Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20120928

Dossier : T-623-12

Référence : 2012 CF 1153

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

HENRY JOSEPH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PARTNER SCHIELKE

ET PREMIÈRE NATION YEKOOCHE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          APERÇU

[1]               Le présent contrôle judiciaire concerne la Première nation Yekooche (une bande indienne au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5), une collectivité agitée où les dernières élections ont donné lieu à des affrontements entre frères et sœurs, voisins et familles.

 

[2]               Le défendeur, qui a terminé troisième lors de l’élection du chef tenue le 28 septembre 2011, s’est servi des règles de révocation pour chasser du pouvoir le chef validement élu à cette occasion, le demandeur. Il a ensuite remporté l’élection partielle à laquelle le demandeur n’avait pas eu le droit de se présenter.

 

[3]               Le présent contrôle judiciaire vise à faire déclarer que les règles de révocation sont invalides et que le demandeur est le chef.

 

II.        CONTEXTE

[4]               La Première Nation Yekooche [la PNY] est régie par des règles électorales et un code électoral coutumiers. Ce code [le code électoral] est en vigueur depuis juillet 1999 et a été modifié une fois. La PNY a aussi adopté un manuel de politique et de procédures distinct du code électoral.

 

[5]               Le code électoral prévoit qu’un poste de membre du conseil de bande devient vacant si son titulaire est absent à trois (3) assemblées consécutives du conseil sans l’autorisation de celui‑ci ou s’il est condamné pour un acte criminel.

[traduction]

8.1 Le poste de chef ou de conseiller du conseil de bande peut devenir vacant dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

            a) son titulaire est absent à trois (3) assemblées régulières consécutives du conseil sans l’autorisation du quorum de celui‑ci;

            b) son titulaire est condamné pour un acte criminel.

 

Code électoral de la Première Nation Yekooche (16 mai 2000)

 

[6]               La durée du mandat du chef et des conseillers de la PNY est de deux ans.

 

[7]               Le code électoral ne prévoit pas d’autres formes de renvoi, par exemple la révocation.

 

[8]               Il renferme cependant une disposition détaillée sur la procédure de modification de ses dispositions, laquelle exige notamment a) qu’un avis soit donné à tous les membres de la bande, b) que ces derniers disposent d’un mois pour examiner la modification et c) que la modification fasse l’objet d’un vote secret des « électeurs » si elle est contestée. D’autres dispositions traitent de l’adoption de règles administratives; c’est sur ces règles que les défendeurs se sont appuyés pour tenter de légitimer les règles de révocation. La disposition pertinente du code électoral prévoit ce qui suit :

[traduction]

10.1 Toute modification proposée au présent code doit être soumise au conseil de bande qui la notifiera à tous les membres de la bande, à qui il donnera au moins un mois pour l’examiner. Tout membre de la bande qui veut contester la modification proposée doit en aviser par écrit le conseil de bande dans ce délai d’un mois. Si une contestation est reçue, une assemblée des électeurs doit avoir lieu, un vote par scrutin secret doit être tenu et la majorité des personnes qui votent doivent être favorables à la modification proposée pour que celle‑ci prenne effet. Avis de cette assemblée doit être affiché dans le bureau de la bande et à d’autres endroits bien en vue dans la collectivité au moins une semaine à l’avance. Si aucune contestation n’est reçue, la modification doit être approuvée par le conseil après l’expiration du délai d’un mois pour prendre effet.

 

10.2 Le chef et le conseil peuvent approuver, au moyen d’une résolution du conseil de bande, tout formulaire, procédure (dont le serment de fonction et les règles de procédure régissant les assemblées du conseil de bande) et autres règles administratives assurant une meilleure application du présent code.

 

Code électoral de la Première Nation Yekooche (16 mai 2000)

 

[9]               Le 29 juillet 2011, les règles de révocation [les règles de révocation] ont été adoptées au moyen d’une résolution du conseil de bande (la RCB). Malgré le fait qu’elles modifiaient le régime électoral, ces règles n’ont pas été incorporées dans le code électoral, mais dans le manuel de politique et de procédures de la PNY.

 

[10]           Les règles de révocation sont reproduites ci‑dessous. Elles prévoient en particulier qu’un membre élu est révoqué et ne peut se présenter à une charge élective pendant deux périodes électorales – quatre ans, dans les faits – si 40 % des personnes habiles à voter signent une pétition pour sa révocation.

