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Date : 20120907

Dossier : IMM-7323-11

Référence : 2012 CF 1061

[TRADUCTION  FRANÇAISE CERTIFIÉ, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

PEDRO ANTONIO CASTILLO REYES

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, de nationalité cubaine, a perdu son statut de réfugié aux États-Unis pour avoir été reconnu coupable de crimes graves liés à la drogue. Il a purgé une longue peine d’incarcération. À sa remise en liberté en novembre 2009, il a fait l’objet d’un ordre d’expulsion. Il a omis de se présenter à une convocation au département de la Sécurité intérieure des États-Unis et, en juillet 2010, il a franchi illégalement la frontière canadienne pour demander l’asile.

 

[2]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la revendication du demandeur au motif que l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et la section Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (Convention sur les réfugiés) l’excluent du régime de protection des réfugiés au Canada.

 

[3]               Dans son appréciation de la « gravité » des infractions considérées, la commissaire a pris en considération les facteurs énumérés dans l’arrêt Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2009] 4 RCF 164 (CA) [Jayasekara]. La commissaire a souligné que les États-Unis sont une démocratie et que le mode de poursuite auquel le demandeur avait été  soumis était « juste et judicieux ». Or rien n'indiquait qu'il y avait eu déni de justice. Si le demandeur avait été reconnu coupable au Canada, il aurait été passible de la peine maximale, soit l’emprisonnement à perpétuité. Le demandeur ne conteste pas ces conclusions.

 

[4]               Par conséquent, d’après les conclusions de la commissaire, « il existe des raisons sérieuses de penser que le demandeur d’asile a commis un crime grave de droit commun à l’étranger avant de se rendre au Canada ».

 

[5]               La commissaire a ensuite tenu compte des circonstances aggravantes ou atténuantes applicables au demandeur et aux infractions dont il a été déclaré coupable. Citant l’arrêt Jayasekara, elle a jugé que « les facteurs [à évaluer] se rapportant à la gravité du crime sont ceux “sous-jacents à la déclaration de culpabilité” ». Autrement dit, elle a estimé qu’une preuve de réhabilitation subséquente n’était pas pertinente pour décider de l’applicabilité de la section Fb) de l’article premier.

 

[6]               Le demandeur avait vingt-quatre ans lorsqu’il a été reconnu coupable une première fois. Étant donné la maturité relative à laquelle on se serait attendu d’une personne de cet âge, la commissaire a rejeté l’assertion du demandeur selon laquelle ce sont les mauvaises influences ou la manipulation qui l'ont conduit au commerce de la drogue. Elle a noté que le demandeur avait purgé sa peine d’emprisonnement, mais estimé, citant encore l’arrêt Jayasekara, que cela n’empêchait pas son exclusion

 

[7]               Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision au motif que la Commission a commis une erreur en omettant de reconnaître les éléments probants indiquant qu’il avait parfait son éducation pendant son emprisonnement aux États-Unis, qu’il n’avait pas récidivé après sa remise en liberté et qu’il occupait présentement un emploi dûment rémunéré en vertu d’un permis de travail au Canada.

 

[8]               Le demandeur prétend que la Commission a considéré le fait qu’il ne s’était pas présenté à la convocation en 2010 comme un facteur aggravant, même si cela remonte à plusieurs années après la commission des infractions criminelles. Ayant ainsi considéré ce fait, prétend-il, la Commission avait le devoir de prendre aussi en compte sa conduite positive après lesdites infractions.

 

[9]               La seule question dont je suis saisi, en l’espèce, est de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que la conduite criminelle du demandeur était « grave » au sens de la section Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés sans qu’il ait été tenu compte des éléments indiquant que le demandeur s’était réformé durant son incarcération et s’était réhabilité. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, qui est susceptible de contrôle suivant la norme de la décision raisonnable (Jayasekara, paragraphe 14). 

 

[10]           Pour les motifs que j’ai exposés dans la décision Camacho c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 789, je suis convaincu que la solution de la Commission  fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, paragraphe 59.

 

[11]           Comme l’a dit la Cour d’appel dans l’arrêt Jayasekara au paragraphe 44 :

...les tribunaux s’entendent pour dire que l’interprétation de la clause d’exclusion de la section 1Fb) de l’article premier de la Convention exige, en ce qui concerne la gravité du crime, que l’on évalue les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes sous-jacentes à la déclaration de culpabilité […] En d’autres termes, peu importe la présomption de gravité qui peut s’appliquer à un crime en droit international ou selon la loi de l’État d’accueil, cette présomption peut être réfutée par le jeu des facteurs précités. On ne met toutefois pas en balance des facteurs étrangers aux faits et aux circonstances sous-jacents à la déclaration de culpabilité [] [Non souligné dans l'original.]

 

[12]           Le défaut de se présenter à. la convocation du département de la Sécurité intérieure des États-Unis était un facteur extrinsèque aux faits et aux circonstances sous-jacents à la déclaration de culpabilité. Toutefois, la commissaire n’en a fait mention que brièvement et uniquement dans le contexte de son analyse visant à déterminer si le fait que le demandeur avait purgé sa peine devait être considéré comme un facteur atténuant. Cela n’ouvrait pas la porte à un examen des efforts consentis par le demandeur pour se réformer après avoir été reconnu coupable.

 

[13]           Le demandeur me propose de certifier la question certifiée par la Cour dans la décision Hernandez Febles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1103 :

Lorsque la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié applique la section Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, la réhabilitation de l’intéressé depuis la perpétration des crimes en cause est-elle un facteur pertinent à prendre en considération?

 

[14]           La même question ou une question similaire a été certifiée par la Cour dans les décisions Feimi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 262, et Cuero c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 191.

 

[15]           Le défendeur s’oppose à la certification au motif que la question a déjà été tranchée par la Cour d’appel. Je suis d’accord avec le défendeur, mais suivrai en cela l’exemple de mes collègues, en toute justice pour le demandeur.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      La question suivante est certifiée :

Lorsque la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié applique la section Fb) de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies, la réhabilitation de l’intéressé depuis la perpétration des crimes en cause est-elle un facteur pertinent à prendre en considération?

 

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7323-11

 

INTITULÉ :                                      PEDRO ANTONIO CASTILLO REYES

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 24 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 7 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Clifford Luyt

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alison Engel-Yan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

D. CLIFFORD LUYT

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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