.

 

[25]           Le demandeur et sa femme ont acheté une maison de 400 000 $ à Victoria en 2010.

 

[26]           La SAI a entendu l’appel le 28 septembre 2011.

 

 

[27]           L’adoption de Jin Xiaowan a été officialisée le 17 octobre 2011.

 

V. Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[28]           La SAI a rejeté l’appel, au motif que le demandeur n’avait pas satisfait à l’obligation de résidence prévue à l’alinéa 28(2)a) de la LIPR. De l’avis de la SAI, le demandeur n’avait pas démontré qu’il travaillait, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne, aux termes du sous‑alinéa 28(2)a)(iii). La SAI a également rejeté les arguments selon lesquels des motifs d’ordre humanitaire justifiaient la prise de mesures spéciales, aux termes de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR.

 

[29]           La SAI a douté de la crédibilité du demandeur, qualifiant son témoignage d’« incohérent » et le décrivant comme étant « vague, évasif et manqua[n]t de spontanéité » (au paragraphe 7).

 

[30]           La SAI a également relevé plusieurs problèmes au cours de l’audience. La SAI a noté que le conseil du demandeur posait des questions suggestives, qu’il tentait de témoigner au nom de l’appelant, qu’il répétait simplement la preuve documentaire qui figurait déjà au dossier et qu’il n’avait pas clarifié les questions à trancher. La SAI n’a pas voulu entendre le témoin que le demandeur voulait faire comparaître à propos de son emploi parce que « ce fait a[vait] déjà été établi par la preuve documentaire ».

 

[31]           La SAI n’a pas accepté la preuve présentée par le demandeur selon laquelle il travaillait à temps plein pour J Brother ou Dragon Mart. Premièrement, la SAI a conclu que la présentation tardive de la confirmation d’emploi donnait à penser que le demandeur n’était pas un employé à temps plein de J Brother. Comme le demandeur avait produit le document seulement après qu’il eut été établi qu’il n’avait pas respecté l’obligation de résidence, la SAI a déterminé que le document avait été créé pour l’appel et lui a accordé une faible valeur probante.

 

[32]           Deuxièmement, le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve attestant sa rémunération. La SAI n’a pas accepté l’explication du demandeur voulant qu’il avait été payé comptant et n’avait pas demandé de reçu. La SAI a constaté que le nom du demandeur ne figurait pas sur les états financiers ni sur les feuillets T4 de l’entreprise et a tiré une conclusion défavorable du fait que le demandeur avait dit à l’agent d’immigration qu’il devrait préparer les documents attestant sa rémunération. De telles remarques ont mené la SAI à conclure que ces documents avaient aussi été créés pour l’appel et leur a accordé une faible valeur probante. Il était indiqué sur seulement trois des quatre chèques produits qu’ils avaient été émis à titre de salaire (au paragraphe 24). Quatre chèques ne suffisaient pas, de toute façon, à prouver le versement d’une rémunération.

 

[33]           Troisièmement, la SAI n’était pas convaincue que le demandeur avait produit des éléments de preuve concluants quant à ses activités pour J Brother. Les contrats signés par la sœur du demandeur ne suffisaient pas à établir que celui‑ci travaillait pour l’entreprise, ni les divers rapports techniques sur lesquels le nom du demandeur ne figurait pas. Les factures d’équipement et d’achats (dont certaines portaient la signature du demandeur) ne suffisaient pas non plus. Enfin, la lettre datée du 23 août 2008 autorisant le demandeur à agir au nom de J Brother et la lettre de mission datée du 19 mars 2009 prouvaient que le demandeur avait réalisé des activités et fait un certain travail, mais elles « ne correspond[ai]ent pas à la période de référence » (au paragraphe 29).

 

[34]           Quatrièmement, la SAI a conclu que J Brother avait cessé d’être une société « exploitée de façon continue au Canada » aux termes de l’alinéa 61(1)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR], en mai 2008, et qu’elle n’était donc plus une « entreprise canadienne » au sens de l’article 28 après cette date. La SAI n’a pas considéré que la pièce P-18, un courriel daté du 9 octobre 2008, prouvait que l’entreprise était exploitée de façon continue au Canada étant donné que ce courriel faisait référence aux exigences du marché chinois, et non aux exigences du marché canadien.