[traduction]

1. Tout membre inscrit de la bande Yekooche âgé de plus de 18 ans (appelé « électeur admissible ») à la dernière élection peut lancer une pétition afin d’obtenir la révocation d’un membre élu du conseil, en soumettant au président d’élection une déclaration signée devant témoin d’au plus 200 mots expliquant en détail pourquoi, selon lui, le chef ou [le conseiller] concerné devrait être révoqué. En soumettant sa déclaration, il doit payer la somme non remboursable de 25 $ au titre des frais de traitement au président d’élection de la Première Nation Yekooche.

2. Après avoir reçu la déclaration et vérifié que le requérant est un électeur admissible, le président d’élection entreprend, dans les deux jours suivants, la rédaction d’une pétition pour révocation.

3. Le requérant aura 20 jours pour recueillir les signatures de plus de 40 % des personnes qui étaient habiles à voter à la dernière élection de la Première Nation Yekooche. Des bénévoles peuvent aider le requérant à recueillir ces signatures. Le président d’élection dispose de deux jours après le dépôt de toutes les signatures pour vérifier si un nombre suffisant d’électeurs admissibles ont signé la pétition.

4. Si un nombre suffisant d’électeurs admissibles ont signé la pétition, le membre du conseil visé par celle‑ci cesse d’occuper sa charge immédiatement et une élection partielle doit être déclenchée et tenue dans un délai de 30 jours.

5. Tout membre du conseil qui cesse d’occuper sa charge par suite de la procédure de révocation ne peut se porter candidat à une charge élective pendant au moins deux périodes électorales.

6. Tout membre du conseil qui fait l’objet d’une pétition pour révocation ne peut présenter une telle pétition à l’égard d’une autre personne qui est alors membre du conseil.

 

Résolution du conseil de bande de la Première Nation Yekooche, 28 juillet 2011

 

III.       FAITS

[11]           La PNY est située à 240 kilomètres au nord‑ouest de Prince George, en Colombie‑Britannique. Elle compte 215 membres inscrits et 149 électeurs inscrits.

 

[12]           Les règles de révocation ont été adoptées par le conseil de bande en juillet 2011, alors que la grande majorité de la collectivité était loin de la maison, à la chasse, à la pêche et à la cueillette.

 

[13]           Lors de l’élection du chef et des conseillers le 28 septembre 2011, Henry Joseph a reçu 37 voix (soit presque 50 % des 78 voix exprimées), alors que Partner Schielke est arrivé troisième avec 17 voix. Un taux de participation de 50 % est considéré historiquement comme un taux élevé.

 

[14]           L’élection a été immédiatement contestée parce que le demandeur se serait livré à des pratiques électorales corrompues. Le comité des appels en matière d’élections de la PNY a rejeté à l’unanimité la contestation et, le 11 janvier 2012, Henry Joseph a été assermenté comme chef.

 

[15]           Trois jours plus tard, le directeur général des élections de la bande a reçu une demande de pétition pour révocation en conformité avec les règles de révocation.

 

[16]           Miranda Joseph (le nom de famille « Joseph » est très courant au sein de la PNY) a lancé la pétition et a obtenu 69 signatures représentant plus de 40 % des électeurs inscrits.

 

[17]           Le 20 janvier 2012, le directeur général des élections de la bande a écrit à la PNY pour confirmer la réception de la pétition pour révocation, faisant état de l’appui de plus de 40 % à la révocation et à la tenue d’une élection partielle dans un délai de 30 jours. 

 

[18]           Le demandeur affirme qu’il n’a jamais été avisé de la pétition ni de ses résultats et qu’il ignorait l’existence des règles de révocation. Il savait toutefois qu’une nouvelle élection avait été déclenchée, mais il n’a rien fait pour contester la révocation ou le nouveau processus électoral car il croyait que l’élection partielle était invalide.

 

[19]           Seules deux personnes se sont portées candidates à l’élection partielle du 16 février 2012, et c’est Partner Schielke qui l’a emporté. Le demandeur n’était pas candidat – il ne pouvait pas l’être selon les règles de révocation. Partner Schielke est donc devenu le chef de la bande.

 

[20]           Le demandeur a continué de travailler au bureau de la bande jusqu’à ce que la GRC lui ordonne de partir vu que Partner Schielke était dorénavant le chef.

