Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20120917

Dossier : IMM‑5730‑11

Référence : 2012 CF 1084

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

DONG SHENG WEI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision, en date du 28 juillet 2011, par laquelle un commissaire de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté l’appel interjeté par le demandeur en vertu du paragraphe 63(4) de la Loi et pris une mesure d’interdiction de séjour en application du paragraphe 69(3) de la Loi.

 

[2]               Pour arriver à cette décision, la Commission s’est fondée sur sa conclusion que la décision de l’agent des visas suivant laquelle le demandeur n’avait pas satisfait aux obligations de résidence prévues par la Loi et par le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) était fondée en droit et qu’il n’existait pas de motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier la prise de mesures spéciales dans la présente affaire.

 

[3]               Le demandeur sollicite l’annulation de la décision de la Commission et le renvoi de l’affaire à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Contexte

 

[4]               Le demandeur, Dong Sheng Wei, est un citoyen de la Chine. Il est devenu résident permanent du Canada le 4 mai 1999.

 

[5]               Entre 1999 et 2004, le demandeur a travaillé pour une entreprise œuvrant dans le secteur des produits de la mer et pour une ferme d’élevage de poulets à Vancouver. En 2004, il a été embauché par Immunechem Pharmaceuticals Inc. (IPI). IPI a été constituée en personne morale le 19 novembre 1996 et son siège social est situé à Burnaby, en Colombie‑Britannique. Cette entreprise fait, pour des universités et des établissements médicaux, de la recherche et du développement sur des anticorps servant de réactifs immunologiques et met au point des trousses de dosage immunologique pour des organismes chargés de l’inspection de la salubrité des aliments. IPI compte présentement sept employés.

 

[6]               Le demandeur a été embauché pour représenter IPI en Chine et pour y trouver un partenaire commercial pour IPI. Le contrat de travail à temps plein du demandeur était assorti des modalités suivantes :

[traduction]

1)         Le poste occupé par M. Dongsheng Wei au sein de IPI est celui de représentant d’entreprise en Chine.

 

2)         Son salaire est de 18 000 $ par année. Son travail consiste à coordonner les projets de recherche entre ImmuneChem et les gouvernements chinois et les entreprises chinoises.

 

3)         Le contrat prend effet le 1er août 2004 et se termine le 31 août 2010. Il pourra être reconduit, selon le rendement de M. Wei en Chine.

 

4)         Toutes les autres conditions sont celles prévues par les règles existantes en matière de droit du travail.

 

 

[7]               Le salaire du demandeur lui était versé tous les trois mois. Ses déductions d’impôt pour emploi et ses impôts canadiens étaient retenus de son salaire. IPI envoyait le plus souvent les chèques de paye du demandeur à l’adresse d’un ami de ce dernier à Vancouver, qui les déposait ensuite dans le compte bancaire canadien du demandeur.

 

[8]               Le demandeur s’est rendu en Chine en août 2004 pour se mettre à la recherche d’un partenaire commercial chinois pour IPI. En 2005, il a repéré une entreprise chinoise, Nanning Zhongjia Immunetech Ltd. (NZIL), qui a signé avec IPI un contrat de production d’anticorps. La production a commencé en avril 2005. Par la suite, en janvier 2006, IPI a été en mesure d’arrêter sa production d’anticorps à son usine canadienne, réduisant d’autant ses frais d’exploitation et lui permettant de se concentrer sur la recherche et le développement et sur la commercialisation de ses produits.

 

[9]               Parmi les attributions du demandeur, signalons les suivantes : contrôler les vaccins à base d’antigènes qu’IPI lui envoyait du Canada, s’assurer que les anticorps produits par NZIL respectaient les procédures opérationnelles normalisées du Canada, livrer personnellement ou prendre les mesures nécessaires pour faire livrer les anticorps produits en Chine à IPI au Canada, assister à des séances de formation aux bureaux d’IPI au Canada, servir d’agent de liaison avec les autorités gouvernementales locales chinoises et maintenir des contacts réguliers avec IPI.

 

[10]           IPI est devenue de plus en plus insatisfaite de la qualité des anticorps produits par NZIL. La production a par conséquent cessé entre mai 2006 et janvier 2007. Le demandeur s’est alors mis à la recherche d’un nouveau partenaire commercial chinois pour IPI. Ces démarches l’ont conduit à Nanning Languang Shengwu Ltd. (NLSL), et la production des anticorps a été transférée à cette entreprise en mai 2008.

 

[11]           Le 20 mai 2009, le demandeur a présenté une demande en vue d’obtenir des titres de voyage pour se rendre au Canada. Un agent des visas de l’ambassade du Canada à Beijing a refusé sa demande au motif qu’il ne se satisfaisait pas à l’obligation de résidence prévue au paragraphe 28(2) de la Loi. La période quinquennale considérée pour arriver à cette conclusion était celle comprise entre le 21 mai 2004 et le 21 mai 2009. Au cours de ces cinq années, le demandeur avait été présent au Canada pendant 116 jours.

 

[12]           Le demandeur a interjeté appel de la décision de l’agent des visas devant la Commission. Son appel a été entendu le 25 mai 2011.

 

Décision de la Commission

 

[13]           La Commission a rendu sa décision le 28 juillet 2011.