 

[35]           Enfin, le document que le demandeur a produit afin d’attester son emploi pour Dragon Mart était insuffisant parce que ce document ne démontrait pas qu’il s’agissait d’un emploi à temps plein; il traitait seulement de la contribution du demandeur à la promotion et au développement de l’entreprise en Chine et de l’argent qu’il avait dépensé pour le développement du marché au nom de l’entreprise.

 

[36]           Le demandeur n’a pas non plus démontré que sa présence en Chine était indispensable pour son travail. Il est difficile de savoir clairement si la SAI a tenu compte de ce facteur parce qu’il attaquait la crédibilité générale du demandeur ou si, dans les circonstances, elle a considéré qu’elle devait en tenir compte pour l’application de l’alinéa 28(2)a) de la LIPR. Quoi qu’il en soit, la SAI a conclu qu’il était peu vraisemblable que le demandeur ait été le seul employé de J Brother en Chine parce qu’il n’avait pas signé lui‑même les contrats conclus avec des entreprises chinoises.

 

[37]           En ce qui concerne les motifs d’ordre humanitaire, la SAI a résumé les facteurs dont il fallait tenir compte pour justifier la prise de mesures spéciales. La liste de facteurs non exhaustive comprend les circonstances du manquement aux conditions d’admissibilité, la période passée au Canada, le degré d’établissement, la famille au Canada, les bouleversements que subirait la famille, le soutien de la famille et de la collectivité ainsi que l’importance des difficultés (Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4 (QL/Lexis)). La SAI a invoqué Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 RCS 84, à l’appui de la thèse voulant que l’importance à accorder à chacun de ces facteurs non exhaustifs varie selon les circonstances.

 

[38]           En appréciant les facteurs, la SAI a constaté que le demandeur n’avait pas satisfait à l’obligation de résidence. Les longs séjours du demandeur hors du Canada ont pesé lourdement dans la décision de la SAI.

 

[39]           Les bouleversements que subirait la famille constituaient un facteur neutre, parce que le demandeur devait déjà voyager pour rendre visite à sa femme et à Jin Xiaowan. Même quand il était au Canada, le demandeur travaillait généralement à Montréal et visitait sa famille à Victoria à l’occasion seulement. De surcroît, le demandeur a indiqué qu’il continuerait de vivre séparé de sa famille, et ses longues séparations d’avec les siens permettaient de penser que les bouleversements pour sa famille ne seraient pas nécessairement causés par son départ, étant donné qu’il allait rarement à Victoria.

 

[40]           La SAI n’était pas convaincue non plus que le degré d’établissement du demandeur au Canada était suffisant. Le travail fait pour J Brother et Dragon Mart ne suffisait pas parce que le demandeur n’avait pas démontré qu’il s’agissait d’un travail à temps plein. Les investissements faits par le demandeur au Canada ont eu peu d’incidence sur l’analyse, parce qu’il pourrait « continuer d’investir au Canada même s’il n’[était] plus résident permanent ». La SAI a également souligné que le demandeur « ne possédait pour ainsi dire aucun bien immeuble, [et qu’]il n’avait pas d’obligations financières, d’activités professionnelles ou autres ».

 

VI. Les questions en litige

[41]           (1) Était‑il déraisonnable pour la SAI de conclure que le demandeur ne travaillait pas, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne?

(2) Était‑il déraisonnable pour la SAI de conclure qu’il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales?

 

VII. Dispositions législatives pertinentes

[42]           Les dispositions législatives suivantes de la LIPR sont pertinentes :

28.      (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

 

 

 

(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

 

 

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas:

 

 

(i) il est effectivement présent au Canada,

 

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

 

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

 

 

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

 

 

(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;

 

 

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

c) le constat par l’agent que des circonstances d’ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l’inobservation de l’obligation précédant le contrôle.

 

[...]