 

[21]           La genèse des règles de révocation est étrange. Il semble que Cynthia Hill, qui n’était pas un membre de la bande mais qui travaillait au bureau de celle‑ci, a décidé que le système de gouvernance de la PNY n’assurait pas une responsabilité suffisante et elle a élaboré les règles de révocation en s’inspirant, dans une certaine mesure, de la procédure de révocation en vigueur en Colombie‑Britannique, qui est prévue dans la Recall and Initiative Act, RSBC 1996, c 398. Elle a convaincu le conseil de bande de l’époque d’adopter la RCB et les règles de révocation en vertu de l’article 10.2 du code électoral. Ces règles ont été incorporées dans le manuel de politique et de procédures car elles étaient considérées comme des règles administratives.

 

[22]           La révocation a suscité des conflits et le demandeur a mis à la porte le personnel administratif de la bande et a congédié Cynthia Hill. Des allégations, notamment d’utilisation malveillante des fonds de la bande, ont été formulées à l’égard du demandeur par le groupe des mécontents. Les tribunaux de la Colombie‑Britannique ont récemment été saisis d’une demande à ce sujet.

 

[23]           Le présent contrôle judiciaire vise à contester les règles de révocation et l’élection partielle découlant de la révocation.

 

IV.       ANALYSE

[24]           La principale question en litige en l’espèce consiste à déterminer si les règles de révocation ont été correctement adoptées. Les questions en litige sont divisées comme suit :

                     Les règles de révocation ont‑elles été validement adoptées en vertu du code électoral de la PNY comme s’il s’agissait de modifications à celui‑ci?

                     Les règles de révocation font‑elles validement partie du droit régissant les élections selon la coutume de la PNY?

                     L’interdiction de se porter candidat qui est prévue par les règles de révocation est‑elle contraire à l’alinéa 2b) de la Charte et, le cas échéant, est‑elle protégée par l’article premier?

 

A.        La norme de contrôle

[25]           L’affaire concerne l’interprétation du code électoral et l’existence du droit coutumier de la PNY qui peut servir à éclairer ce code. Dans Jackson c Piikani Nation, 2008 FC 130, j’ai statué que la norme de contrôle applicable à la compétence et à l’interprétation des lois constitue l’essentiel du travail de la Cour et que c’est donc la norme de la décision correcte qui s’applique. La même norme doit s’appliquer aussi à la question de savoir si les règles de révocation sont fidèles à la coutume et ont été incorporées validement. Aucune partie n’a contesté la norme de contrôle.

 

B.        La validité de l’adoption

[26]           La Cour doit d’abord déterminer si les règles de révocation ont été adoptées validement en vertu de la disposition applicable du code électoral. La prétention des défendeurs selon laquelle ces règles sont des règles administratives qui pouvaient donc être insérées dans le code électoral en vertu de l’article 10.2 n’est pas fondée. Les règles de révocation modifient essentiellement le code électoral en retirant à une personne dûment élue (et à ses partisans) le droit d’occuper une charge et même de présenter sa candidature à cette charge pendant deux périodes électorales.

 

[27]           Le demandeur a souligné dans ses prétentions que les règles de révocation pourraient avoir pour effet de contrecarrer les désirs de la majorité. Dans une lutte serrée, 40 % des électeurs pourraient aller à l’encontre de la volonté de la majorité en révoquant la personne dûment élue et en l’empêchant de se porter à nouveau candidate à une élection partielle ou à la prochaine élection générale.

 

[28]           À mon avis, cette modification du processus de gouvernance doit à tout le moins être adoptée en vertu des dispositions relatives aux modifications contenues à l’article 10.1 du code électoral. Une révocation a des incidences graves sur toute la structure du processus électoral de la bande. Il ne s’agit pas simplement d’un détail administratif comme ceux qui sont visés à l’article 10.2.

 

[29]           Le fait que les règles de révocation ont été incorporées dans le manuel de politique et de procédures à titre de règles administratives, et non dans le code électoral, indique clairement qu’il n’y a pas eu de modification au sens de l’article 10.1.

 

[30]           Les défendeurs affirment en outre que l’article 10.1 a de toute façon été respecté parce que a) l’on a demandé aux conseillers de la bande de parler aux membres de la bande sur le terrain et b) les règles de révocation ont pu être examinées et commentées lors d’une assemblée générale annuelle de la bande en octobre 2011. Aucune objection qui aurait pu entraîner un vote sur les modifications n’a été soulevée.

 

[31]           Malgré la thèse des défendeurs, il y a tout au plus une preuve très mince qui étaye la prétention selon laquelle [traduction] « tous les membres de la bande » ont été avisés comme l’exigeait l’article 10.1. Il faut entendre par [traduction] « tous les membres de la bande » tous les membres de la bande habiles à voter, soit 149 personnes. Il y a peu d’éléments de preuve qui démontrent que les conseillers ont parlé à des membres admissibles, encore moins à tous les membres admissibles, alors qu’ils étaient sur le terrain.