 

[14]           La Commission a pris acte de l’argument du demandeur suivant lequel, même s’il n’avait pas été effectivement présent au Canada pendant le nombre de jours requis, l’appelant avait occupé un emploi à temps plein hors du Canada pour une entreprise canadienne et, ce temps, ajouté à celui où il avait été effectivement présent au Canada, était suffisant pour lui permettre de respecter son obligation de résidence.

 

[15]           La Commission a accepté le témoignage du demandeur et celui du président d’IPI quant à la raison pour laquelle le demandeur avait été engagé (en l’occurrence, ses relations et son réseau de contacts en Chine) et le fait qu’il avait été engagé expressément pour travailler en Chine. La Commission a fait observer que le demandeur n’avait pas été engagé pour travailler au Canada et qu’il n’y aurait aucun poste pour lui au Canada s’il perdait son poste en Chine.

 

[16]           La Commission a accepté qu’IPI était une entreprise canadienne au sens de l’alinéa 61(1)a) du Règlement. Elle a également conclu qu’elle disposait de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le demandeur occupait un poste à temps plein et non un poste temporaire et que, même s’il avait été embauché au Canada, son poste n’existait qu’en Chine. La Commission a par conséquent conclu que le demandeur avait été engagé en vue d’occuper un poste local en Chine et qu’il n’avait donc pas fait l’objet d’une affectation au sens du Règlement. L’emploi du demandeur ne satisfaisait donc pas aux exigences énoncées au paragraphe 61(3) du Règlement et la période pendant laquelle il a été employé en Chine n’entrait pas dans le calcul relatif à l’obligation de résidence. La Commission a par conséquent conclu que le refus de délivrer un titre de voyage au demandeur était valide en droit.

 

[17]           La Commission a fait observer que, même si elle concluait que la décision de l’agent des visas était raisonnable, elle avait quand même le pouvoir discrétionnaire de faire droit à l’appel du demandeur sur le fondement de raisons d’ordre humanitaire et de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché par la décision. Après avoir passé en revue les facteurs se rapportant aux raisons d’ordre humanitaire, la Commission a fait observer que le demandeur s’était établi dans une certaine mesure au Canada puisqu’il avait vécu et travaillé à Vancouver avant de commencer à travailler pour IPI en août 2004. Toutefois, entre le 21 mai 2004 et le 21 mai 2009, le demandeur n’avait été présent au Canada que pendant 116 jours. De plus, le seul bien qu’il possédait au Canada était un compte bancaire. La Commission a également fait observer que le demandeur avait épousé une citoyenne chinoise en 2010, qu’il vivait présentement en Chine avec sa femme et qu’il était propriétaire d’une résidence en Chine.

 

[18]           La Commission a ensuite relevé que le demandeur avait une fille d’âge adulte au Canada. Comme il vivait à l’étranger depuis plusieurs années, il y avait peu d’éléments de preuve qui laissaient croire que le fait que le demandeur pouvait perdre son statut de résident permanent entraînerait des difficultés pour sa fille. La Commission a fait observer qu’il n’y avait pas d’enfant mineur dont l’intérêt supérieur devait être pris en considération. Elle a par conséquent conclu qu’il n’existait aucune circonstance particulière ou spéciale en l’espèce.

 

[19]           Pour ces motifs, la Commission a estimé que la conclusion de l’agent des visas selon laquelle le demandeur ne s’était pas conformé à son obligation de résidence était valide en droit et qu’il n’existait pas de raisons d’ordre humanitaire suffisantes pour justifier la prise de mesures spéciales. La Commission a par conséquent rejeté l’appel et prononcé une mesure d’interdiction de séjour.

 

Questions en litige

 

[20]           Le demandeur soumet les points litigieux suivants :

            1.         La Commission a commis une erreur de droit dans son interprétation du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi et du paragraphe 61(3) du Règlement en concluant qu’IPI n’avait pas affecté le demandeur à un poste à l’étranger, en Chine, parce qu’il n’existait pas de poste pour lui au Canada et qu’on ne pouvait donc tenir compte du temps qu’il avait travaillé pour IPI pour déterminer s’il avait respecté son obligation de résidence.

            2.         La Commission a commis une erreur de droit en exerçant de façon déraisonnable le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’alinéa 67(1)c) de la Loi en rejetant l’appel fondé sur des raisons d’ordre humanitaire du demandeur parce qu’elle n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents concernant l’intérêt supérieur de la fille du demandeur ainsi que des éléments de preuve favorables dont elle disposait au sujet de la contribution apportée par le demandeur à l’entreprise canadienne.

 

[21]           Je reformulerais les questions en litige de la matière suivante :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne s’était pas conformé à l’obligation de résidence de la Loi?

            3.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans la façon dont elle a exercé son pouvoir discrétionnaire lors de l’examen des raisons d’ordre humanitaire?

 

Observations écrites du demandeur

 

[22]           Le demandeur soulève deux questions dans le cadre de la présente demande. En premier lieu, il affirme que la Commission a commis une erreur dans son interprétation du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) et du paragraphe 61(3) du Règlement. En second lieu, il soutient que la Commission a commis une erreur dans la façon dont elle a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’alinéa 67(1)c) de la Loi.