 

 

 

67.      (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

 

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

 

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

28.      (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

 

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

 

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

 

(i) physically present in Canada,

 

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent,

 

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

 

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

 

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

 

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

 

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

 

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

 

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

 

 

67.      (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

 

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

[43]           Les dispositions suivantes du RIPR sont pertinentes :

61.      (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour l’application des sous-alinéas 28(2)a)(iii) et (iv) de la Loi et du présent article, constitue une entreprise canadienne :

 

a) toute société constituée sous le régime du droit fédéral ou provincial et exploitée de façon continue au Canada;

 

b) toute entreprise non visée à l’alinéa a) qui est exploitée de façon continue au Canada et qui satisfait aux exigences suivantes :

 

(i) elle est exploitée dans un but lucratif et elle est susceptible de produire des recettes,

 

 

(ii) la majorité de ses actions avec droit de vote ou titres de participation sont détenus par des citoyens canadiens, des résidents permanents ou des entreprises canadiennes au sens du présent paragraphe;

 

c) toute organisation ou entreprise créée sous le régime du droit fédéral ou provincial.

61.      (1) Subject to subsection (2), for the purposes of subparagraphs 28(2)(a)(iii) and (iv) of the Act and of this section, a Canadian business is

 

(a) a corporation that is incorporated under the laws of Canada or of a province and that has an ongoing operation in Canada;

 

(b) an enterprise, other than a corporation described in paragraphe (a), that has an ongoing operation in Canada and

 

(i) that is capable of generating revenue and is carried on in anticipation of profit, and

 

(ii) in which a majority of voting or ownership interests is held by Canadian citizens, permanent residents, or Canadian businesses as defined in this subsection; or

 

 

 

(c) an organization or enterprise created under the laws of Canada or a province.

 

VII. Position des parties

[44]           Le demandeur affirme que la SAI a mal compris le caractère de novo de l’appel. Il s’appuie sur Chieu, précité, au paragraphe 46, pour affirmer que « [l]’appel d’une mesure de renvoi est essentiellement une audience de novo car on peut y présenter des preuves qui n’étaient pas disponibles au moment de la prise de la mesure de renvoi ».

 

[45]           Le demandeur soutient que ce manquement transparaît dans les motifs de la SAI, qui reprennent presque entièrement le rapport de l’agent d’immigration et qui ne font que répéter la preuve déjà mentionnée dans le rapport.

 

[46]           En raison du caractère de novo de l’appel, affirme le demandeur, la SAI était tenue d’examiner les nouveaux éléments de preuve qu’il avait déposés à l’appui de son affirmation selon laquelle il avait travaillé à temps plein pour J Brother et Dragon Mart. Des documents chinois avaient été présentés à l’agent d’immigration qui, soutient le demandeur, ne les avait pas examinés parce qu’ils n’étaient pas traduits ni mentionnés dans son rapport. Le demandeur avance que, bien qu’il ait fourni des traductions anglaises certifiées à la SAI, celle‑ci n’avait formulé de commentaires sur aucune des pièces qu’il avait présentées à propos de ses activités et de son travail.

 

[47]           Le demandeur conteste aussi le fait que la SAI a refusé de considérer les chèques émis par J Brother et Dragon Mart comme une preuve de sa rémunération. Afin de réfuter la position prise par la SAI quand elle conclut que ces documents ont été préparés pour l’appel, le demandeur renvoie à la pièce P-39, un chèque émis le 22 août 2008, un an avant son entrevue avec l’agent d’immigration.

 

[48]           Le demandeur affirme aussi i) que la SAI a tiré des conclusions de fait incorrectes et déraisonnables à propos de son emploi; et ii) qu’elle a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans égard aux éléments portés à sa connaissance.

 

[49]           Le demandeur soutient que la SAI aurait dû examiner sa situation d’emploi dans le contexte des entreprises en démarrage. Citant Durve c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 995, le demandeur affirme que le sens de l’expression « exploitée de façon continue » à l’alinéa 61(1)a) du RIPR doit être interprété « au cas par cas en fonction de la nature et des activités de la société en cause » (au paragraphe 10).

 

[50]           Le demandeur avance que la SAI n’aurait pas dû se concentrer sur son salaire pour évaluer sa situation d’emploi. Pour expliquer l’absence de paiements salariaux, le demandeur affirme qu’il aurait été insensé de payer les actionnaires quand la société n’était pas rentable. Pour étayer l’argument voulant que le versement d’un salaire n’était pas nécessaire pour établir qu’il travaillait à temps plein, le demandeur fait également remarquer que l’offre d’emploi de J Brother mentionnait la possibilité de convertir son salaire en participation dans la société, ce qui cadrerait avec la réalité de nombreuses entreprises en démarrage.