 

[32]           En ce qui concerne l’assemblée générale annuelle, la preuve n’établit pas que l’on a indiqué que les règles de révocation allaient y être examinées. Les défendeurs n’ont même pas produit l’avis officiel de convocation à cette assemblée ou un ordre du jour indiquant que les règles de révocation pouvaient y être examinées.

 

[33]           Il n’est pas clair non plus à quel moment le délai d’examen d’[traduction] « un mois » a commencé à courir.

 

[34]           La disposition prévoyant la notification et le délai d’examen des modifications proposées au code électoral n’est pas une disposition de forme sans importance. Il s’agit au contraire d’une disposition importante qui peut entraîner la tenue d’un scrutin sur la question de savoir si la modification devrait être adoptée. La volonté de la bande, qui est exprimée dans le code électoral, doit être respectée. Elle ne l’a pas été en l’espèce.

 

 

C.        Les règles de révocation à titre de droit coutumier

[35]           Le critère qui sert à déterminer ce qui constitue le droit coutumier est bien décrit dans Bigstone c Big Eagle, 52 FTR 109, 1992 CarswellNat 721 (CF), au paragraphe 20 :

Sauf si elle est définie par ailleurs dans le cas d’une bande donnée, la « coutume » doit inclure, à mon sens, des pratiques touchant le choix d’un conseil qui sont généralement acceptables pour les membres de la bande, qui font donc l’objet d’un large consensus. S’agissant d’une bande reconstituée dont la situation diffère beaucoup (p. ex. la majorité des membres n’habitant pas dans la réserve) de celle de la bande dissoute il y a quatre-vingt-dix ans, il n’est pas étonnant qu’il faille prendre des mesures innovatrices pour établir une « coutume » contemporaine. Pour ce qui est de la validité de la constitution, la question véritable semble donc se rattacher à sa légitimité politique, et non juridique : la constitution résulte-t-elle de l’accord de la majorité de ceux qui, d’après la preuve produite, paraissent être des membres de la bande? C’est une question qu’un tribunal ne doit pas chercher à trancher en l’absence de critères juridiques discernables qu’il peut appliquer. Certes, l’exercice de la surveillance judiciaire peut être justifié par d’autres motifs, s’il y avait une preuve claire de fraude ou d’autres actes imputables aux défendeurs, qui ne sauraient de toute évidence être autorisés par la Loi sur les Indiens, mais aucune preuve ne m’a été présentée quant à de telles activités.

 

[36]           On reconnaît que les coutumes ne sont pas immuables et qu’elles peuvent évoluer si les circonstances changent (Bande indienne du lac McLeod c Chingee, 153 FTR 257, 1998 CarswellNat 1629 (CF)), ce qui ne signifie pas cependant qu’elles changent constamment ou qu’elles dépendent de l’inspiration du moment.

 

[37]           La question la plus importante que la Cour doit se poser est de savoir si ce qui est avancé constitue la véritable volonté des membres de la bande dans l’ensemble. La Cour peut faire abstraction des irrégularités de forme si elle est convaincue que la volonté des gens est reflétée. C’est à la bande qu’il appartient de déterminer comment elle veut se gouverner.

 

[38]           Le dilemme des défendeurs tient au fait qu’ils ne peuvent pas démontrer qu’il y avait ou qu’il y a une coutume relative à la révocation. Les règles de révocation ne trouvent pas leur origine dans la consécration d’une coutume de la bande, mais dans une modification de la législation de la Colombie‑Britannique découlant du fait que la gouvernance de la bande ne semblait pas être adéquate.

 

[39]           Les auteurs de nombreux affidavits déposés en l’espèce ont déclaré qu’ils voyaient les règles de révocation pour la première fois et qu’ils ignoraient jusqu’à maintenant que la PNY avait de telles règles ou même qu’ils auraient pu les consulter (voir les affidavits d’Henry Joseph, de Brenda Joseph, de Matthew Joseph, de William Joseph, de Bessie Joseph, de Sandra Beausejour et de Carol Beausejour).

 

[40]           Même les auteurs des affidavits déposés par les défendeurs confirment que les règles de révocation ont dû leur être expliquées. Un seul déposant a dit que la révocation faisait partie des coutumes de la bande. Ce déposant se souvenait vaguement qu’un chef avait déjà été révoqué, mais il n’existait aucun détail de l’incident et celui‑ci n’a pas été corroboré. Cette preuve est peu convaincante.