 

[23]           Le demandeur fait valoir que la première question se rapporte à l’interprétation que la Commission a faite de sa propre loi et que c’est par conséquent la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s’applique. La deuxième question, qui a trait à l’exercice que la Commission a fait de son pouvoir discrétionnaire, est également assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable.

 

[24]           Sur le premier point, le demandeur fait valoir que sa présence effective au Canada et le temps qu’il a consacré à travailler à temps plein pour le compte d’IPI en Chine, si la Cour reconnaît que ces facteurs satisfont aux exigences prévues au sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi et à l’alinéa 61(1)a) et au paragraphe 61(3) du Règlement, seraient suffisants pour qu’on puisse considérer qu’il a respecté son obligation de résidence aux termes de la Loi.

 

[25]           Le demandeur signale que le paragraphe 61(1) du Règlement définit ce qu’est une entreprise canadienne, ajoutant que la Commission a reconnu qu’IPI répondait à cette définition. Le paragraphe 61(2) de la Loi exclut toute entreprise dont le but principal est de permettre à un résident permanent de se conformer à ses obligations en matière de résidence. Le demandeur fait valoir que la Commission n’a pas laissé entendre dans sa décision qu’IPI tombait sous le coup de cette dernière disposition.

 

[26]           Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur dans son interprétation du mot « affecté » que l’on trouve au paragraphe 61(3) du Règlement. En concluant que cette disposition obligeait le demandeur à reprendre un poste au sein d’IPI au Canada à la fin de son affectation en Chine, la Commission a été plus loin que le paragraphe 61(3) du Règlement et la politique ENF 23 intitulée « Perte de statut de résident permanent ». La Commission devait procéder à une analyse et expliquer les raisons pour lesquelles elle ne retenait pas les éléments de preuve qui contredisaient directement sa conclusion. Le demandeur fait valoir qu’en ne le faisant pas, la Commission a commis une erreur de droit.

 

[27]           Le demandeur signale qu’IPI l’a engagé à l’année pour un poste en Chine alors qu’il se trouvait au Canada. Comme il était susceptible d’être reconduit chaque année, son emploi était temporaire. Le demandeur soutient que la Commission n’a pas tenu compte des éléments de preuve dont elle disposait pour conclure que l’emploi qu’il exerçait n’était pas temporaire. Néanmoins, selon le demandeur, il n’y a rien au sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi qui exige que l’emploi à temps plein qu’un résident permanent exerce à l’extérieur du Canada pour le compte d’une entreprise canadienne soit de nature temporaire.

 

[28]           Le demandeur fait en outre valoir que le paragraphe 61(3) du Règlement n’exige pas qu’un poste lui soit offert au Canada une fois son affectation en Chine terminée. La politique ENF 23 ne prévoit, elle non plus, aucune exigence semblable.

 

[29]           Le demandeur signale par ailleurs plusieurs facteurs de rattachement entre lui‑même et IPI. Par exemple, il traitait directement avec IPI pour obtenir le vaccin à base d’antigènes du Canada. Le demandeur était chargé de la protection des droits de propriété intellectuelle d’IPI, de la supervision de la production des anticorps par l’entreprise chinoise, de l’expédition des anticorps produits en Chine à IPI au Canada, et devait rendre compte de ses activités à IPI et suivre des séances de formation au Canada. Le demandeur payait également de l’impôt au Canada sur ses revenus canadiens. Le demandeur signale par ailleurs qu’IPI contrôlait son affectation depuis son siège social canadien. En résumé, la preuve démontrait que le demandeur satisfaisait à toutes les exigences du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi et du paragraphe 61(3) du Règlement et qu’il avait donc le droit que l’on tienne compte de la période de temps pendant laquelle il avait travaillé en Chine pour IPI pour déterminer s’il s’était conformé à son obligation de résidence.

 

[30]           Pour ce qui est des raisons d’ordre humanitaire, le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’intérêt supérieur de sa fille au Canada. De plus, le travail que le demandeur a effectué en Chine a permis à IPI de se concentrer sur la recherche et le développement et sur la commercialisation sa technologie au Canada, ce qui a profité aux établissements médicaux et de recherche canadiens. Le demandeur a donc contribué à l’économie canadienne en facilitant les succès d’IPI et en payant des impôts sur ses revenus. Il soutient qu’en ignorant ces facteurs, la Commission a commis une erreur de droit dans la façon dont elle a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’alinéa 67(1)c) de la Loi.

 

Observations écrites du défendeur

 

[31]           Le défendeur est d’accord avec le demandeur pour dire que la norme de contrôle applicable en ce qui concerne les questions soulevées dans la présente demande est celle de la décision raisonnable.

 

[32]           Le défendeur affirme que, contrairement à la prétention du demandeur selon laquelle il a été engagé à titre temporaire et son contrat devait être reconduit chaque année, la durée du contrat de travail du demandeur s’étendait du 1er août 2004 au 31 août 2010. De plus, ce contrat ne stipulait nulle part que le demandeur travaillerait au Canada une fois son affectation terminée. À l’appui de son argument, le défendeur signale une clause du contrat qui précise que toute reconduction dépend du rendement du demandeur en Chine. De plus, la lettre de recommandation d’IPI parle du demandeur comme étant le [traduction] « représentant d’entreprise d’IPI en Chine » et elle est muette sur les perspectives d’emploi du demandeur à son retour au Canada.