 

[51]           Selon le demandeur, la question de savoir si J Brother a cessé d’être une entreprise canadienne quand elle a temporairement suspendu ses activités devrait être examinée en fonction de la réalité des entreprises en démarrage.

 

[52]           Le demandeur affirme aussi que la SAI n’a pas appliqué le bon critère quand elle a demandé s’il devait nécessairement travailler à l’étranger. Il soutient qu’il n’était pas tenu, aux termes de l’alinéa 28(2)a) de la LIPR, de démontrer qu’il était indispensable, ni que personne d’autre ne pouvait faire le travail.

 

[53]           Le demandeur estime que la SAI n’a pas adéquatement apprécié les facteurs énoncés dans Ribic quand elle a fait l’analyse des motifs d’ordre humanitaire. S’appuyant sur Bufete Arce c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] DSAI no 370 (QL/Lexis), le demandeur soutient que la SAI n’a pas apprécié les facteurs à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’espèce et des objectifs de la LIPR.

 

[54]           De l’avis du demandeur, les deux visites qu’il a faites à Jin Xiaowan à Victoria en dehors de la période de référence révèlent une forme de présence et d’établissement au Canada. À la conclusion voulant qu’il ne possède aucun bien immeuble au Canada, il oppose le fait qu’il a acheté une maison à Victoria. Enfin, il soutient que la SAI aurait dû tenir compte des sacrifices qu’il a faits pour soutenir sa famille, des considérations linguistiques qui ont incité sa famille à vivre à Victoria, de la période pendant laquelle Jin Xiaowan avait vécu avec sa femme et lui, de l’impact émotionnel pour Jin Xiaowan compte tenu du décès de sa mère et du tort qui serait causé à J Brother et à Dragon Mart.

 

[55]           Le défendeur affirme que la SAI a évalué les nouveaux éléments de preuve et compris, par conséquent, le caractère de novo de l’appel. Il dit que la SAI n’a pas refusé d’accepter les éléments de preuve, mais qu’elle a plutôt refusé de leur accorder une valeur probante. Le défendeur renvoie à la pièce P-38, qui avait été, selon la SAI, créée pour l’appel. Le fait que le demandeur n’a pas produit de copies endossées des chèques versés à la pièce P-38 ni d’état de compte mine leur crédibilité. Le défendeur fait observer que le demandeur a pu produire ces documents dans le cas d’une autre pièce, à savoir la pièce P-39.

 

[56]           Le défendeur soutient que les conclusions de fait de la SAI étaient raisonnables, compte tenu de la preuve. Le défendeur déclare que les motifs et la transcription de l’audience montrent que la SAI a évalué les éléments de preuve, leur accordant toutefois une faible valeur probante. De l’avis du défendeur, les motifs sont adéquats. S’appuyant sur Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, précité, le défendeur soutient que les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si le résultat fait partie des issues possibles. Il ajoute que la cour de révision ne doit pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen, mais qu’elle peut examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat. Le défendeur cite également Bi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 293, où la Cour s’est penchée sur le caractère adéquat des motifs de la SAI dans une affaire semblable.

 

[57]           Selon le défendeur, la SAI n’a pas fait abstraction d’éléments de preuve ni commis d’erreur de fait et de droit relativement à l’emploi du demandeur, et sa conclusion selon laquelle J Brother avait temporairement cessé ses activités en mai 2008 était justifiée. Le témoignage du demandeur lors de l’instruction de l’appel était peu crédible parce qu’il ne concordait pas avec les réponses données pendant les entrevues. En affirmant que l’interprète présent pendant les entrevues était Cantonais et avait mal traduit son récit, le demandeur mine davantage sa crédibilité, car le dossier révèle que l’interprète traduisait du mandarin vers l’anglais.

 

[58]           Enfin, le défendeur affirme que la SAI n’a pas fait une analyse déraisonnable des motifs d’ordre humanitaire. Il dit que la SAI a suivi les facteurs précisés dans Ribic, précité, et dans Chieu, précité, et que le critère applicable est celui de la raisonnabilité. Le défendeur soutient que la transcription de l’audience montre que la SAI a tenu compte du témoignage du demandeur à propos de sa maison à Victoria. Par conséquent, la conclusion de la SAI voulant que le demandeur « ne possédait pour ainsi dire aucun bien immeuble » ne saurait être déterminante.