 

[41]           Il ressort clairement de la nature et du contenu des affidavits déposés par les parties qu’il n’y a pas consensus sur la question de savoir si la révocation faisait partie de la coutume de la bande.

 

[42]           Lorsqu’un code électoral régit presque totalement des questions comme l’inconduite, la révocation et la suspension, on dit qu’il [traduction] « règle la question » et il ne peut pas être complété par la preuve d’autres pratiques. Les défendeurs soutiennent que le code électoral ne [traduction] « règle pas la question » en ce qui regarde la révocation. Selon eux, un régime de révocation non décrit dans le code électoral coutumier peut être créé par des pratiques de la bande.

 

[43]           Les défendeurs ont raison lorsqu’ils affirment que les dispositions actuelles sur la révocation (défaut d’assister aux assemblées et condamnation pour un acte criminel) ne [traduction] « règlent pas la question » de la perte d’une charge élective. La disposition sur la révocation est peu détaillée. Elle ne vise pas les autres formes de déchéance que l’on trouve souvent dans les codes électoraux. En outre, la preuve n’indique pas que la bande a pris ces autres formes en considération et qu’elle les a écartées. En conséquence, la Cour conclut que la bande n’avait pas l’intention de [traduction] « régler la question » de la révocation.

 

[44]           Or, même si la disposition sur la révocation est limitée, la Cour ne peut pas retenir l’argument des défendeurs selon lequel une coutume moderne peut apparaître et modifier cette disposition du code électoral. Un tel argument va à l’encontre de la notion de « coutume » et des dispositions du code électoral sur les modifications.

 

[45]           La disposition du code électoral sur les modifications est détaillée. C’est elle qui reflète le mieux la volonté de la bande quant à la mise en œuvre des modifications apportées au processus électoral.

 

[46]           La preuve de l’existence passée d’une coutume relative à la révocation est insuffisante. L’est également la preuve de l’existence d’un vaste consensus concernant le fait qu’une telle coutume s’est développée, comme les défendeurs l’ont laissé entendre.

 

V.        CONCLUSION

[47]           Par conséquent, il n’y a aucune disposition écrite valide régissant la révocation ni aucune coutume relative à la révocation non écrite dans le code électoral. Les règles de révocation n’ont jamais été validement adoptées et la pratique coutumière n’a pas été prouvée.

 

[48]           Il n’est ni nécessaire ni souhaitable d’examiner les arguments relatifs à la Charte vu les conclusions de la Cour sur la validité des règles de révocation. L’interdiction de se porter candidat à deux élections consécutives n’a aucun effet en pratique.

 

[49]           Le différend en cours concernant des actes commis par Henry Joseph pendant qu’il était chef peut faire l’objet d’autres recours judiciaires.

 

[50]           La Cour rendra un jugement déclaratoire portant :

                     que les règles de révocation sont invalides;

                     que toute révocation d’Henry Joseph est illégale et sans effet;

                     que l’élection partielle du 16 février 2012 est illégale et sans effet;

                     qu’Henry Joseph doit être réintégré dans la charge de chef de la Première Nation Yekooche à compter du 11 janvier 2012;

                     que la bande doit aviser immédiatement Affaires autochtones et Développement du Nord de la réintégration du chef Joseph.

 

[51]           Les dépens du demandeur seront payés par les défendeurs, lesquels en seront solidairement responsables.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  Les règles de révocation sont invalides.

2.                  Toute révocation d’Henry Joseph est illégale et sans effet.

3.                  L’élection partielle du 16 février 2012 est illégale et sans effet.

4.                  Henry Joseph doit être réintégré dans la charge de chef de la Première Nation Yekooche à compter du 11 janvier 2012.

5.                  La bande doit aviser immédiatement Affaires autochtones et Développement du Nord de la réintégration du chef Joseph.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-623-12

 

INTITULÉ :                                      HENRY JOSEPH c

                                                            PARTNER SCHIELKE ET

                                                            PREMIÈRE NATION YEKOOCHE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 18 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 28 septembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jack Woodward, c.r.

Leigh Anne Baker

 

                                 POUR LE DEMANDEUR

 

Niki Sharma

                                 POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Woodward & Company Lawyers LLP

Avocats

Victoria (Colombie-Britannique)

 

                                 POUR LE DEMANDEUR

Donovan & Company

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

                                 POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.