 

[33]           En ce qui concerne les raisons d’ordre humanitaire, le défendeur affirme que la Commission a raisonnablement conclu que le demandeur ne s’était pas solidement établi au Canada. Le défendeur relève que le demandeur s’est établi en Chine et qu’il a passé peu de temps au Canada au cours des cinq dernières années. De plus, bien qu’il ait une fille d’âge adulte qui vit au Canada, le demandeur ne mentionne le nom d’aucun enfant sur sa demande de titre de voyage.

 

[34]           En ce qui concerne l’argument formulé par le demandeur au sujet de sa fille, le défendeur relève qu’on ne trouve au dossier du demandeur aucune précision sur l’âge de sa petite‑fille. De plus, on ne trouve dans la lettre d’appui de la fille du demandeur rien au sujet des rapports que le demandeur entretient avec sa petite‑fille. Le défendeur affirme qu’il incombe au demandeur de fournir des éléments de preuve pour démontrer les liens qu’il entretient avec sa petite‑fille. Dans le cas qui nous occupe, la Commission ne disposait d’aucun élément de preuve permettant de penser que la décision de la Commission de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur aurait des répercussions sur un enfant mineur.

 

[35]           Le défendeur affirme que les motifs exposés par la Commission pour justifier sa décision sont suffisants pour ce qui est des deux questions soulevées par le demandeur.

 

Analyse et décision

 

[36]           Première question

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la jurisprudence a déjà arrêté la norme de contrôle devant s’appliquer à une question en particulier, la cour de révision peut adopter cette norme (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, paragraphe 57).

 

[37]           Les parties sont d’accord pour dire que toute appréciation de l’interprétation de l’obligation de résidence qui est effectuée en vertu du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi et du paragraphe 61(3) du Règlement est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Jiang, 2011 CF 349, [2011] ACF no 560, aux paragraphes 29 à 31).

 

[38]           De même, la conclusion tirée par un décideur au sujet de raisons d’ordre humanitaire est en principe assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, le juge Binnie a confirmé que la norme de contrôle appropriée à l’égard d’une décision rendue par la Section d’appel de l’immigration en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la Loi est celle de la décision raisonnable (au paragraphe 58).

 

[39]           Lorsqu’elle procède au contrôle de la décision de la Commission en appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour ne devrait intervenir que si la Commission est arrivée à une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, vu l’ensemble de la preuve dont elle disposait (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59). La cour de révision ne peut substituer la solution qu’elle juge elle‑même appropriée à celle qui a été retenue, et il ne rentre pas dans les attributions de la cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve (arrêt Khosa, précité, aux paragraphes 59 et 61).

 

[40]           Deuxième question

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne s’était pas conformé à l’obligation de résidence de la loi?

            Aux termes du paragraphe 28(1) de la Loi, le résident permanent doit respecter certaines exigences en matière de résidence. Selon l’alinéa 28(2)a) de la Loi, l’obligation de résidence est de 730 jours par période quinquennale.

 

[41]           Dans le cas qui nous occupe, le demandeur a obtenu le statut de résident permanent le 5 mai 1999. Sa résidence au cours de la première période quinquennale n’est pas contestée. Le débat porte sur la question de savoir s’il satisfait à l’obligation de résidence de 730 jours pour ce qui est de la seconde période quinquennale, c’est‑à‑dire celle comprise entre le 21 mai 2004 et le 21 mai 2009. Pendant cette période, le demandeur a été effectivement présent au Canada pendant 116 jours.

 

[42]           Le demandeur affirme toutefois que, comme il travaillait pour une entreprise canadienne en Chine, il tombe sous le coup du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi, qui permet aux résidents permanents d’accumuler des jours de résidence à l’étranger si certaines conditions sont respectées.

 

[43]           L’article 61 du Règlement précise ce qu’il faut entendre par « entreprise canadienne ». Dans le cas qui nous occupe, il est admis aux débats que la Commission a reconnu qu’IPI était une entreprise canadienne.

 

[44]           Le paragraphe 61(3) du Règlement précise le sens de l’expression « travail, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale » que l’on trouve au sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi.

 

[45]           Comme nous l’avons expliqué, cette disposition définit le concept du travail hors du Canada et y ajoute celui de l’affectation, que l’on ne trouve pas au sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi (décision Jiang, précitée, au paragraphe 42).

 

[46]           On trouve des indications additionnelles à ce propos dans la politique ENF 23. Au sujet de l’emploi hors du Canada, la politique en question précise :

6.5.      Emploi hors du Canada

 

Le Règlement permet aux résidents permanents de se conformer à l’obligation de résidence tout en travaillant à l’étranger, pourvu :

 

         qu’ils soient employés à temps plein ou fournisseurs de services à contrat d’une entreprise canadienne ou de l’administration publique lorsque l’affectation est contrôlée à partir du siège social d’une entreprise canadienne ou d’une institution publique au Canada;

 

         qu’ils soient affectés à temps plein, au titre de leur emploi ou de leur contrat de fourniture, à un poste à l’extérieur du Canada auprès de cette entreprise, d’une entreprise affiliée ou d’un client.