 

IX. Analyse

Norme de contrôle

[59]           La question de savoir si un demandeur travaille à temps plein hors du Canada est une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Durve, précitée, au paragraphe 3). Cette norme s’applique aussi à la question de savoir si des motifs d’ordre humanitaire justifient la prise de mesures spéciales (Ambat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 292, 386 FTR 35, au paragraphe 15).

 

[60]           Selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision interviendra seulement si la décision n’est ni justifiée, ni transparente, ni intelligible. Pour satisfaire à la norme, la décision doit appartenir « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[61]           Essentiellement, le demandeur remet en question le caractère adéquat des motifs de la SAI. Or, la Cour suprême du Canada a statué que, dans le cas où des motifs sont donnés, le raisonnement qui sous‑tend la décision ou le résultat ne peut être remis en question que dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable de celle‑ci. Selon Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, précité, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles » (au paragraphe 14). La cour de révision « ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen », mais elle peut « examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat » (au paragraphe 15).

 

Emploi à temps plein

[62]           Il était raisonnable de conclure que la preuve documentaire n’établissait pas que le demandeur avait travaillé à temps plein pour une entreprises canadienne quand il se trouvait hors du Canada.

 

[63]           Premièrement, la SAI a mis en doute l’authenticité de la confirmation d’emploi du demandeur et des documents ayant trait à sa rémunération. Il était raisonnable de conclure que ces documents avaient été créés pour l’appel, étant donné surtout que la crédibilité du demandeur était déjà minée et que certains documents avaient été produits seulement après les entrevues avec l’agent d’immigration.

 

[64]           Bien que la SAI ne se soit pas expressément penchée sur la pièce P-37, la même logique s’applique à ce résumé mensuel des activités menées par le demandeur pour le compte de J Brother et de Dragon Mart. Le raisonnement vaut également pour la confirmation d’emploi et les chèques, préparés en juin 2010, après les entrevues. Il était raisonnable de conclure que ces documents avaient aussi été préparés pour l’appel et de leur accorder une valeur probante limitée.

 

[65]           Il était en outre raisonnable pour la SAI de conclure que la pièce P-39, le chèque émis un an avant les entrevues avec l’agent d’immigration, ne représentait pas un salaire. Comme la SAI l’a fait remarquer en ce qui concerne les chèques figurant à la pièce P-38, le chèque ne porte pas de mention indiquant qu’il avait été émis à titre de salaire.

 

[66]           Deuxièmement, les pièces P-1 à P-36 montrent que le demandeur a bien réalisé certaines activités en vue d’établir des liens avec des entreprises chinoises pour le compte de J Brother et de Dragon Mart en Chine, mais elles n’établissent pas sans contredit qu’il travaillait à temps plein. Ces pièces peuvent être interprétées de différentes façons. On pourrait déduire que le demandeur a consacré beaucoup de temps et d’énergie à travailler pour J Brother et Dragon Mart. Cependant, on pourrait aussi examiner ces pièces et conclure que le demandeur a seulement prouvé qu’il avait à l’occasion fait du travail pour ces entreprises. La SAI a adopté le deuxième point de vue, une approche raisonnable, ce qui situe la conclusion dans les « issues possibles acceptables » (Dunsmuir, précité).

 

[67]           De plus, bon nombre de ces pièces (en particulier les pièces P-25 à P-36) sont des reçus de dépenses concernant entre autres l’achat d’essence, de repas et de fournitures informatiques, et des notes d’hôtel. De tels reçus pourraient certes amener à la conclusion que le demandeur travaillait pour J Brother et Dragon Mart, mais pas nécessairement.

 

[68]           En ce qui a trait aux éléments de preuve dont il est question ci‑dessus, « dans la mesure où [un t]ribunal n’explique pas pleinement certains aspects de sa décision », la cour de révision « peut se reporter aux éléments de preuve cités par le [t]ribunal pour étoffer ses motifs », pourvu qu’elle n’agisse pas de manière à « usurper le rôle qui incombe au tribunal de justifier ses décisions » (Alliance de la fonction publique du Canada c Société canadienne des postes, 2011 CSC 57, [2011] 3 RCS 572, arrêt dans lequel la Cour suprême souscrit aux motifs de dissidence du juge John Maxwell Evans, 2010 CAF 56, au paragraphe 164). La déférence exige que la Cour fasse preuve d’une « [traduction] “attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision” (non souligné dans l’original) » (Alliance de la fonction publique du Canada (arrêt de la CAF), précité, où est cité le professeur Dyzenhaus, « The Politics of Deference: Judicial Review and Democracy », dans M. Taggart (dir.), The Province of Administrative Law (Oxford, Hart Publishing, 1997), 279, p. 286).

