Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20120928

Dossier : IMM-9736-11

Référence : 2012 CF 1147

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

DESERE KATJIUANJO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Citoyenne de la Namibie, la demanderesse revendique le statut de réfugié pour se protéger de son cousin au premier degré, Richard. Sa famille voudrait qu’elle l’épouse, mais la demanderesse affirme qu’il a été agressif à son endroit et qu’il l’a harcelée, battue et violée.

 

[2]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté sa demande d’asile en se fondant sur deux motifs distincts : la crédibilité et le caractère adéquat de la protection de l’État.

[3]               Je suis d’avis que certaines conclusions particulières de la Commission qui l’ont amenée à établir que la demanderesse n’était pas crédible sont déraisonnables. Toutefois, son analyse de la protection de l’État était raisonnable et sur cette base, la présente demande doit être rejetée.

 

[4]               La Commission a estimé que, « sans être irréprochable », la Namibie « souhaite et est en mesure de protéger les femmes ». En se rendant seulement à deux reprises au même commissariat de police, et en omettant de signaler à d’autres autorités ou à des instances supérieures le traitement qu’elle subissait et de profiter des nombreux programmes offerts par l’État aux femmes violentées, la demanderesse « n’a pas pleinement pris l’initiative afin d’obtenir la protection offerte par l’État en Namibie » durant les dix années qu’ont duré les violences alléguées.

 

[5]               La demanderesse affirme qu’elle entretenait une peur subjective de la police. Citant l’arrêt de la Cour suprême Ward c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 2 R.C.S. 689, son procureur soutient que le fait que la demanderesse doit mettre sa vie en danger en sollicitant la protection d’un État, simplement pour démontrer son inefficacité, semblerait aller à l’encontre de l’objet de la protection internationale.

 

[6]               Citant l’arrêt Flores Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94 [Flores Carrillo], le défendeur soutient que la demanderesse devait faire davantage que démontrer qu’elle s’est adressée à quelques membres de la police locale et que ses efforts ont été vains. À mon avis, les passages suivants de l’arrêt Flores Carrillo s’appliquent à la situation de la demanderesse :

[33]      La Commission a conclu que l’intimée n’avait pas déployé d’efforts soutenus pour obtenir la protection de l’État. Pendant quatre années de prétendus mauvais traitements, elle n’avait eu recours à la police qu’une seule fois (cahier d’appel, à la page 45).

[34]      En outre, la Commission a conclu, sur le fondement de la preuve produite devant elle, que l’intimée n’avait pas fait d‘efforts additionnels pour obtenir la protection des autorités lorsqu’il se fut avéré, selon ses dires, que la police locale ne lui offrirait pas la protection qu’elle recherchait. Elle aurait pu alors s’adresser à la Commission nationale ou d’État des droits de la personne, au Secrétariat de l’administration publique, au Programme contre l’impunité ou à la Direction de l’assistance du Contrôleur général, ou encore recourir à la procédure de plainte offerte par le Bureau du procureur général de la République (cahier d’appel, à la page 49).

[35]      Enfin, la Commission fait observer que l’intimée n’avait pas porté plainte contre le frère de son agresseur, qui serait un agent de la police judiciaire fédérale, alors que la preuve indique que les autorités fédérales ont déployé, souvent avec succès, des efforts concrets et considérables pour combattre le crime et la corruption (cahier d’appel, aux pages 46 et 49).

[36]      Étant donné les principes relatifs à la charge de la preuve, à la norme de preuve et à la qualité de la preuve nécessaire pour satisfaire à cette norme, définie comme étant celle de la prépondérance des probabilités selon le contexte factuel, je ne vois rien d’erroné ou de déraisonnable dans la conclusion de la Commission selon laquelle l’intimée n’a pas établi l’insuffisance de la protection de l’État.

 

[7]               La demanderesse reconnaît que la Commission a effectué un travail crédible en analysant les lois qui visent la protection des femmes en Namibie, mais elle prétend que la Commission n’en a pas fait autant pour ce qui est de l’analyse du caractère adéquat et de l’efficacité de ces lois. Je ne suis pas d’accord.

 

[8]               Le dossier soumis à la Cour indique que la Commission a examiné un certain nombre de documents portant sur la situation dans le pays et que bien qu’ils démontrent que la protection de l’État n’est pas parfaite, ce n’est pas, en l’espèce, le critère. Je suis d’avis que les passages suivants de deux de ces rapports illustrent et fondent les conclusions de la Commission sur le caractère adéquat de la protection de l’État :              

[traduction] La loi définit le viol en termes larges et permet les poursuites judiciaires pour viol conjugal. De nombreux cas de viol ont fait l’objet d’une poursuite en justice au cours de l’année, et le gouvernement a généralement appliqué les peines pour viol; les peines prévues vont de 5 à 45 ans d’emprisonnement. Selon les statistiques de la police pour 2009, 11 882 cas de violence fondée sur le genre ont été signalés, et un viol avait été commis dans 1 036 d’entre eux.

Source : Rapport du Département d’État des États-Unis de 2010 sur la Namibie

(publié le 8 avril 2011)

 

La forte progression du nombre de viols répertorié pourrait aussi être attribuée au nombre important de commissariats ouverts en Namibie.

 

En effet, en 1990, lors de l’accès du pays à l’indépendance, la Namibie ne comptait que 75 commissariats. En 2005, elle en comptait 106, dont 26 sous-commissariats et 15 unités de protection de la femme et de l’enfant, ce qui a facilité les dépôts de plainte.

 

Près de 60 pour cent des deux millions d’habitants que compte le pays vivent dans des zones rurales.

 

La plupart des viols (68 pour cent) sont donc signalés rapidement à la police et, dans près de 70 pour cent des cas, les auteurs de ces actes sont appréhendés; ce qui tend à prouver que les victimes connaissent généralement les violeurs, dont 13 pour cent ont entre 13 et 18 ans, précise le rapport.

 

Toujours selon le rapport, 40 pour cent des auteurs de viol sont traduits en justice, alors que 30 pour cent des plaintes pour viol sont retirées par les plaignantes. Dans ce dernier cas, une des raisons évoquées est que la victime a accepté d’être indemnisée, conformément au droit coutumier, bien que cette action ne soit pas incompatible avec la poursuite d’une procédure judiciaire.

 

Le rapport précise également que 16 pour cent des auteurs de viol écopent d’une condamnation à la suite d’un procès.

 

Certes, ce pourcentage des condamnations « pourrait être plus important, mais la Namibie fait déjà mieux que bon nombre d’autres pays. En Afrique du Sud, par exemple, il est de sept pour cent et de 21 pour cent, en Allemagne », a commenté Mme [Diane] Hubbard.

 

Source : Réseaux d’information régionaux intégrés (IRIN) des Nations Unies, Namibie : la majorité des victimes de viol connaissent le violeur, 5 juin 2007.

 

 

[9]               Le dossier étaye les conclusions de la Commission selon lesquelles les mesures prises par demanderesse en Namibie n’ont guère contribué à réfuter la présomption qu’elle pouvait se prévaloir des programmes et des initiatives du gouvernement visant à protéger les femmes, et que ceux-ci étaient en mesure de la protéger.

 

[10]           Pour ces motifs, la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que la décision de la Commission est déraisonnable.

 

[11]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée, et aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9736-11

 

INTITULÉ :                                      DESERE KATJIUANJO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 28 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Solomon Orjiwuru

 

              POUR LA DEMANDERESSE

Rachel Hepburn Craig

 

              POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SOLOMON ORJIWURU

Barrister & Solicitor

Toronto (Ontario)

 

   POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.