 

 

[47]           Jusqu’à maintenant, la jurisprudence est peu abondante en ce qui a trait au concept de l’affectation que l’on trouve au paragraphe 61(3) du Règlement. Toutefois, ce concept a été abordé dans la décision Jiang, précitée. Dans cette affaire, la demanderesse n’avait été présente au Canada que pendant 66 jours au cours de la période quinquennale applicable et elle avait travaillé à temps plein en Chine pour Investissement Québec dans le cadre de divers contrats à durée déterminée pendant une période correspondant à 679 jours. La SAI avait conclu que la demanderesse avait été affectée à temps plein dans le cadre de son emploi avec Investissement Québec en Chine et qu’elle satisfaisait donc aux exigences du paragraphe 61(3) du Règlement (décision Jiang, précitée, au paragraphe 10).

 

[48]           Pour rendre sa décision, le Tribunal avait conclu que le mot « affecté » au sens du paragraphe 61(3) du Règlement ne pouvait signifier que le sens grammatical commun tel que « nommé, désigné ou destiné » (décision Jiang, précitée, au paragraphe 45). La Cour a estimé que la SAI avait commis une erreur parce qu’elle n’avait pas expliqué les raisons pour lesquelles elle écartait les définitions du mot « affecté » qui impliquaient un déplacement d’un poste à un autre (décision Jiang, précitée, au paragraphe 47). La Cour a par ailleurs souligné que le dossier ne contenait aucun élément de preuve documentaire confirmant un engagement ferme dans le temps de la part de l’employeur qui permettrait de conclure que la demanderesse intègrerait un poste au sein d’Investissement Québec à Montréal à la suite de son séjour temporaire en Chine (décision Jiang, précitée, au paragraphe 49).

 

[49]            Le juge Richard Boivin a fourni les explications suivantes au sujet du sens du mot « affectation » (décision Jiang, précitée, au paragraphe 52) :

[…] Le mot affectation dans le contexte du statut de résident permanent interprété à la lumière de la Loi et du Règlement implique nécessairement un facteur de rattachement avec l’employeur situé au Canada. Le mot « affecté » au paragraphe 61(3) du Règlement signifie qu’un individu, qui occupe un poste à l’extérieur du Canada de façon temporaire et garde un lien de rattachement avec une entreprise canadienne ou avec l’administration publique fédérale ou provinciale, est donc susceptible de revenir au Canada […]

 

 

[50]           Se fondant sur son examen de la décision de la SAI, le juge Boivin a conclu :

53        La précision ajoutée par le législateur au paragraphe 61(3) du Règlement crée un équilibre entre l’obligation imposée au résident permanent de cumuler le nombre de jours requis en vertu de la Loi tout en reconnaissant les occasions qui peuvent s’offrir aux résidents permanents d’aller travailler à l’étranger.

 

54        Par conséquent, la Cour est d’avis que, compte tenu de la preuve au dossier, la conclusion du Tribunal à l’effet que tout résident permanent qui occupe à temps plein un poste à l’extérieur du Canada pour une entreprise canadienne éligible peut cumuler des jours permettant de s’acquitter de l’obligation de résidence énoncée à l’article 28 de la Loi, est déraisonnable.

 

 

[51]           À l’audience, les deux parties ont également formulé des observations au sujet d’un jugement récent, Bi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 293, [2012] ACF no 366. Dans cette affaire, le demandeur s’était rendu en Chine environ un mois après avoir obtenu le statut de résident permanent canadien. En Chine, il était resté sans travail pendant un certain temps. Toutefois, au bout d’environ 16 mois, il s’était trouvé du travail comme directeur général adjoint au sein d’une entreprise canadienne. En réponse à la demande de titre de voyage qu’il avait par la suite présentée, un agent d’immigration avait estimé que le demandeur ne s’était pas conformé à son obligation de résidence. Dans le cadre du contrôle de la décision de l’agent, le juge Simon Noël a examiné la jurisprudence existante et a conclu, au paragraphe 15, que la décision Jiang, précitée indiquait que :

[…] À l’évidence, la Cour s’est opposée à ce qu’un employé cumule des jours en vue de satisfaire à l’obligation de résidence en étant simplement embauché à temps plein à l’extérieur du Canada par une entreprise canadienne. Elle a plutôt exprimé l’avis que le résident permanent doit obtenir une affectation temporaire, garder un lien de rattachement avec son employeur et, après l’affectation, continuer de travailler pour ce dernier au Canada. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[52]           Plus loin, le juge Noël rappelle ce qui suit, au paragraphe 21:

Dans Jiang, la Cour a exprimé l’avis que pour pouvoir prendre en compte le temps passé à l’extérieur du Canada en vue de satisfaire à l’obligation de résidence, il faut que le résident permanent soit affecté de façon temporaire, qu’il garde un lien de rattachement avec son employeur et que, après l’affectation, il revienne travailler pour ce dernier au Canada. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[53]           Ainsi, il ressort des décisions Jiang et Bi, précitées, que le concept d’affectation que l’on trouve au paragraphe 61(3) du Règlement exige que l’employé revienne travailler pour son employeur au Canada à la suite de son affectation à l’étranger.