 

[69]           Troisièmement, dans les circonstances particulières de l’espèce, la SAI n’a pas agi de manière déraisonnable en se concentrant sur la rémunération pour évaluer la relation d’emploi du demandeur avec J Brother et Dragon Mart. Dans d’autres cas, il aurait pu être déraisonnable pour le décideur de ne pas évaluer la question de l’emploi à temps plein dans le contexte des petites entreprises en démarrage. En revanche, quand des problèmes de crédibilité discréditent, comme en l’espèce, le récit du demandeur concernant son emploi, il serait raisonnable pour la SAI d’exiger que le demandeur fournisse des éléments de preuve attestant sa rémunération pour établir qu’il travaillait à temps plein.

 

[70]           Enfin, la conclusion de la SAI selon laquelle le demandeur n’avait jamais travaillé à temps plein pour J Brother ni pour Dragon Mart était raisonnable dans les circonstances, eu égard à la logique inhérente de la SAI (Dunsmuir, précité). Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner si J Brother a interrompu ses activités en mai 2008, et la Cour n’a pas besoin non plus de se demander si la SAI a appliqué le bon critère sous le régime du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la LIPR quand elle a demandé au demandeur si sa présence en Chine était indispensable pour J Brother ou Dragon Mart.

 

Motifs d’ordre humanitaire

[71]           L’analyse des motifs d’ordre humanitaire faite par la SAI était aussi raisonnable dans les circonstances (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, précité). La SAI s’est reportée aux facteurs pertinents et a expressément examiné comment ils s’appliquaient au demandeur. La Cour n’interviendra pas simplement parce que le demandeur « n’[est] pas satisfait de la manière selon laquelle la SAI a évalué l’ensemble des facteurs d’ordre humanitaire » (Ikhuiwu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 35, au paragraphe 32).

 

[72]           Il n’était pas déraisonnable d’évaluer les bouleversements que subirait la famille à la lumière des absences fréquentes et prolongées du demandeur. Il en va de même pour tout impact émotionnel que le départ du demandeur pourrait avoir sur Jin Xiaowan. Bien que la SAI n’ait pas abordé en particulier le décès de la mère de Jin Xiaowan, elle a fait observer de façon plus générale que l’adoption de la nièce du demandeur ne modifiait pas son analyse, parce que « l’enfant continue d’habiter à Victoria […] et que l’appelant doit donc se rendre à Victoria pour voir l’enfant » (au paragraphe 45). La SAI a conclu que le départ du demandeur n’aurait pas beaucoup d’incidence sur l’état émotionnel particulier de Jin Xiaowan parce qu’il demeurait déjà loin d’elle presque continuellement.

 

[73]           L’impact que le départ du demandeur aurait sur J Brother et Dragon Mart n’a pas non plus influé sur l’analyse. La SAI a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait été employé à temps plein de l’une ou l’autre de ces entreprises. La SAI a considéré que le demandeur jouait surtout le rôle d’investisseur dans ces entreprises, et fait remarquer qu’il pourrait « continuer d’investir au Canada même s’il n’[était] plus résident permanent » (au paragraphe 55). Compte tenu de cette conclusion de fait, le départ du demandeur est une issue raisonnable dans l’optique de J Brother et de Dragon Mart.

 

[74]           Enfin, il est regrettable que la SAI ait conclu que le demandeur ne possédait « aucun bien immeuble » au Canada, malgré les éléments de preuve montrant le contraire. Néanmoins, le demandeur ne demeure pas dans la maison qu’il a achetée à Victoria et y passe rarement du temps. Il ne démontre donc pas un degré d’établissement important au Canada.

 

X. Conclusion

[75]           Pour tous les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur est rejetée. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-132-12

 

INTITULÉ :                                      XIAO JUN JIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 6 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                             LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 11 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Berger

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Michèle Joubert

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshay Golberg Berger

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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