 

[54]           Dans le cas qui nous occupe, la Commission a accepté le témoignage du demandeur suivant lequel il avait été engagé par une entreprise canadienne au Canada pour travailler à temps plein pour elle en Chine. La Commission a fait observer que le demandeur n’avait pas été engagé pour travailler au Canada et qu’il n’y aurait aucun poste pour lui au Canada s’il perdait son emploi en Chine. La Commission a par conséquent conclu que le demandeur avait été engagé pour exercer un emploi local en Chine et qu’il n’y avait donc pas eu d’affectation au sens du Règlement.

 

[55]           Le demandeur affirme que la Commission a été plus loin que le paragraphe 61(3) du Règlement et la politique ENF 23 en exigeant qu’il reprenne un poste au sein d’IPI au Canada à la fin de son affectation en Chine. Il ajoute que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il exerçait un emploi à temps plein, étant donné que son poste était susceptible d’être reconduit chaque année et qu’il s’agissait donc d’un poste temporaire et non d’un poste à temps plein. De plus, il existait plusieurs facteurs de rattachement entre le demandeur et IPI, comme en faisaient foi les fonctions qu’il exerçait, le fait qu’il payait de l’impôt, que son salaire faisait l’objet de retenues à la source conformément aux lois canadiennes et qu’IPI contrôlait son affectation depuis son siège social au Canada.

 

[56]           En revanche, le défendeur fait valoir que, comme le contrat de travail du demandeur couvrait la période du 1er août 2004 au 31 août 2010, il s’agissait d’un emploi à temps plein et non d’un emploi temporaire. Le défendeur signale également que le contrat ne prévoyait aucune disposition permettant au demandeur de travailler au Canada après l’expiration de son contrat.

 

[57]           Il ressort de l’examen du contrat de travail du demandeur que ce dernier exerçait effectivement un emploi à temps plein échelonné sur une période de six ans :                

[traduction] Le contrat prend effet le 1er août 2004 et se termine le 31 août 2010. Il pourra être reconduit, selon le rendement de M. Wei en Chine.

 

 

[58]           La reconduction du contrat au terme de la période de six ans dépendait du rendement du demandeur en Chine.

 

[59]           Même si son lieu de travail était en Chine, le demandeur avait au départ été approché et recruté par une entreprise canadienne au Canada. À l’audience, il a expliqué qu’il demeurait en contact avec le président d’IPI au Canada. Il venait par ailleurs chaque année au Canada, emportait avec lui des chargements d’anticorps qu’il remettait à IPI et suivait des séances de formation données par IPI. La preuve appuie donc l’existence du facteur de rattachement requis.

 

[60]           La décision de la Commission reposait toutefois en dernière analyse sur le fait que le demandeur ne pouvait compter sur un emploi à son retour au Canada. Suivant la jurisprudence existante de notre Cour sur cette question, j’estime que la Commission a rendu une décision raisonnable en concluant qu’il n’y avait pas eu d’affectation au sens de la Loi et du Règlement.

 

[61]           Troisième question

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans la façon dont elle a exercé son pouvoir discrétionnaire lors de l’examen des raisons d’ordre humanitaire?

            En cas d’inobservation de l’obligation de résidence, la Commission est habilitée, aux termes de l’alinéa 28(2)c) de la Loi, de constater que des circonstances d’ordre humanitaire relatives aux résidents permanents – compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché – justifient le maintien du statut de résident permanent.

 

[62]           Dans sa décision, la Commission a relevé que le demandeur avait une fille d’âge adulte au Canada. Toutefois, comme le demandeur vivait en Chine depuis plusieurs années, la Commission a estimé qu’il y avait peu d’éléments de preuve permettant de penser que la fille du demandeur serait lésée de quelque façon par suite de la perte du statut de résident permanent de ce dernier. La Commission a également fait remarquer qu’il n’y avait pas d’enfant mineur dont l’intérêt supérieur devrait être pris en considération dans le cadre du présent appel.

 

[63]           D’entrée de jeu, il est nécessaire de dissiper une certaine confusion présente dans la décision de la Commission et les arguments formulés par les parties au sujet de la fille du demandeur.

 

[64]           La question de la fille du demandeur n’a pas retenu beaucoup l’attention à l’audience. Voici l’essentiel des échanges qui ont eu lieu à ce sujet :

                        [traduction] 

Q : … Quand vous êtes‑vous marié la première fois?

 

R : Je me suis marié pour la première fois en 1987.

 

Q : Quand avez‑vous divorcé d’avec votre première femme?

 

R : En 1995.

 

Q : Combien d’enfants avez‑vous eus de ce mariage?

 

R : Aucun de ce mariage, mais après mon divorce, une fille est née.

 

Q : Très bien. Où se trouve votre fille maintenant?

 

R : Elle s’est mariée et vit maintenant au Canada.

 

Q : Votre fille est mariée?

 

R : Non, je veux dire la mère de ma fille.

 

R : Très bien. Donc, la mère de votre fille s’est remariée et vit maintenant au Canada?

 

A : C’est exact.

 

 

[65]           On trouve dans le dossier de la demande du demandeur deux copies d’une demande de titre de voyage qui portent toutes les deux la date du 18 mai 2009.

 

[66]           Les inscriptions que l’on trouve dans la première demande de titre de voyage sont manuscrites et la demande porte un timbre daté du 20 mai 2009. La fille du demandeur n’est pas mentionnée dans ce formulaire. Dans les notes versées au STIDI, l’agent des visas signale qu’aucune raison d’ordre humanitaire n’a été invoquée dans la demande.

 

[67]           En revanche, la deuxième demande de titre de voyage a été tapée à la machine et ne comporte pas de date de tampon de réception. Dans cette formule, l’existence d’une [traduction] « fille au Canada » fait partie des diverses raisons d’ordre humanitaire qui sont énumérées (les autres étant l’établissement au Canada, la contribution à l’essor d’une entreprise canadienne et les appuis sur lesquels le demandeur peut compter au sein de la collectivité). Dans le formulaire qui accompagne la demande et qui concerne la composition de la famille et qui donne certains détails au sujet des études et des antécédents professionnels, le demandeur a indiqué le nom de sa fille ainsi que la date de naissance de cette dernière, le 16 février 1999.

 

[68]           Ce second formulaire a été versé au recueil de documents que le demandeur a déposé auprès du registraire de la Commission de l’immigration et du Statut de réfugié le 5 mai 2011, soit 20 jours avant la date de l’audience.

 

[69]           Aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi les renseignements étaient différents dans les deux formulaires. Toutefois, à l’audience, en réponse à la question de savoir pourquoi il n’avait pas révélé l’existence de sa fille dans sa demande de titre de voyage, le demandeur a expliqué que son ex‑épouse (sa seconde épouse) avait la garde de leur fille et qu’il pensait donc qu’il devait être considéré comme n’ayant pas de fille.

 

[70]           De plus, une lettre traduite du chinois vers l’anglais et écrite par la fille du demandeur, Amy Wei, a également été jointe aux documents soumis à la Commission à l’audience. Cette lettre portait :

                        [traduction] 

Je suis très heureuse d’apprendre que l’employeur de mon père l’a fait revenir de la Chine et qu’il est maintenant au Canada.

 

Chaque fois que mon père rentre, il m’invite dans de beaux restaurants pour dîner ou souper. Il m’amène aussi faire des emplettes au centre‑ville et m’achète de beaux vêtements. Il m’amène même parfois à Playland!

 

Il y a quelques jours, il m’a fait visiter un appartement qu’il est intéressé à acheter pour moi. J’ai décidé d’étudier fort à l’école pour le remercier.

 

Comme mon père aime beaucoup la vie au Canada et qu’il estime que le système scolaire est également très bon au Canada, j’ai décidé d’étudier très fort et j’espère pouvoir être admise plus tard à UBC et de pouvoir travailler pour le gouvernement canadien.

 

 

[71]           Les observations formulées par les parties dans le cadre de la présente demande ont perpétué la confusion. Dans son premier mémoire des faits et du droit, le demandeur mentionne le fait que sa fille et sa petite‑fille vivent au Canada. Le défendeur a répondu en soulignant qu’on trouvait très peu de renseignements au dossier en ce qui concerne la petite‑fille du demandeur. Toutefois, dans son mémoire complémentaire, le demandeur a précisé qu’il n’a pas de petite‑fille étant donné que sa fille est toujours mineure. Sa fille vit au Canada avec sa mère (la seconde femme du demandeur).

 

[72]           Comme nous l’avons déjà expliqué, l’existence de la fille du demandeur est la cause de beaucoup de confusion dans la présente affaire. Toutefois, comme la Commission avait en mains, longtemps avant l’ouverture de l’audience, tant la seconde demande de titre de voyage dans laquelle on trouvait des renseignements au sujet de la fille mineure du demandeur que la lettre écrite par celle‑ci, j’estime que la Commission a commis une erreur en parlant de « fille d’âge adulte » dans sa décision et en déclarant expressément qu’il n’y avait pas « d’enfant mineur dont l’intérêt supérieur doit être pris en considération dans le cadre du présent appel ». Ce faisant, la Commission a fait fi d’éléments de preuve contraires importants et a rendu une décision déraisonnable qui n’était ni justifiable ni intelligible selon la preuve dont elle disposait. Je suis donc d’avis de faire droit à la présente demande et de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

[73]           Le défendeur n’a pas souhaité me soumettre une question grave de portée générale aux fins de certification. Pour sa part, le demandeur a présenté les questions suivantes :

[traduction]

1.         Le mot « affecté » au paragraphe 61(3) du Règlement signifie‑t‑il que l’intéressé qui est affecté à un poste à l’extérieur du Canada doit avoir un poste qui lui est réservé à son retour au Canada au sein de l’entreprise canadienne ou de l’administration publique, fédérale ou provinciale pour laquelle il travaille une fois terminée son affectation à l’étranger?

 

2.         Le mot « affecté » au paragraphe 61(3) du Règlement signifie‑t‑il que l’intéressé qui est affecté à un poste à l’extérieur du Canada doit maintenir des liens avec l’entreprise canadienne ou l’administration publique, fédérale ou provinciale pour laquelle il travaille pendant la durée de son affectation à l’étranger, notamment en exécutant les instructions que lui donne l’entreprise canadienne, en étant payé directement par l’entreprise canadienne au Canada, en revenant au Canada pour suivre des formations au sein de l’entreprise canadienne ou dans le cadre de son emploi, et ce, même s’il n’y a pas de poste pour lui à son retour au Canada?

 

3.         Le mot « affecté » au paragraphe 61(3) du Règlement exige‑t‑il que l’intéressé soit affecté à un poste à l’extérieur du Canada à titre temporaire?

 

 

[74]           Je ne suis pas disposé à certifier ces questions étant donné qu’elles ne permettraient pas de trancher l’appel.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire et RENVOIE l’affaire à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives applicables

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

 

 

(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

 

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

 

 

(i) il est effectivement présent au Canada,

 

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

 

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;

 

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

c) le constat par l’agent que des circonstances d’ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l’inobservation de l’obligation précédant le contrôle.

 

 

 

63. (4) Le résident permanent peut interjeter appel de la décision rendue hors du Canada sur l’obligation de résidence.

 

 

 

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

 

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

 

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

 

(2) La décision attaquée est cassée; y est substituée celle, accompagnée, le cas échéant, d’une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou l’affaire est renvoyée devant l’instance compétente.

 

 

 

 

69. (3) Si elle rejette l’appel formé au titre du paragraphe 63(4), la section prend une mesure de renvoi contre le résident permanent en cause qui se trouve au Canada.

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five‑year period.

 

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

 

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five‑year period if, on each of a total of at least 730 days in that five‑year period, they are

 

(i) physically present in Canada,

 

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common‑law partner or, in the case of a child, their parent,

 

(iii) outside Canada employed on a full‑time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

 

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common‑law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full‑time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

 

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

 

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

 

 

 

 

 

 

 

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five‑year period immediately after they became a permanent resident;

 

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five‑year period immediately before the examination; and

 

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

 

63. (4) A permanent resident may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision made outside of Canada on the residency obligation under section 28.

 

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

 

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

(2) If the Immigration Appeal Division allows the appeal, it shall set aside the original decision and substitute a determination that, in its opinion, should have been made, including the making of a removal order, or refer the matter to the appropriate decision‑maker for reconsideration.

 

69. (3) If the Immigration Appeal Division dismisses an appeal made under subsection 63(4) and the permanent resident is in Canada, it shall make a removal order.

 

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

 

61. (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour l’application des sous‑alinéas 28(2)a)(iii) et (iv) de la Loi et du présent article, constitue une entreprise canadienne :

 

a) toute société constituée sous le régime du droit fédéral ou provincial et exploitée de façon continue au Canada;

 

b) toute entreprise non visée à l’alinéa a) qui est exploitée de façon continue au Canada et qui satisfait aux exigences suivantes :

 

(i) elle est exploitée dans un but lucratif et elle est susceptible de produire des recettes,

 

(ii) la majorité de ses actions avec droit de vote ou titres de participation sont détenus par des citoyens canadiens, des résidents permanents ou des entreprises canadiennes au sens du présent paragraphe;

 

c) toute organisation ou entreprise créée sous le régime du droit fédéral ou provincial.

 

(2) Il est entendu que l’entreprise dont le but principal est de permettre à un résident permanent de se conformer à l’obligation de résidence tout en résidant à l’extérieur du Canada ne constitue pas une entreprise canadienne.

 

(3) Pour l’application des sous‑alinéas 28(2)a)(iii) et (iv) de la Loi respectivement, les expressions « travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale » et « travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale », à l’égard d’un résident permanent, signifient qu’il est l’employé ou le fournisseur de services à contrat d’une entreprise canadienne ou de l’administration publique, fédérale ou provinciale, et est affecté à temps plein, au titre de son emploi ou du contrat de fourniture :

 

a) soit à un poste à l’extérieur du Canada;

 

b) soit à une entreprise affiliée se trouvant à l’extérieur du Canada;

 

c) soit à un client de l’entreprise canadienne ou de l’administration publique se trouvant à l’extérieur du Canada.

 

61. (1) Subject to subsection (2), for the purposes of subparagraphs 28(2)(a)(iii) and (iv) of the Act and of this section, a Canadian business is

 

 

(a) a corporation that is incorporated under the laws of Canada or of a province and that has an ongoing operation in Canada;

 

(b) an enterprise, other than a corporation described in paragraph (a), that has an ongoing operation in Canada and

 

 

(i) that is capable of generating revenue and is carried on in anticipation of profit, and

 

(ii) in which a majority of voting or ownership interests is held by Canadian citizens, permanent residents, or Canadian businesses as defined in this subsection; or

 

 

(c) an organization or enterprise created under the laws of Canada or a province.

 

 

(2) For greater certainty, a Canadian business does not include a business that serves primarily to allow a permanent resident to comply with their residency obligation while residing outside Canada.

 

 

(3) For the purposes of subparagraphs 28(2)(a)(iii) and (iv) of the Act, the expression “employed on a full‑time basis by a Canadian business or in the public service of Canada or of a province” means, in relation to a permanent resident, that the permanent resident is an employee of, or under contract to provide services to, a Canadian business or the public service of Canada or of a province, and is assigned on a full‑time basis as a term of the employment or contract to

 

 

 

 

 

 

(a) a position outside Canada;

 

(b) an affiliated enterprise outside Canada; or

 

(c) a client of the Canadian business or the public service outside Canada.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5730‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  DONG SHENG WEI

 

                                                                        et

 

                                                                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 21 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 17 septembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Z. Wlodyka

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Edward Burnet

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wlodyka MacDonald Teng

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.